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Projet Triple 3 de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 27/06/2020 à 00:15
» Dernière mise à jour le 20/09/2020 à 17:15

» Mots-clés :   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de Pokémon inventés   Terreur

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Chapitre 15 : Siège
Trois Pokémon bloquant un escalier contre dix-sept Sbires d’élite. Le camp victorieux aurait dû ne faire aucun doute, et pourtant les humains hésitèrent.

L’embrasure de la porte favorisait les petits groupes : elle serait aisée à tenir pour les trois défenseurs, si on pouvait les appeler ainsi. Quant au couloir, pas beaucoup plus large, ses tapis roulants gêneraient les assaillants, dont les Pokémon spécialisés dans les attaques à distance auraient bien du mal à atteindre leurs cibles. Sans compter la grande mobilité de la chimère, à cause de ses Ombres Portées.

À quoi pensaient le Roucarnage et le Spectrum, derrière leurs yeux blessés ? Impossible de le dire. Mais ils se tenaient dans la porte, et le message qu’ils transmettaient était clair. Pour passer, il faudrait combattre encore. Le seul point positif était que le puissant Pokémon Oiseau serait le plus gêné de tous par l’étroitesse des lieux ; en plus, il semblait dérangé par la fumée qui envahissait l’étage de plus en plus agressivement.

Un brouillard mauve bouillonna au milieu du groupe de Sbires ; l’Abomination en jaillit comme une fusée, se précipitant sur la silhouette la plus proche— l’Arbok d’Erika fut fouetté par un assaut violent.

Six autres Pokémon occupaient le couloir ; sept de mieux furent libérés. Mais l’Arbok s’était vite remis ; il avait engagé l’Abomination au corps à corps, Mâchouille contre Griffe Ombre.

Et les crochets du Serpent ne cessaient de gifler les chélicères de son adversaire, la forçant à reculer.

Elle siffla en voyant tout un contingent lui tomber dessus à bras raccourcis ; un voile sombre sembla l’entourer, et juste avant qu’un Rattatac ne lui taillade les pattes avec sa propre Mâchouille, il y eut comme un claquement, une onde de choc qui ensevelit le couloir sous les ténèbres.

L’Explonuit ne donna que peu de champ à la chimère ; le Noarfang de Liz avait déjà entamé un tir de barrage à grands renforts de Pouvoirs Lunaires. Mais quand il dissipa l’obscurité, nulle trace de la cible.

Il n’y avait que les deux Pokémon gardant la porte ; ils n’avaient pas bougé de tout l’affrontement, le Roucarnage invoquant juste un Vent Arrière. Le Spectrum se tenait un peu en retrait derrière lui, comme dans une posture de conseiller. Ils n’avaient même pas échangé un regard ; leur entraînement leur dictait quoi faire pour défendre cette porte.

Conan ordonna à son Rhinastoc de charger. Mais à peine celui-ci eut-il rugi, que l’Abomination se matérialisait à nouveau, au milieu de sa brume pourpre, et attaquait le Perceur au corps à corps.

Il ne la sentit même pas, et continua sa charge en l’emportant avec lui.

Elle galère dans le physique ! comprit Stéphane. Évitez ses attaques spéciales et on l’aura !

La chimère se détacha de Rhinastoc, qui l’avait entraînée dans sa charge furieuse, pour tomber entre les crocs et les griffes d’une demi-douzaine de Pokémon. Elle dut une fois de plus s’enfuir, d’une Ombre Portée qui l’envoya plus loin dans le couloir.

Dans le même temps, Rhinastoc tenta de tacler le Roucarnage, qui se tenait fièrement dans l’embrasure de la porte. Le Spectrum passa au travers de l’Oiseau pour Léchouiller les yeux du type Roche, vite suivi par une Lame d’Air. Peu de choses pouvaient stopper une telle charge ; mais ces deux attaques déconcertèrent totalement Rhinastoc. Quand le Roucarnage s’écarta habilement sur le côté, lui continua tout droit et défonça le mur de la cage d’escalier. Il se redressa, sonné, et tenta de se retourner ; mais le choc eut raison de lui, et il s’écroula au sol.

La situation avait rapidement évolué dans le couloir le temps que le Perceur se mette hors-combat ; il ressemblait à un bras de mer, de part et d’autre duquel deux cuirassés auraient échangé des bordées en remplissant l’air.

D’un côté, un déluge hétéroclite d’attaques spéciales : Pouvoir Lunaire, Lance-Flammes, Détricanon, Hydrocanon, se précipitant dans la même direction plutôt que sur la même cible ; par-dessus le dos de leurs lanceurs, une poignée de Sbires ajoutaient le concours de leurs fusils. De l’autre, une marée de Ball’Ombre endiguait cette déferlante ; de temps en temps s’y ajoutait une nouvelle Explonuit vite dissipée, un Pouvoir Lunaire, un Dracochoc, un Lance-Flammes… La couverture de la chimère semblait aussi illimitée que sa puissance, et elle soutenait sans réelle difficulté le matraquage qu’on lui infligeait. Plus d’une attaque, en en rencontrant une autre, fut détournée vers les murs, le plafond, le sol, à tel point que les tapis roulants ne tardèrent pas à rendre l’âme. La situation semblait bloquée.

Alors les Pokémon adeptes du corps-à-corps, dont aucun n’aurait pu se risquer dans cette bataille, se retournèrent vers la porte ; vers le Roucarnage et le Spectrum qui la protégeaient.

Profitant d’un moment de flottement, ils s’étaient acharnés sur le Rhinastoc abattu ; mais même inconscient, il restait un mur. Ils n’eurent pas le temps de régler définitivement son compte, l’Azumarill de Drucilla ayant jailli à la tête du Roucarnage. Ce dernier se défendit en libérant un Vent Violent mal contrôlé ; par inadvertance, ou peut-être volontairement, il projeta le Spectrum dans le couloir.

Assailli par un Arbok, un Grahyèna et un Malosse qui avaient tous l’air de vouloir le mâchouiller jusqu’à ce que mort s’ensuive, le Spectre se replia précipitamment dans l’escalier, traversant à nouveau le Roucarnage.

Au passage, ses Ball’Ombre ralentirent le Malosse de Claire, que sa petite taille força à rester derrière les deux autres pendant qu’ils attaquaient le Roucarnage.

Ce dernier semblait déterminé à rester sur une position défensive ; en s’aidant du Vent Arrière qui soufflait toujours, il enchaînait Lame d’Air sur Lame d’Air, en prenant soin de ne pas trop attaquer ses deux assaillants, mais au contraire les pousser à se gêner et à gêner tout le monde le plus longtemps possible.

Ce n’était pas un Pokémon très défensif, mais avec l’aide du Spectrum qui lançait des incursions-éclair, voire tirait carrément au travers de son partenaire Normal, la porte aurait pu rester condamnée un certain temps. Ce fut sans compter deux inconvénients.

Le premier fut Malosse. Puisqu’on ne le laissait pas se battre, il cracha une volée de Feu-Follet dans la mêlée, atteignant les quatre Pokémon. Li rappela son Grahyèna, et Erika remplaça son Arbok par deux autres. Ces derniers avaient autant l’habitude de travailler ensemble que les deux défenseurs ; ils exploitèrent habilement leurs brûlures et les yeux crevés du Roucarnage.

Puis une Ball’Ombre perdue par l’Abomination faucha le Spectrum ; le Roucarnage se crispa au même moment, comme si c’était lui que l’attaque avait envoyé valdinguer. Il ne se défendit pas quand les deux Arbok se ruèrent sur lui pour profiter de sa faiblesse.

Dans le couloir, l’Abomination sembla elle aussi affectée ; son tir se fit encore un peu plus brouillon, moins enthousiaste, alors que les Pokémon des Sbires commençaient à mieux s’organiser. Leurs attaques gagnèrent du terrain ; une fois de plus, leur cible se volatilisa juste avant d’être touchée.

La voie était libre. Les Sbires se ruèrent dans l’escalier, grimpant au passage par-dessus un Rhinastoc qui reprenait ses esprits comme il pouvait. Heureusement pour lui, il était bien assez solide pour être piétiné sans réel dommage.

Il y eut une bousculade confuse, comme on se précipitait pour quitter le lieu de l’affrontement— et surtout l’étage enfumé. Comme pour ajouter à l’agitation, l’Abomination se rematérialisa dans le couloir, devant la porte. Le Porygon-2 de Ladislas en bloqua toute la largeur à l’aide d’un Abri, gagnant quelques secondes précieuses qui permirent au Rhinastoc de finalement se relever, son Dresseur à côté de lui.

La chimère n’attaqua pas, laissant ses chasseurs s’enfuir. Les derniers à emprunter l’escalier furent Conan et son increvable Rhinastoc. Devant eux, le Porygon-2 les couvrait de son mieux. Et derrière eux, dans le couloir, la chimère avait marché jusqu’à la porte, et elle les regardait d’un drôle d’air.

Rhinastoc s’attendait à monter l’escalier à reculons tout en contenant ses attaques. Comme elle ne semblait pas se décider à attaquer, il était un peu perdu.

Son détecteur ne lui signalant plus de présence, la porte de la cage d’escalier se referma sur le troisième sous-sol. Les deux Dresseurs et les deux Pokémon eurent un soupir commun de soulagement. Bien sûr, leur adversaire pouvait très bien se téléporter dans l’escalier et reprendre son offensive. Mais elle leur donnait d’assez bonnes raisons de ne pas vraiment y croire. Et surtout, ils avaient quitté l’atmosphère du couloir. Dans l’escalier, au moins, on respirait.

À force de se tenir sur leurs gardes, ils avaient pris du retard sur les quinze autres paires de bottes qui martelaient les marches. Ils ne trouvèrent qu’Albert en arrivant au second sous-sol, qui les attendait.

Où est l’Abomination ? demanda-t-il avec inquiétude.

— Restée immobile en bas, l’assura Ladislas. Y’a des gens à ce niveau ?

— Stéphane et Erika sont allés chercher, euh…

— Oui.

— Et je me suis occupé des explosifs— pardon, vous n’étiez pas là.

— Des explosifs ? bondit Conan. Comment ça !

— Auguste a demandé de déclencher les charges de sûreté de la base. Comme quoi il valait mieux une base effondrée qu’une base en feu.

— Et il a pas ajouté qu’il aimerait voir comment l’autre Abomination y résisterait ? persifla Ladislas.

— Il espère sans doute que ça l’embête un peu si elle oublie encore de se dématérialiser.

— Bah.

Stéphane et Erika revinrent sur ces mots, transportant avec eux un drap replié sur lui-même, probablement raflé au passage dans un dortoir. Les cinq Sbires restèrent muets en retournant à la surface. Ils ne voyaient pas que dire dans une base hantée par un monstre de laboratoire, sur le point de sauter, perdue en montagne, et le tout à quatre heures du matin après une longue soirée la veille. Ils débouchèrent donc avec un soulagement certain dans la cour centrale du monastère ; le bâtiment nord était trop petit pour abriter tout le monde.

Auguste avait libéré son Volcaropod et sa Dracaufeu ; deux cercles de visages se réchauffaient tant bien que mal autour d’eux. Beaucoup d’ombres peuplaient encore la nuit ; dans l’une, le regard de Conan accrocha les silhouettes de Liz et Célia, effondrées l’une contre l’autre. C’était dans ce genre de moments que le Sbire motard se fustigeait d’avoir pris l’habitude de systématiquement balayer les lieux du regard. Quelques fois cela lui avait sauvé la mise ; ici, il venait encore de surprendre un instant d’intimité qui ne lui était pas destiné.

Autour des feux, les mines se faisaient déconfites, les traits tirés. Il n’y avait guère que l’Alakazam de David, assis en tailleur sur la butte du Torterra, qui semblait raisonnablement reposé. Concentré, mais efficace.

Auguste se leva en les voyant sortir, et les héla en douceur.

Venez par ici ; Alakazam devrait pouvoir identifier le corps.

Ils contournèrent un cercle, profitant de l’aura conviviale émanant de la coquille ébrêchée du Volcaropod. Quelques regards épuisés se levèrent vers eux au passage, sans conviction. C’était mauvais, ça, songea Conan en réprimant lui-même un bâillement. Si l’Abomination attaquait, on ne pourrait pas compter sur la plupart des Sbires pour libérer leurs Pokémon et riposter. Bien sûr, c’était compréhensible. Mais cela incitait le Sbire à ne surtout pas baisser la garde.

Et ce même si le Champion était présent, et n’avait pas eu à endurer directement la traque interminable en sous-sol. C’était peut-être une bonne chose que ses Pokémon soient encore en état de se battre ; d’autant qu’ils renvoyaient tous quelques années à ceux des Sbires. Voire aux Sbires eux-mêmes. S’il y en avait qui pouvaient tenir tête à l’apparemment increvable Abomination, c’étaient bien ces vétérans.

Quand Stéphane et Erika déposèrent délicatement leur fardeau devant l’Alakazam, celui-ci rouvrit les yeux et les fixa sur l’extrémité où devait se trouver la tête.

On disait parfois que ces Pokémon pouvaient lire l’avenir. C’était plutôt vrai : très exagéré, mais basé sur une capacité réelle. Le temps, pour de nombreux Pokémon Psy, était transparent ; ils pouvaient le tordre et regarder au travers, à distance. L’Alakazam de David était loin d’avoir l’habileté nécessaire pour prédire l’avenir : il pouvait prévoir le côté où retomberait une pièce de monnaie quand on la lançait, mais peinait dès qu’une décision humaine était impliquée.

Mais ce n’était pas son but. Il allait reconstituer le passé, ce qui était bien plus facile, pour tenter de reconstruire le visage de la Sbire morte. Cela lui prit tout de même près d’une minute, pendant laquelle Conan se demanda comment il réagirait si le félin doré ne pouvait qu’obtenir une image datant de l’attaque de l’Abomination. Ce serait quand même mieux qu’il remonte avant.

Finalement sa vision se troubla ; un visage s’imprima sur sa rétine, par-dessus la noirceur de la nuit. Il était intact, mais ses yeux verts azur reflétaient une angoisse persistante.

Sylviane.

Auguste hocha la tête ; l’Alakazam referma les yeux, et une fois de plus, une certitude bizarre envahit le Sbire. L’Abomination était restée au niveau le plus profond de la base ; difficile de dire où, sa présence sombre débordait trop, mais le Pokémon Psy restait formel. Les humains qui l’entouraient essayèrent de ne pas penser au fait que pendant un moment, il s’était écarté de la chimère.

Bon, lança Auguste à la ronde. Vous en avez assez fait pour cette nuit, je pense. Reposez-vous comme vous pouvez, je monterai la garde. Et si personne n’a d’objection, je pense que je vais faire s’effondrer cette base, maintenant.

Le système n’était pas totalement centralisé, se rappela Conan. Il fallait l’activer manuellement dans la base, pour qu’il ne soit pas corrompu par une mafia adverse, après quoi le responsable de la base pouvait déclencher un détonateur. Une fois de plus, le Champion se servit de son bracelet multifonctions. Quand même, c’était déroutant de penser que cette base récente avait conservé les normes paranoïaques d’une autre époque.

Une vibration courut sous les pieds des Sbires, faisant relever la tête à quelques-uns d’entre eux. Le grondement se poursuivit quelques secondes, puis s’atténua et cessa. Par rapport à l’éboulement qu’il annonçait, il semblait étonnamment silencieux ; mais les sous-sols de la base étaient creusés dans la montagne, pas sous la cour.

David, qui battait la semelle non loin de son Alakazam, s’adressa au Champion.

Au fait, j’ai pas saisi pourquoi tu voulais faire s’effondrer la base. C’est pas contre toi, hein, j’ai juste pas du tout écouté.

— Bof, répondit Auguste sans grande conviction. Je ne l’ai pas trop expliqué, non plus. On ne sait pas exactement comment Canaima a pu devenir aussi dangereuse, mais vu sa tendance à manger n’importe quoi d’à peu près comestible, et sachant qu’on avait quelques produits chimiques divers dans les labos, j’ai préféré ne pas prendre trop de risque. Alors oui c’est une perte pour la Team, et on ne peut plus tenter quoi que ce soit contre Canaima jusqu’à ce qu’elle décide de sortir ; mais en attendant, il y a peu de chances pour qu’elle boive quoi que ce soit de suspect. Enfin ça aura étouffé l’incendie, et je sais pas pour vous mais j’ai pas trop envie de voir des pompiers débarquer dans le coin.

— Pas faux, admit David. Du coup Alakazam, elle est encore là-dessous, hein ?

C’était absurde de demander, songea-t-il ; si j’avais vu quoi que ce soit, bien sûr que je vous aurais prévenu, maître. Il lui fallut un moment de fatigue confuse pour se rendre compte que c’était son Alakazam qui avait pensé, et non lui. Ça fait combien de temps que vous n’avez pas dormi ?

Merci, ça ira… bâilla-t-il.

— Mais du coup, s’inquiéta un Sbire. On sert un peu d’appâts pour attirer l’Abomination ?

À ces mots, une vague de frayeur parcourut le camp. On sursauta, on s’agita, on saisit à sa ceinture la Ball contenant le Pokémon le plus fiable, ou le plus en forme, ou le premier venu, on se tendit, on jeta partout des regards vigilants ; l’Abomination elle-même n’aurait pas produit plus d’effet en surgissant en plein milieu du campement improvisé.

Du calme, du calme ! demanda Auguste. Oui, j’espère en partie qu’elle viendra par ici. C’était mal calculé de ma part de vous envoyer la pourchasser sous terre.

Mais ne croyez pas pour autant que vous êtes autant en danger qu’au sous-sol. Il est quatre heures du matin, l’aube approche ; et une fois le soleil levé, nous aurons beaucoup moins à craindre de Canaima. La nuit la renforce, visiblement.

Quoi qu’il en soit je l’ai sous-estimée, et cela vous a coûté cher. Je ne peux plus vous demander de réparer mes erreurs. Sitôt que Canaima fera mouvement, sitôt qu’Alakazam nous préviendra, j’irai la combattre moi-même.

Selon David, cela ressemblait beaucoup à un discours. Le Champion eut l’effet escompté sur ses troupes, d’ailleurs ; les visages se décrispèrent, les bras se détendirent, les poignes nerveuses se relâchèrent autour des Poké Ball. Et à l’inverse, le doctorant ne put s’empêcher de remarquer qu’Auguste avait tout fait pour rester aussi impassible qu’il le pouvait en annonçant son intention de s’en prendre à la chimère lui-même.

Il ne put s’empêcher de se demander si son patron ne risquait pas un peu gros. Certes ; l’avantage numérique d’une vingtaine de classe trois n’avait pas servi à grand-chose contre la chimère. Certes, l’équipe d’Auguste était autrement plus compétente, plus entraînée, mieux préparée à faire face à un tel adversaire. Ces six Pokémon pourraient combattre sans se gêner, efficacement Mais… Et leur Dresseur ?

Alentour, les Sbires se détendirent. Après toute cette nuit, après les circonstances dans lesquelles ils l’avaient rencontré, ils avaient encore confiance en Auguste et en ses Pokémon. David en fut impressionné ; comment lui-même pouvait-il douter ? Il n’était plus sûr de rien.

Quelques conversations prirent forme, dans le froid mordant. On parlait de cette chimère. On se rappelait les morts— non, les disparus, on ne savait pas ce qu’il avait pu leur arriver. Mieux valait sans doute les croire morts dans l’effondrement de la base, plutôt que quoi que ce soit d’autre. Deux ou trois Sbires se rapprochèrent des scientifiques pour en apprendre plus sur la chimère. Pour le peu qu’ils en savaient…

Auguste, lui, faisait les cent pas. Il semblait nerveux, il jetait des coups d’œil réguliers à l’Alakazam ; il gardait une main à l’affût près d’une de ses Poké Ball, que David savait contenir Adèle.

Le temps passa. On se détendit, un peu plus. On arriva à ramener Lia et Célia dans un des cercles ; la Dracaufeu leur lança un regard triste, qui sembla les apaiser un peu. On discuta, un peu, vaguement, pas partout, de ce monstre qui hantait le sous-sol ; mais la plupart des Sbires n’y pensèrent pas, et quelques-uns tentèrent même de trouver le sommeil. L’Alakazam rouvrit les yeux peu avant cinq heures.

Il tenta de ne transmettre sa perception qu’à Auguste ; son habitude à communiquer avec David fit que celui-ci capta également la communication. La montagne était vide ; la chimère s’était téléportée à un kilomètre à l’ouest.

Le Champion eut un air résigné. Il libéra Adèle, qui se mit immédiatement à fureter partout avant d’essayer d’aller grimper dans la ramure du grand Torterra. Ce remue-ménage vivant attira l’attention de plusieurs Sbires, alors que le Champion s’approchait des deux cercles, et rappelait ses Pokémon.

Désolé de devoir vous laisser dans le froid, s’excusa-t-il platement.

— Alors elle est en liberté, commenta une Sbire.

— Oui.

— Chef, vous… Vous êtes sûr de ne pas attendre le matin ? Enfin— c’est pas pour nous hein, c’est que, dans la nuit…

— Il y a un village à quelques kilomètres. Je ne laisserai pas cette bestiole en liberté.

Il avait pris un ton conciliant, mais sans appel. Le Sbire qui avait parlé rougit, se fit discret. On ne lui prêta pas attention, David prenant son courage à deux mains pour demander :

Auguste, je peux peut-être t’accompagner. Alakazam pourra t’aider, et—

— Adèle a un odorat affûté. Je te préfère avec les Sbires.

— Mais…

— David, dit Auguste du ton de quelqu’un qui forçait une décision. As-tu un masque à gaz ?

— Euh, non, mais en quoi—

— Je vais lâcher six Pokémon Feu dans une forêt. Tu ne ferais que me ralentir.

Le doctorant se figea. Ce vieux fou avait-il l’intention de foutre le feu à la montagne ? Il n’aurait pas pu trouver un meilleur moyen d’attirer d’attention indésirable ! Et pourtant le raisonnement se tenait. David ne pouvait ni l’en empêcher, ni l’accompagner ; ses Pokémon ne serviraient à rien, tandis que ceux du Champion seraient littéralement dans leur élément.

Il avait bien prévu son coup, pensa le doctorant en le voyant grimper sur l’encolure d’Adèle et la lancer dans la cour ; elle sauta par-dessus le bâtiment ouest sans hésiter une seule seconde. Il tenait à y aller seul, et il y avait réfléchi. Son bras droit ne mesura pas tout de suite ce que cela signifiait.

Auguste avait peut-être un masque à gaz sur lui, ce ne serait pas étonnant. Mais il n’avait certainement pas de combinaison ignifugée, juste son éternelle blouse blanche. Son argument ne tenait pas ; s’il démarrait vraiment un incendie, il y serait vulnérable.

Le vieux ne se souciait pas de revenir.