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Portrait de ville de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 14/06/2020 à 19:03
» Dernière mise à jour le 15/06/2020 à 20:55

» Mots-clés :   Fanfic collective   Kalos

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Selena
Le chauffeur savoure sa dernière gorgée de café, puis range le gobelet et la bouteille Thermos dans sa mallette, qui gît sur le siège du passager avant. Il prend un moment pour apprécier les chants des Passerouge par sa fenêtre ouverte ; ça l’a toujours étonné que ces petites bestioles arrivent à crier plus fort que la ville.

Allez, il est temps de reprendre le boulot. Il passe un bras par la vitre, attrape à l’aveugle le petit panonceau qui trône au sommet de son taxi, et le refait passer sur « en service ».

Le mouvement semble être remarqué ; il n’a pas le temps de regarder à la ronde qu’une jeune femme ouvre la portière à la volée, et atterrit sur la banquette arrière avec un « Bonjour ! » enjoué. Elle porte l’uniforme des Topdresseurs unysiens : un gilet et des bottes orange, par-dessus une combinaison bleu foncé. Enfin, ça a plutôt l’air d’une version d’été ; le chauffeur a remarqué des sandales et — il faut bien l’admettre — une jupe.

« J’aimerais aller au centre Pokémon Nord, s’il vous plaît ! Si c’est possible, pourriez-vous passer par la rue circulaire ? La Méridionale, je crois. »

Le chauffeur acquiesce, même si c’est à l’autre bout de la ville, et démarre. Rapidement, la passagère reprend la parole ; mais pas pour raconter sa vie.

« J’ai vu un slogan rigolo, sur votre taxi ; ‘‘Racontez, c’est payé’’… Vous pourriez m’expliquer ? »

Il sourit, un peu mal à l’aise ; il y a des gens qui n’aiment pas le principe du taxi orange. Et en effet, quand il tend un prospectus sorti de sa mallette à la passagère, elle a une moue mi-figue mi-raisin. Il pourrait peut-être faire une exception pour cette fois ?

« Je vois… finit-elle par dire. Dîtes donc, c’est chouette votre projet ! Donc si j’ai bien lu, je dois dire pourquoi je prends le taxi, ce que je fais à Illumis et quel avis j’ai sur cette ville. Hem… »

Elle hésite, visiblement. Le chauffeur est plutôt rassuré, mais se demande ce qui la tracasse. Il regarde sa route, aussi ; à cette heure, il y a pas mal de circulation sur la double-rue périphérique d’Illumis.

« Ça vous embête si je commence par la fin ? »

Si ce n’est que ça ! Il sourit aimablement à son rétroviseur.

« Merci, c’est gentil à vous ! Donc pour commencer, je m’appelle Selena Kings.

» Alors. Ah, Illumis… je trouve cet endroit réellement magnifique, c’est incroyable ! Je viens de Volucité, moi ; là-bas, ils mettent des gratte-ciels partout. Entre les architectes, c’est un peu à qui construira le truc le plus haut… Si vous voyez ce que je veux dire. De vrais gamins.

» Ici au contraire, c’est super bien pensé ! Les formes sont moins… enfin plus variées, y’en a pas partout, les immeubles de bureaux ne sont pas comme des copier-coller du même modèle, et y’a des vieux bâtiments charmants… Et puis ça fait cliché dit comme ça, mais Illumis c'est la ville de l'amouuur. »

Le chauffeur hausse un sourcil interrogateur. Elle avait l’air plutôt passionnée sur la première partie de sa tirade, mais cette dernière phrase comporte une pointe d’ironie inattendue.

« Vous avez raison, je sais pas si l’accent était franchement nécessaire.

» Donc ! Franchement, pour une touriste qui débarque de Volucité, l'effet est impressionnant. Tout est tellement clair ! Tenez, ça me fait penser à ce gratte-ciel carré avec un vide dedans, là. Déjà c'est assez impressionnant en soi ; les contraintes sur la structure doivent être horrifiantes ! Mais ce qui me plaît vraiment, c'est que ça laisse passer le soleil. C'est important, nom d’un p’tit Giratina ! Et puis j’aime l’idée d’avoir fait ça avec un carré, ça rappelle une fenêtre, c’est rigolo !

» Alors, où j’en étais avant de partir là-dessus… Ah oui, Volucité. Comme je disais, y'a des gratte-ciels partout, mais on a l'impression qu'ils ont tous teintés leurs vitres, tout est obscur comme une cave ! Et puis je parle pas des ruelles... à Volucité, les ruelles, elles sont entre deux rangées de buildings soigneusement alignés et les poubelles prennent toute la place. Ici, ce sont des pavés clairs, des murs beiges, tout pleins de recoins pratiques et pas visibles...

» Enfin ; j'ai peur de trop insister mais je trouve que cette ville est une vraie bouffée d'oxygène ! Y'a des arbres partout, pas moins de cinq places vertes... »

Elle s’interrompt en réalisant ce qu’elle vient de dire, le temps d’étouffer un gloussement.

« Haha non, une seule Place Verte ! Hihi, je n'ai même pas fait exprès. Je suis sacrément tête-en-l'air, des fois ! C’est de penser aux espaces verts, je ne pensais pas qu’on puisse en mettre autant dans une seule ville. On a bien un genre d’arbre minable, à Volucité, mais je vous raconte pas comment c’est galère pour y accéder. Enfin si, je peux vous raconter… quoique non, je reviendrais sans doute là-dessus tout à l’heure. Là j’étais sur l’oxygène.

» Il faut pas croire, hein, j’ai aussi vu rapidement les banlieues en arrivant. Ça a pas l’air spécialement chic, et d’ailleurs le contraste est pas génial avec cette course au style omniprésente au centre-ville. Tenez, ce café, là, La Bataille : il faut avoir fait combien de kilomètres de roller pour y entrer ? Je vous dirais que j’ai été refusée dans un café l’autre jour, ça vous massacre la journée. C’est pas faute d’avoir battu le portier, pourtant.

» Mais bon. Des bas-fonds, il y en a toujours, hein ? Dans l’ensemble, la ville reste quand même réellement propre et renvoie une super image ; pas étonnant que les clichés aient la vie dure ! C’est pas comme, je l’ai mentionné à l’instant, Volucité — vous m’excuserez de toujours revenir sur la même ville, hihi, y’en a aucune autre que je connaisse de fond en comble.

» Volucité, donc… Y’a des égouts qui débouchent en plein centre-ville, sur le port ! Pouvez-vous croire ça ? Des égouts ! Et ils sont ouverts au public, comme ça, sans aucun contrôle de ce qu’on y fait !

Elle s’interrompt un moment, pensive.

« Bon en fait, je dois bien avouer que j'ai trouvé ça pratique une ou deux fois. Mais je suis pas dans ce taxi pour parler de ce que je fais dans les égouts de Volucité, je crois. Limite je peux demander pourquoi le seul vrai arbre de la ville n’est accessible que depuis les égouts, mais ça serait s’éloigner un peu d’Illumis, non ? »

Le chauffeur ne dit rien ; la comparaison reste très intéressante, pour le projet du professeur Celian. Qui sait, peut-être trouverait-on un jour un taxi comparable à Volucité ?

« Donc oui, Illumis, super belle ville ! »

Ce coup-ci, il laisse échapper un sourire contrit. Ils ont fait plus ou moins la moitié du trajet, et la demoiselle esquive toujours les deux premiers points.

« Enfin, je crois que j'insiste un peu trop, là. Enfin j'imagine que je peux toujours vanter les monuments de la ville... non ? »

Non, soyons raisonnables. Dans l’intérêt du programme, ce serait mieux si elle pouvait passer à la suite. Et pour être honnête, le chauffeur n’est pas sûr d’être partant pour entendre louer sa ville pendant les quelques minutes qu’il reste à passer dans les embouteillages.

« Moui, reprend Selena sans réelle conviction. Les embouteillages ont l'air de vouloir durer, pas faux. Dîtes donc, ça klaxonne pas des masses dans votre ville. J'apprécie, j'ai les oreilles sensibles ! »

De son côté, le chauffeur est un peu étonné de la façon dont elle semble arriver à lire ses expressions. Lui-même se débrouille mal à ce jeu-là, et ça l’irrite parfois un peu.

« Alors... hésite la Topdresseuse. Pourquoi je suis à Illumis... C'est assez... compliqué, en fait. »

Elle s’arrête déjà, mais sans prêter attention au chauffeur. Elle semble tiraillée entre l’envie de taire ses explications et celle de jouer le jeu du taxi orangé.

« Comment dire, finit-elle par reprendre avec l’intention visible de terminer son explication. C'est une affaire de, er... Je ne suis pas sûre du tout du mot Kalosien, c'est bien une mafia ? Euh non une pègre, voilà ! »

Le chauffeur tique très nettement, en entendant ça — qui pourrait rester sérieux en entendant un truc pareil ?

« Hi hi, c'est gentil de vous être étonné de ma maîtrise de la langue avant de sursauter quant à la mafia ! Par contre je voudrais pas parler de ce qui ne me concerne pas, mais vous pourriez garder les mains sur le volant ? C'est super stressant... Merci ! »

Décidément, elle est presque agaçante, à presque lire des pensées qu’il ne se rend pas compte d’avoir eues. Il faut dire qu’il ne sait pas du tout sur quel pied danser avec cette Topdresseuse — ou cette dealeuse ? Assassine ? Comment savoir ?

« Bon, comme je disais, c'est compliqué. Tout d'abord, c'est pas parce que vous m'avez pris dans votre taxi que vous risquez une vendetta, ne vous inquiétez pas ; on a des codes d'honneur. Mais si je peux me permettre… Ce que je dis est enregistré, non ? Eh bien, c'est une idée en l'air, comme ça, mais si j'étais vous, je m'attendrais à ce qu'on essaie de voler les enregistrements. Soit dit sans arrière-pensée !

» Revenons-en au sujet. Je dois expliquer ce que je fais en ville ? Vous êtes sûr ? Parce que c'est pas spécialement recommandable. »

Il ne veut pas le savoir, c’est sans doute mieux pour sa santé — et en même temps la curiosité le dévore. D’ailleurs, une fois lancée, Selena ne s’arrête plus.

« À la base, j'étais venue pour visiter un musée (celui de la rue Septentrionale, vous voyez peut-être ?), et vérifier s'il y avait, on va dire, des objets d'une valeur particulière. Manque de bol, non — j’ai jamais de chance avec ce genre de choses. Ensuite ça s'est un peu compliqué quand il a fallu faire la leçon à l'informateur, on a fini par se retrouver avec un meurtre sur les bras.

» Pas lui, hein, un simple garde du corps corrompu ! Hihi, la concurrence est assez lourdingue dans le secteur. Et donc en ce moment, je cherche à faire tourner en bourrique les copains du bonhomme. Je ne vous cacherai pas que c'est pour en semer quelques-uns que j'ai sauté dans le premier taxi venu — je n'ai même pas vu le ‘‘Racontez, c’est payé’’ ! C'est stupide comme situation, hein ?

» En plus il y en avait un autre juste à côté ! Et je me retrouve à compromettre le succès de toute l'opération. Je m'attends à ce qu'on en rigole pendant quelques années ! »

Le chauffeur esquisse un sourire un peu gêné. La situation est pour le moins rocambolesque…

Et puis il aperçoit le Grand Hôtel Le Crésus, sur sa droite — tout près ; il faudrait qu’il songe à se garer. Avec toutes ces explications, il n’a même pas remarqué qu’il arrivait à destination !

« Oh, le trajet est fait ? Génial. J'en profite pour vous en assurer une fois de plus, vous n'avez rien à craindre pour votre vie ou votre famille. »

Il ne sait pas comment il doit prendre ça.

La demoiselle plonge le bras entier dans son sac à main, tout en détachant sa ceinture de sécurité, puis — à la grande surprise du chauffeur — en sort deux béquilles.

« C’est fou ce qu’on arrive à faire tenir dans un sac, de nos jours ! » commente-t-elle.

Il est assez d’accord. Mais que compte-t-elle faire avec des béquilles ? Quoique ; tout compte fait, il préfère ne pas le savoir.

Cependant, comme elle s’extirpe un peu maladroitement du taxi, il ne peut s’empêcher de lâcher la question qui lui brûle les lèvres.

« Mais, et vos poursuivants ?

— Hihi, pas d'inquiétude à avoir ! Ils ne m'auront pas tous suivi à la même vitesse, j'aurais largement le temps de leur régler leur compte en combat ! Qui sait, vous verrez peut-être ça demain en faits divers dans le journal. Allez bonne journée ! »

C’est vrai, remarque le chauffeur comme elle s’éloigne en clopinant de façon très convaincante : elle porte une Poké Ball à la ceinture. Elle semble bien seule, comme ça… et en même temps.

Bref. Que faire, dans une situation pareille ? Le chauffeur ne sait pas s'il préférerait oublier cette course sur-le-champ ou interrompre son service pour aller en parler à quelqu'un.


By Ramius