063. 4x17 - Les rubans rouges de Vermilava
Précédemment : Sofian Match, fils du champion d’arène de Clémenti-Ville, Norman Match, voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, la fille du Professeur Seko qui rêve de devenir une coordinatrice pokémon, et de Timmy, un jeune garçon malade originaire de Vergazon. Durant leur périple, ils se lient d’amitié avec Annick, une coordinatrice aguerrie et amie d’enfance de Timmy, et avec Brice, un des plus grands coordinateurs de Hoenn, qui part prendre soin de sa tante malade. Ils croisent aussi le chemin d’Addie, une dresseuse qui les aide à récupérer le sous-marin du Capitaine Poupe. Leur route les amène à participer aux méfaits des Team Aqua et Magma. Suite à un incident avec la Team Magma à Autéquia, Sofian refuse d’arrêter son voyage et fait une fugue. Sarah Match quitte la Team Magma à la suite de l’éruption du volcan du Mont Chimnée et raconte enfin à son frère Sofian comment elle a été amenée à y entrer neuf ans plus tôt. Jessie, James et Miaouss s’enfuient aussi de l’organisation criminelle alors qu’ils avaient passé un marché avec la Team Aqua. Timmy ment à ses parents en prenant de faux médicaments afin de poursuivre son voyage, et Flora promet de prendre soin d’un œuf de pokémon que le Dynavolt de Sofian veut à tout prix protéger. Enfin, le groupe se dirige vers Vermilava où Sofian désire affronter le champion d’arène pour son quatrième badge.
Vermilava
Le bout du sentier n’était plus très loin, et heureusement, car l’ambiance pesante dans laquelle ils avaient marché toute la journée était devenue insupportable. Personne n’avait prononcé un mot depuis le moment où ils étaient entrés sur le Sentier Sinuroc. Et elle pouvait comprendre pourquoi : Sarah Match, l’ancienne membre de la Team Magma, avait passé la nuit entière à leur raconter comment elle avait été manipulée pour entrer dans l’organisation criminelle, ce qui l’avait conduite à trahir sa famille. Sofian, son frère, ne lui avait plus adressé la parole depuis. Après une courte nuit de sommeil agité, il s’était levé sans un mot et avait décidé de replier bagage sans l’avis de ses amis.
Le soleil descendait dans le ciel et allait bientôt disparaître derrière la chaîne de montagne, déversant sur la vallée sa lumière orangée chaleureuse. Derrière eux, le Mont Chimnée leur faisait ses adieux, une coulée de lave glissant sur son versant. En face, Vermilava s’étendait à perte de vue, enclavée entre les deux pans de la montagne. Malgré la nuit tombante et le mois de décembre bien entamé, il régnait une chaleur étouffante. Était-ce dû au réveil du volcan provoqué par la Team Magma la veille ou tout simplement à sa présence dans la région ? Était-ce un de ces bouleversements climatiques inquiétants dont avait parlé la Team Aqua ou un effet climatique connu et étudié de la région de Vermilava ?
Descendre tout un flanc de montagne pendant une demi-journée l’avait épuisée. Ses muscles au niveau des cuisses la faisaient atrocement souffrir et le poids de son sac à dos alourdi par son œuf de pokémon lui écrasait la colonne vertébrale. Cependant, Flora réfréna son envie de communiquer sa joie à la vue des dernières marches du sentier. Ses amis autour d’elle étaient restés silencieux, et briser la glace lui demandait trop d’efforts.
D’un coup d’œil discret, elle observa Timmy qui avait repris son comportement mystérieux : les yeux rivés sur une carte affichée dans son Pokénav, il avait avalé quelque chose qu’elle n’avait pu identifier mais qui provenait d’un petit flacon orange. Pourquoi essayait-il d’éviter d’attirer l’attention sur ce qu’il avalait de manière récurrente ? Loin devant, Sofian dévalait les marches d’un pas si rapide qu’il creusait sans arrêt l’écart entre lui et le groupe. Peut-être voulait-il mettre le plus de distance entre lui et sa sœur qui se faisait toute petite à l’arrière du groupe ?
Ils posèrent enfin pied sur le sol asphalté de Vermilava. Les premiers bâtiments aux alentours de l’entrée du Sentier Sinuroc étaient destinés aux voyageurs et promeneurs : une longue chaîne de restaurants, de bars et de cafés typiques s’offrait aux personnes désireuses de se restaurer. Mais Sofian n’attendit pas l’avis de son groupe et poursuivit sa route en direction du bâtiment le plus reconnaissable d’entre tous : doté de son toit rouge et d’une double porte vitrée automatique, le centre pokémon trônait fièrement sur la place principale de Vermilava.
— Sofian, attends !
C’était Sarah qui avait osé briser le silence morbide entre eux. À la surprise générale, Sofian s’arrêta dans sa marche, sans se retourner toutefois. Flora, Timmy et Sarah purent enfin le rejoindre.
— Je… comment dire ? hésita Sarah en se tordant les doigts. Je… Je ne sais pas si on se reverra un jour donc…
— Comment ça ? s’étonna Flora.
— Je vais aller au commissariat de Vermilava pour assumer mes actes, confia Sarah, soulagée de trouver une autre personne que son frère à qui parler. Je vais suivre les conseils de l’agent Jenny et me rendre en avouant tout.
— Ne sois pas aussi stupide que tu l’as été ces neuf dernières années, rétorqua Sofian sans un regard. Tu es libre. Profites-en au lieu de jouer les héroïnes.
Et il entra dans le centre pokémon sans un mot de plus. Sarah lui avait souri timidement mais il l’avait ignorée. Flora caressa l’épaule de la jeune femme pour la soutenir et elle la remercia pour son geste amical. Ensemble, ils suivirent Sofian dans l’hôpital pour pokémon.
Sofian avait déjà confié ses pokéballs à l’infirmière Joëlle quand une touffe de cheveux marrons se jeta sur lui.
— Mew soit loué !
Sofian se retira difficilement de l’étreinte de la femme avant de la reconnaître, stupéfait.
— Maman ?
Nathalie Match prit sa tête dans ses mains et le regarda avec intensité, les yeux remplis de larmes.
— Dès que j’ai eu votre message ce matin, j’ai sauté dans le premier train ! expliqua-t-elle. Une chance qu’il y en ait au moins un toutes les heures entre Bourg-en-Vol et Vermilava ! Je n’aurais pas supporté attendre une minute de plus !
En croisant le regard mal-à-l’aise de Timmy, Sofian comprit que son ami avait pris la décision de contacter ses parents sans son accord.
— J’ai pensé que c’était la meilleure chose à faire, avoua-t-il à demi voix.
Nathalie Match fit alors face à sa fille. Sarah Match était restée en retrait, tétanisée de revoir sa mère après tant d’années, après avoir fait le mur pendant leurs vacances et avoir disparu sans donner signe de vie.
Nathalie Match semblait aussi désemparée que sa fille, incapable de décider de la posture à adopter face à une fille qu’elle avait perdue neuf ans plus tôt. Enfin, la mère s’approcha de sa fille avec délicatesse, lui caressa la joue comme s’il s’était agi d’une œuvre d’art longtemps convoitée, et la prit dans ses bras en fondant en larmes.
Le glacier qu’ils avaient choisi était bondé de clients affamés : ainsi, leur conversation resterait inaudible et ils seraient plus tranquilles. Assis à une table en retrait de la foule, aucun des membres de la famille Match n’avait touché à sa coupe de glaces. Sofian gardait son regard fixé sur ses boules de glace fondues, déterminé à ne pas considérer sa sœur en face de lui. Sarah entortillait un index dans ses cheveux roux, anxieuse d’affronter sa mère. Enfin, cette-dernière assise en bout de table passait son temps à essayer de croiser les regards de ses deux enfants, en vain.
— Si vous ne mangez pas votre glace, elle va fondre, ce serait dommage, dit-elle comme pour se donner une raison d’être.
Sarah s’exécuta et léchouilla d’un bout de langue la glace à la fraise qu’elle avait choisie. Sofian resta immobile, raide et impassible. Nathalie Match soupira.
— J’ai bien cru que je vous avais perdus tous les deux, admit-elle en réfrénant son émotion. Après ta fugue à Autéquia, j’étais dévastée Sofian. J’avais perdu foi en l’idée de retrouver un jour ta sœur et voilà que je perdais mon fils aussi. Sarah, pardonne-moi pour avoir abandonné les recherches pour te retrouver.
Sarah s’effondra de tristesse et se cacha le visage.
— C’est ma faute, maman ! dit-elle difficilement en essayant d’essuyer le plus de larmes possibles. Je n’ai pas fugué, je n’ai pas été enlevée… J’ai décidé de mon plein gré d’entrer dans la Team Magma.
Et Sarah lui révéla les circonstances de sa disparition neuf ans auparavant.
— J’ai tout fait consciencieusement, maman, se lamenta-t-elle entre deux sanglots. Tu n’as pas idée de toutes les horreurs que j’ai commises. J’ai volé des pokémons, j’ai kidnappé pour faire du chantage, j’ai laissé des gens se faire torturer, j’ai aidé à faire disparaître des familles entières. Je pensais faire tout cela pour une grande cause. Je pensais que tous ces crimes étaient justifiés. Je pensais que nous nous battions pour un monde meilleur, et qu’il fallait en passer par ces actes. Chaque fois, ils mettaient la barre plus haut, chaque fois le crime devenait de plus en plus horrible, et chaque fois, je me disais que c’était nécessaire, que ce n’était pas beaucoup plus grave que le crime précédent, que je n’avais pas le choix, ou pire… que c’était la meilleure chose à faire.
« Et plus je commettais des crimes pour un intérêt collectif, plus je sentais en moi que quelque chose se brisait. Comme si je m’arrachais des parties de moi. Comme si mon âme s’obscurcissait petit à petit. Jusqu’au jour où on finit par ne plus être dans le même monde, où tout nous paraît différent, où la réalité n’est plus la même pour nous. Comme si chaque horreur n’est plus si grave. Comme si c’est justement le fait de ne pas commettre de crimes qui est une abomination.
Sarah se perdit dans ses souvenirs. Son visage était déchiré par la détresse et la terreur. Nathalie Match était restée pantoise tout au long de son récit. Sofian, quant à lui, avait finalement levé les yeux. L’expression de terreur profonde chez sa sœur lui avait glacé le sang.
Nathalie Match essaya d’appliquer un geste tendre à sa fille, mais celle-ci recula sur sa chaise pour ne pas être touchée par sa mère.
— J’ai fait tellement de choses, maman, dit-elle, tellement de choses horribles que je n’arrive même pas à me pardonner moi-même.
Sarah se prit le ventre dans ses mains, comme si elle était prête à vomir de douleur.
— Moi aussi, avoua sa mère. Moi aussi, j’ai commis la plus grande erreur qu’une mère puisse commettre : perdre foi en ses enfants. J’ai décidé d’arrêter de te chercher. Je t’ai laissée sombrer dans cette organisation en pensant que tu étais profondément mauvaise.
Nathalie Match pleurait elle aussi.
— Toutes les deux, nous avons commis des erreurs. Mais ensemble, nous allons les réparer.
Elle prit la main de sa fille dans la sienne. Cela l’apaisa. Sofian n’avait pas bougé d’un centimètre.
— Papa… hésita Sarah après avoir repris quelques couleurs. Il n’est pas venu ?
Sa mère semblait mal-à-l’aise.
— Je n’ai pas osé lui annoncer ton retour, admit-elle. Je n’y croyais moi-même qu’à moitié. J’avais trop peur de sa réaction. Votre père est devenu un autre homme. La colère le ronge depuis ton départ, et elle l’a achevé depuis ta fugue, Sofian.
Nathalie Match prit les mains de ses enfants dans les siennes. Les trois membres de la famille étaient ainsi reliés les uns aux autres.
—Il pense avoir tout raté dans votre éducation, à tous les deux. Il s’en veut énormément et se tient responsable pour tout ce qu’il s’est passé toutes ces années. Il s’en veut depuis ton accident à Azuria, Sofian. Il s’en veut pour ne pas avoir réussi à empêcher la Team Magma de t’enlever, Sarah. Il s’en veut pour ne pas avoir réussi à te retrouver, Sarah, et à t’empêcher de quitter Autéquia, Sofian. Il s’en veut pour ne pas avoir réussi à vous garder et vous protéger tous les deux.
« Je lui ai fait croire que je venais à Vermilava pour prendre quelques jours de congés dans les sources chaudes. C’était ce qui était le mieux à faire, en attendant de vous retrouver.
Nathalie Match regarda ses deux enfants et tira sur leurs bras pour les rapprocher d’elle.
— Je suis si heureuse que notre famille soit à nouveau réunie ! On va pouvoir tous rentrer au Bourg-en-Vol et enfin vivre une vie normale.
— Non.
Sofian s’était enfin exprimé.
— Vous faites ce que vous voulez, mais moi j’ai un badge d’arène à gagner. Ce n’est pas parce que ta criminelle de fille a décidé de changer de carrière que tout redevient comme avant.
Sofian se leva de table, repoussa la coupe de glace à laquelle il n’avait pas touchée, et les quitta sans un regard.

— Nirondelle, tu es prête ? C’est parti !
L’oiseau femelle battit des ailes et fonça à vive-allure à ras du sol, faisant s’élever un nuage de sable sur son passage. Elle évita les boules de feu lancées par Galifeu à une allure impressionnante, elle était même trop rapide pour Dynavolt qui essayait de la toucher en chargeant son pelage d’électricité statique. Rien n’y faisait, Nirondelle était trop rapide. Si rapide que son plumage bleu se fondait dans le ciel azur de cette matinée ensoleillée.
— Écrapince, à toi de jouer ! Attaque « abri » !
Écrapince se concentra et fit apparaître un mur transparent entre lui et l’oiseau. Nirondelle percuta l’attaque de plein fouet, et le mur invisible se brisa. Le crabe fut projeté par le coup de l’oiseau sur plusieurs mètres et roula jusqu’au bassin aquatique.
— Tout va bien ? s’inquiéta Timmy en nageant jusqu’au pokémon qui gisait au bord de l’eau, affaibli.
— Ouais, ça va, répondit Sofian de mauvaise humeur, à part que son attaque « abri » n’est toujours pas maîtrisée.
Une semaine s’était écoulée dans la chaleur étouffante de Vermilava. Une semaine pendant laquelle il avait passé tout son temps à s’entraîner d’arrache-pied pour décrocher son quatrième badge. Ses pokémons avaient fait de fameux progrès, surtout Nirondelle qui avait réussi à dépasser la vitesse de vol moyenne pour son espèce. Dynavolt n’avait pas été en reste : le petit chiot au pelage vert avait réussi à dompter sa peur de l’électricité et parvenait enfin à électriser ses adversaires de manière remarquable. Cependant, Écrapince était toujours à la traîne. Son attaque « abri » manquait de stabilité, et aucun effort de son maître ne corrigeait cette situation. Ce qui était un fameux problème pour Sofian, car il avait décidé que ces trois pokémons formeraient son équipe lors de son prochain combat d’arène. En effet, le champion étant doté de pokémons de type feu, il avait préféré écarter Galifeu et Balignon de la compétition. Toutefois, Galifeu donnait toujours un coup de main apprécié dans l’entraînement de ses camarades, alors que Balignon profitait de l’eau bien chaude du bassin aquatique.
Ils avaient déniché cet endroit en se renseignant auprès de l’office du tourisme de Vermilava. Les sources chaudes étaient l’endroit à visiter pour tout voyageur qui passait par la vallée volcanique. La chaleur du Mont Chimnée procurait aux sources de Vermilava une température si agréable qu’on leur avait assuré ses bienfaits sur le développement et la santé des pokémons. Ainsi, ils passaient régulièrement une heure de leur temps libre à se ressourcer dans les vapeurs volcaniques des sources de Vermilava, loin des soucis familiaux de Sofian.
— Attention, faites un peu de place, prévint Flora.
L’adolescente réajusta son maillot deux-pièces, sortit son œuf de son sac, et se laissa glisser dans le bassin où se prélassaient déjà Timmy, Balignon, Arcko, Tarsal, Flobio et Skitty. En voyant Flora plonger son œuf rose pâle sous la surface de l’eau torride, Dynavolt piqua une colère. Il courut à toute allure vers Flora, contourna Charmillon et Magnéti qui se prélassaient au soleil, et plongea dans le bassin afin de récupérer son œuf et le protéger de la chaleur.
— Aaaaargh ! cria Flora en étant projetée tête la première dans l’eau chaude.
— Dynavolt ! s’exclama Sofian en se précipitant vers le bassin.
Il se pencha au bord de l’eau et en extirpa difficilement son chiot qui luttait pour récupérer son œuf. Flora réapparut à la surface et vérifia que son œuf n’avait rien.
— Tu veux bien garder ton chien loin de mon œuf ?! s’énerva-t-elle en recrachant une énorme quantité d’eau.
— Je te signale que cet œuf appartient d’abord à mon Dynavolt, alors si tu veux le garder pour toi, fais en sorte de ne pas le sortir quand mon pokémon est là !
— Oui, bah mon œuf aussi a besoin d’air frais !
— C’est un œuf !
— Figure-toi que ces sources chaudes sont capables d’accélérer l’éclosion des œufs de pokémon, alors je fais bien ce que je veux avec mon œuf ici !
— S’il n’a pas cuit dur avec cette chaleur !
— En plus, je ne suis même pas certaine que tu aies le droit de t’entraîner ici. Ce sont des sources chaudes protégées, je te rappelle.
— D’ailleurs, c’est aussi un endroit de repos pour les gens, fit remarquer Timmy en leur montrant les curistes dérangés dans les autres bassins.
— Raison de plus pour que tu arrêtes ton entraînement et que tu nous rejoignes dans… dans… eeeenh…
Flora s’était arrêtée en pleine phrase, comme calée. Ses yeux s’étaient perdus quelque part derrière Sofian. Ses deux amis suivirent son regard et découvrirent ce qui l’avait perturbée. Un jeune homme était occupé de sortir de son bassin. S’aidant de ses bras aux biceps gonflés, une tablette d’abdominaux saillants s’était dessinée sur son torse bronzé. Des perles d’eau glissèrent sur son corps musclé, depuis sa fine barbe blonde de trois jours jusqu’à ses fesses rondes et pulpeuses galbées dans un bermuda qui laissait entrapercevoir ses formes généreuses. Une fois hors du bassin, le bel homme arrangea une mèche de ses cheveux dorés qu’il plaqua sur l’arrière de son crâne, offrant un dos sculpté aux curistes intéressés.
Un filet de bave coula des lèvres de Flora qui sentit une chaleur agréable au niveau de son bas-ventre. Sofian leva les yeux au ciel, mais Timmy avait reconnu la fossette au menton du jeune homme musclé :
— Eh ! C’est Brice !
En entendant son nom, le jeune homme balaya leur bassin de ses yeux bleu glaciaux. Le rythme cardiaque de Flora s’intensifia : jamais elle n’aurait imaginé ce coordinateur si talentueux aussi beau !
— Ouhouu ! Brice ! appela-t-elle en lui faisant de grands signes.
Elle perdit équilibre et fut ensevelie sous l’eau avant de vite réapparaître à la surface en toussotant. Sofian ricana. Au vu de ses sourcils froncés, le célèbre coordinateur ne semblait pas les reconnaître.
— C’est moi Flora, on s’est rencontrés à Poivressel lors du premier concours de coordination de l’année, et puis on s’est revus à Lavandia. Tu ne me remets pas ?
L’expression de Brice se détendit. Il s’entoura la taille de son essui de bain et les rejoignit sous les regards médusés des curistes qui auraient tout donné pour être dans le cercle intime d’un tel jeune homme sexy.
— Comment vous allez, les amis ?
Brice s’accroupit auprès d’eux et Sofian préféra se distancier en s’asseyant sur le rebord du bassin, les jambes dans l’eau chaude.
— Ça fait tellement plaisir de te revoir ! dit Flora d’une voix suraigüe, telle une groupie excitée d’être en présence de son idole.
— Vous êtes ici pour le prochain concours de coordination ?
— Le prochain concours a lieu à Vermilava ? s’exclama une Flora surexcitée.
— Vous n’avez pas vu les publicités ? Ça se déroulera à nouveau en direct ce dimanche.
— CE DIMANCHE ?!
— Oui, parce que dimanche prochain, c’est Noël, puis ce sont les vacances d’hiver, rappela Brice.
— Mais je ne suis pas prête ! Pas prête du tout !
— Tu vas y participer ? demanda Timmy, curieux.
— Je ne sais pas trop… Je m’occupe de ma tante malade, je ne sais pas si c’est une bonne idée que je participe à cet évènement.
— Comment va-t-elle ?
— Pas particulièrement mieux, marmonna Brice anxieusement.
— Allez, ça te fera une bonne occasion de te changer les idées ! argumenta Flora. Tu as manqué le concours de Vergazon le mois passé, le public te réclame !
— Bah, tu sais, ils n’ont plus besoin de moi. Tu as assez marqué la dernière édition avec ta victoire.
— Ouais, je sais, j’ai pas mal géré !
Flora essaya de cacher sa fierté qui lui teinta le visage en rouge pourpre. Sofian leva les yeux au ciel.
— Je dois avouer que te voir gagner un ruban aussi facilement, sans vouloir t’offenser Sofian, précisa Brice avec précaution, m’a vraiment donné envie de remonter sur les planches.
— C’est décidé, ainsi ! en conclut Flora. Ce dimanche, on se retrouve au concours comme au bon vieux temps. Timmy ! Donne-moi ton Pokénav tout de suite pour que je prévienne Annick !
— Tes désirs sont des ordres, apparemment… soupira Timmy en lui indiquant son sac à dos posé plus loin dans le sable. Mais sort de l’eau, alors ! Je ne voudrais pas casser un deuxième Pokénav !
— Ça va être trop bien !!
Flora quitta le bassin en toute hâte et s’éclipsa afin de passer un coup de téléphone à son amie.
Les trois garçons se regardèrent dans le blanc des yeux quelques instants, sans trop savoir quoi se dire.
— J’imagine que tu as déjà combattu la championne ? se renseigna Brice pour faire la conversation.
— Atatatata ! s’exclama Timmy, comme pour faire taire Brice.
— La championne ? C’est donc une femme ? s’étonna Sofian en se tournant vers Timmy qui refusait toujours de lui donner des informations sur l’arène de Vermilava. C’est bon, Timmy ! On peut arrêter ce petit jeu ? D’ici quelques jours, je l’aurai battue alors tu vas te décider à me donner des informations sur son équipe pour que je puisse élaborer une stratégie ? Ce n’est plus drôle, à la fin !
— Pourquoi tu ne veux pas lui dire quels sont les pokémons d’Adriane ?
— Mais… CHUT !
Timmy plaqua sa main au front et Brice s’excusa pour sa bourde. Apparemment, Sofian n’avait pas tilté. Timmy pouffa de rire : s’il avait su que Sofian était si peu perspicace, il n’aurait pas passé son temps à lui cacher autant d’informations.
— Eh ben ? demanda-t-il, complètement paumé par la réaction de Timmy.
— Au pire, tu peux toujours aller participer aux combats d’arène pour étudier son équipe, proposa Brice.
Sofian trouva l’idée excellente. Mais comme elle venait de Brice, il fit mine de ne pas être agréablement surpris par la proposition.
— Ouais, j’y avais déjà pensé. C’est ce que je vais faire.
— Il est là !
Leur conversation fut interrompue par une foule de personnes qui s’étaient agglutinées à l’entrée des sources chaudes et les pointaient du doigt. Brice se releva d’un coup, visiblement agacé. Munis de caméras et de micros, la foule se précipita vers eux en toute hâte.
— Excusez-moi, mais je vais devoir vous laisser ! lança Brice. Ces journalistes sont une véritable plaie !
Le beau coordinateur s’enfuit à toute jambe, poursuivit par la horde de journalistes. Flora réapparut derrière eux, penaude.
— Bah, où est parti Brice ?
— Sa meuf s’impatientait, il a dû nous quitter, mentit Sofian.
— Ah… je ne savais pas qu’il était en couple, marmonna Flora, manifestement très déçue.

— Où est-ce qu’elle est ?
Flora se mit sur la pointe des pieds pour la chercher du regard parmi la foule, mais Annick n’était toujours pas arrivée.
— Le concours va commencer dans même pas cinq minutes, qu’est-ce qu’elle fiche ?!
Le dôme qui avait été dressé au centre de Vermilava afin d’accueillir le quatrième et dernier concours de coordination de l’année était bondé. Des coordinateurs et coordinatrices de tout âge, de toutes origines et aux parures les plus spectaculaires se bousculaient autour des comptoirs d’inscription. Plusieurs compétiteurs s’entraînaient en dernière minute, provoquant quelques incidents avec leurs pokémons, si bien que les militaires qui avaient été postés aux entrées pour permettre la sécurité avaient dû s’en mêler.
— Je vous rends vos cartes.
Flora récupéra sa carte de coordinatrice à tâtons, balayant toujours la salle du regard. Elle se mordait tellement les lèvres de stress qu’une petite goutte de sang perla sur son incisive.
— Tu es ravissante, complimenta Brice en examinant sa robe jaune pâle pailletée.
Sofian grogna. Il fallait que Brice apprenne à rester à sa place.
— On voit ton boxer sous ta combinaison, lui dit-il afin de l’embarrasser.
— Ça m’étonnerait, je n’en ai pas mis.
Brice lui fit un clin d’œil, et Sofian fulmina. En effet, les muscles du coordinateur étaient parfaitement tracés sous sa combinaison de patineur artistique.
— Dernier appel pour les inscriptions, cria quelqu’un dans la foule.
— Mais qu’est-ce qu’elle fout ?! Timmy, sonne-lui encore une fois !
— Je viens juste d’essayer, mais ça ne sonne même pas. Elle n’a probablement plus de batterie.
Flora s’essuya le sang sur sa lèvre et passa à ses ongles, mais elle mordilla tellement fort qu’elle s’étouffa en sentant un ongle tomber dans sa gorge. Voyant les standardistes fermer petit à petit leurs guichets, elle supplia celle qui s’était occupée d’elle de patienter encore un instant.
— Je suis désolée, après l’heure, ce n’est plus l’heure !
La standardiste voulut fermer le volet de son guichet, mais une nuée de feuilles magiques l’en empêcha. Un gigantesque Rosélia atterrit sur le comptoir et quelqu’un clapa une carte de coordinateur sur le bureau.
— IN…SCRI…VEZ…MOI !
La jeune adolescente qui venait de débarquer reprit sa respiration en se tenant les reins. Elle s’affala sur le comptoir, épuisée, et Flora reconnut ses courts cheveux bruns et ses yeux verts pétillants sur son visage de garçon manqué.
— Annick !
Flora se jeta dans les bras de sa meilleure amie. Annick accompagna son geste malgré son besoin de respirer.
— J’ai bien cru que tu arriverais trop tard !
— Pour rien au monde je n’aurais loupé ce concours ! Mais la prochaine fois, évitez de détruire le seul accès aux voyageurs pédestres à la ville. J’ai dû courir dans le Chemin Ardent, j’ai failli étouffer là-dedans !
— C’est pour ça l’odeur de suie ? s’amusa Timmy.
— Heureuse de te revoir aussi, toi !
Annick salua tous ses amis, avant de rester calée un moment devant Brice.
— Ravi de faire ta connaissance, lui dit-il avec son sourire charmeur.
Annick le laissa lui serrer la main, complètement tétanisée par la présence de son idole dans son groupe d’amis. Elle interrogea Flora du regard.
— Oh ! Tu sais, nous, entre gagnants de concours, on aime bien trainer ensemble !
— Si vous ne voulez pas être en retard pour le début du concours, prévint la standardiste en rendant sa carte à Annick, je vous conseille de vous dépêcher de vous rendre dans les coulisses. Ils seront moins cléments que moi, là-bas.
Et elle reclapa son volet avec mauvaise humeur.
Sans prendre le temps de se retrouver, Flora, Annick et Brice se pressèrent vers la porte des coulisses où une masse de concurrents affluaient déjà.
— Bonne chance, Flora, t’es la meilleure ! encouragea Sofian en fusillant Brice du regard.
— Depuis quand il te soutient, lui ? s’étonna Annick.
— Oh si tu savais tout ce qu’il s’était passé entre nous, s’amusa Flora. Sofian a enfin compris que la coordination était un art subtil, depuis que je l’ai battu à Vergazon.
— Il ne reste plus qu’à le convaincre d’arrêter ses matches barbares dans les arènes ! commenta Annick.
Et les trois coordinateurs disparurent dans les coulisses. Sofian et Timmy suivirent le mouvement de foule qui les menèrent dans les gradins. La salle était suffocante tellement elle était remplie de spectateurs surexcités. Apparemment, le concours de Vergazon avait redoré l’image de la compétition et l’intérêt était revenu auprès du public. Sofian ne se souvenait pas d’une telle affluence. Même le concours qui avait ouvert la saison à Poivressel n’avait pas été aussi couronné de succès.
Sofian s’arrêta au milieu de sa rangée. Sa mère et sa sœur les attendaient à côté de leurs places numérotées. Il avait tout fait pour éviter Sarah ces quinze derniers jours, et voilà qu’il était à présent bloqué assis à côté d’elle pour deux heures de spectacle. Préférant l’ignorer, Sofian s’installa sur son siège en lui tournant le dos.
— J’espère que tout va bien se passer pour Flora, dit Sarah timidement.
— Ça va me faire du bien d’être spectateur, cette fois-ci ! lança Sofian à l’attention de Timmy, comme si sa sœur n’avait pas existé.
Timmy approuva, embarrassé par la situation, et laissa son regard se perdre sur la scène ovale encore vide. Derrière les grands rideaux rouges, ses amis s’apprêtaient à vivre leur quatrième concours.
— Enfin un peu de notoriété ! s’exclama Flora, ravie.
Les nombreux journalistes présents dans les coulisses coururent vers eux, tous micros tendus, mais ignorèrent complètement Flora et n’eurent d’yeux que pour Brice.
— Monsieur Belangelo ! Pourquoi… ?
— Qu’est-ce que ça fait de revenir… ?
— …nous connaitre la raison de votre absence lors… ?
— Quelle stratégie allez-vous… ?
— …pokémon qui va… ?
Brice fut englouti par la horde de journalistes tandis que les deux coordinatrices se dirigèrent vers un divan. Flora se laissa tomber sur un pouf, contrariée, et Annick alla se changer dans une cabine prévue à cet effet.
— En tout cas, je voulais te dire que j’étais très fière de toi en voyant ta victoire de Vergazon à la télé ! félicita Annick depuis sa cabine. Gagner contre Sofian, un dresseur qui a trois badges d’arène, ce n’est pas donné à tout le monde !
— Oh tu sais, je pense sincèrement que c’était dû au fait qu’il ne connaissait pas bien ma Skitty, sinon j’avais peu de chances de gagner, soupira Flora en observant les journalistes du coin de l’œil. Mais ne le lui dis pas, il risquerait d’être encore plus insupportable qu’il ne l’est déjà !
— Tu sais déjà quel pokémon tu vas utiliser ?
— Evidemment ! Je vais donner sa chance à Kitty. Charmy a déjà gagné un ruban et la défaite que Sofian a fait endurer à Kitty l’a beaucoup peinée. Avec la technique qu’on a rodée, Kitty et moi, on va vous en mettre plein la vue ! Et toi ? Rosélia, j’imagine ?
— Non.
Annick sortit de sa cabine, vêtue de son costume trois pièce, et Flora l’aida à nouer sa cravate autour du cou.
— Je préfère la laisser se reposer pour l’instant, annonça Annick. Ton papa m’a expliqué qu’en règle générale, les Rosélia se remettent vite du virus qui l’avait contaminée. Il pense que si Rosélia a autant souffert, c’est à cause de sa génétique particulière. Ma Rosélia fait trois fois la taille normale de son espèce, il se peut donc que le virus ait été trois fois plus dangereux pour elle.
— Tu vas utiliser qui alors ?
— Surprise !
Les deux amies s’installèrent confortablement tandis que les coulisses se remplissaient des coordinateurs impatients de participer à la compétition. Elles poursuivirent leur conversation en discutant des parents de Flora qui regarderaient en direct le concours à la télévision, et de comment leur ami Dan de Mérouville avait été accepté auprès du Professeur Seko en apprentissage.
— Autre bonne nouvelle ! Pendant mon séjour au Bourg-en-vol, j’ai croisé Annette qui venait faire quelques installations au laboratoire. Apparemment, elle a réussi à remettre en route le système de Pokémon Classement et a libéré ses collaborateurs du CRISP !
— Génial ! Ça veut dire qu’on va enfin pouvoir réutiliser le système comme on le souhaite ?
— Exactement !
— Et qu’on va pouvoir voyager ensemble à nouveau ? s’excita Flora.
— Qui sait, répondit Annick en laissant planer le suspense.
— UN A LA FOIS !
De l’autre côté des coulisses, Brice commençait à perdre patience face au mur de journalistes qui l’assaillaient de question. Les coordinateurs alentours le dévisageaient avec jalousie.
— Tu crois qu’il va encore utiliser son Lippouti ?
— Évidemment ! répondit Annick avec enthousiasme. C’est, genre,
la mascotte des concours de coordination ! Brice n’a jamais gagné un seul ruban sans son Lippouti. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il va changer ses habitudes. En tout cas, j’espère le revoir patiner gracieusement… avec cette combinaison… qui montre toutes ses formes…
Les deux filles se laissèrent perdre dans leur imagination lubrique.
— Si je gagne ce concours, peut-être qu’il s’intéressera à moi… soupira Annick, amoureuse.
— Laisse tomber, apparemment, il est en couple. Et puis, t’es pas censée être avec Timmy, toi ?
— DE QUOI ? Mais pas du tout ! Qu’est-ce que tu racontes ?!
Flora en profita pour lui confier ses inquiétudes quant au comportement de Timmy. Elle lui raconta comment ils s’étaient séparés à Vergazon et comment Timmy les avait finalement rejoints dans leur voyage en assurant être guéri. Annick écouta attentivement sans l’interrompre.
— J’ai aussi du mal à le croire, avoua Annick. Je suis passée faire coucou à mes parents à Vergazon avant de venir, et je peux t’assurer que les parents de Timmy sont toujours aussi inquiets. Les médecins auraient découvert peu après le départ de Timmy que ses résultats aux médicaments étaient des faux positifs. Ils se font un sang d’encre pour lui.
Flora en était maintenant convaincue : Timmy leur cachait quelque chose. Et elle allait le découvrir, foi de coordinatrice !
Brice se laissa tomber dans le pouf à côté d’elle. Il avait l’air d’être passé dans un laminoir. Autour d’eux, les regards les fixaient avec envie.
— Ces gens me dégoutent ! s’énerva Brice en parlant des journalistes. Ils n’arrêtent pas de me harceler depuis que j’ai refusé de participer au concours de Vergazon. Ils ont réalisé un reportage où ils me filment sans mon consentement en train de m’occuper de ma tante. Du coup, certains fans stupides m’épient à présent. Il y en a même un qui a brisé une fenêtre de la chambre de ma tante, comme ça, sans raison !
Flora rectifia ses pensées : elle était bien contente de ne pas avoir sa notoriété.
C’est alors qu’une annonce retentit dans les coulisses : le concours allait démarrer.

—
Ils ont tous le même but : décrocher un prestigieux ruban ! narrait une voix off sur les images des prestations aux concours précédents.
Ils ont tous le même rêve : soulever le trophée de la coordination pokémon. Depuis quatre mois, ils s’affrontent sur la scène ovale sans faiblir ! Qui sera le nouveau Coordinateur de l’année ? Qui aura le privilège de participer au Grand Festival des Coordinateurs ? Vous le découvrirez tout au long de l’année dans cette nouvelle saison des concours de coordination pokémon de Hoenn ! Ce soir, et en direct, il est temps d’accueillir la grande, la belle, l’unique… Cassandre ! Le public ovationna l’entrée magistrale de la présentatrice dans sa longue robe rouge.
— Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, chers téléspectateurs, bienvenue dans ce quatrième numéro des concours pokémon de Hoenn qui se déroule en direct de Vermilava ! clama-t-elle dans son micro sans attendre la fin des applaudissements. Aujourd’hui encore, nos candidats vont être nombreux à nous présenter leurs prestations artistiques sur cette magnifique scène ovale de prestige ! Derrière ce rideau, ils sont là, ils sont prêts, ils vont tout donner pour nous mettre les étoiles plein les yeux ! Et le défi sera de taille, car ils devront redoubler de stratégie cette année ! Et pour cause : ils seront soumis à de nouvelles règles ! Elles sont simples, mais elles sont belles : lors de la première manche, les coordinateurs et coordinatrices devront faire preuve de talent afin de nous présenter une prestation artistique de leur choix sur un fond musical ! Si tous veulent participer à la seconde manche, seuls huit d’entre eux y auront accès ! Et pour les départager, notre merveilleux jury d’exception !
Le public applaudit à tout rompre les trois personnes qui venaient d’être éclairées par un spot dans le coin droit de la scène.
— Il est à l’origine des concours de coordination et abat chaque semaine un travail titanesque pour vous proposer le plus beau des spectacles : Monsieur Lang, créateur du concours national ! présenta Cassandre tandis qu’un petit homme replet saluait le public. Il habille les stars, transforme leurs pokémons en de véritable poupées modèles, et est à l’origine de la création de ma propre robe de soirée : David Meanjotte ! Notre troisième et dernière jurée nous fait l’immense honneur de participer à cette édition malgré son emploi du temps chargé, ses combats d’arène magistraux vous éblouissent chaque jour à dix-huit heures, vous l’aurez reconnue : la championne de Vermilava, l’ardente Adriane Flaymes !
Sofian se raidit dans son siège alors qu’il prenait conscience de se trouver en compagnie de la championne qu’il allait bientôt défier. Il l’observa sous tous ses traits : la jeune femme ne devait pas être beaucoup plus âgée que lui. Dans sa chemise blanche classique, elle fit signe au public qui l’acclama tout en remettant en place sa longue chevelure rouge en forme de palmier.
— Eh mais… c’est Addie ! reconnut Sofian.
— Ah ben quand même ! s’amusa Timmy.
Addie, la jeune femme qui les avait emmenés dans un périple dangereux à bord d’un navire abandonné. Addie, la jeune femme amie du Capitaine Poupe qui les avait aidés à sauver ce-dernier de la Team Aqua. Addie, de son vrai nom Adriane Flaymes, était donc la championne d’arène de Vermilava ! Sofian était scotché.
— Elle s’est bien gardée de nous le dire ! Ce qui veut dire qu’elle connait une partie de mes pokémons.
À bien y réfléchir, lui aussi détenait quelques informations sur elle. Aux dernières nouvelles, elle possédait au moins un Chamallot coriace et un Chartor un peu benêt qu’elle avait capturé en leur compagnie. Son combat d’arène serait très excitant.
— Dans la première manche de ce concours, les candidats de ce soir ainsi que leurs pokémons seront jugés sur leur grâce et leur beauté ! poursuivit la présentatrice en expliquant les règles. Ils recevront chacun une note sur cinq qui déterminera leur position dans le classement. Mais tout pourra basculer, et cela grâce à vous. Eh oui ! Que vous soyez présents dans les gradins ou bien chez vous, vous pourrez voter pour attribuer vos points aux candidats ! Cette note sera additionnée à celle du jury et déterminera leur participation à la seconde manche. Tout est clair ? Alors, ne perdons pas une minute ! Il est temps de lancer la première manche : les Prestations !
Un jingle reconnaissable retentit dans la salle, les lumières se tamisèrent et le premier coordinateur fit son entrée. Sur une chanson de dessin animée que Sofian avait dû voir dans son enfance, l’enfant qui venait de passer le rideau rouge reproduisit une scène musicale amusante avec son Teddiursa.
— Quelle prestation attendrissante pour notre premier candidat, Loïc de Cimetronnelle et son Teddiursa ! commenta Cassandre en amenant l’enfant et son pokémon vers les pupitres des juges. Nos jurés ont-ils été émus par cette parodie du célèbre film
Frère des Ursaring ?
Loïc décrocha un très bon score, ce qui surprit Sofian qui avait noté quelques faux pas. Il sanctionna ces accrocs lors de son vote sur son boitier afin, entre autres, de donner plus de chance à Flora de faire mieux que lui.
Les concurrents se succédèrent pendant un long moment avant que l’un de ses amis ne soit enfin appelé après une pause destinée à la diffusion de publicités à la télévision.
— De retour à Vermilava pour cette quatrième édition de notre fabuleux concours de coordination, présenta Cassandre, et je peux vous assurer que le spectacle est loin d’être terminé. Car nous allons à présent découvrir la prestation d’un coordinateur emblématique de notre concours ! Il s’agit aujourd’hui de sa cinquante-cinquième participation, autant dire qu’il a brisé tous les records. Absent depuis l’édition de Poivressel, il nous fait l’immense plaisir de revenir dans la compétition depuis la signature d’une pétition de plus de mille de ses fans ! Accueillons avec bonheur Brice Belangelo de Lavandia, et son Lippouti !
La lumière s’éteignit. Dans le silence, un vent froid s’éleva depuis la scène ovale. Une faible lueur bleutée baigna le sol de la scène et l’on découvrit la présence de glace qui avait recouvert les planches. Un spot s’alluma au centre de la scène : Lippouti se tenait fièrement face au public. Alors, une musique classique et envoûtante démarra et Brice fit son apparition sur ses patins à glace, glissant tout autour de son pokémon en une chorégraphie majestueuse. Lippouti glissa à son tour sur ses pattes, en sens inverse, et envoya des nuages de neige au centre de la scène. Au rythme de la musique qui accélérait lentement, un véritable château de glace s’érigea sous les yeux des spectateurs captivés. Brice tournoya tout autour du château alors que la musique s’emballait et sur les dernières notes, sèches et répétitives, il sauta devant le château, virevolta dans les airs, avant de retomber à genou. Son Lippouti glissa vers lui, sauta dans la paume de ses mains jointes, rebondit, et fit une pirouette avant d’atterrir au sommet du château de glace sur la dernière note longue de la musique.
Le public hurla de joie en une véritable standing ovation. Les premiers mots de la présentatrice furent inaudibles tellement les cris de bonheur de la part des fans étaient assourdissants.
— …que nous pouvons qualifier de meilleure prestation de toute l’histoire du concours ! criait Cassandre dans son micro. Quelle beauté ! Quelle grâce ! Quelle splendeur ! A-t-on vraiment besoin de questionner notre jury pour connaître leurs notes ? Monsieur Lang !
— Nous sommes face à la relève, commenta-t-il en jouant avec les réactions du public. Jamais un coordinateur n’a autant fait honneur aux planches de notre scène, et je pèse mes mots. Le Grand Juan n’a qu’à bien se tenir ! C’est un « 5/5 » pour moi !
— C’est exceptionnel ce qui vient de se passer ! ajouta David Meanjeotte. Non seulement le spectacle était à son comble, mais cette combinaison taillée sur la forme de son corps met en valeur absolument tout ce qu’il y a de beau chez ce coordinateur et chez son pokémon ! « 5/5 » !
— Il a gelé la scène, mais il a enflammé pas mal de personnes, j’ai bien l’impression ! termina Adriane en se ventilant le visage. Je pense qu’on est toutes tombées amoureuses de ce coordinateur ! Si je pouvais, je lui mettrais une note supérieure à « 5/5 » !
— C’est un carton plein pour Brice Belangelo et son Lippouti ! hurla Cassandre sous les applaudissements acharnés du public. C’est désormais clair, personne ne peut faire mieux que lui ! Cependant, il reste une note à lui attribuer, et il s’agit de la vôtre ! Alors, à vos boitiers !
Timmy se précipita sur son boîtier et pressa la touche maximale, les yeux pleins d’étoiles. Sofian, les dents serrés, ne pouvait pas se résoudre à lui donner cette satisfaction. Certes, son spectacle avait été objectivement admirable. Mais il se devait de ne pas lui accorder le maximum des points. Surtout pour Flora, pour lui laisser une chance de passer à la manche suivante. Oui, pour Flora. Sofian écrasa son doigt sur la touche « 0 ».
Flora déglutit. C’était son tour. Brice venait de la croiser derrière les rideaux, des perles de sueur coulant sur son front. Il lui était impossible d’être meilleure que lui. D’ailleurs, il lui était impossible d’être aussi talentueuse que lui. Sans s’entraîner autant qu’elle, Brice avait littéralement brillé durant sa prestation. Comment allait-elle faire pour passer juste après lui ? Tout le monde allait comparer leurs prestations ! Tout à coup, elle se sentit très nulle.
— …mais elle a gagné le concours précédent, et avec brio ! La question que tout le monde se pose est la suivante : arrivera-t-elle à faire aussi bien que son concurrent ? Applaudissons chaleureusement Flora Seko du Bourg-en-vol, et sa Skitty !
Un régisseur la poussa dans le dos et elle entra sur scène, les jambes en coton. Le silence se fit dans le public. Flora repéra dans les gradins ses amis qui la regardaient avec un visage crispé. Tout le monde l’attendait au tournant. Elle imagina son père devant son poste de télévision. Il fallait qu’elle soit au top ! Ne serait-ce que pour accéder à la phase de combat.
La musique démarra, mais elle avait choisi un air très simple, très rythmé, et qui n’utilisait que très peu d’instruments. Car tout allait reposer sur sa capacité à accompagner cette musique.
— Je viens d’une région au sud de Hoenn, raconta Flora sur le rythme lent de maracas. Dans le passé, chaque village de Hoenn possédait un couple de dirigeants. Le premier membre du binôme était un homme, le chef de clan, et le second une femme, la rosière.
En racontant son histoire, Flora marchait de manière voluptueuse, les pieds nus sous sa robe jaune pâle avançant sur le rythme de la musique enchanteresse.
— La rosière était toujours accompagnée d’un pokémon félin.
Skitty se matérialisa devant sa maîtresse. À ses pattes, Flora lui avait noué des grelots. Flora et son pokémon se mirent à danser de manière sensuelle, faisant jouer des grelots qui s’ajoutèrent aux maracas de la musique.
— La rosière était une jeune fille qu’on récompensait pour sa réputation vertueuse. On disait d’elle qu’elle guidait son peuple vers la vertu et la connaissance éternelle. C’est pourquoi chaque année, le village organisait une cérémonie où la danse symbolisait l’ode à la rosière. Et on lui dressait une couronne de roses sur la tête afin de la remercier de sa guidance vers la pureté.
Skitty courut vers sa maîtresse, passa sous ses jambes, et réapparut derrière elle avec une couronne de roses dans la gueule. Elle propulsa la couronne sur la tête de Flora qui, clairement, cherchait à se comparer au personnage féminin de son récit.
— Et le village se mettait à danser toute la nuit en l’honneur de la rosière.
Flora ferma les yeux et se mit à danser en tournant sur elle-même, toujours aussi lentement, toujours de manière aussi répétitive. Skitty bondit sur le pupitre de Monsieur Lang et frappa de sa queue le bureau sur le rythme de la musique. Utilisant les pupitres comme des tamtams, et Flora ses pieds comme des claquettes, elles terminèrent leur prestation en faisant monter le rythme, jouant elle-même des instruments et faisant revivre une cérémonie du passé de Hoenn.
Le public acclama la prestation presque aussi chaleureusement que celle de Brice.
— Fantastique retour dans notre passé historique ! commenta Cassandre en applaudissant elle aussi Flora et sa Skitty. Les historiens seront aussi ravis que les amateurs de poésie ! Le jury a-t-il été charmé par ce voyage dans le temps ?
Monsieur Lang félicita Flora pour sa précision historique et sa capacité à créer de la magie en utilisant le rythme de son corps, et lui accorda un « 4/5 ». Le styliste David Meanjotte lui octroya un « 4,5/5 » en ne tarissant pas d’éloges suite à l’émotion qu’il avait ressentie. Enfin, Adriane lui offrit un « 5/5 » en avouant avoir été conquise par la star montante que Flora représentait. Sofian se jeta sur son boîtier pour lui attribuer la note maximale et s’occupa lui-même du boîtier de Timmy.
— Nous voilà enfin arrivés à notre dernière coordinatrice en lisse ! annonça Cassandre. Elle aussi absente du dernier concours, elle a notamment fait briller les yeux de ses fans dans la version Kantonaise des concours de coordination ! Est-elle de retour avec une prestation haute en couleur ? C’est au tour d’Annick Furler de Vergazon et de son Azurill !
Flora serra dans ses bras son amie une dernière fois, persuadée qu’il lui faudrait beaucoup d’énergie positive pour passer sur scène. Annick quitta les coulisses le teint verdâtre. C’était la première fois que Flora la voyait dans cet état. Son manque de temps d’entraînement devait avoir joué sur son état de stress, mais elle était convaincue que son expérience rattraperait le tout.
Confiante, Flora se laissa tomber sur un pouf et observa attentivement la prestation de sa meilleure amie dans un des écrans des coulisses. Sur une musique entraînante, Annick avait ordonné à son Azurill d’envoyer une attaque « pistolet à eau » dans les airs. Azurill s’était alors précipité de l’autre côté de la scène, plus vite que son jet d’eau, afin de le frapper à l’aide de sa queue sphérique. Puis, il courut dans l’autre sens afin de faire de même. Azurill se livra quelques instants à un match de ping-pong en solitaire avec son propre jet d’eau.
Flora éclata de rire face à la mignoncité de cette prestation. Mais autour d’elle, de vives critiques s’élevaient depuis leurs concurrents. Il était vrai que l’exercice était plutôt simple et peu travaillé. Mais Annick n’avait pas eu beaucoup de temps de préparation ! Pourquoi les autres étaient-ils aussi peu indulgents ?
— J’ai de la peine pour elle, critiqua Brice en serrant les dents.
— Oh non, pas toi ! se plaignit Flora.
— Regarde la tête des spectateurs.
Les visages des premières rangées éclairées par la lumière trahissaient le malaise. En repensant à la prestation de Brice, Flora dû se l’admettre : Annick n’était pas au meilleur de sa forme.
La prestation se termina par un dernier coup de queue de la part d’Azurill qui fit exploser le jet d’eau en une pluie fine qui fit refléter les lumières en un joli arc-en-ciel. Au moins, elle avait réussi à terminer de manière originale.
— C’est sur une pluie d’arc-en-ciel que se clôture la dernière prestation de la soirée, commenta Cassandre qui était assez professionnelle que pour ne pas écraser davantage Annick. Voyons ce qu’en ont pensé nos juges !
La sanction ne se fit pas attendre : aucun des jurés ne lui attribua une note supérieure à la moyenne, si bien qu’Annick retourna en coulisses complètement dépitée.
— Ce n’est pas grave, je suis sûre que tu as fait assez que pour combattre dans la phase finale, réconforta Flora en voyant le visage inquiet d’Annick.
— Ce n’est pas ça, dit-elle visiblement perturbée par quelque chose. Je savais que je ne ferais pas une belle prestation. Non, c’est surtout que j’ai vu quelqu’un dans le public qui m’a beaucoup déconcentrée.
Annick mentionna la présence de Sarah Match qu’elle avait reconnue suite à leur emprisonnement dans les geôles du repère de la Team Magma sept semaines plus tôt.
— C’est une longue histoire, rassura Flora en lui racontant la repentance de la sœur de Sofian.
— Ça veut dire qu’on avait raison ? Elle est innocente ?
— C’est compliqué…
— Ça y est, les résultats sont tombés ! annonça Cassandre après un retour de publicité. Découvrons sans plus attendre les noms des huit qualifiés à la seconde manche et la note totale qui leur a été attribuée grâce à vos votes !
Sofian serra ses accoudoirs dans ses poings. Il fallait que Flora se qualifie ! Il fallait qu’elle ait une chance de battre Brice et de le remettre à sa place !
— Le premier candidat à se qualifier avec la note record de « 19,8/20 » est… Brice Belangelo et son Lippouti !
Le public hurla de joie tandis que trois autres concurrents s’affichaient à l’écran.
— En cinquième position, avec l’excellente note de « 17,59/20 », probablement sa meilleure note historique… Flora Seko et sa Skitty !
Sous les regards amusés de sa sœur qu’il ignora, Sofian bondit sur son siège et se détruisit les cordes vocales en hurlant le nom de son amie. Timmy éclata de rire en applaudissant bruyamment.
Deux autres coordinateurs s’étaient qualifiés après Flora. Il ne restait qu’une place, et Annick n’avait toujours pas été citée. Et si elle ne passait pas cette phase de qualification ?
— Enfin, la dernière place pour la seconde manche est attribuée à… eh bien c’est à vous de le décider chers spectateurs ! En effet, pour la première fois dans l’histoire du concours, nous avons une égalité entre deux concurrents ! Avec « 12,2/20 », autant Annick Furler et son Azurill que Loïc et son Teddiursa sont en balance ! À vous de les départager !
Cette fois-ci, ce fut Timmy qui pressa de toutes ses forces le numéro correspondant à Annick et qui s’occupa du boîtier de Sofian.
— Le ou la huitième finaliste est… annonça Cassandre en faisant durer le suspense. Loïc est son Teddiursa !
Timmy laissa tomber son boîtier de dépit.

La sentence avait eu l’effet d’un électrochoc. Elle n’était pas qualifiée. Annick, une des plus grandes coordinatrices de la région, celle qui lui avait tout appris et qui l’avait soutenue dans ses entraînements, celle qui lui avait servi d’exemple, de modèle… Annick n’avait pas accédé à la phase finale du concours.
— Ne t’en fais pas pour moi, rassura Annick en réconfortant son Azurill dans ses bras, je m’attendais à ce résultat. De toute façon, je n’aurais pas aimé gagner en sachant que je n’avais pas travaillé pour.
Mais Flora avait tout de même décelé de la déception chez son amie. Elle-même était dévastée et n’arrivait pas à ressentir de la joie pour sa propre qualification.
— Il fallait bien qu’un jour l’élève dépasse la maîtresse ! lança Annick en faisant mine d’être réjouie pour elle.
— Ce n’est que parce que tu n’as pas eu le temps de t’entraîner ! répliqua modestement Flora.
Elles évitèrent les journalistes qui suivaient Brice à la trace et s’installèrent toutes les deux sur un canapé moelleux face aux écrans.
— J’ai hâte de voir comment Brice s’en sort dans un combat pokémon, dit Flora. Je ne l’ai jamais vu à l’œuvre !
— Moi non plus, j’ai toujours l’habitude de la mater lui plutôt que son pokémon !
Et les deux filles éclatèrent de rire.
Dans les écrans des coulisses, Brice fit son entrée face à l’enfant Loïc.
— Le hasard a bien choisi, ce sera le meilleur coordinateur de la saison, Brice, qui ouvre la phase des Combats contre le jeune coordinateur en herbe Loïc ! annonça la présentatrice. Les deux coordinateurs devront se départager dans un match pokémon qui durera cinq minutes et cinq minutes…
— …uniquement ! scanda le public en chœur.
— Chaque coup porté contre son pokémon coûtera au coordinateur un nombre de points déterminé par les membres du jury, expliqua Cassandre. Ai-je besoin de rappeler que l’une d’entre eux est la championne locale ? Autant dire que nos coordinateurs devront redoubler de sang-froid, de robustesse et d’intelligence afin de gagner leur match avant le temps imparti ! Si aucune des deux barres de vie numérique n’est complètement vide à l’issue du temps imparti, la victoire sera attribuée à celui ou celle qui aura su garder le plus grand nombre de points de vie !
« Il est temps à présent de démarrer cette phase finale des Combats ! Coordinateurs, que le combat commence !
Et Flora assista au match le plus rapide qu’elle eût vu de sa vie. Sans attendre les ordres de son maître, Lippouti avait pris l’offensive. Il envoya une rafale de neige qui se matérialisa en un chemin similaire à ceux que l’on pouvait retrouver sur les pistes de snowboard. Le pokémon glace glissa sur la piste enneigée, s’envola avec souplesse au-dessus du Teddiursa impuissant, et retomba derrière lui avant de lui offrir un « doux baiser ». Le Teddiursa recula de quelques pas, confus, et s’écrasa dans la neige. Un coup de tête plus tard, Lippouti ressortait vainqueur de ce match sous les ovations du public.
— Si j’arrive jusqu’en finale contre Brice, ça va pas être de la tarte, grogna Flora.
Encore fallait-elle qu’elle gagne ses combats. L’adolescente avait rarement combattu avec sa Skitty et elle regretta amèrement avoir tout misé sur sa prestation lors de ses entraînements. Son adversaire, un Abra, s’amusait à se téléporter d’un coin à l’autre de la scène, faisant courir sa Skitty jusqu’à l’épuisement. Sa barre de vie descendait à vue d’œil à mesure que le temps s’écoulait. Elle finit par changer de stratégie en utilisant les pouvoirs de séduction de son pokémon. Complètement gaga de Skitty, Abra ne parvenait plus à fuir et put être mis au tapis par le chat rose dont les grelots aux pattes tintinnabulaient au rythme de ses attaques.
— Ça, c’est grâce à moi ! s’exclama Sofian en applaudissant son amie. J’ai appris cette technique à sa Skitty lors du concours de Vergazon !
— Ben voyons ! soupira Timmy.
La compétition se poursuivit entre les quatre derniers coordinateurs. Brice fit à nouveau preuve d’intelligence avec une stratégie millimétrée. Son adversaire avait tenté d’attaquer en premier afin d’éviter le coup de la piste de ski, mais Lippouti avait prévu une astuce défensive. Avec son attaque « choc mental », il avait immobilisé le Carapuce adverse dans les airs. Dans l’incapacité de bouger, le Carapuce était contraint d’écouter la douce berceuse de Lippouti et s’endormit. Une fois libéré des pouvoirs psychiques de Lippouti, il s’écrasa au sol et perdit l’entièreté de sa barre de vie. Brice s’était qualifié pour la finale en un temps record.
Flora n’en démordit pas. Elle terrassa le Chenipotte adverse avec tant de facilité que Sofian en fut agréablement surpris. Connaissant les attaques de son adversaire par cœur, ayant elle-même élevé un Chenipotte jusqu’à sa transformation finale, Flora n’eut aucun problème pour contrer la stratégie de son adversaire. Skitty donna un dernier coup de tête et Chenipotte s’écrasa au pied de sa maîtresse.
— C’est une formidable finale qui vous attend, chers téléspectateurs ! annonça Cassandre sous les cris hystériques du public. Si vous aimez la beauté des prestations artistiques ainsi que la vigueur des combats pokémons, vous allez être conquis par cette finale enflammée qui oppose Brice Belangelo de Lavandia, et son Lippouti, à Flora Seko du Bourg-en-vol, et sa Skitty !
L’heure de vérité avait sonné. Elle était en finale. Il ne lui restait qu’un combat, qu’un adversaire avant de décrocher son deuxième ruban. Et quel adversaire ! Brice, le plus grand coordinateur de la région. Brice, l’idole de tous les fans des concours de coordination. Brice, son idole.
— À gauche, la grande icône de la réussite, le coordinateur le plus talentueux de sa génération ! À droite, l’étoile montante, la gagnante de la dernière édition du concours ! Lequel des deux gagnera ce dernier concours de l’année 2011 ? Lequel des deux décrochera le fabuleux ruban rouge de Vermilava ?
Flora inspira un grand coup en ignorant les gouttes de sueur qui coulaient dans son dos et se perdaient dans sa robe jaune pâle. En face d’elle, la combinaison moulante sur le corps sculpté de Brice ne pouvait pas la déconcentrer. Elle avait cinq minutes pour gagner ce match. Pas une de plus.
— Coordinatrice, coordinateur, que le combat commence ! lança la présentatrice.
Le compte à rebours démarra. Lippouti ouvrit les hostilités une nouvelle fois sans le besoin d’être dirigé par son maître. Il créa à nouveau une piste enneigée. Brice ne pouvait pas utiliser sa stratégie deux fois d’affilée ! Il était beaucoup trop malin que pour croire qu’elle n’arriverait pas à contrer cette attaque. À moins que… ?
— Pourquoi est-ce qu’elle ne réagit pas ? s’étonna Sarah.
— C’est plutôt simple, non ? rétorqua Sofian, irrité par la stupidité de sa sœur.
Au bout de sa piste de neige, Lippouti s’envola haut dans les airs et retomba derrière Skitty. Flora n’avait pas fait bouger son pokémon, et elle fut surprise de constater qu’elle avait vu juste car l’immobilité du chat avait perturbé Lippouti qui hésita un instant. Flora profita de ce moment d’incertitude pour passer à l’action : Skitty lança un regard attendrissant à Lippouti. Elle l’avait piégé.
— Lippouti, changement de programme ! On adopte le plan B !
Mais Lippouti semblait ne rien vouloir adopter du tout. Le petit pokémon bébé s’approcha de Skitty, les bras ouverts, comme dans l’attente d’un câlin.
— Parfait ! Kitty, envoie la sauce !
Skitty frappa son adversaire à l’aide de sa queue. Lippouti fut projeté contre sa piste enneigée qui explosa sous le choc dans un nuage de poussière glacée.
— C’est incroyable ! commenta la présentatrice. J’ai du mal à comprendre ce qu’il vient réellement de se passer, mais Flora et sa Skitty ont volé l’avantage que s’étaient octroyés leurs adversaires !
— Il s’agit d’une stratégie rondement menée ! intervint Adriane à qui on avait tendu un micro. En réalité, Brice espérait que Flora réagisse comme n’importe quel dresseur l’aurait fait : elle aurait dû vouloir éviter la première attaque de Lippouti en s’attendant à ce qu’il reproduise la stratégie qu’il a adoptée contre Loïc. Mais Flora a été beaucoup plus maline et a préféré ne pas réagir, ce qui a déstabilisé Lippouti qui avait un plan dans sa tête. Flora s’est donc engouffrée dans cette confusion et avec l’attaque « attraction » qui a suivi, Skitty a littéralement emprisonné Lippouti de son charme. Lippouti ne pouvait donc plus rien faire !
Flora jeta un coup d’œil au tableau des scores : une minute s’était écoulée et la barre de vie de Brice avait été entamée.
— Je vois que tu n’es pas qu’une coordinatrice talentueuse, lui lança Brice depuis son côté de la scène, mais tu es une combattante redoutable !
— Je m’attendais à mieux de ta part ! nargua Flora, le cœur battant la chamade.
— Tu as fait une erreur en envoyant Lippouti dans la neige. Lippouti, fais-toi plaisir !
La neige alentour se transforma en tornade glaciale et Lippouti apparut en son centre en tournoyant sur lui-même. Il envoya la poudreuse sur Skitty qui recula sous le coup. La barre de vie de Flora rattrapa celle de Brice.
— Kitty, il est temps de montrer à tout le monde que tu as le rythme dans la peau !
Skitty se protégea à l’aide de sa queue et frappa chaque cristal de glace qui la menaçait. Les grelots accrochés à ses pattes rythmèrent ses attaques et les boules de glace qu’elle renvoya à Lippouti atteignirent leur cible pour la plupart d’entre elles.
— C’est une attaque « torgnoles » maîtrisée à la perfection ! commenta Cassandre.
— J’ajouterai qu’elle est intelligemment détournée de sa fonction principale ! précisa Adriane qui semblait se délecter de ce combat. C’est signe d’une grande dresseuse !
Sofian inscrivit cette remarque dans son crâne : s’il voulait impressionner la championne d’arène, il allait devoir jouer avec les capacités de ses pokémons pour la surprendre.
Le combat repris avec vigueur, chacun des deux concurrents désirant en finir avant la fin du temps imparti. Chaque coup porté à l’un était directement rendu à l’autre. Lippouti et Skitty s’affrontèrent sans relâche devant un public en délire. Sofian devait se l’admettre, jamais il n’avait vu Flora aussi performante. Elle avait décidément beaucoup de ressources et était impressionnante. Il n’avait qu’une hâte : l’impressionner en retour lors de son match d’arène.
— C’est incroyable ! Nous entrons dans la dernière minute de combat et aucun des deux coordinateurs n’arrive à ses démarquer de l’autre ! s’enthousiasma Cassandre.
— Kitty, envoie à nouveau tes « torgnoles » !
— Elle a mordu à l’hameçon, Lippouti !
Flora se rendit compte trop tard de son erreur. Elle venait pour la première fois d’ordonner à sa Skitty d’utiliser une attaque au corps à corps sans être directement en position de toucher son adversaire. Lippouti en profita pour l’immobiliser dans les airs à l’aide de son attaque « choc mental ».
— Et maintenant…
— … « berceuse » !
— … « poudreuse » !
Brice et Flora avait crié en même temps. Skitty chantonna son air hypnotisant tandis que Lippouti envoya une rafale de neige. Le chat s’interrompit, congelé dans la neige qui lui fouettait le visage, tandis que Lippouti piqua du nez et relâcha son emprise psychique. Skitty et Lippouti chutèrent au sol au moment exact auquel le gong final retentit.
Tous les regards se tournèrent vers le panneau des scores ; Flora et Brice se tordirent le cou.
— Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, c’est exceptionnel ! En dix ans d’histoire, jamais un concours de coordination ne s’était terminé de cette manière ! Sur le gong final, à la seconde près, les deux concurrents ont épuisé la barre de vie de leur adversaire !
Un silence désemparé s’empara de la salle. Flora et Brice avaient perdu toute leur barre d’énergie, et le compte à rebours avait touché sa fin. Tous deux avaient perdu en même temps. Sofian se redressa sur son siège. Qui avait gagné ? Que disaient les règles dans ce cas précis ?
Les techniciens et les membres du jury semblaient tout aussi perplexes que la présentatrice et les spectateurs. Flora et Brice en profitèrent pour s’occuper de leurs pokémons mal en point.
— Je ne comprends pas ce qu’il se passe, marmonna Nathalie Match.
— On dirait que Monsieur Lang est en train de réfléchir à une solution, indiqua Sarah.
— Flora doit avoir gagné ! assura Sofian.
— Brice aussi ! s’exclama Timmy, hébété.
Crispée sur son divan dans les coulisses, Annick se rongea les ongles jusqu’au sang. Plus qu’impressionnée, elle était effarée, car elle avait compris une chose : si elle voulait avoir une chance de gagner un nouveau ruban un jour, il lui faudrait s’entraîner plus durement qu’un champion d’arène.
Après quelques minutes d’attente meublées par des ralentis du combat diffusés dans les écrans, Cassandre se dirigea au centre de la scène et positionna les deux coordinateurs finalistes de part et d’autre d’elle.
— Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, à situation exceptionnelle, décision inédite ! Comme nos trois membres du jury sont dans l’incapacité de départager les deux finalistes, et étant donné le somptueux spectacle qu’ils nous ont réservé, les organisateurs ont adopté une décision unique : Brice Belangelo et Flora Seko sont tous deux vainqueurs et décrochent chacun un ruban rouge !
Le public explosa en un tonnerre d’applaudissement en hurlant de joie tandis que les journalistes ne se privèrent pas d’inonder la scène d’éclairs de flash de leurs appareils photos. Flora ne sentait plus ses jambes, ni ses pieds, ni aucun membre de son corps. Tout semblait irréel. Elle avait affronté son idole, le plus grand, le plus fort, et elle avait perdu contre lui, mais gagné en même temps. Brice et elle n’avaient pas pu être départagés ; en quatre mois, elle était passée d’apprenti coordinatrice à meilleure coordinatrice de sa génération.
On lui déposa dans la paume un élégant ruban rouge noué avec délicatesse. En lettres d’or, le nom de la ville : « Vermilava ». Son deuxième ruban. Sa plus grande fierté.

— À F
lora !
— Et à Brice !
On leva les coupes de champagne et on les vida avec ferveur.
Le bar débordait de fêtards enthousiastes : de toute part explosaient des chants de victoires, des cris de félicitations et des rires de joies. Sous les applaudissements de leurs proches ainsi que de clients qui avaient suivis leurs prestations à la télévision, Flora et Brice fêtèrent leur victoire à une table reculée, loin de la foule, loin des journalistes obstinés.
— Je tiens à lever mon verre, lança Annick debout sur sa chaise, non, plutôt la bouteille entière, en l’honneur de Flora qui a su depuis son premier concours apprendre de ses erreurs et battre le plus grand coordinateur de Hoenn !
— Qui m’a aussi battue ! rectifia Flora avec modestie alors qu’on tentait de lui arroser les cheveux avec du champagne.
— Quatre participations et tu arrives à me battre, moi qui en ai cinquante-cinq à mon actif, fit remarquer Brice, un verre dans le nez. Tu es décidément très talentueuse !
Flora ne se donna pas la peine de cacher son teint qui s’empourpra.
— On va s’entraîner ensemble, assura-t-elle à Annick, comme ça tu seras plus forte !
— Hors de question ! refusa celle-ci. Si je veux te battre un jour, il faut que je te surprenne ! Et ça n’arrivera pas si tu es dans mes pattes à analyser mes stratégies !
— Ça veut dire qu’on ne voyagera pas ensemble ? s’attrista Flora.
— Ne t’en fais pas, on trouvera un moyen de passer du bon moment ensemble. De toute façon, on dirait qu’on a tous décidé de rester à Vermilava pour les vacances d’hiver !
— D’ailleurs, tu ferais mieux de gagner ton badge avant, conseilla Timmy à l’adresse de Sofian. Les arènes sont fermées pendant les vacances.
— QUOI ?! C’est quand ça ?
— À partir de samedi prochain.
— Il me reste cinq jours ?!
Sofian fendit la foule et rejoignit Adriane qui était occupée à commenter avec Brice en détail chaque seconde de son match.
— Addie, je te défie en combat d’arène ! annonça-t-il pompeusement.
— Trinquons à ça ! dit-elle jovialement en avalant cul-sec son verre de mousseux.
— Tu as intérêt à être bien entraînée, parce que je compte me venger du fait que tu ne m’as pas dit que tu étais championne d’arène !
— Tu ne me l’as jamais demandé ! s’amusa Adriane. En revanche, si tu veux me prouver que tu es digne de mon badge d’arène, tu vas devoir grimper à l’arène par tes propres moyens. Normalement, on accède à mon arène via un petit téléphérique au nord-est de Vermilava. Je te défie de grimper la montagne à pied ! Et on verra si j’accepte de livrer un combat contre toi !
— Je serai là dès la première heure demain matin !
— Pour ça, il faudra que tu arrêtes de boire autant de champagne, moralisa Nathalie Match.
La championne d’arène s’éclipsa avec Brice.
— Ça va, maman, je ne suis plus un gosse.
— Ah bon ? Alors pourquoi tu te comportes comme un enfant avec ta sœur ?
— Tu rigoles ?! Tu oses me demander pourquoi je… ?
— Regarde-la !
Sa mère lui pointa du doigt le bar auquel Sarah était accoudée, les yeux tristes dans le vague, remuant la paille dans son cocktail en solitaire.
— J’aimerais que tu ailles lui demander pardon pour ton comportement de ces deux dernières semaines, sermonna sa mère.
— C’est le monde à l’envers ! s’indigna Sofian. Pourquoi est-ce que je devrais lui demander pardon ?
— Parce qu’elle s’en veut énormément ! Et parce qu’elle t’en supplie depuis deux semaines. C’est ta sœur.
— C’est une criminelle ! Elle a fugué pour rejoindre la Team Magma !
— Aux dernières nouvelles, c’est exactement ce que tu as aussi fait.
Sofian resta muet, interloqué.
— Quand tu es sorti de ton séjour psychiatrique à Autéquia, ton père t’a ordonné de rentrer à la maison et d’arrêter ton voyage, rappela-t-elle. Or, tu ne l’as pas écouté. Tu as fugué. Quelques jours plus tard, nous apprenions grâce à des amis bien placés de ton père que tu avais été aperçu sur le Site Météore en train d’aider la Team Aqua dans un conflit contre la Team Magma. Imagine le choc que c’était pour nous de voir notre deuxième enfant mêlé lui aussi aux affaires de ces terroristes ! Est-ce que cela fait de toi un criminel pour autant ?
Les deux histoires étaient complètement différentes. Lui, c’était pour empêcher la Team Magma de commettre des crimes ! Sofian bouillonna de colère en étant comparé à sa sœur. Sa sœur, qui avait fugué dix ans plus tôt en pensant vouloir faire le bien… Sa sœur, qui s’était alliée avec la Team Magma en pensant empêcher la Team Aqua de commettre un crime…
Sofian comprit enfin. Les pièces du puzzle se complétaient : le dossier qu’il avait reçu de sa sœur, les doutes de ses amis, la détresse de sa sœur et sa colère durant neuf longues années. Tout s’imbriquait.
Il quitta sa mère, et rejoignit Timmy à qui il adressa quelques mots avant de se diriger vers sa sœur.
En voyant son frère arriver, Sarah se frotta les yeux, comme pour cacher sa tristesse, et se redressa sur son tabouret. Sofian s’installa à côté d’elle sans croiser son regard. C’était trop compliqué pour l’instant. Il posa devant elle le Pokénav de Timmy.
— Tu ne me parles pas pendant deux semaines et tu m’offres un Pokénav ? s’étonna Sarah en reniflant.
— Tu devrais sonner à papa, lui dit-il.
Sarah resta muette de surprise.
— On a fugué tous les deux, toi bien avant moi, et on a tous les deux été mêlés aux affaires des Team Magma et Aqua. Tous les deux, on a pensé faire le bien. Tous les deux, on a fait du mal à nos parents. Je pense qu’on devrait demander pardon à papa, tous les deux.
Une larme coula sur la joue de Sarah. Sofian vit du coin de l’œil qu’il s’agissait d’une larme de joie, cette fois-ci. Sofian composa le numéro de l’arène de Clémenti-Ville pré-enregistré dans le Pokénav. Son regard s’attarda sur son bandage autour du majeur droit. Il était temps d’arracher le sparadrap.
Sofian se libéra de son attelle et remua son doigt réparé. Il était temps de réparer plus que ses blessures physiques.
Ensemble, Sofian Match et Sarah Match appuyèrent sur le bouton d’appel.

Elle se laissa tomber au sol poussiéreux et étendit ses jambes. Grimper le sentier qui amenait à leur cachette n’avait pas été de tout repos. Malgré la nuit bien entamée, il régnait une chaleur massacrante dans la montagne. Heureusement qu’ils avaient trouvés cette minuscule grotte pour se mettre à l’abri et gagner quelques températures fraîches.
Il lui lança une miche de pain sec et elle en arracha la mie sans grande conviction. Mais la faim parla à sa place, et elle ne fit qu’une bouchée des vivres qu’ils avaient volés. Le chat revint à son tour de sa balade nocturne et les dévisagea avec lassitude.
— Encore une fois, vous n’avez pas pensé à me laisser une part ! s’énerva-t-il.
— Tu as tous les os de poulet à ronger, répliqua Jessie en lui montrant le tas de détritus.
— Je suis un Miaouss, pas un vulgaire chat !
— Et pourtant, il miaule, soupira James.
— Pourquoi vous avez mis autant de temps à revenir ?
— Jessie tenait absolument à regarder la finale du concours de coordination.
— Au risque de vous faire repérer ?! Vous êtes vraiment inconscients !
— J’ai aussi le droit de m’octroyer un peu de plaisir ! C’est moi qui aurais dû être sur ces planches, pas cette pimbêche d’adolescente boutonneuse !
— Laisse tomber cette carrière, Jessie, nos fausses identités sont fichées.
— Et toi, Miaouss ? Du nouveau ?
— Non, impossible de la retrouver. Peut-être que si tu étais plus précise sur l’endroit où vous l’avez cachée…
— Je t’ai dit tout ce dont je me souvenais ! Ce n’est pas si compliqué de retrouver une…
— CHUT !
Un bruit de pas avait retentit à l’extérieur de la grotte. Les trois acolytes se turent et tendirent l’oreille. Sans crier gare, un homme apparut dans la fente de la roche qui donnait accès à la grotte. Son Kadabra était entouré d’une lueur magique qui illuminait les alentours. Dans sa marinière, l’homme observa un instant Jessie, James et Miaouss dans leur vieil uniforme rouge de la Team Magma.
C’est alors qu’ils le reconnurent.
— C’est le type de la Team Aqua !
— Comment il s’appelle déjà… ?
— Hercules !
— Vous n’êtes pas très compliqués à retrouver, informa-t-il.
— Qu’est-ce que ça peut te faire ? rétorqua Jessie en se mettant sur ses gardes.
Hercules scanna leur cachette de fortune de ses yeux bleu électrique et pinça du nez, comme dégoûté.
— Notre Chef était très en colère lorsque vous avez fuis, l’autre jour, dit-il en s’installant devant eux en position indienne. Il serait plus judicieux pour vous de faire en sorte d’être introuvables.
— C’est une menace ?! s’emporta James, prêt à dégainer sa pokéball.
— Non, c’est un conseil d’ami. Nous avions un accord, je vous rappelle. Vous aviez accepté de nous aider, et en contrepartie, la Team Aqua vous protégeait.
— On n’en a plus rien à faire de votre aide, indiqua Miaouss. On a une mission de notre organisation à nous à mener à terme. Et la Team Aqua n’a pas sa place dans les projets de la Team Rocket.
— Ah mais non, vous n’y êtes pas.
Hercules avait parlé avec détermination. Quelque chose dans sa voix les fit trembler.
— Un accord avec la Team Aqua ne se rompt que d’une seule manière.
— Ah ouais ? Ça nous intéresse.
— Ne rompent leur accord avec nous que les morts.
Jessie, James et Miaouss se resserrèrent contre le mur de leur grotte. Hercules se releva et s’épousseta le pantalon.
— Notre Chef a besoin de vous pour une mission de la plus haute importance, poursuivit-il calmement. Nous avons besoin de retrouver un adolescent. Malheureusement, nous ne pouvons pas l’approcher par nos propres moyens. Cependant, vous pouvez l’approcher en toute tranquillité car vous le connaissez.
Les trois acolytes restèrent vigilants tandis que le sbire de la Team Aqua énonçait ses ordres :
— Vous allez le retrouver et nous l’apporter à un endroit précis qui vous sera communiqué ultérieurement. Soit vous acceptez de collaborer avec nous, soit nous vous envoyons une armée à vos trousses jusqu’à ce que vous soyez dans l’incapacité de mener à terme notre accord.
— Qui nous dit que vous n’allez pas nous réserver le même sort que la Team Magma ? Nous faire bosser pour vous et essayer de nous abattre quand vous en avez fini avec nous ?
— Ce ne sont pas nos méthodes. Nous, nous vous récompenserons.
— On s’en fout de monter en grade dans votre organisation !
— Je n’en doute pas. Toutefois, il m’est apparu que vous sembliez vouloir récupérer votre montgolfière. Je me trompe ?
Jessie, James et Miaouss tentèrent de cacher leur intérêt, en vain.
— Votre montgolfière est actuellement gardée par quatre sbires de la Team Magma armés jusqu’aux dents en attendant votre venue. Vous nous apportez le garçon, nous vous apportons votre montgolfière.
— Et si on n’y arrive pas ?
— Cela n’est pas option.
Il sortit de l’intérieur de sa marinière un dossier et le leur jeta à la figure. James le rattrapa au vol. Sans un regard ni un mot de plus, Hercules quitta la grotte.
Jessie tendit le cou au-dessus de l’épaule de James alors que celui-ci ouvrait le dossier. « Faites que ce ne soit pas Sofian Match », pria Jessie intérieurement, « faites que ce ne soit aucun des dresseurs dont on a besoin pour notre propre mission ! »
Une photo glissa du dossier et se posa à leurs pieds. L’adolescent était blond, avait les traits fins, ses yeux bleus regardaient l’objectif avec un froid glacial, et une jolie pommette dessinait son menton.
— C’est qui ?
Miaouss retourna la photo. Son nom était inscrit en lettres manuscrites : « Brice Belangelo ».
À suivre dans : « Chaux devant ! »