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Rubis & Saphir - The Origins de Feather17



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» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 22/05/2020 à 14:12
» Dernière mise à jour le 17/09/2020 à 00:04

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo

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062. 4x16 - Sarah
Précédemment : Sofian Match, fils de Norman, le champion d’arène de Clémenti-Ville, voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, la fille du Professeur Seko, et Timmy, un jeune garçon malade originaire de Vergazon. Durant leur périple, les trois amis croisent la route des Team Aqua et Magma qui s’affrontent deux fois. Arthur, le chef de la Team Aqua, essaie de les convaincre des mauvaises intentions de la Team Magma. Ces-derniers les agressent dans le Bois Clémenti, volent le Galifeu de Sofian à Autéquia, les maintiennent tous prisonniers dans leur base secrète, torturent Timmy, dérobent une météorite sur le Site Météore et fabriquent une machine pour décupler son énergie. Sofian révèle à ses amis qu’à la suite d’un attentat à Clémenti-Ville neuf ans plus tôt, sa sœur Sarah a décidé de rejoindre la Team Magma. Max Magma arrive à réveiller le volcan du Mont Chimnée à la suite de quoi une pluie de lave et de rochers dévaste la montagne. Sofian, Flora, Timmy et Sarah, qui vient de se retourner contre son clan, s’enfuient dans un hélicoptère qui est emporté par les rochers et Sofian perd connaissance.

Sentier Sinuroc


Pokémon #201m
Il faisait chaud. Très chaud. Trop chaud pour lui. Il suffoquait. Sa gorge le démangeait. Il toussota d’abord, avant de tousser âprement et de crachoter une bouillie noire qui lui avait bloqué la trachée.
Sofian ouvrit les yeux. Il était étalé de tout son long sur un sol terreux recouvert d’un voile gris. Devant son visage, sa main droite emplâtrée recueillit un flocon de cendre qui avait virevolté dans le vent.
Aucun bruit aux alentours, aucun son. Ses membres le faisaient horriblement souffrir et il évita de se relever trop vite. Dans la nuit, il distingua le flanc de montagne sur lequel il était étendu.
Se relevant difficilement, à quatre pattes dans un premier temps, il reconnut les environs. Le Mont Chimnée. Les souvenirs de l’horrible accident qu’il venait de vivre lui revinrent. Devant lui, une scène d’horreur se dessinait à mesure que ses yeux s’habituaient à la pénombre. Une coulée de lave glissait sur le flanc de montagne depuis le sommet du volcan jusqu’à disparaître dans la nuit. D’énormes rochers de toutes formes étaient logés de manière éparse dans la montagne.
Sofian se releva sur ses jambes fébriles. Une douleur au crâne lui rappela le coup qu’il avait pris sur la tête lorsqu’il avait été balloté dans tous les sens dans l’hélicoptère qui… L’hélicoptère ! Derrière lui, le gigantesque appareil militaire de la Team Magma était couché sur le côté : la tôle était griffée, froissée, pliée, les hélices en avaient été arrachées, les vitres étaient brisées et éparpillées sur des dizaines de mètres à la ronde.
— Flora ! Timmy ! appela-t-il en titubant vers la carcasse de l’appareil.
— Sofian !
Quelqu’un lui attrapa le bras, puis on le tira violemment en arrière. Déstabilisé, Sofian essaya de se débattre avant de reconnaître le visage de son amie. Flora avait quelques égratignures sur le front. À côté d’elle, Timmy ne semblait pas plus blessé, mais son regard trahissait la peur et l’angoisse.
— On… on a survécu… ?
— Oui ! Mais dépêche-toi, viens !
Flora le tira loin de l’hélicoptère sans se soucier de son équilibre. Timmy aida Sofian à se déplacer et à suivre l’adolescente qui se précipitait vers un sentier aménagé dans la roche.
— Qu’est-ce que… ?
— Chut !
Flora lui plaqua une main contre sa bouche et le força à s’agenouiller derrière un mur de terre. Ils étaient sur les premières marches d’un escalier en bois qui descendaient vers un sentier de ballade, en direction de la vallée plongée dans la nuit.
Interloqué par le comportement de son amie, Sofian resta silencieux. Timmy lui montra un bâtiment au loin. Il s’agissait du bâtiment du téléphérique du Mont Chimnée où la nacelle qu’ils avaient empruntée plus tôt dans la journée aurait dû les amener. Des lumières bleues tournoyaient dans la montagne et plusieurs personnes couraient dans tous les sens, munies de lampes de poche.
— La police, indiqua Flora en chuchotant. Ils sont arrivés juste après le crash. Mais les Team Magma et Aqua avaient déjà fui dans la montagne.
— Pourquoi… ?
Mais Sofian n’eut pas besoin de poser sa question car la réponse s’était tout de suite présentée à lui. Devant une des voitures de police, il reconnut la silhouette de l’agent Jenny qui discutait avec deux personnes. L’un d’eux était un jeune adulte grassouillet, l’autre était une jeune femme aux cheveux roux. Sarah Match, sa sœur.
Le sang ne fit qu’un tour en Sofian. L’adolescent se leva d’un bond et, ignorant la douleur dans ses membres inférieurs, courut vers les policiers en évitant ses amis qui avaient voulu le garder près d’eux.
— Ne la croyez pas ! s’exclama-t-il en rejoignant les policiers.
L’agent Jenny se tourna vers lui, surprise de le voir débarquer de nulle part, et posa sa main sur une pokéball, prête à l’arrêter.
— Ne bougez plus ! ordonna-t-elle.
Sofian s’exécuta en levant les mains.
— Non, non, il est avec moi ! intervint Sarah. C’est mon frère dont je vous parlais !
Et Sarah se jeta dans les bras de Sofian. L’adolescent la repoussa violemment avant de l’observer de plus près. Elle avait changé de vêtements : elle avait troqué son uniforme de la Team Magma pour des vêtements de voyage que Sofian reconnut. Il s’agissait des habits de Flora. Justement, son amie et Timmy venaient de les rejoindre au pas de course.
— Hormis le jeune homme qui nous a appelé en renfort, vous étiez tous dans l’hélicoptère quand il s’est écrasé ? essaya de comprendre la policière en se ravisant d’appeler son pokémon.
— Oui, on a essayé de fuir les lieux en prenant un de leurs appareils qu’ils avaient laissés derrière eux, expliqua Sarah.
Décontenancé, Sofian fut trop perturbé par la situation que pour intervenir.
— Je ne comprends pas, qu’est-ce que vous faisiez sur ce volcan ? interrogea l’agent Jenny en reprenant ses notes. Vous m’avez dit que vous étiez en train de visiter la région et que vous avez pris le téléphérique en fin d’après-midi.
— C’est exact, approuva le dresseur grassouillet. La Team Magma a détruit le téléphérique pour empêcher quiconque de monter. Avec mon Hypnomade et le Tarsal du petit, on a réussi à sauver les passagers. Ce sont eux qui vous ont appelé à l’aide. Après, on s’est dit qu’on pouvait les ralentir ou les empêcher de fuir avant que vous n’arriviez.
— Ce n’était pas très malins ! Vous avez beaucoup de chance d’avoir survécu à cette éruption volcanique ! Et vous étiez tous dans ce téléphérique ?
— Oui, mentit Sarah.
Sofian comprit alors. Sa sœur était en train de couvrir ses arrières. Mais il était hors de question qu’il la laisse se tirer de ses crimes.
— Elle vous ment !
— Sofian !
C’était Flora qui était intervenue. Sofian ne comprenait pas. Pourquoi sa meilleure amie était-elle en train de couvrir sa sœur criminelle. Avaient-ils tous oublié ce qu’elle leur avait fait subir ?
— Cette femme fait partie de la Team Magma, reprit Sofian, déterminé à rétablir la vérité. Elle s’appelle Sarah Match et elle y est entrée le 24 août 2002 après avoir participé au putsch de Clémenti-Ville. Après neuf ans de bons et loyaux services, elle est le bras droit de leur leader, Max Magma. Elle est responsable du kidnapping de mon ami Timmy et de mon Galifeu lors de l’attentat d’Autéquia il y a un mois. Et aujourd’hui, elle a aidé son organisation de terroristes à réveiller le volcan du Mont Chimnée.
Sarah évita le regard belliqueux de son frère et baissa les yeux face à l’agent Jenny qui semblait complètement perdue. La policière faisait glisser ses doigts sur son Pokénav.
— Je ne vois aucune plainte déposée contre vous à cette date, ni une seule mention de ces affaires dans votre casier judiciaire, révéla l’agent Jenny.
— C’est parce que son dossier a été effacé ! persista Sofian.
— Attendez une seconde…
Quelque chose avait attiré l’attention de l’agent de police dans son Pokénav.
— Vous avez parlé du siège de Clémenti-Ville le 24 août 2002 ? Vous êtes… vous êtes la jeune fille qui était portée disparue depuis ce jour ?!
Sarah acquiesça. Le cœur de Sofian tomba dans sa poitrine.
— J’ai été retrouvée quelques jours plus tard, mentit à nouveau Sarah.
— Nom d’un Scarabrute ! s’exclama l’agent Jenny. En effet ! Madame Match, toutes nos excuses d’avoir pensé que vous pouviez être suspecte.
— Elle ment ! Elle vous ment éhontément ! s’écria Sofian, hors de lui.
— Jeune homme, c’est votre parole contre celle des dossiers de la police. Si vous avez un problème à régler avec votre sœur, vous pouvez toujours porter plainte au commissariat et nous nous ferons un plaisir de monter une enquête. En attendant, Sarah Match, vous êtes libre.
Et l’agent Jenny leur intima de quitter les lieux du crime.

Pokémon #201
La lune brillait faiblement dans le ciel étoilé autour du Mont Chimnée. Le calme semblait avoir repris ses droits depuis le départ de la police. Entre les décombres, Timmy ramassa une petite roche bosselée et calcinée : les restes de la météorite que Max Magma avait jeté dans le volcan et qui avait dû en être recraché aussitôt.
Des cris retentissaient au départ du Sentier Sinuroc. La dispute entre le frère et la sœur était cataclysmique. Flora tentait de les calmer en se positionnant entre eux, mais en vain.
— Laisse-moi juste deux minutes, je t’en prie ! suppliait Sarah, le visage plein de larmes.
— Je n’ai pas l’habitude de perdre mon temps avec des criminelles ! s’égosillait Sofian en mettant le plus de distance entre elle et lui.
— Tu n’as pas vu comment ils m’ont traitée ce soir ? Tu n’as pas entendu les mots que Monsieur Magma a employés ? Il m’a traitée de traitre ! de trainée !
— Il est peut-être plus lucide qu’il n’y parait, finalement !
— Sofian, écoute-moi ! Pitié !
— Pitié ? PITIÉ ?! Tu en as eu de la pitié pour Timmy quand tu l’as agressé dans le Bois Clémenti ? Tu en as eu de la pitié pour lui quand vous l’avez torturé ? Et pour mon Galifeu ? Et pour moi quand vous m’avez retenu prisonnier ? Et pour maman et papa ? Tu en as eu de la pitié pour eux quand ils se sont déchirés après que tu sois partie chez la Team Magma ?! TU SAIS OÙ TU PEUX TE LA FOUTRE TA PITIÉ ?
Et Sofian lui tendit son majeur emplâtré à quelques centimètres de son visage.
— Sofian, s’il-te-plait… Ça fait un an que j’attends ce moment, je t’en prie, laisse-moi te…
Mais Sofian lui tourna le dos et se réfugia dans la tente qu’ils avaient dressée. Sarah se laissa tomber au sol, épuisée, et enroula sa tête entre ses jambes pour laisser sa tristesse s’exprimer.
Sofian resta debout au centre de la tente et fit les cents pas. La colère l’avait rongé durant neuf ans, aujourd’hui elle le dépassait. Jamais il ne s’était senti aussi enragé, aussi déterminé à tout détruire autour de lui. Il fallait qu’il crie, il devait hurler, laisser sa rage s’exprimer. Ce qu’il fit. Il sentit le sol trembler autour de lui, ou plutôt étaient-ce ses membres qui vacillaient ?
Flora et Timmy entrèrent dans la tente. Ils établirent une distance de sécurité entre eux et leur ami qui tremblait de tous ses membres, et patientèrent.
— QUOI ?! cracha-t-il.
— Je crois que tu fais une grosse erreur, osa Flora en se tordant les doigts dans ses mains.
— C’EST UNE BLAGUE ?! TU LA CROIS TOI ?!
— Je crois que… je crois qu’il faut d’abord écouter deux versions d’une même histoire pour en tirer des conclusions.
— Ah ouais ? Quelle partie de l’histoire tu n’as pas compris ? Celle où elle a essayé de nous tuer dans leur repère ?
Flora baissa les yeux.
— Et toi Timmy ? Tu la crois quand elle te dit qu’elle n’a pas voulu que tu te noies dans ce lac après t’y avoir jeté dedans ? Ou c’est le fait qu’elle n’ait pas levé un petit doigt pour éviter qu’ils ne te tabassent dans leur repère ?
— Je ne la crois pas, avoua ce-dernier. Et je n’ai aucune confiance en elle. Mais je pense qu’elle a des informations qui peuvent nous être utiles. Je pense qu’il faut écouter ce qu’elle a à nous dire.
— Pourquoi ?!
— Pour être certains qu’on prendra la bonne décision quand on la livrera à la police de Vermilava, révéla Timmy. Avec ses aveux, si elle a commis tous ces crimes, elle finira sa vie en prison.
Sofian se calma un peu. Timmy avait toujours les mots justes, les mots censés. Il l’en remercia silencieusement.

Flora et Timmy s’étaient assurés d’encadrer Sofian pendant la conversation. Assis en position indienne de part et d’autre de l’adolescent, ils s’assurèrent qu’il n’eût aucun mouvement agressif lorsque sa grande sœur entra dans la tente. Sarah s’installa devant eux avec prudence et patienta en silence que quelqu’un rompe la glace.
— Tu vas répondre à toutes nos questions sans le moindre mensonge, ordonna Sofian avec force.
Sarah accepta en évitant son regard.
— Tu vas tout nous avouer, tous tes crimes, tous tes forfaits, et nous te livrerons à la police avec tes aveux.
— D’accord, répondit Sarah dans un murmure.
— Pourquoi tu as rejoint la Team Magma ?
— Personne ne rejoint la Team Magma, répondit simplement Sarah. C’est eux qui vous sélectionnent.
— TU MENS !
— Ok ! intervint Timmy en maintenant son ami assis au sol. On va commencer par une question plus simple. Pourquoi la Team Magma voulait réveiller le volcan du Mont Chimnée ?
— Ils cherchaient à réveiller une puissance qui, d’après eux, sommeille au sein du Mont Chimnée.
— Quelle puissance ? interrogea Flora avec curiosité.
— Je ne sais pas. Je n’avais pas accès à toutes les informations. Je n’ai été nommée Administratrice — c’est-à-dire bras-droit, cheffe, ce que vous voulez qui a des responsabilités — que depuis un mois.
— Neuf ans dans la Team Magma, et tu n’as pas été capable de gravir les échelons ? s’étonna Sofian avec mépris et cynisme.
— Ce n’était pas mon but.
— Et c’était quoi ton but ?
— Survivre.
Sofian bouillonna de colère mais Flora l’empêcha de se lever.
— Qu’est-ce que la Team Magma manigance ? demanda-t-elle rapidement pour éviter de perdre le contrôle de l’interrogatoire. Est-ce qu’ils veulent dérégler le climat ou est-ce qu’ils veulent empêcher la Team Aqua de le faire ?
— Je ne sais pas. J’ai longtemps cru que nous nous battions contre la Team Aqua pour sauver Hoenn, mais depuis un an, j’ai de plus en plus de mal à croire en nos bonnes actions. Ou plutôt, en leur bonnes actions.
Sofian émit un rictus dédaigneux.
— Je pense qu’autant la Team Magma que la Team Aqua ont des projets dangereux mais qu’ils sont tous les deux incompatibles.
— On va aller loin avec toutes ces suppositions, fit remarquer Timmy qui restait très sceptique.
— Le réveil progressif du volcan a été provoqué par la Team Magma au fil de ces dernières années, expliqua Sarah en essayant de mettre le plus de sincérité dans sa voix. Je ne sais pas pourquoi ils font ça, mais je sais qu’ils espèrent augmenter la température de la région. Probablement qu’ils essayaient de réveiller « la puissance » du Mont Chimnée, mais qu’ils n’ont jamais réussi avant… avant hier. Cependant, il y a eu d’autres dérèglements climatiques qui n’ont aucun rapport avec nos — leurs — activités. Probablement que la Team Aqua est derrière tout cela. Ou peut-être pas. Peut-être qu’il y a véritablement une menace sur Hoenn. Ce qui est très dangereux, car cela leur procure un semblant de justification pour ce qu’ils font. Ça leur donne du crédit lorsqu’ils disent vouloir sauver Hoenn.
— C’est pour sauver Hoenn que vous m’avez torturé ?
Sarah croisa enfin le regard de Timmy. C’était de la honte qui avait déformé les traits de son visage.
— Nous — Ils — voulaient savoir si tu étais capable de te défendre en ripostant avec violence. Ils cherchaient à savoir si tu avais une âme pure. Et je ne sais pas pourquoi.
— Et j’ai passé le test ?
Sarah ne répondit pas. Son silence avait répondu à sa place.
— Pourquoi vous avez enlevé mon Galifeu ?
— Monsieur Magma — Max Magma — était persuadé que ton Galifeu était doté d’une puissance exceptionnelle que le Super Bonbon qu’il avait ingéré avait provoquée. J’imagine qu’il voulait comprendre comment cela avait fonctionné avec ton Galifeu, en tant que pokémon feu, pour reproduire l’expérience avec l’un de ses pokémons. Mais j’ai essayé de les empêcher de le torturer, crois-moi !
— Difficile à croire quand tu n’as rien fait pour aider Timmy, ou Flora, ou Annick, ou aucun d’entre nous ! s’emporta Sofian.
— Si, j’ai essayé, du mieux que je pouvais sans me faire griller, essaya de convaincre Sarah. Tu n’as aucune idée de ce qu’ils font aux traitres quand ils les interceptent !
— Est-ce que c’est vous qui nous avez aidés à nous enfuir de nos geôles ? questionna Flora.
— J’ai fait du mieux que je pouvais mais il faut savoir que nous sommes tous surveillés en permanence. Je n’avais pas accès aux commandes de vos prisons.
— Dommage, ça fait des semaines qu’on essaie de convaincre Sofian que vous auriez pu avoir une responsabilité dans notre sauvetage, dit Timmy.
— Quand tu nous as attaqué dans le Bois Clémenti, tu m’as dit que vous vouliez me recruter, rappela Sofian. Pourquoi ?
— C’était mon idée, révéla Sarah. Je voulais te protéger. Je savais que Max Magma avait une dent contre notre père. Quand j’ai appris que vous aviez emménagés au Bourg-en-Vol, j’ai voulu te protéger en t’épargnant la vengeance qu’il était en train de mettre au point. Je voulais au moins pouvoir sauver mon frère à défaut d’être capable de sauver Hoenn.
Sofian leva les yeux au ciel. Tout ceci n’avait aucun sens. Ils discutaient tranquillement avec une criminelle qui pas une fois n’avait admis ses crimes.
— Si vous êtes si horribles et que vous projetez de raser Hoenn avec vos projets anti-climatiques, pourquoi est-ce que tu es entrée dans la Team Magma ?
Sarah ne répondit pas. Une larme coula sur sa joue.
— Si tu voulais tant que ça sauver le monde et faire le bien, pourquoi tu nous as fait ça ?!
Sofian ne pouvait plus se retenir. Il laissa sa colère s’exprimer.
— POURQUOI TU AS DÉTRUIT NOTRE FAMILLE ?!
— Parce que j’étais assez stupide pour penser que ça en vaudrait la peine ! cria-elle à son tour.
Et Sarah débuta son long récit.

Pokémon #201n
29 juillet 2001 — Azuria

Douze ans, ce n’était pas trop jeune pour avoir son premier pokémon. Douze ans, ce n’était pas trop jeune pour être capable de capturer toute seule, comme une grande, un Salamèche. Elle allait leur prouver et enfin, ils allaient être fiers d’elle ! Enfin ils allaient reconnaitre qu’elle serait la digne successeuse de son père à l’arène d’Azuria.
Le pokémon sauvage lui tournait innocemment le dos. Il mâchouillait de l’herbe fraiche aux abords d’un chemin de promenade. Plus que quelques mètres et elle pourrait lui sauter dessus. Attraper un Salamèche à main nue… après cet exploit, on l’applaudirait enfin et on reconnaitrait son talent inné ! Il s’agissait à présent de ne plus respirer pour éviter de produire le moindre son. Le Salamèche était littéralement à deux pas.
Tout à coup, elle bondit en avant et s’écrasa dans l’herbe. Le Salamèche avait été très vivace et l’avait esquivée en roulant sur le côté. Il n’attendit pas son reste et se jeta sur elle, les crocs en avant. Elle se protégea le visage à l’aide de ses avant-bras, mais la douleur parvint depuis son mollet. Après lui avoir arraché un bout de chair, le pokémon sauvage s’enfuit dans les fourrés.
Quel échec. Quelle imbécile elle était ! Maintenant, il allait falloir expliquer à ses parents comment elle s’y était prise pour avoir une morsure de pokémon sur le mollet alors qu’elle était censée surveiller son frère à la maison. Son frère !!
Elle regarda sa montre. Ses parents allaient rentrer d’une minute à l’autre ! Affolée, elle se releva difficilement et courut vers Azuria en claudiquant.

— Sofian ?
Personne dans le salon.
— Sofian ?
Le jardin était tout aussi vide. Où pouvait bien se cacher cet empoté de petit frère. Il avait encore dû s’infiltrer dans un endroit interdit pour les enfants de son âge et avait dû préparer de grosses bêtises. Encore une fois, ça allait lui retomber dessus. Pourquoi était-elle toujours celle qui se faisait enguirlander pour les sottises que son petit frère faisait ?
— Sofian ?
Personne à l’étage. À tous les coups, il était allé se glisser à l’arène pour profiter de la piscine dont ils avaient interdiction d’approcher. Si son père l’apprenait, il allait encore entrer dans une colère noire qui les ferait trembler pendant des heures.
Sarah traversa la maison et accéda à l’arène via leur couloir privé. Discrètement, elle se faufila dans la salle de combat malgré l’interdiction d’y mettre un pied et chercha son frère des yeux sans trop s’avancer.
— Sofian ? chuchota-t-elle. Sofian, ce n’est pas drôle, où es-tu ?
Elle soupira. Où était-il passé ? Pourquoi devait-elle passer son adolescence à le surveiller et à lui courir après quand elle pouvait à la place s’entraîner à devenir une grande championne d’arène ? C’était fini ! Après cette journée, elle dirait à ses parents qu’elle en avait assez d’être coincée avec un enfant insupportable et qu’il était temps qu’ils assument leur rôle de parents ! C’était vrai à la fin : pourquoi pouvait-il jouer avec son ami pokémon débile alors qu’elle n’avait pas le droit d’en avoir un personnel ?
Quelque chose attira son attention : une bouée d’enfant flottait paisiblement au milieu de la piscine. Il était allé dans l’eau ! Elle allait encore être punie pour l’avoir laissé jouer dans l’arène. Mais… la bouée était carbonisée. Que s’était-il passé.
— Sarah !
La porte d’entrée de l’arène s’ouvrit à la volée et sa mère apparut dans l’encadrement. Elle semblait rassurée de la voir, mais la détresse déformait ses traits.
— Tu n’as rien ?! Où étais-tu ?!
Sa mère la prit dans ses bras, décidément incapable de choisir entre le bonheur de l’avoir trouvée et la colère. Maugréant contre son frère, Sarah lui avoua tout. Sa mère était horrifiée.
— Maman, où est Sofian ?
Sa mère la prit à nouveau dans ses bras, terrorisée.

Elle se laissa tirer dans les couloirs bondés de l’hôpital, jusqu’à une porte qui indiquait l’accès aux soins intensifs. Sa mère poussa une porte et elle fut stupéfaite de retrouver son père dans la chambre. Norman Match fit volte-face en les voyant entrer. Son visage se tordit en une grimace d’horreur et de colère.
— Où est-ce que tu étais ?! Qu’est-ce qui t’a pris de laisser ton frère tout seul ?! s’écria Norman en se jetant sur elle.
Il la secoua vigoureusement sans entendre les complaintes de son épouse.
— Il n’a que cinq ans !! Qu’est-ce qui a bien pu te passer par la tête pour le laisser seul ?!
— Je… Je… Je voulais… capturer…
— Capturer ?? Je t’avais demandé de surveiller mon fils !! Regarde les conséquences ! Regarde ce qu’il s’est passé par ta faute !
Son père la tira violemment vers le lit. Étalé de tout son long, un tube pénétrant dans sa bouche, la peau noircie, une odeur de brûlure s’échappant de chaque centimètre de son corps : Sofian gisait entre la vie et la mort. Sarah recula d’un pas, traumatisée, et vomit.

Pokémon #201i
23 août 2002 — Bourg-en-Vol

Sarah était envoûtée par le spectacle que leur offraient les magnifiques pokémons autour d’eux. Jamais elle n’avait vu de pokémons aussi exotiques. Son petit frère jouait avec un Toudoudou tandis que la jeune fille du même âge que lui s’amusait avec un tout petit Gobou. Mais le pokémon qui la fascinait le plus, elle, était le Poussifeu qui crachotait des petites boules de flamme pour faire son malin. Un pokémon de type feu. C’était exactement ce qu’il lui fallait. Malheureusement, ces pokémons appartenaient au Professeur Seko, un ami de la famille, et elle ne pourrait pas se l’approprier. Un jour, elle aurait un pokémon de type feu, que ses parents le veuillent ou non.
— Sofian, fais attention ! se plaignit-elle en voyant son frère chuter au sol la tête la première.
— Oh ça va, je fais rien que rigoler avec Doudou !
Sofian se roula dans la boue avec le petit pokémon rose qui sautait dans tous les sens.
— Tu veux bien faire gaffe ! Tu vas être tout sale ! Et puis, ce pokémon peut être dangereux !
— Mais non, c’est un bébé, fit remarquer Flora en rejoignant Sofian au sol avec son Gobou. Je suis trop contente du cadeau de mon papa ! T’as vu Sofian, il peut cracher de l’eau super loin !
Gobou envoya une petite giclée d’eau au visage de l’enfant et il éclata de rire.
Comment cette gosse avait-elle pu avoir un pokémon et pas elle qui était adolescente. Et puis, ce Toudoudou, elle espérait que Sofian n’eût pas le droit de le ramener à la maison, à Kanto, sinon c’était carrément de l’injustice !
Il fallait qu’elle en ait le cœur net. Sarah quitta l’immense parc et rentra dans le laboratoire par la cuisine. La maman de Flora leva un œil du gâteau qu’elle était en train de glacer.
— Ça va bientôt être prêt, dit-elle joyeusement. Tu vas pouvoir appeler ton frère et Flora pour qu’ils viennent souffler leurs bougies !
Sarah haussa les épaules et l’ignora. Elle passa dans le salon mais resta en retrait : ses parents étaient plongés dans une conversation sérieuse avec le Professeur Seko. Les trois adultes échangeaient silencieusement en jetant des coups d’œil furtifs au poste de télévision qui diffusaient un reportage en direct.
…bientôt vingt-quatre heures que les terroristes se sont emparés de la ville de Clémenti-Ville, expliquait le présentateur d’une voix qu’il espérait rassurante. Personne ne sait encore qui ils sont ni ce qu’ils veulent, mais ils sembleraient qu’ils soient tous dotés du même uniforme rouge. D’après nos informations, ils se donneraient le nom de « Team Magma ». Qu’ils soient liés à l’ancien « Groupe Magma » qui a œuvré il y a plusieurs décennies soit fort probable.
« Comme vous pouvez le voir depuis nos images, la ville a été entièrement barricadée par les autorités. Il semblerait que cette « Team Magma » soit en pourparlers avec le champion Marco Fuji. C’est une véritable quarantaine qui dure maintenant depuis…
— D’après les dernières nouvelles que Marco m’a envoyées, dit le Professeur Seko d’un air grave, il semblerait qu’une famille ait été enlevée et prise en otage.
— Qu’est-ce qu’ils veulent, Charles ? s’horrifia sa mère.
— Apparemment, ils veulent que la ville tombe dans leurs mains.
— Mais pourquoi ? D’où ils sortent ? Pourquoi ils veulent prendre Clémenti-Ville ?
— Je n’en sais rien. Les réseaux de communication ont été coupés depuis, je n’ai plus de nouvelle de Marco.
— Il faut intervenir, décida son père. Avec mon expertise de champion d’arène, je peux les aider.
— NON !
Sarah avait accouru et s’était jeté dans les bras de son père.
— Sarah ?! Je t’ai dit de rester dehors avec ton frère !
— Je ne veux pas que tu y ailles, papa ! C’est trop dangereux !
— Ne t’en fais pas, chérie, tout va bien se passer, rassura sa mère en la tirant hors des bras de son père.
Norman lui lança en regard noir.
— Ne te mêle pas des affaires des adultes, Sarah ! Si tu veux te rendre utile, retourne auprès de ton frère et protège-le. Le pauvre se remet à peine après un an de sa convalescence. Le moins que tu puisses faire c’est de faire en sorte qu’il ne fasse pas une rechute !
Sarah se sentit honteuse.

Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Les remontrances de son père ainsi que l’inquiétude sur le visage de sa mère la hantaient terriblement. Une porte claqua au-dehors. Qui pouvait bien sortir au beau milieu de la nuit ?
Elle se leva silencieusement pour ne pas réveiller son frère dans le lit d’à côté et se pencha à la fenêtre ouverte. Deux étages plus bas, deux hommes marchaient dans le gigantesque parc du laboratoire. Elle reconnut tout de suite son père et son ami le Professeur Seko.
Qu’étaient-ils en train de manigancer ? Rien ne lui parvenait de leur discussion à cause de la distance, mais ils s’arrêtèrent devant une horde de Ponyta. Le Professeur Seko tira un Galopa vers eux et le présenta à son père. C’est alors qu’elle se rendit compte que celui-ci était en habit de voyage. Il partait ! Mais… où ?
Son père grimpa sur le dos du Galopa qui se laissa faire et, après un dernier échange avec le Professeur Seko, ce-dernier donna une claque à l’arrière-train du pokémon qui quitta le parc au trot. Son père partait pour Clémenti-Ville ! Il allait affronter la Team Magma tout seul !
Elle était décidée. Elle allait lui donner un coup de main et enfin on comprendrait qu’elle était prête à démarrer sa carrière de dresseuse !
Sans prendre le temps de se changer, Sarah sortit de sa chambre et se glissa dans les étages inférieurs. Sans un bruit, elle passa devant la porte du salon où elle entendit une conversation entre deux femmes.
— Tu sais comment il est, disait sa mère. Depuis l’accident de Sofian, sa dépression a empiré.
— Le pauvre pense que c’est de sa faute, comprit l’épouse du Professeur Seko.
— Il a l’impression qu’il a tout raté avec nos enfants. Quand Sofian est né, il était tellement heureux. Il n’arrêtait pas de dire qu’il allait faire de lui un champion d’arène, qu’il allait reprendre les affaires. J’ai l’impression que cette époque où tout allait bien n’a jamais existé. Et le voilà maintenant qu’il part affronter un groupe de terroristes…
— Il a besoin de se prouver qu’il est encore capable d’avoir le contrôle. Son arène est en faillite, il a l’impression de ne pas avoir réussi à protéger sa famille avec l’accident du petit,… Il veut contrôler cette situation pour se prouver qu’il n’a pas tout raté dans sa vie.
Sarah s’éloigna le plus possible de la porte. Alors comme ça, son père n’avait d’yeux que pour Sofian ? Et elle, dans l’histoire ? Elle comptait pour du vent ? Faisait-elle partie de tout ce qu’il avait raté dans sa vie ? Pourquoi personne n’arrivait à comprendre qu’elle était la plus grande et qu’elle était capable de devenir une grande championne d’arène ? Oh ! Elle allait leur montrer à tout le monde ! Elle allait tous les surprendre en sauvant l’arène de Clémenti-Ville ! Toute seule ! Et on verrait qui de Sofian ou d’elle aurait toutes les louanges !
Sarah se glissa discrètement dans le parc. Il régnait toujours cette chaleur estivale écrasante. C’était une aubaine, elle qui aimait la chaleur et le feu.
— Je vous appelle pour vous déclarer le vol de ma Jeep.
La jeune adolescente sursauta et se cacha rapidement derrière un arbre. Le Professeur Seko termina sa conversation téléphonique avec la police et rentra dans son salon. Elle était désormais seule dans le parc.
Sans plus attendre, elle courut vers la horde de Ponyta, sauta sur le dos du plus petit d’entre eux et lui claqua l’arrière-train. Surpris, le pokémon hennit et galopa sur les traces du champion d’Azuria.

Pokémon #201p
24 août 2002 — Clémenti-Ville

Clémenti-Ville était bel et bien encerclée par la police. Aucun des accès à la ville n’avait été oublié par les gardiens de la paix. Sarah obligea le Ponyta qu’elle avait emprunté à rester à l’orée du bois afin de pouvoir analyser la situation.
L’entrée de la ville, qui devait être l’accès le plus habituel, était gardé par une myriade de voitures de police et d’agents en uniformes. Tout le monde courait dans tous les sens alors que le soleil se levait sur la ville silencieuse. Derrière le mur de policiers, le centre commercial semblait très triste sans l’affluence des touristes saisonniers.
— Est-ce qu’on a des nouvelles du champion d’Azuria ? interrogea un agent.
Un de ses collègues appela dans son talkie-walkie.
— Chef ! Apparemment, il aurait réussi à emprunter les souterrains sans encombre.
— On devrait avoir des nouvelles de Marco Fuji d’un instant à l’autre ! Je veux que toutes les unités se tiennent prêts à amorcer le plan C ! On en est où au niveau des infos sur la « Team Magma » ?
— Pas grand-chose ! On n’a toujours pas identifié leur leader ! Mais des journalistes nous ont dit avoir vu au moins cinquante hommes et femmes armés près de l’arène.
— Pourquoi ces journalistes en savent toujours plus que nous ?
— Qu’est-ce qu’on fait s’ils lancent l’offensive avant nous ?
— D’après le Professeur Seko, ils vont attendre cet après-midi pour coordonner leur attaque avec celle de Vermilava. D’ailleurs, des nouvelles du Professeur ?
— Monsieur Voltère nous a dit qu’il était en chemin pour Vermilava justement.
— Il va mieux, lui ?
— Il est toujours un peu choqué, mais aucune blessure grave.
— Bon, je veux l’unité Bravo en direction de Rosyères pour suivre la piste qu’on a sur la famille disparue !
— Oui, Chef !
Sarah força Ponyta à quitter le sentier et à se cacher derrière les fourrées pour éviter la voiture de police qui venait de démarrer vers Rosyères. Il allait être très difficile pour elle de pénétrer dans Clémenti-Ville. Mais apparemment, il existait un système de souterrains qui pourrait faciliter sa tâche. Peut-être qu’en contournant le bois elle trouverait une faille dans la barricade des policiers ?
Elle claqua à nouveau l’arrière-train de Ponyta qui hennit. Le pokémon se remit à galoper dans les bois, avant de s’arrêter une centaine de mètres plus loin.
— Allez, hein ! C’est pas le moment de faire la faignasse !
Sarah lui donna une nouvelle claque, mais le pokémon souffla. Énervé, le Ponyta se cambra et expulsa l’adolescente hors de son dos. Sarah tomba à la renverse et roula dans une pente. Ballottée dans tous les sens, elle protégea son crâne des rochers alentours, avant de finir sa course dans une rivière peu profonde.
Elle se releva difficilement. Son pyjama rouge était trempé de bas en haut et recouvert d’herbe et de boue. Heureusement, elle n’avait subi aucune égratignure ni blessure. Comment allait-elle remonter la colline, à présent ? Satané pokémon mal éduqué ! Si un jour elle avait un Ponyta, elle s’assurerait qu’il fût docile !
Son regard fut attiré par une petite masse rouge recroquevillée le long de la rivière. C’était un Limagma. Elle connaissait bien ce pokémon qui était originaire de Johto. Que lui était-il arrivé ? Pourquoi était-il si blessé et fatigué ?
Sarah prit le tout petit Limagma dans ses bras.
— Ça va aller, je vais t’aider.
Le pokémon ouvrit péniblement un œil avant de le refermer de douleur. Il avait dû subir un énorme traumatisme ou vivre un combat très violent pour être dans cet état. Qui était capable d’une telle horreur ?
— Est-ce que tout va bien ?
Sarah sursauta. Un homme se trouvait derrière elle. Il devait avoir à peu près le même âge que son père, mais les traits de son visage étaient beaucoup moins sérieux et dangereux. Son visage pâle était à moitié caché par une mèche de cheveux roux, plus terreux que les siens. Grand et mince, l’homme était habillé en vêtements de ville qui étaient tout aussi poussiéreux et usés que son propre pyjama.
— Je t’ai vue tomber depuis le haut de cette colline, indiqua-t-il. Ton Limagma et toi n’avez rien de cassé ?
Sarah se méfia et préféra répondre d’un signe de tête. Dans quel pétrin s’était-elle fourrée ? Et si cet homme lui voulait du mal ? Pourquoi avait-elle quitté le laboratoire ?
— Tu veux que je jette un coup d’œil à ton pokémon ? demanda-t-il en tendant ses mains.
Sarah s’horrifia : ses deux paumes de main étaient complètement brûlées. Elle se souvint de l’état de son frère lors de l’accident de l’année précédente, mais ici, ses mains semblaient avoir été carbonisées par des flammes plutôt que par un courant électrique.
— Qu’est-ce qui vous est arrivé ? s’inquiéta-t-elle.
— Je me suis enfui et ils m’ont attaqué.
— Qui ça ?
— Ceux qui nous ont enlevés, moi et ma famille.
— Tu fais partie de la famille qui a été prise en otage par la Team Magma ?!
— La Team Magma ? Non, pas du tout. Ce n’est pas la Team Magma qui est à l’origine de notre enlèvement. C’est le champion Marco Fuji !
Qu’est-ce qu’il racontait ? C’était bien la Team Magma qui avait assiégé la ville de Monsieur Fuji, pas l’inverse. Avait-il toute sa tête ? Son enlèvement lui avait-il fait perdre la boule ?
— Tu sais, j’ai une fille qui doit avoir le même âge que toi, dit-il, les yeux embués de tristesse. Enfin, j’avais.
Il s’assit sur un rocher dans la rivière et laissa son regard se perdre sur le petit filet d’eau qui glissait entre ses pieds nus.
— Je n’ai jamais voulu qu’elle soit une dresseuse de pokémon, raconta-t-il. Mais je ne pouvais pas l’empêcher de réaliser son rêve. Son bonheur faisait mon bonheur.
Enfin un père qui connaissait ses priorités !
— Un jour, elle a défié le champion d’arène et son Picko.
— Picko ?
— Un Goélise. Le Goélise qui lui a permis de ne jamais perdre un combat d’arène en cinquante ans.
Il avait du dégoût dans la voix, mêlé à du désespoir.
— Que s’est-il passé ?
— Une attaque du Goélise a manqué sa cible et s’est écrasée sur ma fille, reprit l’homme sombrement. Ça a été très rapide. Elle est morte sur le coup. Elle était… si belle, si intelligente. Et d’un coup, en une seconde, on lui a ôté tout ce qu’elle avait. On m’a ôté tout ce que j’avais.
— Je… je suis désolée, dit-elle en s’approchant de lui.
L’homme lui sourit tristement. Il lui caressa le visage et Sarah se laissa faire. Son cœur était étreint par la tristesse du père.
— Et si gentille, comme toi… Tu me rappelles beaucoup ma fille…
Sarah lui rendit son sourire.
— Le champion n’a jamais voulu assumer son acte. Il a tout fait pour empêcher la justice d’être rendue. Tout ce que je voulais, c’était faire de cette arène un mémorial à ma fille, pour enfin changer les règles de cette foutue Ligue Pokémon qui a fait tant de victimes avant ma fille. Mais il n’a rien voulu savoir. Tout ce qui l’intéressait, c’était ne pas entacher la réputation de sa chère Ligue Pokémon. Il a payé des hommes pour corrompre les juges, il a fait appel à la mafia, une certaine Team Aqua, et il a gagné le procès.
« Mais je ne pouvais pas m’avouer vaincu. Je devais agir. Pour ma fille. Pour l’amour qu’on m’a arraché. J’ai décidé de livrer Marco Fuji à la police afin de rectifier l’histoire. Ce soir, ce sera chose faite.
— Vous voulez dire que… La Team Magma… C’est… c’est…
— C’est moi. Je m’appelle Max Magma. Et je veux simplement rendre justice à ma fille.

Pokémon #201u
Ils arrivèrent au bout du chemin en pente qui remontait sur Clémenti-Ville. Dans quelques minutes, ils retrouveraient les barricades des policiers qui maintenaient la quarantaine sur la ville silencieuse.
— Je ne comprends toujours pas, avoua Sarah en serrant le petit Limagma fort contre sa poitrine.
Le pokémon semblait avoir repris un peu de forces.
— Pourquoi est-ce que votre famille a été enlevée ? Et par qui ?
— Marco Fuji a payé la Team Aqua pour avoir une monnaie d’échange, expliqua-t-il. Il savait que j’allais venir le chercher. Il savait que je ferais appel à la milice de la Team Magma pour remplacer ces policiers corrompus. Alors il a voulu nous faire disparaître avant que je n’arrive à l’emprisonner. Après m’avoir pris ma fille, il m’a pris le reste de ma famille.
— Pourquoi fait-il tout cela plutôt que d’assumer ce qu’il a fait ? J’ai vraiment du mal à comprendre. D’autant que ce n’était qu’un accident.
— Oh non, ce n’était pas un accident ! s’emporta Max. Tu dois comprendre une chose. La Ligue Pokémon n’existe que sur la violence. Sans violence, pas de ligue. Ma fille n’est pas la première victime et ne sera pas la dernière. Il s’agit d’une énorme montagne financière qui risque de s’écrouler si la justice est rendue. Car alors, la Ligue Pokémon de Hoenn serait obligée de rembourser tous les dégâts à toutes les familles victimes. Et ce serait la ruine pour eux. Ne crois pas qu’ils soient du côté des gentils. Tous les champions d’arène sont pareils : ils veulent la gloire sans la responsabilité.
Sarah s’arrêta en chemin. Elle repensait à son père. Ce qu’elle venait d’entendre avait été brutal. Son père, champion d’Azuria… Son père, tout le temps en colère… Son père, l’arène duquel avait failli être le cercueil de son frère… Tout à coup, elle n’eut plus du tout envie d’être championne d’arène.
— Tout va bien ? s’inquiéta Max. Tu es fatiguée ?
— Non. Je viens de réaliser qu’il fallait que je vous aide.
Max lui offrit un sourire attendri.
— Tu es vraiment aussi pure que ma fille ne l’était.
Sarah réprima un sourire de satisfaction. Enfin quelqu’un qui reconnaissait qui elle était vraiment !
— Nous y sommes !
Max lui montra le centre pokémon au loin, à l’entrée d’une rue gardée par deux voitures de police. Un peu plus sur la gauche, Sarah reconnut la Jeep du Professeur Seko.
— Tu vois cette femme ? C’est l’agent Jenny de Clémenti-Ville. C’est elle qui a menti au tribunal pour couvrir Marco Fuji.
Sarah ressentit de la colère pour la femme qui lui tournait le dos.
— Ils ne sont que deux… Ils pensaient que personne ne passerait par ici étant donné l’étroitesse du lieu. Parfait ! À nous deux, on va pouvoir passer leurs défenses. Mais comment éviter d’être poursuivis après ?
— Je crois savoir !
Sarah lui révéla l’existence de souterrains dans la ville.
— S’il y a bien un endroit à évacuer en urgence, c’est un centre pokémon, pas vrai ? Donc, il doit y avoir un accès au souterrain via le centre pokémon !
Max semblait connaitre le plus beau jour de sa vie tellement il rayonnait de satisfaction. Il lui caressa le visage tendrement une nouvelle fois. Sarah se laissa faire à nouveau et sourit en retour.
— J’aurais tellement aimé que tu connaisses ma fille. Vous auriez été meilleures amies, comme des sœurs de cœur.
Elle était comblée.
— Maintenant, comment les attaquer ?
— J’ai une idée !
Elle porta Limagma devant son visage.
— Tu veux bien nous aider ?
Le pokémon lui jeta un regard inquiet, mais acquiesça. Elle allait montrer à Max qu’elle était capable de dresser un pokémon de type feu et il serait fier d’elle, lui au moins.
— Limagma, attaque !
Le pokémon envoya une rafale de boules de feu qui explosèrent à quelques mètres des deux policiers. Les agents firent volte-face.
— Halte-là ! s’écria l’agent Jenny en portant sa main à une pokéball.
Mais en constatant qu’elle faisait face à une jeune adolescente, elle se réfréna.
— Qu’est-ce que tu fais ici, petite ?
Sarah ne sut que répondre. Elle ne s’était pas attendue à ce que son attaque ne fonctionnât pas. Allait-elle mentir à la police ? Cette journée était décidemment pleine de surprises.
— Je… je… bégaya-t-elle.
— Qu’est-ce que tu fais toute seule ici ? répéta l’agent Jenny, inquiète.
Sarah jeta un coup d’œil à Max. Il avait disparu. Non, ce n’était pas possible ! Était-ce un piège qu’il lui avait tendu ? Lui avait-il menti depuis le début ?
Tout à coup, une explosion retentit et une des voitures de police s’envola avant de s’écraser à l’endroit où se tenaient les agents. Ils eurent à peine le temps de l’éviter en se jetant au sol. Entre les flammes, Sarah distingua Max qui lui fit signe de le suivre. Ouf ! Il l’avait aidée en retour.
Sarah se précipita à sa poursuite et entra dans le centre pokémon tandis que les deux policiers se relevaient avec peine.
— À toutes les unités, appela l’agent Jenny dans son talkie-walkie, deux suspects sont entrés dans la ville. L’un deux est une jeune adolescente. Je répète : l’un d’eux est un enfant !

Sarah avait perdu la trace de Max. Dans les souterrains ténébreux, l’homme avait avancé d’un pas rapide, excité comme il était de pouvoir livrer son ennemi à la justice. Si bien qu’elle n’avait pas réussi à garder le rythme et s’était perdue.
Elle s’était encore fourrée dans de beaux draps ! Elle avait fugué, volé un Ponyta, perdu ce Ponyta, avant de suivre un inconnu, d’attaquer la police et de s’infiltrer dans une ville en quarantaine. Si son père l’apprenait, c’en était fini d’elle. Mais tout cela était pour la bonne cause ! Il comprendrait ! Et sinon, tant pis ! Au moins, elle avait rencontré un père de famille qui se battait pour sa fille même après sa mort. Elle avait rencontré un vrai père !
Sarah arriva au bout d’un tunnel sur une volée d’escaliers. Au sommet des marches se trouvait une trappe en bois. Entre les lames de bois, elle vit un très haut plafond en dôme. Dans la pièce du dessus, deux hommes discutaient rapidement. L’un d’eux avait la voix d’un homme âgé, l’autre… c’était son père ! Elle avait trouvé l’accès à l’arène ! En ce moment-même, son père discutait d’un plan pour sauver le champion Marco Fuji ! Comment son père pouvait-il être associé à une telle brute ? à un tel mécréant ? Clairement, tous les champions d’arène préféraient leur gloire à leurs responsabilités ! Elle devait intervenir !
Mais quelque chose l’empêcha de bouger. Une troisième voix avait retenti depuis l’extérieur de l’arène. Une voix amplifiée par un porte-voix. Celle de Max Magma.
Il est l’heure de prendre ta décision, vieux Fuji ! dit-il.
C’est lui ! s’affola le vieil homme dans l’arène.
Le patron de la Team Magma ? demanda son père, d’une voix tendue.
L’ultimatum est arrivé à son échéance. Je t’avais laissé une journée, vingt-quatre heures, pour réfléchir. Alors, que choisis-tu ?[/i]
Des bruits de pas de course traversèrent la salle du dessus.
— [/i]Ils doivent être une cinquantaine !
— Nous ne sommes pas prêts ! Où sont les pokémons que je vous ai demandés ? Picko, es-tu prêt à réaliser le match le plus important de notre vie ?
Le champion Fuji allait défendre ses intérêts plutôt que d’assumer ses crimes. Et son père… Norman allait l’aider ! Il fallait qu’elle l’empêche de fuir ses responsabilités !
Sarah ouvrit la trappe à la volée et monta dans l’arène de Clémenti-Ville. Norman fut pétrifié de surprise de la voir débarquer.
— Sarah !! Qu’est-ce que tu fiches ici ?!
— Je suis venue…
— Tu es complètement folle ?! Tu te rends compte de ce qu’il se passe, ici ?!
— Papa, écoute-moi ! Je suis venue vous…
— Retourne d’où tu viens et reste avec la police !
— Papa, je…
— Tout de suite ! C’EST UN ORDRE !
Pourquoi ne voulait-il pas la laisser parler, bon sang ! Il allait se taire et l’écouter ?!
La voix de Max Magma retentit à nouveau depuis l’extérieur.
Je répète : choisis-tu de me léguer ton arène par la volonté ou préfères-tu que je te l’arrache par la contrainte ?
— Pars ! Cours ! Tout de suite ! la pressa Norman.
— Non ! Tu ne comprends pas ! Je…
— Tu vas m’écouter, bon sang ? Obéis à ton père !
— T’es pas mon père !! T’es un mauvais père !!
Norman resta muet de stupéfaction. Un instant, la tristesse passa dans son regard. Sarah regretta ce qu’elle venait de dire.
À cet instant, la porte de l’arène explosa et une troupe de marcheurs en uniformes rouges pénétrèrent dans l’arène. À sa tête : Max Magma, accompagné d’un Chamallot.
Marco Fuji ordonna à son Goélise d’attaquer. Un jet d’eau puissant fusa sur le Chamallot qui évita l’attaque. Le jet d’eau explosa sur le parquet qui se rompit sous le choc. Max Magma évita de chuter dans les souterrains en bondissant gracieusement sur le côté.
— Non, arrêtez, vous ne comprenez pas !
Mais personne ne l’écoutait. Le Chamallot de Max envoya un jet de flammes qui brulèrent les ailes du Goélise.
— Picko !
Le pokémon s’effondra au sol au pied de son maître. Le Galopa que Norman avait emprunté fonça dans la horde de la Team Magma. Norman attrapa une pokéball dans sa poche afin de participer au combat, mais Sarah lui retint le bras.
— Sarah !!
— Arrête ! Il n’a rien fait de mal !
— Tu délires ??
— C’est Marco Fuji le criminel, ici ! Il est venu pour rendre justice !
— Mais de quoi parles-tu ?
Norman était complètement déboussolé.
— C’est moi qui l’ai fait entrer dans Clémenti-Ville. Crois-moi, il est innocent.
Norman regardait sa fille comme on regardait une personne démente. Sarah était désespérée de ne pas arriver à le convaincre. Elle jeta un regard de supplice à Max Magma. Celui-ci souriait de manière diabolique.
— On dirait qu’elle a choisi son camp, dit-il.
Son Chamallot envoya une nouvelle attaque qui explosa aux pieds de Norman. Le champion d’arène fut projeté en arrière. Sarah se releva et supplia d’arrêter le chaos, mais en vain. Elle chercha son Limagma des yeux, courut vers le souterrain pour éviter les attaques qui fusaient dans tous les sens. C’est alors qu’un jet d’eau en provenance du Goélise la frappa dans le dos et elle fut projetée contre un mur.
— SARAH !
Tout s’assombrit autour d’elle. Elle perdit connaissance.

Pokémon #201l
Elle se réveilla avec difficulté. Dans les premiers temps, sa vue était troublée par son esprit embrouillé. Une légère douleur au niveau des tempes lui rappela les évènements qu’elle venait de vivre. Très vite, la panique fit place. Où était-elle ? Que lui était-il arrivé ? Avait-elle réussi à empêcher un énorme malentendu de provoquer une situation catastrophique ?
Il faisait chaud. Très chaud. Trop chaud. Pourtant, elle en était certaine, il faisait nuit à l’extérieur. Car elle se trouvait dans une tente. Le tissu rouge autour d’elle la maintenait prisonnière sur un sol poussiéreux. Avait-elle été enlevée ? Par qui ? Pourquoi ?
Premier signe rassurant, le Limagma avec lequel elle s’était liée d’amitié dormait paisiblement à ses pieds. Elle le prit dans ses bras en faisant attention à ne pas troubler son sommeil. Précautionneusement, elle poussa de côté le pan de tissu qui faisait office d’entrée de sa tente et observa les environs.
Elle se trouvait dans une clairière baignée de la lumière vive de la pleine lune. Elle ne reconnaissait pas les lieux. En même temps, c’était la première fois qu’elle visitait la région de Hoenn. Tout autour, des dizaines de tentes rouges avaient été dressées à perte de vue. Un campement. Où était son père ? Que lui était-il arrivé ?
Une femme passa devant sa tente et elle referma rapidement le pan de tissu. C’était trop tard, leurs regards s’étaient croisés. Mais la femme ne semblait pas se soucier de sa présence car l’adolescente était restée un bon moment sans bouger et personne n’était venu lui chercher pouille. Peut-être n’était-elle pas prisonnière ?
Sarah sortit prudemment hors de sa tente. De nombreuses personnes vaquaient à leurs occupations dans le campement : entretient de feux de camp, discussions silencieuses, préparations de repas,… Tous étaient vêtus du même apparat : un pantalon noir, un sweatshirt rouge, une cape munie d’une capuche recouvrant le visage, et un mystérieux logo représentant une montagne en forme de la lettre « M ».
Elle avait compris : la Team Magma l’avait enlevée. Étonnamment, malgré sa présence dans leur campement, personne ne semblait se soucier d’elle à mesure qu’elle visitait les lieux. En restant sur ses gardes, elle approcha d’une grande fosse creusée dans la terre. Ce qu’elle y vit lui retourna l’estomac. Cinq corps calcinés : deux adultes, deux enfants, et un Balignon. Elle poussa un cri d’effroi qui réveilla Limagma dans ses bras. Étaient-ils… morts ? En découvrant les dépouilles, Limagma semblait dévasté. Avait-il appartenu à cette famille ? Était-ce la raison pour laquelle elle l’avait retrouvé blessé dans la vallée ? Que leur était-il arrivé ?
Elle recula d’un pas, terrorisée. Il fallait qu’elle fuie cet endroit ou elle finirait dans ce même trou. Elle fit volte-face pour prendre ses jambes à son cou mais elle percuta un homme. Ce visage pâle, ces cheveux roux terreux, ce regard froid. Elle le reconnut. Max Magma l’avait rejointe. Pétrifiée de peur, elle fut incapable de bouger.
— J’aurais aimé que tu ne sois pas seule en découvrant ceci, regretta-t-il.
Il lui adressa un sourire triste, celui qu’elle lui avait connu plus tôt dans la journée. Cela lui glaça le sang. Quelque chose sur son visage trahissait le danger, quelque chose dans son regard indiquait le mal.
— Vous… vous les avez tués ? osa-t-elle demander en rassemblant son courage.
Max Magma prit un long moment afin de réfléchir à sa réponse.
— Non. Pas vraiment. Tout est de la faute de la Team Aqua.
Sarah n’avait pas été convaincue. Elle analysa ses possibilités de fuite. Aucune : elle était entourée de sbires.
— Où… Où est-ce qu’on est ? Où est mon père ? Qu’est-ce que vous avez de lui ? Répondez !!
— Calme-toi, je vais tout t’expliquer.
Il lui posa une main brûlée sur l’épaule qu’il pressa tendrement. Sarah frissonna. Pourquoi était-elle si troublée par cet homme. Comme si… elle était prête à lui faire confiance.
Max Magma l’éloigna précieusement de la fosse et l’installa tranquillement devant un feu de camp. Il demanda à ce qu’on les laissât seuls, et ses sous-fifres s’éloignèrent. Ils n’étaient plus que deux devant de hautes flames qui dansaient dans la nuit. Max Magma ôta sa capuche et joua avec la braise à l’aide d’un bâton.
— Je suis sincèrement désolé que tu te retrouves mêlée à toute cette histoire, dit-il une fois le feu maîtrisé. Je te dois des excuses, car je t’ai menti. Je t’ai utilisée pour parvenir à m’introduire dans Clémenti-Ville. J’espère que tu trouveras la sagesse nécessaire pour m’accorder ton pardon.
Son discours était différent, la tonalité de sa voix transformée. Quelque chose de sérieux, de rassurant, teintait sa voix. Il n’était plus l’homme craintif et désespéré qu’elle avait rencontré dans la vallée.
— Est-ce que vous êtes les méchants ?
Max Magma lui lança un regard attendri, comme celui d’un père devant son enfant naïf.
— Nous sommes tous les méchants de quelqu’un d’autre, répondit-il calmement.
— Cette famille…
— Cette famille s’est trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, interrompit-il sèchement, comme pour lui faire comprendre de ne pas abuser de sa liberté de parole. La Team Aqua est très dangereuse. Elle prépare un projet qui, à terme, pourrait plonger la région de Hoenn toute entière dans une catastrophe climatique irréversible. Nous, la Team Magma, avons la mission de les en empêcher.
Le cerveau de Sarah fourmillait de questions, mais elle avait bien compris le message de son ami. C’était lui qui menait la conversation.
— Je suppose que tu te demandes si je t’ai menti sur le vieux Fuji.
Elle acquiesça.
— Il faut que tu comprennes une chose, et elle est primordiale. Il existe dans Hoenn des êtres si puissants qu’aucun policier, aucun champion d’arène, aucune élite ne peut vaincre. La team Aqua désire s’emparer de ces êtres exceptionnels afin de détruire la région. En réalité, elle a failli mettre la main sur l’un d’entre eux pas plus tard qu’hier, sur le Mont Chimnée. Et nous les en avons dissuadés.
Max Magma lui montra ses mains brûlées.
— Aujourd’hui, c’était notre tour d’avancer nos pions. Clémenti-Ville était un lieu stratégique pour avancer dans notre quête et les empêcher de s’accaparer une telle puissance. Malheureusement, la Team Aqua a été plus forte cette fois-ci. En s’alliant avec les deux champions d’arènes présents, ils nous ont coupé l’herbe sous le pied.
— Ce que vous avez fait à ces gens à Clémenti-Ville, lança-t-elle bien malgré elle, ce n’est pas bien !
— La fin justifie les moyens. Il vaut mieux infliger un peu de peine à quelques-uns pour éviter de faire souffrir le monde entier, plutôt que de laisser une catastrophe se produire parce qu’on n’a pas eu le courage de poser les actes nécessaires.
— Qu’est-ce que j’ai à voir dans toute cette histoire ?
— Tu étais, à l’image de cette famille, au mauvais endroit au mauvais moment, avoua Max Magma avec regret. Sauf que nous, la Team Magma, avons d’autres coutumes pour les victimes collatérales.
— Qu’est-ce que vous allez faire de moi ?! s’exclama Sarah en reculant sur la terre sèche.
— Rien du tout.
Max Magma avait répondu avec simplicité, sans même la regarder. Ses yeux froids étaient fixés sur les flammes du feu de camp, comme s’il tentait de les réchauffer.
— Demain, nous lèverons le camp. Tu pourras rejoindre ta famille qui doit s’inquiéter pour toi.
Sarah repensa à sa famille : son père autoritaire qui n’avait d’yeux que pour son fils prodige, son frère insolent qui se prenait pour un être divin à qui tous les droits devaient être accordés, sa mère incapable de prendre sa défense. Elle le sentait en elle : quelque chose s’était brisé.
— Je n’ai pas de famille ! décida-t-elle, en colère.
— Allons, tout le monde a une famille.
— Elle est où la vôtre ?
C’était de la tristesse qu’elle avait reconnu dans les yeux de Max Magma. La même qu’elle avait repérée la veille. Sur ce point, l’homme ne mentait pas, elle en était certaine.
— Ma famille est ici, autour de nous.
Il lui montra le camp maintenu en activités par les nombreux sbires aux uniformes rouges.
— La Team Magma est ma famille. Ils m’aiment. Ils me protègent. Ils me respectent. Ils me traitent comment leur égal.
Le cœur de Sarah se resserra dans sa poitrine, et elle fit de même avec Limagma dans ses bras.
— Alors, moi aussi je veux faire partie de cette famille.
Max Magma plongea son regard enflammé dans les yeux de l’adolescente.
— Est-ce que tu sais ce que cela implique ?
— Je veux faire le bien. Je veux sauver Hoenn. Je veux qu’on me respecte et qu’on me traite comme son égal.
— Cette décision est irréversible, tu le sais ? Ta famille sera à jamais détruite.
— Il vaut mieux infliger un peu de peine à quelques-uns pour éviter de faire souffrir le monde entier, répéta Sarah.
Les yeux de Max brillèrent d’une lueur aussi vive que celle des flammes devant eux. Son visage s’étira en un sourire satisfait.
— Eh toi !
Le sbire qu’il venait d’appeler se précipita vers eux, comme inquiet par la rapidité avec laquelle il allait répondre aux ordres de son supérieur. Son Medhyèna le suivit d’un pas guilleret.
— Raccompagne cette jeune fille dans sa tente et veille à ce qu’elle ait tout ce qu’elle désire. Elle est notre invitée spéciale jusqu’à ce qu’elle devienne l’une des nôtres.
Le sous-fifre s’inclina devant son chef et tendit une main pour aider Sarah à se relever. Il la raccompagna à sa tente en silence, avant de lui adresser enfin la parole une fois arrivés à destination.
— Tu t’appelles comment ?
— Sarah, et toi ?
— Jonathan, mais tu peux m’appeler John. Bienvenue dans la Team Magma, Sarah.

Pokémon #201e
5 décembre 2011 — Sentier Sinuroc


Sarah se râcla la gorge en gardant les yeux fixés sur ses chaussures. Elle avait perdu la notion du temps et de l’espace tellement elle s’était épuisée à parler. Tout ce qu’elle attendait, c’était une réaction de son frère. Et en même temps, elle la craignait. Si seulement il finissait par la croire. Si seulement il arrivait à la pardonner.
Sofian se leva d’un coup sec. Sans adresser un mot à sa sœur, sans lui accorder un regard, il quitta la tente d’un pas décidé. Flora et Timmy échangèrent un regard désemparé face à la jeune femme qui s’était à nouveau roulée en boule, la tête entre les jambes.
— Laisse-lui un peu de temps, conseilla Flora.
— Sofian a toujours du mal à affronter la vie, mais il finit toujours par entendre raison, rassura Timmy.
Sarah releva la tête, le visage ruisselant de larmes. Au moins, elle avait convaincu ses amis.
— Vous… vous ne m’en voulez pas ?
— À quoi ça nous servirait ? répondit simplement Timmy.
— Mon frère…
— C’est une tête de mule, interrompit Flora. Il lui faut toujours du temps pour avaler une information. Mais il finira par accepter et par te pardonner.
— Comment voulez-vous qu’il me pardonne alors que je n’arrive même pas à me pardonner moi-même pour toutes les horreurs que j’ai commises ? se lamenta Sarah. Je ne suis pas une bonne personne.
— Nous sommes tous les méchants d’un autre, rappela Timmy en employant les mots de la jeune femme.
— Sofian est ton frère. On finit toujours par pardonner sa famille. L’amour l’emporte toujours sur la raison.
À ces mots, Flora lui caressa tendrement l’épaule avant de quitter la tente.
Dehors, au milieu de la nuit, sous une faible pluie de cendre, elle repéra au loin Sofian debout comme un piquet, le regard perdu sur le Mont Chimnée caché dans la nuit. En le rejoignant, elle constata qu’il était au bord de l’épuisement. Ses yeux rouges luttaient pour ne pas se refermer, ses bras ballotaient le long de son corps, ses jambes tremblaient de fatigue. Ils restèrent un instant à observer les étoiles avant que Sofian ne brise le silence :
— Comment est-ce qu’on a pu jouer ensemble dans notre enfance et ne pas se reconnaître quand on est parti en voyage ensemble ?
— Parce que tu as une mémoire de Magicarpe ? supposa Flora en poussant la note d’humour dans le ton de sa voix.
Sofian laissa un rictus amusé sortir de sa bouche malgré lui.
— Tu vas faire quoi ? demanda Flora en redevant sérieuse.
— Qu’est-ce que tu ferais à ma place, toi, si tu apprenais que ta sœur était si faible psychologiquement qu’elle s’est laissée manipuler par un taré et a commis des crimes pendant neuf ans avant de se rendre compte qu’elle avait subi un lavage de cerveau ?
— Je n’ai pas de sœur.
— Plutôt pratique…
Sofian ferma les yeux et prit une grande inspiration, comme pour chercher l’énergie caché en lui qui lui permettrait d’affronter cette réalité. Flora le prit dans ses bras et elle sentit que son meilleur ami lâchait prise. Sofian fondit en larmes dans les bras de Flora.
Rien ne serait plus comme avant. Il avait retrouvé une sœur, mais il avait perdu la sienne.

Pokémon #201r
À suivre dans : « Les rubans rouges de Vermilava »