Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Les Apôtres d'Erubin de Malak



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 17/05/2020 à 09:22
» Dernière mise à jour le 17/05/2020 à 09:22

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Drame   Mythologie   Présence de Pokémon inventés

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 25 : Montée en grade
- J'vous en prie, chef Vaslot ! J'aurai l'pognon dans une semaine, sûr et certain ! Ça et tous les intérêts que je vous dois !

Le chef de section Rocket Vaslot Worm, sous ordre direct de l'Agent 003 à Céladopole, bailla ostensiblement devant la supplique de Buelboro. C'était un petit homme sordide qui tenait un établissement dans les quartiers chauds de la ville, un bordel qui faisait aussi office de revente de drogue et de petits trafics de Pokemon. Il avait passé un contrat avec la Team Rocket, qui plaçait son commerce sous sa protection en échange de 30% de son chiffre d'affaire. D'aucun aurait trouvé le montant excessivement élevé, mais à Céladopole, on ne pouvait tout simplement pas ouvrir quelque chose pratiquant le marché noir sans l'accord de l'organisation. C'était elle, la patronne en ville, et elle qui vous certifiait que les flics n'allaient pas venir vous embêtez.

- C'est la troisième fois que tu me sors ça en trois mois, Buelboro, répliqua Vaslot en s'enfonçant confortablement dans son fauteuil. La Team Rocket ne peut pas tolérer des retards de paiement éternellement. C'est mauvais pour la réputation, vois-tu ?

- Je comprends, chef ! J'comprends parfaitement, mais…

- Non, tu ne comprends rien, coupa Vaslot. Si tu comprenais, tu ne serais pas là à gémir devant moi et me faire honte devant mes sbires.

Le proxénète remua les mains et tenta une autre approche.

- L'chef Byz, il me laissait…

Mais Vaslot l'interrompit tout de suite en levant une main.

- L'ancien chef de section Byz, fit-il en insistant bien sur le mot « ancien », faisait sans doute preuve d'une certaine mansuétude à ton égard. Il a toujours été un peu trop coulant, et ce qui fait qu'il se trouve aujourd'hui derrière les barreaux.

Ou plus précisément, c'était du fait de Vaslot, qui avait un peu manigancé pour que Byz tombe dans un piège qu'il avait lui-même mis en place, afin qu'il se fasse attraper par les flics, laissant le champ libre à Vaslot pour prendre sa place.

- Je vais te dire ce qu'on va faire maintenant, Buelboro. Mes hommes vont te conduire à la clinique de Sainte Maria. Elle appartient presque totalement à la Team Rocket, ou du moins, la majorité des docteurs qui opèrent là-bas nous mangent dans la main. On va te prescrire une petite opération chirurgicale. Rien de bien méchant : on va te prendre un rein, et tu vas me le donner, comme garanti de paiement. Les organes, ça coûte un bon paquet au marché noir. Si à l'avenir tu paies en temps et en heure, alors je te le rendrai. Sinon... je crains que tu ne doives alors me donner l'autre. Et si on peut survivre avec un seul rein... sans les deux, c'est plus compliqué.

Vaslot fit signe à ses sbires d'amener le petit homme gémissant qui n'en finissait pas de le supplier. Il était à peu près sûr désormais que Buelboro allait se montrer bien plus sérieux dans le versement de ce qu'il devait à la Team Rocket. Car de l'argent, il en avait, Vaslot le savait. Mais Byz avait été trop tendre avec lui, lui accordant des délais supplémentaires probablement en échange de quelques pots-de-vins... ou d'entrées gratuite dans son bordel.

Ça faisait quatre mois que Vaslot était devenu l'un des chefs de section de Céladopole, et il en était encore à rattraper les innombrables bourdes de son prédécesseur. C'est dingue comme Byz avait laissé s'installer une routine faite de négligences au fil des ans. Parce que la Team Rocket était au sommet en ville, il n'avait jamais eu besoin de faire le moindre effort de gestion, de prises de risque. Un fainéant, et un petit joueur. Vaslot n'était pas fait du même bois. Il allait non seulement rendre la Team Rocket encore plus prolifique à Céladopole, mais tout en même temps, il commencerait à s'amasser discrètement un petit trésor de guerre, fait de revenus, de relations et de dettes. Car Vaslot ne comptait pas rester toute sa vie au service de la Team Rocket. Il voulait être son propre maître.

Bien sûr, il n'avait jamais été aussi riche qu'aujourd'hui. Et alors qu'il avait pris l'habitude d'envoyer la moitié de son salaire à Marine à Almia, il devait maintenant s'en garder une bien plus grosse moitié, pour ne pas éveiller ses soupçons sur cette soudaine richesse. Mais l'argent ne lui suffisait pas. C'était le pouvoir qu'il voulait. L'argent pouvait mener au pouvoir, mais il fallait bien manœuvrer. Vaslot finit de rédiger une lettre qu'il était en train d'écrire avant que Buelboro ne vienne le déranger, puis la remis à un de ses sbires assistants.

- Envoyez un de nos Pokemon Vol livrer ceci au sergent Bob, de Carmin. Ce sont les dates et lieux du passage de nos cargaisons de Pokemon Foudre dérobés à la Centrale, via le Tunnel Taupiqueur. Qu'il fasse le nécessaire pour bien réceptionner la marchandise en toute discrétion.

- Tout de suite, monsieur.

Voilà comment Vaslot aimait qu'on lui adresse la parole. Il avait choisi lui-même ses subordonnés selon des critères précis. Il les voulait compétents, faisant preuves d'initiatives, mais pas trop quand même, car il les voulait avant tout loyaux. Il s'était donc arrangé pour réunir le maximum d'informations sur chacun d'eux, histoire d'avoir un moyen de pression si jamais ils s'imaginaient pouvoir le supplanter comme lui-même avait supplanté Byz. On toqua à sa porte, et avant même que Vaslot n'eut donné l'autorisation d'entrer, elle s'ouvrit et une voix sensuelle résonna.

- Vaaaaslot ? Tu es libre, mon chou ?

Le jeune homme se retint de lever les yeux au ciel. La seule personne de la planque pouvant se permettre d'entrer de la sorte – en dehors de l'Agent 003 – était le lieutenant Jainie Moras. C'était une militaire Rocket d'une trentaine d'années, qui faisait un peu office d'assistante et de garde du corps à l'Agent 003. Après quelques recherches sur elle, Vaslot avait découvert qu'elle était une cougar notoire qui ne sortait qu'avec les hommes de dix ans de moins qu'elle, voir plus. Il s'était donc mis en tête d'avoir une relation avec elle, histoire d'avoir un proche de Versus à ses côtés, qui pourrait laisser s'échapper des infos de temps à autre. Ça avait bien marché. Même un peu trop.

Il se força de prendre son air le plus charmant en lui faisant signe d'approcher, ce qu'elle fit en sautillant jusqu'à lui. Alors qu'elle sauta sur ses genoux, il désigna la porte à ses deux sbires, qui comprirent le message et filèrent bien vite. Il laissa ensuite Jainie l'embrasser de tout son saoul. Pour le jeune homme de tout juste dix-huit ans qu'il était, flirter avec cette croqueuse d'homme expérimentée avait été un peu intimidant au début, surtout que Jainie était très entreprenante. Mais ça avait fini par lui être agréable. Jainie avait certes une quinzaine d'années de plus que lui, mais restait très jolie et très douée au lit. Le seul hic, c'était que Vaslot avait un peu trop joué la carte du charme , avec l'aide ponctuelle de son Hypnomade et de son attaque Hypnose, et Jainie était carrément tombée à ses pieds, et devenait très collante ces temps-ci.

- Je n'en pouvais plus d'attendre jusqu'à ce soir, se justifia-t-elle après son long baiser.

- Et moi donc, mentit Vaslot.

Il se serait bien passé de sa présence bien sûr. Il avait pas mal d'autres trucs à gérer avant de quitter son bureau, et s'il savait qu'il était en retard sur quoi que ce soit, il n'arrivait plus à dormir le soir... ou bien à être performant avec Jainie au lit. Mais il ne pouvait pas la renvoyer sans craindre une scène de sa part, et se fâcher avec l'assistante de l'Agent 003 n'était pas recommandé. Mais juste au moment où Jainie était en train de déboutonner son pantalon, le téléphone de Vaslot sonna. Sautant sur l'opportunité, il fit un sourire d'excuse à son amante en disant :

- Si ce n'est pas important, je raccroche direct.

Mais il espérait que c'était fichtrement important.

- Worm, j'écoute.

- C'est Brenwark. Il faut qu'on parle.

Retenant un sourire satisfait, il mit sa main sur le bas du combiné et dit à Jainie.

- Désolé chérie, mais je dois le prendre, et seul, si tu veux bien. Affaire sensible…

Ça l'était en effet, car personne au sein de la Team Rocket ne devait apprendre ses liens avec les Gardiens de l'Innocence. Jainie fit la moue mais obtempéra sagement.

- Tu te rattraperas ce soir alors, mon chou.

- J'y compte bien.

Quand la militaire fut sortie de son bureau, il revint à son interlocuteur.

- Maître Brenwark, quel plaisir, comme toujours.

- Vous avez éloigné les oreilles indiscrètes ? Se moqua l'avocat.

- Parce que vous avez vos collaborateurs à côté de vous en ce moment, je présume ? Répliqua le Rocket. Nos affaires communes nécessitent ces précautions, et notre promesse à dame Cosmunia nous les imposent.

Vaslot avait fini par se rendre à la base des Gardiens de l'Innocence, comme ils le pressaient depuis longtemps, pour faire officiellement partie des leurs en étant soumis au devoir de discrétion qu'imposait le Talent de l'Apôtre Cosmunia. Mais malgré cela, il restait toujours un agent secret, et personne au sein des Gardiens à part les six Apôtres et Brenwark ne connaissait son existence, ce qui l'arrangeait.

- Votre appel tombe bien, poursuivit Vaslot. J'ai justement deux trois branches mortes de mon organisation que j'aimerais bien voir tomber.

- Je ne suis pas votre jardinier, Worm.

- Allons donc, Maître Brenwark... N'allez pas me faire croire que ça ne vous est pas bénéfique, au niveau personnel comme professionnel, de pouvoirs mettre sous les verrous des Rockets ou leurs alliés chaque mois. Je lis la presse internationale, voyez-vous, et vous avez fait la une du plus célèbre magasine d'Unys la semaine dernière. Ils vous ont nommé l'avocat du siècle, pour avoir remporté une série record d'affaires criminelles complexes en un an.

Outre leur allégeance commune aux Gardiens de l'Innocence, Vaslot et Brenwark avaient aussi mis en place une sorte d'entraide sur leurs affaires respectives. Vaslot livrait à Brenwark et à la justice les Rockets ou bandes rivales qui l’embêtaient en donnant des informations discrètes à l'avocat, que ce soit pour les attraper ou pour les enfoncer lors des procès. C'était d'ailleurs comme ça que Byz s'était fait attraper : parce que Vaslot avait balancé à Brenwark son affaire en cours et le moyen de le faire tomber. C'était d'un bénéfice mutuel pour les deux : Vaslot se débarrassait des gêneurs, et Brenwark poursuivait un palmarès judiciaire à rendre jaloux n'importe quel autre ténor du barreau.

Et parfois, si Vaslot avait un problème avec la police ou une instance judiciaire quelconque, un petit coup de fil à son camarade Gardien de l'Innocence pouvait arranger bien des choses. Même si ça ne plaisait pas à Brenwark de défendre secrètement un Rocket, il n'aurait pas été au bénéfice des Gardiens de l'Innocence qu'il se fasse attraper et arrêter. Les Apôtres perdraient alors un informateur précieux. Mais Vaslot était raisonnable. Il n'abusait pas de l'aide que pouvait lui fournir Brenwark, entre autre parce qu'à force, ça pourrait se savoir. Et si ça avait été le cas, ç'aurait été autant embarrassant pour Vaslot que pour Brenwark.

- Je ne vous ai pas appelé pour discuter de ça, fit Oswald d'un ton sec. Juste pour vous informer des dernières nouvelles de chez les Gardiens, comme me l'a demandé le chef Erable. Verelosius a été éliminé.

Vaslot mit un certain temps à assimiler la nouvelle. Verelosius Morenocautys. Ce taré androgyne et tout pâle que Vaslot avait affronté avec Koga dans les souterrains du Parc Safari. L'Agent de la Corruption grâce auquel Vaslot avait été projeté dans cette lutte opposant les fidèles d'Erubin à ceux d'Horrorscor.

- C'est... une excellente nouvelle, dit-il enfin. Comment a-t-il péri ?

- L'Apôtre Togesplit l'a tué, mais c'est à Dan Sybel que revient essentiellement le mérite de sa défaite.

- Bien sûr. Qui d'autre que le Héros d'Automnelle aurait pu faire cela ?

Du fait la nature tout à fait secrète des contributions de Vaslot à la cause des Gardiens, ce dernier n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer ce Sybel, tant loué de tous. Il était de toute évidence un combattant efficace.

- J'ai grande hâte de pouvoir lui exprimer mon admiration face à face.

- Ça pourra peut-être se faire plus tôt que prévu, répondit Brenwark. Ce n'était qu'une rumeur jusque-là, mais c'est confirmé que monsieur Bigoutet va quitter les Apôtres pour des... raisons de santé.

Vaslot ne put retenir un ricanement. Raisons de santé... C'était un bel euphémisme, étant donné la quantité de choses que pouvait oublier le vieux Bigoutet à la minute.

- Et du coup, un siège chez les Apôtres va se libérer, conclut Vaslot. Ce brave Dan Sybel serait donc un candidat probable ?

- Je l'ignore, avoua Oswald. Je ne suis pas dans les secrets des Apôtres. Mais parmi les Gardiens, c'est une évidence, tellement il a fait pour l'organisation en une année seulement. S'il devient un Apôtre, il sera informé de votre contribution, et vous pourrez vous rencontrer.

- J'en frémis d'impatience…


***


- M'esquive pas comme ça, mon frère, c'est vexant, quuuuoooiiiii…

Henrich courut presque pour rattraper Togesplit, qui voletait à toute vitesse dans un couloir du manoir Divalina après la réunion des Apôtres. Le Pokemon continua sa route en faisant mine d'ignorer l'humain. Tous deux sortaient d'un conseil des Apôtres, où Cosmunia et Togesplit ont fait le rapport aux autres des événements qui se sont produits à Galar. C'est sur ce débriéfing de victoire que monsieur Bigoutet a annoncé officiellement sa retraite, et que les cinq Apôtres ont décidé, à l’unanimité absolue, de confier cette place à Dan Sybel une fois qu'il rentrera de ses vacances à Almia. Que de bonnes nouvelles donc, mais il y avait un point qui dérangeait Henrich.

- On n'a pas trop parlé de ce que tu as fait à Galar, dans ce labo secret…

- Qu'est-ce qu'il y aurait de plus à dire ? Demanda Togesplit d'un ton sec.

- Il m'a semblé que Dame Cosmunia n'a pas voulu t'enfoncer auprès des autres, ni gâcher le triomphe du bro Dan, mais je crois que t'as encore pété les plombs là-bas. Verelosius aurait pu être attrapé vivant. Il aurait dû, même.

- Si tu veux me faire des reproches, n'hésite pas à convoquer une session des Apôtres pour demander mon renvoi.

Henrich soupira. C'était toujours difficile de causer avec Togesplit, tant il était soupe au lait. Il croyait toujours que tout le monde était contre lui. Ça, c'était parce qu'il n'avait aucune confiance en personne, même en ses camarades Apôtres. Mais Henrich ne pouvait pas vraiment le lui reprocher, après ce qu'il avait vécu. Il avait pourtant essayé de lui montrer que les humains n'étaient forcément tous des psychopathes égoïstes et égocentriques. Et sans doute que Togesplit était un poil plus ouvert que quand Henrich l'avait rencontré pour la première fois. Un poil seulement…

- Tu sais que je ne veux pas ça, mon frère. Je veux juste en parler.

- Voilà bien un truc d'humain : parler pour ne rien dire ! J'ai tué ce démon parce qu'il le méritait, parce qu'il est le second responsable de mon état après le Marquis, et parce que ça m'a fait immensément plaisir.

- Je sais ce qu'il t'a fait, lui accorda Henrich. C'est moi qui t'ai sorti du labo où ils t'ont... changé.

C'était il y a quatre ans de cela. En mission d'infiltration auprès des Gardiens, Henrich était tombé sur cet étrange Pokemon dans une éprouvette géante, à qui on faisait subir des expériences d'une cruauté innommable. Henrich l'avait libéré, sans se douter que le Pokemon avait été créé pour devenir le prochain Agent de la Corruption du Marquis. Sa finalisation n'était alors pas terminée. Il manquait le conditionnement nécessaire pour en faire un mutant tout à fait loyal envers Vaalzemon.

Total, Togesplit avait laissé s'exprimer ses instincts purement sauvages envers ses geôliers, largement multipliés par les modifications qui ont été faites sur son corps et sur son esprit. Il a ensuite été recueilli par les Gardiens de l'Innocence, qui ont pas mal profité de ses informations. Étant donné ses pouvoirs et sa compréhension du mode de pensée de Vaalzemon, il est devenu un atout indispensable à la lutte anti-Horrorscor, jusqu'à devenir l'un des six Apôtres, sur recommandation d'Henrich lui-même. Il espérait que faire partie de ce groupe l'aiderait à gagner en responsabilité et lui apporterai un semblant de paix.

Ce n'était pas trop perceptible, mais il y avait quelques légers progrès depuis. Togesplit arrivait à causer presque normalement aux autres Apôtres humains sans faire mine de les insulter. Et bien qu'il le charriait constamment, il en était venu à former un duo efficace avec Henrich, le seul humain en qui il avait un tant soi peu confiance, sans doute parce que c'était lui qui l'avait tiré des griffes du Marquis. Mais quand il s'agissait des Agents de la Corruption, Togesplit retombait bien vite dans ses anciens travers. Ça avait été une erreur que de l'envoyer là-bas, alors qu'ils savaient tous très bien que Verelosius était dans le coup. Mais face à ce gars, il leur avait fallu toute la puissance que les Gardiens pouvaient aligner.

- Mais j'vais te répéter un truc que je t'ai déjà dit plusieurs fois, poursuivit Henrich. La haine et la vengeance ne te soulageront pas, en plus d'affaiblir la cause de l'Innocence.

- Je ne tiens pas à être soulagé, répliqua Togesplit. Et la cause de l'Innocence, ce n'est pas la mienne. Je ne suis là que pour débarrasser le monde de Vaalzemon. Ma cause, c'est un meurtre, tout simplement. Vous pouvez vous autres vous cacher derrière Erubin pour justifier ce que vous voudrez, vous souhaitez également la même chose. Tu as beau porter ce stupide symbole de la paix autour du cou, tu te bats pour tuer quelqu'un. Navré de ne pas être hypocrite. Je ne suis qu'un Pokemon, après tout…

Et il le planta là. Henrich soupira, mais ne chercha pas à le suivre. Si Dan acceptait le poste d'Apôtre, Henrich pressentait que les futures réunions allaient être tendues, entre lui et Togesplit.

- Pourquoi un si gros soupir, monsieur Yasmin ?

Cette voix délicate fit rougir Henrich avant même qu'il ne se soit retourné. Il s'inclina gauchement devant la jeune femme qui venait d'arriver derrière lui.

- Lady Musmelian, ma dame, qu'il me soit... euh... permis de vous assurer de mes... salutations respectueuses…

Musmelian Divalina rigola doucement. Bien que la fille aînée de la comtesse habitait le manoir elle aussi, les autres Gardiens la voyaient peu. Elle tâchait de se tenir en retrait de l'organisation que sa mère dirigeait avec les autres Apôtres. À l'inverse de sa petite sœur Leslia, Musmelian ne faisait pas partie des Gardiens. Mais avec une mère Apôtre, une sœur Gardienne et toute sa demeure offerte comme base à l'organisation, elle était naturellement dans le secret de tout ce qui se faisait ici.

Henrich avait toujours été intimidée par elle. C'était une noble dame, dans tous les sens du terme. Si Leslia était toujours habillée bizarrement et avait peu de manières, Musmelian était l'incarnation même de la perfection aristocrate. Et pourtant, elle dégageait toujours une certaine simplicité. Ses longs cheveux blancs tombaient sans aucun ornement sur sa taille, et ses yeux mauves étaient toujours emprunt de bienveillance. Si Henrich était toujours si gêné en sa présence, c'est qu'il avait l'air d'un pouilleux avec ses cheveux longs et sales, sa barbe mal rasée et ses vêtements dépareillés, à côté d'une femme aussi belle et noble. Étrangement, ça ne le faisait qu'avec elle ; il se fichait bien de ce que les gens pouvaient penser de lui, en général.

- Vous n'avez pas à me parler de la sorte, Henrich. C'est ma mère la comtesse, pas moi, et après elle, ce sera Leslia. Je ne suis qu'une personne ordinaire, tout comme vous.

- Vous... vous n'avez rien d'ordinaire, madame, lui assura Henrich.

Même s'il bafouillait toujours en sa présence et que ses compliments étaient maladroits, il n'avait jamais été défoncé devant elle, Arceus merci. C'était en soi un miracle, car Henrich fumait diverses herbes 50% de son temps. Mais bien qu'il soit un Apôtre, sa réputation de junkie un peu lent du cerveau était bien en place parmi les Gardiens. Malgré ça, Musmelian ne s'était jamais moquée de lui, ni ne lui avait parlé avec condescendance.

- J'en suis désolée du coup, sourit la jeune femme, car j’essaie de l'être autant que possible. Je ne vais pas rester éternellement dans le manoir familial si je ne compte pas succéder à ma mère. Il faudra que je sorte pour me mêler aux gens du commun, travailler, et faire ma propre vie.

- Je suis sûr que ce ne sera pas nécessaire. La fortune de la famille Divalila est bien assez conséquente pour entretenir tous ses membres, quel que soit leur nombre.

- Je ne compte pas vivre aux crochets de ma sœur quand elle sera comtesse, répliqua Musmelian. Et puis, j'en ai assez de cette maison, de cette vie confinée, et même de cette île pleine de milliardaires. Je veux voir le vrai monde ! Voyager partout et rencontrer plein de gens et de Pokemon différents, comme vous.

Henrich hocha la tête, respectant son souhait, mais évita de lui faire savoir que le « vrai monde » était un endroit fort dangereux et souvent bien laid. À ce sujet-là la fille aînée de la comtesse était encore tristement naïve, là où Leslia, malgré les délires qu'elle se faisait dans sa tête, était parfaitement consciente de la cruauté de ce monde.

- J'imagine que vous sortez d'une réunion des Apôtres ? Demanda Musmelian. Ça veut dire que Leslia est rentrée de sa mission ?

- En effet. Elle va bien, et la mission a été plus que réussie.

Il ne rentra pas dans les détails. Après tout, même si elle était la fille de la comtesse, Musmelian n'était pas membre des Gardiens, et Henrich se devait à la promesse de discrétion qu'il avait faite à Dame Cosmunia en rejoignant l'organisation.

- Par contre, il me semble qu'elle est vite repartie, ajouta-t-il. Dan Sybel nous a parlé d'un voyage à Almia de quelques jours pour décompresser, et il l'a amenée avec lui.

Musmelian haussa les sourcils avec étonnement et plaisir.

- C'est fort aimable à lui de tisser des liens avec quelqu'un d'aussi... original que Leslia. D'ordinaire, les gens ont tendance à l'éviter, ce qu'on peut parfaitement comprendre.

- Dan est un gars qui se fiche des convenances et de la « normalité ». Il juge les gens à ce qu'ils sont, à leur bienveillance envers les autres, les Pokemon et la nature. Il y a vraiment très peu de gens avec lesquels il ne pourrait pas s'entendre.

Henrich pouvait parler en toute connaissance de cause. Il avait beau être un baba cool en marge de la société et la plupart du temps en train de planer, Dan et lui étaient très vite devenus amis.

- Par contre, il a du succès avec les filles et ne s'en cache pas, poursuivit Henrich. C'est un chaud lapin. Je n'suis pas certain qu'il ait invité Leslia seulement que pour tisser des liens amicaux, si vous voyez ce que je…

Se rappelant avec qui il parlait, il rougit.

- Je... je suis désolé. Je veux dire... Leslia n'a rien à craindre, mais euh…

Musmelian éclata de rire, un son cristallin qui fit sautiller l'estomac d'Henrich.

- Ne vous inquiétez pas, Henrich. Leslia est une grande fille. Elle n'a pas à me rendre de compte à propos des garçons avec qui elle sort.

Henrich espérait juste que Dan n'avait pas oublié que Leslia devait devenir la prochaine comtesse Divalina, et que chez ce genre d'aristos, il y avait certaines conventions à respecter, comme... rester vierge jusqu'au mariage, par exemple. Musmelian ne s'en formaliserait sans doute pas, mais leur mère avait à cœur la tradition et l'intérêt de la famille. Comme si elle lisait dans son esprit, Musmelian poursuivit :

- Les vieilles coutumes de la haute n'ont plus trop de raisons d'être, aujourd'hui. Mère fait encore un peu de résistance, mais Leslia n'en a cure. Si elle choisit d'épouser un roturier, ce n'est pas une tradition ancestrale élitiste qui l'en empêchera. Elle a toujours fait ce qu'elle voulait, et le fait de devenir comtesse n'y changera rien.

- Je crois que la comtesse espère encore vous convaincre d'endosser son héritage.

- Je sais. Mais même si je le voulais – ce qui n'est absolument pas le cas – je ne suis pas taillée pour. J'arrive à peine à invoquer mon Doppelganger plus de dix secondes, et je n'entends rien aux Gardiens de l'Innocence et à leur cause. La maison Divalina se doit d'avoir un chef fort, qui se montre digne de notre pouvoir et qui est investi parmi les Gardiens, comme ça l'a toujours été depuis que mon arrière-grand père a rejoint la cause d'Erubin. Leslia est tout indiquée pour cela. Il n'y a jamais eu de règle stipulant que seul l'aîné devait acquérir le titre. Mère s'inquiète du comportement de Leslia en pensant que ça pourrait nuire à la famille, et s'accroche à son titre en espérant qu'elle change avant de lui remettre sa place, mais je connais ma sœur. Malgré toutes les étrangetés qu'elle peut dire, elle a plus que quiconque le sens des responsabilités. Elle sera l'un des piliers des Gardiens de l'Innocence, et la plus forte comtesse qu'on n’ait jamais eu. J'en suis sûre.