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Des notes qui dissonnent ~O-S~ de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 05/05/2020 à 15:08
» Dernière mise à jour le 06/09/2020 à 16:19

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Galar   One-shot

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Chemise Verte s’est échauffé pendant la moitié de la journée. Son triceps sural droit est en pleine forme : les vaisseaux sanguins qui l’irriguent pulsent au rythme effréné de la batterie. Les ondes de pression qui parcourent le sang et l’entraînent dans la chair résonnent avec les contractions des fibres nerveuses, et entraînent avec elle le tendon d’Achille, l’os du talon, le pied tout entier ; et le pied appuie sur le levier de la pédale centrale, et celle-ci martèle la grosse caisse.

Ailleurs, d’autres muscles s’activent. Fléchisseur du poignet droit ; et une tymbale de bois retentit d’un claquement métallique du plus bel effet. Extenseur du poignet gauche ; le rimshot infligé à la caisse claire ébranle toute l’installation. Triceps sural du pied gauche : la cymbale supérieure de la charleston se fracasse sur sa vis-à-vis inférieure. Ce Pokémon est une machine à rythme.

Le vacarme est infernal, un vrai Séisme auditif. On ne s’attendait pas à autre chose en introduisant une grosse caisse de vingt-trois mètres de diamètre sur scène.

***
À chaque fois que j’entends ce solo de batterie, c’est la même chose. J’ai envie d’arracher ce foutu casque et de me plonger tout entier dans le déferlement de rythme que Chemise Verte balance sur scène. Rien à foutre de perdre mon audition ! De toute façon un vacarme pareil ça s’entend sans oreilles, ça vous secoue même les sourds. Quand je ne pourrais plus l’entendre, il remuera encore mes os comme des sacs de pommes de terre.

J’le ferai peut-être vraiment, un jour. Pour partir, ça serait formidable. Mais pas sans avoir raconté mon histoire d’abord. La mort peut attendre, place à la musique !

Je pourrais vous parler de moi pendant des heures. Et je pense que ça servirait à rien. Ça me fait suer de l’admettre, mais pendant que je suis incontesté, au faîte de ma gloire, personne s’intéressera à mon histoire. Y’a que quand un enfoiré de concurrent apparaît que les héros deviennent intéressants. Et froncez pas les sourcils comme ça : le héros, je l’ai été !

Ouaip. Je peux pas être grand si j’ai pas quelqu’un d’aussi grand que moi pour comparer. Alors je vais commencer par raconter ma mort. Ça fera moins de blabla inutile, et en plus c’est moins mainstream.

Des gens qui meurent, y’en a plein. Des façons de mourir aussi ; la plupart sont ratées. Je crois que c’est mon cas. J’ai la foutue impression de pas avoir été au top ce jour-là. Mais au moins, j’étais là. C’est tout ce qui compte : ma mort, on l’a pas prononcée en mon absence. On me l’a pas envoyée par la poste en courrier recommandé ; j’en aurai rien eu à foutre d’ailleurs, j’ai pas d’adresse permanente. Nope, ma mort, je l’ai regardée droit dans les yeux pendant qu’elle moissonnait ma gueule. Et je l’ai défiée. Je suis en enfer, mais je suis pas encore un damné comme les autres !

Je me rappelle de chaque détail de cette foutue journée, même si j’ai pas trop envie d’en parler.

C’était à Kalos, à la Fête de l’Enfer. Vous en avez sûrement entendu parler ! Quoique, pas forcément en bien. Des hordes de métalleux satanistes qui convertissent des packs de bière en headbang frénétique au son des groupes les plus infâmes ? Ouais, nan, c’est pas ça en fait. Y’a la bière, les métalleux et les groupes, mais ni l’infâme ni le sataniste. C’est un festival avec une super ambiance, je crois même qu’ils ont eu deux ou trois prix pour ça.

À première vue, la Fête de l’Enfer, c’est n’importe quoi. Une foule en délire qui acclame tout le monde pareil, et les gens sur scène cherchent juste à faire le plus de bruit possible. Bon, je sais très bien que si vous aimez pas le métal, je vais pas vous convaincre à ce niveau-là. Mais les groupes, y’a nous.

On est The Maximizers, les dieux du métal Galarois. Et vous pourrez dire tout ce que vous voudrez, un groupe qui encaisse des millions, c’est un bon groupe. Donc si on va à la Fête de l’Enfer, c’est qu’il y a un minimum de standing ! Quant aux ovations, mes pauvres, vous devez pas être habitués. Je vous jure qu’avec de l’expérience, on distingue facilement plusieurs niveaux.

Et de l’expérience, on en a. Ça fait des années qu’on soulève les foules partout où on passe. Les Pokémon les plus riches de la région, qu’on était ! On sait tout faire, on n’a aucune limite, on est curieux de tous les styles — mais le génie de Chemise Verte, c’est qu’il a réussi à moduler toutes nos mélodies de telle sorte que ce soit nouveau mais que les fans adhèrent quand même. Et on est entrés au panthéon des héros de Galar ! C’est nous qui avons composé toute la playlist officielle de la Ligue ! Ah, je sens que ça, vous crachez pas dessus !

Bon, maintenant que vous voyez un peu ce qu’on fait, je nous présente. Et puis on retourne à Kalos, oui. Il y a Chemise Verte, le Gorythmic batteur. Selon les sources il est soit cinglé soit génial ; moi, je vois pas en quoi c’est différent. Ce type a de la musique liquide qui lui coule dans les veines.

Il y a Tartrazine et Azurine, nos riffs sur pattes. Mine de rien, un Salarsen bien entraîné, ça a bien plus de punch qu’une guitare électrique !

Et puis il y a moi, naturellement. Sérieusement, vous me voyez vous parler de mon groupe sans un passage à propos de moi ? Riez pas, tout le monde me connaît dans cette Région. Je suis l’Ixon qui chante, rien que ça ! Bon j’ai aussi un nom par contre. Elsur Lensall ; non seulement je chante, mais je parle tout court et je sais lire les comptes du groupe. Qu’on se le dise, la gloire de Galar se résume pas simplement à un simple Ixon qui imite très bien le chant humain !

Allez, on revient à cette satanée Fête de l’Enfer. J’disais que c’est un super truc : la foule demande qu’à se faire chauffer, et nous, les foules, on adore les chauffer. On a allumé un incendie dans celle-là tellement ça chauffait. Franchement, l’un des meilleurs concerts de ma vie. C’est après que ça a dérapé. Qu’on est morts.

Je dis que j’étais là, c’est pas précisément exact. On était encore sur le site, dans les coulisses. On se reposait tranquillou : les combats, c’est pas grand-chose, à côté d’un concert d’une heure trente. En plus même ces feignasses de la Ligue en feraient pas deux dans la même journée.

Et pendant qu’on se reposait tranquillement, j’ai entendu un truc qui m’a pas tellement plu. La foule. Enfin, en soi c’est un peu le but du jeu de faire gueuler la foule, mais là… Le groupe qui passait après nous, je savais plus qui c’était, ils avaient l’air de bien gérer aussi. Du coup j’y suis allé. Pour me réjouir que des nouveaux arrivent en force, pour entendre un peu ce son… La claque que je me suis prise.

J’étais arrivé à côté de la scène quand j’ai compris, et pour moi, c’est ce moment-là qui m’a tué. Je serais pas allé plus loin, hein, même si c’est pas les gardes qui m’auraient arrêté. Sur le coup j’étais paralysé.

C’était pas seulement le morceau — ces enfoirés nous reprenaient, mais en fait ça me faisait plutôt plaisir. Au fait, dans le jargon on appelle ça une cover. C’était pas seulement cette catin de foule : elle les acclamait deux ou trois fois plus fort qu’elle nous avait acclamé nous, ce qui n’a rien arrangé, mais j’aurais pu passer l’éponge. C’était pas non plus le son : ouais, je voyais pas ce qui méritait tout ce boucan de la part des gueulards dans la foule, mais à la limite, ça aussi c’est comme ça que ça marche…

Nan. C’était tout ça en même temps, et surtout l’invasion de notre profession par des gens qui n’ont rien à y faire. Vous savez ce qui le compose, ce groupe d’enfoirés ? Vous devinerez pas : des Altaria.

Je devine votre surprise ! Des Altaria métalleux, ça la fait grave pas, hein ! Et on aura quoi, après ? Un orchestre symphonique de Tranchodon ? N’importe quoi !

En attendant, la foule nous laissait tomber comme une Baie usagée. Oh, ça aurait pu être une passade ; ça oui, on était les plus acclamés, on n’allait pas tomber à cause d’un seul concert d’un groupe qui plaisait à la foule. On leur renvoyait des années d’expérience, on n’avait rien à craindre ! Mais ce jour-là, j’ai su. On avait quelqu’un en face, enfin. Et à voir la première impression qu’ils faisaient à la foule, on était morts.

On était morts, à moins de changer de niveau comme personne n’avait jamais osé.

À quoi vous croyez qu’il sert, le Chemise Verte Gigamaxé qui s’en donne à cœur joie derrière moi ? Ouaip, notre amélioration foudroyante, on l’a eue ! On est le premier groupe au monde à distribuer des casques auditifs à un de nos concerts… si ça c’est pas révolutionnaire ! Bruyants et fiers de l’être, qu’on est !

D’accord, je vais peut-être un peu vite en besogne. La Fête de l’Enfer, c’était il y a un an. Un et demi, pareil. Il s’est passé deux ou trois trucs entre-temps.

D’abord, on a rien fait. Pas directement en tout cas ; j’ai réussi à convaincre les trois autres de suivre mon instinct, et on a préparé quelques brouillons. On a assuré nos tournées tout comme il fallait, on a structuré notre riposte sans faire de vagues, et quand les journaux ont commencé à titrer des trucs aussi absurdes que The Maximizers détrôné ! , Les nouveaux dieux de la scène , et le pire, Le métal avait besoin de peluches , on a pris les devants.

On est allé voir notre producteur, on lui a expliqué un peu la façon dont on avait pris la situation, et on est tombé d’accord sur la nécessité d’une guerre musicale avec ces nouveaux. En plus ils avaient signé chez un label concurrent, ça non plus ça a pas joué pour eux.

Et puis là, plus rien nous retenait. On a soudoyé les ingénieurs son de la Fête de l’Enfer, on a obtenu les partitions du morceau que les enfoirés nous avaient couvert, on a planché sur nos brouillons, et on a écrit un album de covers. Et non seulement on l’a appelé Plagiat, mais en plus, on y a couvert leur cover de notre morceau. Explicite !

The Maximizers contre les Fluffryff. Ouais, leur nom c’est juste fluffy + riff ! Infâme. Et on ne donnait pas cher de la peau de ces nouveaux. Un petit conflit de temps en temps ça vous renouvelle le genre. On n’allait pas leur faire de cadeau : de toute façon, s’ils survivaient après ça, ce serait pour prendre notre place pendant que nous on descendait. Alors ils avaient qu’à se bouger s’ils voulaient vivre !

Et ils l’ont fait, ces enfoirés.

Pas la peine de préciser qu’on a fait un triomphe, j’imagine ! Nouveaux dieux de la scène ou pas, on restait la référence absolue. On en a chauffé des salles ! Et en un mois, les Fluffryff avaient couvert notre album de covers. Eh ouais, ils ont tracé. Je dois au moins leur reconnaître ça.

Vous savez certainement comment ça s’est fini, c’est évident même si vous en avez pas entendu parler. Deux groupes qui produisent le même album, chacun dans son style ? Deux bandes de bêtes de scène sans équivalent ? Tellement énormes que la question c’était pas de savoir laquelle survivrait, c’était de savoir combien de temps le reste de l’industrie du métal pourrait tenir en face de deux titans pareils !

Y’avait qu’un seul dénouement possible. On a pris contact, on a laissé nos producteurs négocier, et les deux tournées se sont terminées à la même date, dans la même salle.

Un duel.

Ensemble sur scène, eux contre nous. Chaque groupe essayant de démontrer sa supériorité absolue sur l’autre. Du grand art ! Un spectacle pareil, personne pouvait manquer ça ! Les producteurs ont vendu quinze mille billets en deux jours, ils ont été obligés de changer de salle puis de nous mettre en plein air. Et ils ont loué encore plus de terrains autour.

C’était… Bizarre. On avait une sacrée concurrence en face, on a tout donné, la foule était en délire, mais après-coup, c’est pas un souvenir si génial que ça, parce qu’on savait pas à qui allaient les acclamations. Nous ou eux ? La foule l’a pas dit. D’ailleurs c’est un peu pour ça qu’on a remis la sauce. Qu’on est là aujourd’hui.

***
L’Ixon semble sortir de ses pensées en entendant le Gorythmic retourner à sa taille habituelle ; ce n’est pas aussi bruyant que la batterie, mais le Gigamax reste un sacré effet spécial. En tout cas, le niveau sonore redevient acceptable ; les derniers rangs de la foule enlèvent leurs casques. Un petit instant de pause, de silence, et les Salarsen reprennent leur jeu endiablé. Et rapidement, le chanteur.

Il n’a plus la place de penser, pas en chantant. Un chanteur humain arrive parfois à réciter un texte par cœur en pensant à tout autre chose, mais quand il faut réfléchir consciemment sur la façon de moduler son cri pour en faire quelque chose d’intelligible, c’est impossible. Alors Elsur Lensall s’abandonne à la musique comme il adore le faire. Et pendant ce temps, il ne pense pas au final de la double tournée de l’an passé.

Il l’avouerait bien volontiers, c’était épique. Plus la soirée avançait, plus les deux groupes travaillaient de concert. Au début, ils s’étaient vaguement laissé chanter l’un l’autre, restant silencieux pendant la prestation de ceux d’en face. Ça n’avait pas tellement duré.

Assez rapidement, Tartrazine s’était mis à accompagner les guitares adverses, ce qui lui avait demandé tout son art.

Les Altaria d’en face jouaient avec des instruments normaux, mais en leur infligeant des Attaques. Les cordes des guitares n’étaient pas pincées par ces médiators inventés par les humains, mais par des becs chargés de Picpics ; la batterie subissait une Furie en règle ; et quant aux chœurs, ils impliquaient soit des Chants Cannon, soit un Brouhaha, soit divers mélanges des deux ; le tout pendant que la chanteuse n’hésitait pas à abuser de Mégaphone. Malgré tout ça, le style instrumental restait plutôt classique.

À l’inverse, chez les Maximizers, aucun instrument ; pas même la batterie de Chemise Verte, qui était une extension de son corps. Tartrazine jouait à l’aide de courants électriques qui faisaient vibrer sa peau comme une corde de guitare. Le rendu de base était très différent ; Chemise Verte aimait parler de révolution de la musique.

Mais comme les guitares, le Salarsen était capable de s’adapter. Il en fit l’exemple en faisant de son mieux pour s’insérer dans la partition des Altaria sans s’y faire remarquer. Et il s’en sortit plus qu’honorablement.

Au morceau suivant, même combat. Les Altaria s’étaient coulés dans le style des Maximizers, en les accompagnant comme s’ils avaient fait ça toute leur vie. En deux ou trois morceaux, les deux groupes ne jouaient plus l’un contre l’autre, mais ensemble.

Ils ne s’empêchaient même plus d’apporter leurs propres pattes au morceau en cours, de combiner les styles d’un groupe classique, d’un groupe légendaire-innovant et d’un groupe montant repensant les instruments habituels. De part et d’autre de la scène, c’était à qui improviserait avec le plus d’élégance.

Ce que l’Ixon avait énormément apprécié, aussi, c’était le dernier morceau. Quand il fallait réussir à tout prix à surpasser l’adversaire. Quand il s’était avancé à la limite de sa partie de la scène et qu’il avait défié la soprano qui se permettait de reprendre ses partitions. Elle avait relevé le défi, évidemment. Quelques secondes plus tard, elle lui faisait face, le dévisageant crânement pour le plus grand bonheur des fans.

Et ils l’avaient chanté, ce dernier morceau. Elsur préférait le baryton, mais restait capable de chanter comme un ténor. Et l’Altaria d’en face n’était pas en reste, descendant dans les graves sans marquer la moindre hésitation. Ils savaient tous les deux qu’ils pouvaient battre l’autre à son propre jeu, et ils firent tout pour y arriver.

Les deux auraient pu avouer que ce concert avait été excellent. Mais il y avait une chose qu’aucun ne s’admettrait jamais à lui-même. Qu’ils pouvaient travailler ensemble— non ; impossible. Il fallait qu’il y en ait un qui soit meilleur. Hors de question d’être au même niveau que quelqu’un d’autre.

Les deux groupes quittèrent la scène sous un déluge d’ovations, chacun des deux chanteurs préparant déjà l’acte suivant.

Les Fluffryff avaient certainement imaginé quelque chose ; et certainement un coup vicieux. Alors Elsur avait insisté pour que son propre groupe donne tout, fasse au mieux. Balance sur scène le meilleur album qu’on ait jamais vu.

Ils avaient repris leurs brouillons, ils avaient planché sans frein, ils avaient tout terminé en un temps record. Mais ils ne voulaient pas produire de la basse qualité. Ils avaient révisé, ils s’étaient assurés autant qu’ils le pouvaient que ce serait leur apogée. Et puis ils avaient prévenu le producteur.

Maintenant, ils étaient sur scène. C’était la première fois que ce solo de batterie avait l’occasion de faire trembler toutes les vitres de la Région. Encore un spectacle qui ferair date. Et peu importait qu’il ne se soit pas du tout terminé de la façon prévue.

***
C’est moi, Elsur Lensall, le roi des stades de Galar ! Je suis l’Ixon qui chante ! Je suis l’Ixon que les foules acclament ! Faîtes du bruit, mes fans ! Hurlez ! On vous le bisse volontiers, ce concert !

Je baigne dans la gloire. La foule n’arrivera jamais à être aussi bruyante que ce sacré Chemise Verte, mais cette marée de fans en train d’applaudir comme pour chasser des moustiques, ça vaut tous les solos de batterie du monde. Eh ouais, on est reconnus, on a une foule qui nous acclame ! Yeah !

C’est là que je la vois, et mon cœur se fige. Sharon.

Je sais plus quand j’ai appris son nom, j’ai l’impression de l’avoir toujours connue depuis que je l’ai eue en face de moi. Ça devait être pendant les négociations de l’année dernière. On s’en fout.

Elle volette tranquillement au-dessus de la foule en nous scrutant d’un air narquois. Aucune idée de ce qu’elle a en tête, mais si elle veut gâcher le concert, elle trouvera à qui parler ! Je vais me faire un plaisir de répondre à la moindre provocation !

Petit à petit, la foule et le reste du groupe remarquent mon regard fixe et haineux. On le suit, on s’arrête, on se questionne. Qu’est-ce qu’elle fiche là, elle ? Une invitée d’honneur du groupe ? Ils vont encore jouer ensemble ?

Quand elle est satisfaite que je lui ai donné l’attention de la salle, elle se rapproche de la scène, toujours en volant joyeusement. Elle vient jusqu’à une dizaine de mètres de nous à peine ; assez pour que nous puissions nous regarder les yeux dans les yeux. Là, elle m’adresse un clin d’œil qu’elle estime certainement ravageur, et se met à chanter.

On me la fait pas à moi. Je suis un combattant, je serais jamais devenu un Ixon autrement ; et je suis un chanteur, je serais jamais devenu celui que je suis aujourd’hui sans ça. Si elle croyait pouvoir me tromper, elle se fourre le doigt dans l’œil !

Ton Requiem, tu peux te le ravaler ! je gueule.

Un instant de flottement. Un vide absolu, comme si chacun se rendait soudain compte qu’il marchait au bord d’une falaise et que son pied venait de déraper. Ce qui est le cas. Les treize notes funestes résonnent avec une belle clarté dans la salle. Le Requiem prendra effet dans trente secondes.

Une éternité ! Sans prendre le temps de réfléchir, je m’élance aussi férocement que je peux, et je saute vers cette satanée boule de coton volante. J’arrive presque à lui coller un Coup d’Boule ; elle s’attendait pas à ce que je lui fonce dessus, la pauvre. Aucune habitude des combats, j’imagine ? Gare à toi gamine, Elsur Lensall a fait carrière dans l’arène avant de monter sur scène ! Ton Requiem, t’auras pas le temps de le chanter jusqu’au bout !

Et puis j’ai un sacré avantage. Quand je retombe dans la foule, je n’ai qu’à écarter les bras, et par réflexe, un bosquet de mains se tend pour me réceptionner. C’est pas un crowd diving très propre, plusieurs personnes manquent de finir par terre en m’amortissant. Mais juste ensuite, ils me relancent en l’air. Deuxième passe !

Ce coup-ci, Sharon se fait bel et bien avoir par le Coup d’Boule. Le choc la déséquilibre et elle chute de quelques mètres, pendant que je me réceptionne comme je peux sur la scène. Il s’est passé quoi, même pas dix secondes ? Et je prends l’avantage ? Ha ! Sans le Requiem dont les notes continuent d’emplir l’air, je m’ennuierais !

Mais je dois admettre que l’Altaria ne perd pas le nord. Elle prend soin, cette fois-ci, de venir se placer au-dessus de la scène, sur le côté. Ainsi, impossible pour moi de tomber dans la foule. Manque de pot, c’est pas forcément une bonne idée non plus.

Elle a un mouvement de recul quand Azurine et Chemise Verte s’élancent vers elle ; elle s’empresse de reprendre quelques mètres d’altitude. Mais le but de la manœuvre n’est pas de l’attaquer.

Je saute littéralement sur le dos du Salarsen bleu, et il accompagne le mouvement en me précipitant vers le Gorythmic. Lequel se protège de mon pied, qui arrivait vers son épaule, en donnant un grand coup de bras dedans, par en-dessous. Et il a de gros bras, le batteur. Résultat ? Moi aussi, je vole ! Ça c’est de la courte échelle ! Version Maximizers, on fait toujours les choses en grand !

Sauf que Sharon s’y attendait. Je suis en train de me précipiter en plein dans une Colère, et j’ai à peine le temps de lancer mon Blocage qu’une tempête de bec et de griffes vient me lacérer les bras.

Comme attaque, celle-ci fait mal… Mais j’ai vu pire. J’encaisse, et je m’accroche à une griffe au passage. L’Altaria n’a pas l’habitude de ce genre de manœuvre ; incapable de stabiliser son vol, elle tombe au sol. Et moi avec.

Je bats en retraite précipitamment pout échapper à la Colère qui continue, tout en lâchant un Aboiement au passage. Ce style de chant guttural ne me va pas tellement, l’Altaria furieuse en train de cracher ses poumons en face de moi le fait bien plus naturellement ; mais c’est toujours ça de pris.

On se regarde avec rage. Le Requiem doit pas être loin de se terminer. Je le sens dans l’air, les notes lancées par l’Altaria sont en train de se répondre mutuellement, de s’amplifier sans fin. Bientôt, elles vont déferler à pleine puissance. Sauf si j’arrive à éliminer la chanteuse. Si elle n’est plus là pour entendre son propre Requiem, il n’arrivera pas à échéance.

Me demandez pas comment fonctionne cette attaque. J’ai jamais compris et je chercherai pas à comprendre aujourd’hui.

Tout ce que je sais, c’est qu’il ne reste pas longtemps. J’ai pas franchement le choix. Je fonce sur Sharon, avec cette bonne vieille attaque Damoclès. Une de mes préférées, et là j’y vais à fond. Je vais me briser un os, mais peu importe. C’est qu’une Altaria, en face, aucune chance qu’elle tienne !

Et c’est le choc. Le métal des Maximizers contre cette honte de Fluffryff, c’est couru d’avance ! Je m’attends à me prendre un mur, à la projeter à plusieurs mètres et à moi-même devoir mettre un genou à terre pour supporter ma propre attaque ; et donc, à la battre proprement. Mais non. Je m’enfonce dans un espèce de truc mou et cotonneux. Et puis Sharon déplie son aile, et m’envoie bouler à deux mètres d’elle, et elle y rajoute un Mégaphone en prime histoire de bien me casser les oreilles.

La contre-attaque me sonne littéralement, mais je crois comprendre. Elle a lancé Coto-Garde avant de se montrer ? Foutue saloperie d’Altaria !

Une vibration emplit l’air, gigantesque, délicieusement dissonante.

Le Requiem est mûr.