Tunnel sans fin (OS) de Scorbunn

Jour 1
Je suis… dans un tunnel ? Je n'en vois même pas l'autre extrémité. Mais une force invisible et inconnue m'empêche de revenir sur mes pas, vers l'entrée. Où suis-je ? Où est-il ? Pourquoi suis-je dans cet endroit lugubre ? Et surtout pour quoi ? Les parois délabrées de cet endroit sont en briques rouges. Rouges comme le sang. Comment sais-je cela ? Suis-je seulement certain que cet endroit est bien réel et non onirique ? En guise de réponse, mes pattes avant commencent à être rongées par la douleur… Mais après tout, ce n'est qu'un simple tunnel, non ? Il y a beaucoup de tunnels dans lesquels on n’aperçoit pas forcément la sortie dès l'entrée…

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Quelqu’un a dû me déposer ici en m'enfermant dans ma prison transportable, cette sphère rouge et blanche qui me semble provenir droit des enfers. Ils ont osé ! Je savais bien, au premier regard, quand il m'a affronté avec sa tortue aquatique, qu'il n'était pas net… Avec le temps que nous avons passé ensemble, j'ai appris à lui faire confiance ! Nous nous sommes apprivoisés ! Cette infâme personne m'a trahi ! Et il ose prétendre devant les autres être mon dresseur ! Espèce de vermine, va… Retourne apprendre à prendre soin de tes machines de guerres…

Je vois rouge. Aussitôt, je me mets à courir, aussi vite que je le peux, vers l’autre bout de ce tunnel. Je la trouverai, moi, la sortie, et je me vengerai ! Il ne l'emportera pas au paradis, ce méchant humain ! Je bouscule violemment les quelques passants que je croise, malgré ma petite taille. Ils me regardent, incrédules. Tout leur semble normal. Et tous ces adversaires qui m'ont vaincu, sans se soucier des blessures profondes qu’ils m’ont causées… Un jour, je serai leur pire cauchemar.


Jour 2
Malgré tout ce que j'ai dit et pensé de méchant, sur mon dresseur, sur mes adversaires, sur les humains, et sur le monde entier, je me suis lié d’amitié avec une grande partie des personnes présentes en ces lieux. Cependant, la nourriture me manque. C'est étrange, je n'ai ni mangé ni bu depuis ma mystérieuse entrée dans ce tunnel, et pourtant, je n'ai ni faim, ni soif, juste de l'envie.

Plus j'avance, et plus cet endroit me semble irréel. Les parois de briques ont laissé place à du papier peint de couleur rose à fleurs, créant une ambiance chaleureuse dans ce lieu pourtant hostile au premier abord. Mes nouveaux amis sont tellement gentils avec moi, et je souhaiterais rester pour toujours avec eux, ici. Mais, pour remplacer la tristesse qui subsiste, j'avance pour rencontrer de nouvelles personnes et ainsi tisser des liens nouveaux…

Jour 3
Hier, je ne sais pas ce qu'il m'arrivait, je réussissais presque à oublier le piège de ce tunnel, sans réel début ni fin, avec l'aide de mes fraîches connaissances. Aujourd'hui, c'est totalement différent. Je me sens pris au piège, et je ne sais même plus ce qui me pousse à poursuivre mon trajet rectiligne.
À quoi bon avancer ? À quoi bon tenter de se rendre à l'autre extrémité de ce tunnel, alors que je ne suis même pas sûr qu'il en existe une ? Quel est l'intérêt de cet acharnement ? Espérer mener une vie meilleure ? On ne peut même pas savoir ce qu'il y a au bout. Et qui peut nous dire, que là-bas, l’avenir sera meilleur ?

Cette force invisible qui m'empêchait de reculer m’emmène désormais vers l'avant. Je n'ai donc d'autre choix que de marcher encore et encore, peut-être pour l'éternité…
J'y pense : mon dresseur doit probablement, à l'heure qu’il est, fondre en larmes… Des larmes bleues, comme son nom, un nom de légende… Le sang rouge nous a poussés à nos limites, et tu ne mérites pas de souffrir, mon ami ! Pourquoi avancer ? POUR QUOI ? Je souhaiterais obtenir des réponses, même si mon souhait ne sera probablement jamais exaucé.
Je suppose que… c'est le lot de mon espèce. La vermine est notre lot, que nous le voulions ou non, nous sommes faits comme des rats… si j'ose dire, puisque l'expression est un poil étrange à mes oreilles. Cette nuit, c'est un Pokémon désespéré et incompris qui errera dans ce couloir.

Jour 4
Après ces trois jours d'errance, je commence enfin à accepter que ce tunnel ne finisse jamais, mais que pourtant, il faut que j’avance. J'ai cessé de me questionner sur mon arrivée, puisque j'ai compris qu'il faut juste regarder devant soi. Oh, bien sûr, vous penserez probablement que je suis fou, mais c'est particulièrement agréable de ne ressentir ni la faim, ni la soif. Je commencerais presque à apprécier la vie dans cet endroit, mais je n'irais pas jusqu'à ce point.
Je marche paisiblement, sans réellement chercher mon chemin ou me poser de questions. Je ne suis plus seul, désormais. Un Stalagmin (ou une, je ne suis pas vraiment certain, comme il (ou elle)) parle très peu, presque pas, à vrai dire. Cet ami m'accompagne pour la suite de mon voyage, jusqu'à ce qu'il se décide à s'arrêter, puisque contrairement à moi, il n’est pas soumis à la Force. Cela ne me dérange absolument pas qu'il doive partir à un moment ou un autre, en attendant, j’apprécie sa compagnie.

J'aperçois, à une centaine de mètres, une lumière vive qui semble s'échapper de l'extérieur. Aussitôt, j'oublie la douleur qui me rappelait au début que j'étais réel et je me mets à courir. Stalagmin me suit, aussi énergique que moi. Je suis presque euphorique à l'idée de retourner à l'air libre. Enfin ! Ces trois jours m’ont semblé durer une éternité !

Une fois que je passe la porte, je découvre dehors un Pokémon blanc. Mon ami s'en rapproche, lui murmure quelques mots, et reçoit une Pierre Aube en retour. Il me fait signe de regarder en bas de la falaise.

La vision que j'ai suffit à me faire comprendre ce qui se passe. Je prononce à l'intention de l'humain en bas : « Blue, sois courageux, et ne te venge pas. Il nous a fait du mal à tous les deux, mais n'oublie pas que l'amitié doit exister au-delà des rivalités. ».
Prêt à quitter ce monde et à tout recommencer, je monte sur le dos d’Arceus, qui m'emmènera vivre avec les anciens sur le Mont Couronné.

Car en bas, je laisse un dresseur, un ami, et une tombe sur laquelle est inscrite mon nom : Rattatac.