Projet Triple 3 de Ramius

Il le fait. Il le fait ce crétin, il le fait !

— Et… Gagné !

— Ha ! Qui c’est qui râlait sur ce jeu y’a pas trois jours ?

— Là elle a pas tort, Sam !

— M’en fous, je vous ai battus !

Pendant ce temps, les bons derniers de la course franchissaient la ligne d’arrivée. Aucun des quatre biologistes n’avait joué à ce jeu auparavant, et ils regardaient d’un œil amusé les acrobaties des Sbires les plus jeunes.

Au début, quand les Sbires lui avaient proposé de passer le temps libre avec eux sur la console plutôt qu’avec Adèle dans la forêt, Auguste n’avait pas été bien enthousiaste. Mais il devait admettre que c’était assez prenant, comme jeu. La compagnie qui le distribuait semblait s’être largement améliorée ces quelques dernières années ; sans doute Giovanni voudrait-il y placer quelques actions de la Team avant le prochain titre à succès planétaire.

Et d’ailleurs, il y avait tellement peu à faire qu’il avait tout le temps qu’il voulait. Le désœuvrement de la base était assez impressionnant ; maintenant que l’Œuf du Pokémon artificiel était créé, les biologistes n’avaient plus qu’à attendre son éclosion.

Quant aux Sbires, cela faisait bientôt deux mois que les derniers arrivés n’avaient rien à faire. Et les anciens résidents de la base la gardaient depuis plus longtemps encore. Ils avaient tout naturellement trouvé leurs propres combines pour passer le temps quand ils avaient fini d'entretenir le dédale de couloirs.

Allez hop, faîtes vos équipes !

— Pas avec Ike ! lança Claire.

— Euh ? Merci ? Tout ça juste parce que je te bats depuis tout à l’heure ?

— Exactement ! Je cherche à prendre ma revanche !

— Tranquille. Ça fait combien de parties que tu dois re-gagner ? riposta Ike en entrant dans le jeu de Claire. Une petite vingtaine.

— On s’en moque, lancez le jeu !

— Tu sais très bien que tu ne peux pas gagner !

— Ben voyons. C’est un défi, c’est ça ?

— Tu penses me prendre aux Pokémon pour un jeu ? Sérieusement ? se moqua Ike.

— Oui !

— Bah fallait le dire plus tôt !

Pendant ce temps, Auguste se laissa griller la priorité au départ par Sam. Il réfléchissait.

Le tempérament explosif de la responsable de la base l’inquiétait un peu. Il n’aimait pas beaucoup les bravades qui agitaient ses Sbires ; des rivalités amicales ne le gênaient pas, mais à son goût, ceci tournait un peu trop au pugilat. Le Champion n’avait pas envie de gérer des tensions trop aggravées dans son équipe.

Mais en même temps, que faire ? Ce serait idiot de regretter l’enthousiasme des Sbires : une bande de larves apathiques ne servirait à rien pour garder une base. Non ; le plus sain serait de trouver quelque chose à faire, n’importe quoi, pour canaliser un peu l’énergie excessive.

À vrai dire, avoir autant de Sbires pour garder la base était une précaution un peu encombrante. Mais la Team aimait la prudence. Et Auguste, en pleine partie de jeu vidéo, se retrouva à songer à un moyen de mettre un peu d’animation dans l’ancien monastère. Le tout en tenant compte des origines variées des Sbires : il fallait quelque chose qui soit partagé par un peu toutes les classes sociales. Cela restreignait les possibilités ; le Champion trouva rapidement son idée, et commença à préparer son organisation.

Il perdit la partie avec un beau retard, mais il avait tout de même pu bien embêter quiconque voulait le doubler.

***
Parmi les neuf membres de la Team qui partageaient la base avec le Champion de Carmois’île, il y avait quatre Sbires de première classe, un seconde classe (Ike) et une troisième classe (la responsable de la base, Claire). Sachant que même les Pokémon de troisième classe ne faisaient de leurs Sbires que les équivalents de Dresseurs décemment bons. Pas plus.

Quant aux scientifiques… Les deux aides de labos valaient des premières classes. Et David dressait bien un Alakazam, mais il était encore jeune. Juste assez fort, finalement, pour reproduire le même problème que le Champion, à plus petite échelle : comment équilibrer un tournoi de Pokémon impliquant de simples Sbires et le Septième Champion de la Ligue de Kanto ? Sans doute aurait-il été plus simple pour Auguste de ne pas s’investir lui-même dans le tournoi ; et de servir d’arbitre au passage.

Mais cela voulait aussi dire que David survolerait les combats. Seule Claire, et surtout seul le Malosse de Claire, aurait pu gérer l’Alakazam. Et de même, écarter David du tournoi mettait tout le reste de l’équipe à la merci de cette teigne de Malosse. Le problème semblait insoluble.

Auguste choisit donc d’appliquer le troisième Théorème du Pipeau : tout problème compliqué peut se simplifier en ignorant une partie de ses données. Et le tournoi se transforma en série de Batailles Royales.

Le principe était effectivement plus simple : il suffisait d’organiser les dresseurs par groupes de trois, en plaçant les premières classes deux par deux avec un dresseur plus compétent, et d’attendre que les alliances temporaires se nouent. Cela promettait d’être mouvementé. Et en guise de final, Auguste céda à la proposition de David, qui était d’aligner tous les membres de la base contre Adèle.

Cette organisation n’eut pas tout à fait autant de succès qu’il l’avait espéré.

Claire comme David jouèrent le jeu, et laissèrent un maximum d’ouvertures à leurs adversaires ; ils les battirent quand même aisément. Quant au troisième groupe, mieux équilibré, il offrit un peu plus de spectacle.

Un Tadmorv ; deux Abras et un Soporifik ; un Fantominus et un Nidorino. La faiblesse des Pokémon Psy du scientifique compensait bien le type Poison de tous leurs adversaires ; lesquels, malgré une différence de classe de leurs Sbires respectifs, restaient d’une force proche. Et les Téléportations frénétiques des deux Abras mirent une belle pagaille chez leurs adversaires ; à un moment, ils durent tous les contenir à eux deux. Ils s’en sortirent, mais cela suffit à précipiter la fin du combat. Le Sbire de classe deux gagna.

Finalement, tout l’intérêt de ce tournoi improvisé résiderait dans le tous-contre-Auguste .

On dégagea le matériel d’une des salles souterraines, on aménagea vaguement une zone de combats. Ça n’avait pas été fait pendant les Batailles précédentes, c’était bien plus marrant de soutenir les gens qui s’écharpaient sur le petit terrain de combats. Ce dernier n’était prévu que pour deux personnes, il n’accueillerait pas plus que des groupes de trois.

Le dernier round aurait donc lieu dans un cube d’acier, sans aucun environnement à exploiter. Pour une Bataille Royale, c’était un peu ennuyeux. Le Champion de Cramois’île fit contre mauvaise fortune bon cœur, et s’attendit à un combat difficile. Il n’avait pas tort.

***
Dans les repères de la Team, il y avait toujours une légère dissonance entre la bonne volonté des Sbires, et l’atmosphère martiale des murs épurés. C’étaient des lieux impersonnels, appelant à la discipline ; et en même temps, on était content d’être ici.

C’était particulièrement sensible ce jour-là. Dans la grande salle vide et sans âme, dix membres de la Team Rocket relâchaient des Pokémon en plaisantant. Les trois Batailles de la matinée faisaient figure d’en-cas à côté de celle-ci. Alors malgré l’objectif de se détendre et de passer le temps, l’enjeu excitait quand même les combattants. Battre le Champion, rien que ça !

Un peu désorientés par ce mélange de tension et de pitreries, les Pokémon ne savaient pas trop où donner de la tête. Les plus combatifs allaient chercher des noises aux autres, la plupart restaient près de leur Dresseur.

Pour sa part, Adèle n’avait certainement pas l’intention de ne rien faire. Une fois libérée, il ne lui fallut que quelques secondes pour deviner ce qui l’attendait et commencer à s’étirer dans tous les sens. Auguste était encore fier d’avoir réussi à apprendre ça à sa si turbulente tête d’équipe, même si c’était des années plus tôt.

Puis Sam revint des toilettes (sans cheville cassée, malgré les couloirs traîtres) et la Bataille Royale put commencer.

Bien, annonça Auguste. Sans vouloir faire trop formel, je tiens à vous rappeler qu’il y a quelques règles pour ne pas rendre le truc trop chaotique. Même si je m’attends à ce que ça finisse en mêlée générale ; mais après tout, on est là pour ça. Alors, rappelez vos Pokémon près de vous et choisissez-vous un adversaire.

Sans étonnement, tous les regards restèrent fixés sur lui.

Que cette Bataille Royale amateure… Commence ! Adèle barre-toi à gauche.

L’Arcanin ne se fit pas prier, et fonça droit devant elle. Une certaine quantité d’attaques vinrent frapper non loin d’Auguste, dont une majorité à l’endroit où il avait demandé à Adèle d’aller. Heureusement qu’elle savait qu’elle ne devait surtout pas le faire.

Parmi les attaques perdues, il y avait notamment le Malosse de Claire, qui en voyant sa cible lui échapper, alla s’intéresser au pantalon d’Auguste.

J’ai rien à manger pour toi, désolé ! s’excusa ce dernier.

— C’est ça, corrompt-le !

— Adèle ! Vire le Voltorbe !

Une fois de plus, l’Arcanin identifia son véritable adversaire : le Magnéton de David. Au milieu de la cohue qui s’était ruée sur elle, la Cage-Éclair lancée par l’aimant avait touché le Tadmorv de quelqu’un. Mais c’était le plus gros risque pour Adèle : elle avait déjà besoin de toute son habileté pour sauter par-dessus les têtes et les griffes et se faufiler vers sa cible.

Ceci dit, une fois que le cas du Magnéton aurait été réglé, il faudrait s’occuper du Voltorbe de la doyenne des aides de labo ; et aussi de son Magnéti, au passage. Vu la façon dont la situation évoluait, ça pourrait prendre un petit moment.

Les neuf adversaires d’Auguste tentaient tous de l’attaquer. Certains jouaient finement : David avait ordonné à son Magnéton d’attendre l’arrivée d’Adèle, et à son Munja de le protéger. D’autres étaient plus directs : Claire exhortait son Malosse à rattraper la grande chienne de feu. Le petit teigneux faisait ce qu’il pouvait, mais pour l’instant, sa Morsure était loin d’inquiéter l’Arcanin.

Adèle bondit d’un demi-mètre sur le côté pour éviter un autre Tadmorv, qui se prit à sa place les Ultrasons d’un Nosferapti. Le Rattata essaya de se mettre dans sa route, elle l’envoya bouler d’un coup de patte bien ajusté (le Rattata fut projeté dans la direction d’un Abra que la surprise fit se téléporter) avant de devoir reculer de quelques pas pour attirer l’Alakazam de David plus loin de son Magnéton. Saisissant l’occasion, le Malosse tenta de lui sauter dessus et de la mordre. Sa mâchoire battit dans le vide — mais à deux centimètres de l’oreille d’un Abo, qui siffla d’indignation.

L’Arcanin était déjà loin. Son statut de Pokémon d’Arène ne l’avait pas spécialement habituée à gérer une telle foule hostile, mais elle savait improviser. Et c’était beaucoup plus précieux.

Le Miaouss de Claire, lui, ne savait pas improviser. À bonne distance, il suivait Adèle du regard, en s’efforçant de suivre le combat. L'Arcanin était à proximité du Moufouette ; peut-être qu’une pièce lancée sur celui-ci déclencherait une attaque Poison, donc désorienterait Adèle et donnerait au Malosse une occasion de frapper ? mais c’était trop tard, le Moufouette avait eu le temps de se faire attraper et lancer sur un Nosferapti (qui l’évita mais dut corriger son vol en catastrophe pour éviter de percuter le Smogo) et une nouvelle situation se mettait en place. Le Pokémon Chadégout aurait presque envié son adversaire — car elle ne pouvait pas être l’adversaire des autres, lui seul était assez intelligent pour l’avoir — pour sa capacité à répandre le chaos dans les rangs des Sbires sans prendre un seul instant de répit.

Un Rebondifeu explosa à côté du Miaouss, ne lui laissant pas le temps de se demander quelle était la part d’entraînement et la part de fourberie dans les mouvements de son adversaire (s’il avait pu s’entendre penser dans le vacarme des ordres et des attaques) ; les flammes ne firent pas grand-chose au Racaillou qui les avait reçues, mais cela sembla l’énerver, et il tenta de riposter.

Il devait pour cela parcourir la moitié des vingt mètres de largeur de la salle ; mais l'Arcanin se déplaçait sans cesse, et à un moment ou un autre, elle passerait près de lui. Ou au moins à portée de Jet-Pierres.

Téléport ; un Abra apparut juste devant Adèle alors quelle prenait ses appuis pour bondir. Elle rectifia en catastrophe, mais décolla complètement — elle s’efforçait de rester le plus près possible du sol — en l’air, on pouvait mieux prévoir sa trajectoire, et avant que qui que ce soit n’ait compris ce qui se passait, l’autre Abra était apparu sur le dos de l’Arcanin.

Elle eut vite fait de s’en débarrasser d’un roulement d’épaules qui suffit à lui donner le mal de mer ; mais pendant ce temps, le premier Abra échangeait sa place avec le Soporifik, lequel tenta une Entrave.

Depuis un moment, Adèle était sur la défensive. Auguste s’en inquiétait un peu : si endurante soit-elle, elle ne mesurait parfois pas sa fatigue. Et à force de se défendre sans trop trouver le temps d’attaquer, elle n’arriverait jamais à mettre qui que ce soit hors-jeu. Qui plus est, l’Entrave ne sembla pas affecter de capacité : après l’avoir subie, Adèle se mit à boitiller de façon alarmante. Elle devait avoir une articulation bloquée.

Le Fantominus d’Ike y vit sa chance : il se rua sur l’Arcanin, qui déjouait depuis le début toutes ses tentatives pour l’approcher, et il réussit à se mettre en face d’elle pour tenter une Hypnose.

Adèle lui lança un autre Rebondifeu ; aveuglé par les flammes, le Spectre rata son attaque.

On s’ennuie, lança Claire, sa voix traversant le nuage d’ordres lancés par les Dresseurs. Miaouss ! Reste pas là et bouge vers le Magnéton !

Le Chadégout obéit sans sourciller. C’était quand même bien plus facile de laisser le Dresseur penser à sa place. Étrangement, se dit-il, c’étaient les Dresseurs dont les Pokémon étaient les plus faibles qui parlaient le plus. Peut-être voulaient-ils compenser les lacunes de leurs compagnons — mais ceux-ci ne leur étaient-ils pas donnés selon leurs capacités en Dressage ? D’ailleurs, Claire avait beau jeu de prétendre s’ennuyer alors qu’elle calquait son attitude sur celle du Champion et ne donnait presque aucun ordre.

Bien ! reprit-elle quand son Pokémon se fut rapproché. Et maintenant, on va faire de ce foutoir une vraie Bataille Royale ! Sabote l’Alakazam.

Un hurlement courroucé de David lui répondit. Le Pokémon Psy ne put rien faire.

On est censé être alliés, fichue mégalomane !

— M’en fiche !

— Tu prendrais le risque de te retrouver seule contre Adèle ? nargua Auguste.

— Avec sa patte folle, carrément.

À partir de là, les choses commencèrent à vraiment dégénérer.

Le Malosse de Claire vint prêter main forte à son Miaouss — et ce ne fut pas de trop : contre les attaques psychiques du félin doré, le chat de gouttière n’en menait pas large. Pendant ce temps, le troisième Pokémon de Claire, un Tadmorv qui abusait de Lilliput depuis le début du combat, fila s’occuper du Munja de David. Ce dernier commença à trouver le combat moins peinard : tant qu’il n’y avait eu aucune attaque Feu à éviter, sa Garde Mystik l’avait protégé de tous les dangers du combat. Maintenant, un possible Saboteur le pourchassait…

Claire avait bien calculé son coup : avec Adèle qui continuait de harceler le Magnéton, elle pouvait exploiter pleinement les avantages de types en sa faveur. Comme son Munja, David commença à ramer.

Quant à Adèle, elle venait de perdre d’un coup six de ses adversaires les plus efficaces. Certes, il restait un Fantominus mal en point, un Nidorino qui allait enfin pouvoir tenter un corps-à-corps et la triplette de types Psy adeptes de la téléportation, mais tout le reste devenait gérable.

La salle commença à vraiment prendre des airs de champs de bataille. Jusqu’alors, c’était un peu comme une cour de récréation où tout le monde pourchassait le coureur le plus rapide ; maintenant, il y avait quatre groupes de Pokémon qui se marchaient dans les pattes. Auguste jugea utile d’ajouter un peu de piment à tout ça — après tout, Adèle serait triste si ça devenait trop facile.

Déflagration, ma belle ! Où tu veux.

L’Arcanin eut l’air de beaucoup s’amuser du mouvement de panique générale que cela provoqua. La plupart des Dresseurs reculèrent de quelques pas, les Pokémon se mirent sur leurs gardes. Et Adèle s’assit sur son arrière-train en agitant la queue, langue pendante. La position d’un Chien attendant qu’on lui lance le bâton ; mais c’était elle qui tenait le bâton.

Soudain, elle se détendit comme un ressort — une Déflagration fusa à travers la salle faisant sursauter la moitié des Pokémon. Adèle avait visé l’Alakazam.

Ce dernier tendit ses deux cuillers vers l’avant comme s’il voulait les lancer ; un air d’extrême concentration se peignit sur son visage et une aura rose fluo scintilla brièvement autour de ses longues moustaches. Un instant, tout le monde se figea.

Puis la boule de feu lancée par l’Arcanin s’immobilisa, à un bon mètre de l’Alakazam.

Le Miaouss eut la présence d’esprit de déguerpir ; le Malosse, non. Il se prit la Déflagration de plein fouet ; une corolle de flammes illumina toute la salle. L’explosion projeta le Pokémon Sombre à bonne distance ; il couina en se relevant. À part ça, il semblait indemne. Pas de trace de brûlures.

Torche, commenta Claire avec un sourire narquois. Occupe-toi du Munja !

— Oh oh…

Il y avait une certaine tension dans la voix de David : le Malosse n’était pas tombé bien loin de son Pokémon quasi-invincible. Et de l’autre côté de ce dernier, le Tadmorv arrivait en rampant aussi vite que possible.

Impossible d’échapper aux deux.

Puis, bonne joueuse, Adèle déboula comme une furie et infligea ses propres Crocs Feu au Tadmorv, le mettant presque hors-combat. Le Munja bondit sur l’occasion et se rua sur elle, fuyant le Malosse. Au passage, il eut la politesse de ne pas attaquer l’Arcanin.

Cette dernière se contenta de laisser traîner une patte dans le chemin du Spectre, histoire de bien montrer qu’elle aurait pu l’avoir. Puis elle sautilla gaiement entre ses adversaires, vers l’Alakazam. Quoiqu’un peu jeune et pas très dégourdi, celui-là avait l’air moins empoté que tous les autres. Et il fallait bien admettre qu’un combat contre un adversaire capable d’arrêter une Déflagration, c’était une intéressante perspective !

Les échanges enragés de Lance-Flamme (dont la moitié retournés à l’envoyeuse) et de Psyko qui s’ensuivirent rendirent les deux combattants presque intouchables pour les autres. Pour les neuf adversaires du Champion, désormais privés de leur cible commune, il ne restait plus qu’une solution : briser l’union sacrée.

Peu à peu, les échanges d’ordres se transformèrent en échanges d’insultes bon enfant, et quand Adèle finit par s’asseoir en agitant la queue, au milieu d’une horde d’adversaires éreintés, l’atmosphère était bien moins tendue qu’une heure plus tôt.

Dans le laboratoire 204, à l’abri d’une machine de soin trafiquée, un Œuf incubait. Le petit blob qu’il abritait était encore loin de la conscience, il ne se douterait jamais que son triple-type Fée, Spectre et Ténèbres en faisait quelque chose de précieux. L’embryon sans forme ne s’en souciait pas.

Tout ce qu’il sentait, c’était qu’il commençait à avoir faim. L’éclosion était proche.