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Le Baron Rouge : Autodafé de FireHana



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Informations

» Auteur : FireHana - Voir le profil
» Créé le 01/03/2020 à 22:30
» Dernière mise à jour le 30/11/2022 à 15:40

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Drame   Guerre   Présence d'armes

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2 : La terre des Hommes
Les villageois n'en parlaient plus à cette époque, mais il y avait bien un terme qui restait nébuleux aux yeux de Gvidon : la guerre.

Cela ressemblait, ainsi décrit par eux, à un monstre abominable qu'il fallait combattre en envoyant des hommes et des pokémons.

C'était quelque chose qui ne devait pas - plus - se reproduire aux dires de ceux qui en étaient revenus. Il fallait dire que les rares à l'avoir vue (et y avoir survécue) étaient mutilés, parfois sévèrement handicapés. Il y avait, notamment, ce jeune humain alors prisé par ses homologues du sexe opposé, qui avait sombré dans l'oubli lorsqu'il retourna au village avec un œil en moins et le visage tuméfié en plus. Bizarrement, le pokémon ne le revit plus passé une certaine date.

Il y avait aussi ceux qui, jadis, étaient essentiels dans la vie quotidienne et s'étaient retrouvés inutiles à leur retour. Parfois à cause de leur atrophie, parfois parce que leurs familles s'étaient accoutumées à faire plus d'effort. Souvent, c'était les deux.

Quant aux pokémons, aucun n'en était revenu. La question de leur réinsertion dans le village ne se fit donc pas.

Ainsi, il s'écoula un laps de temps durant laquelle, on n'entendit plus du tout parler de la guerre . Ou, si, par malheur, quelqu'un en parlait, personne ne lui répondait - ou à l'inverse, avec plus de véhémence que cela en demandait. Et si le rituel étrange autour du pilier de pierre continuait, il devenait de plus en plus discret. Les offrandes de fleurs et de bougies se firent plus rares. Les femmes trouvèrent de nouveaux compagnons. Les enfants oubliaient ceux qui furent leur père en adoptant une autre figure. Des nouvelles vies s’épanouissaient.

Il semblait, en apparence, que tout revenait à la normale.

Et Cathie, dans tout cela, grandissait. Elle était une jeune adulte à présent. Elle avait quitté ses robes et salopettes délavées pour celles de sa mère. Ses cheveux châtains avaient poussé, même si elle les cachait soigneusement dans un chiffon afin de ne pas être déranger durant son labeur. Ses yeux aussi montraient quelque chose de différent. Il y avait toujours cet éclat de tristesse, mais il s'effaçait progressivement pour laisser place à une fougue, une détermination d'en découdre. Elle voulait vivre.

Babouchka, elle, vieillissait. Elle se plaignait de plus en plus de son dos. Elle se levait moins. Ses cheveux étaient devenus un peu plus blancs. Elle lui paraissait… Lasse.

Et lui, eh bien… Il ne savait pas trop s'il avait grandi ou non. Il avait mûri, pour sûr. Ses lames étaient devenues un peu plus dures et un peu plus grandes. En l'absence du maître, c'était Babouchka puis Cathie qui s'occupait de l'entretient de ses lames.

C'était si calme. Si paisible.

Et puis, d'un seul coup, tout bascula.

Les hommes en uniforme bleu revinrent. Ils appelèrent des noms - des noms d'humains- et demandaient des pokémons afin de subvenir à l'effort de guerre . Cette fois, Babouchka et Cathie ne parvinrent pas à le cacher à temps. Les militaires le réclamèrent.

— Scalpion est le pokémon idéal pour ce genre de travaux, essaya d'expliquer posément le soldat, nous saurons en prendre soin comme il le faudra.
— Oh oui, c'est sûr, pour la chair à canon, c'est ce qu'il y a de mieux ! s'étrangla Babouchka, Vous nous croyez stupides? Vous voulez que je vais vous donner mon p'tit Gvidon, lui qui est indispensable pour notre survie? Allez-donc à Giratina ! Je vous aie déjà donner mon fils pour vos travaux !

Elle essaya de lui claquer la porte au nez, mais l'homme en uniforme la bloqua avec son pied.

— Refuser de servir votre pays, c'est de la haute trahison. Des milliers de nos compagnons sont en train de se battre actuellement pour sauver cette patrie - y comprit ce village. Je vous laisse une dernière chance, avant que n'en subissiez les conséquences.

La vieille dame, à cet ultimatum, sembla être pris de cours. Gvidon regarda tour à tour Babouchka, l'homme en bleu, et Cathie.

Cette dernière s'avança et rouvrit la porte. Avec lenteur, elle dit:

— D'accord, mais laissez-nous le temps de lui dire au revoir.
— Accordé.


Il s'éloigna un peu, s'appuya sur une poutre de la grange et attendit.

— Qu'as-tu donc fait…? murmura Babouchka, mais Gvidon ignorait si elle parlait à sa petite-fille ou à elle-même.
— Nous n'avons pas le choix. Les traîtres sont ceux qui meurent en premier, trancha durement Cathie.


Puis, elle s'accroupit pour arriver à la hauteur du pokémon. Elle ne voulait pas le laisser paraître, mais il vit beaucoup de tristesse et d'inquiétude dans ses yeux.

— Gvidon, ces hommes vont t'emmener avec eux. Ils vont te préparer pour que tu apprennes à te battre. Il faudra que tu leur obéisses bien, d'accord ?

Il hocha la tête. Son cœur battait à toute allure.

— Il faudra aussi, continua-t-elle avec une voix plus faible, que tu sois très prudent. Là-bas, des gens, pokémons comme humains vont chercher à te tuer. Ne te laisse pas avoir, d'accord? Fais tout ce que tu peux pour survivre, même si cela veut dire les tuer avant. Si tu fais ça et que tu obéis bien, tu t'en sortiras. Qui sait, peut-être que le Grand Chef viendra lui-même te récompenser…?

Elle se força à sourire alors que ses yeux s'humidifiaient. Babouchka, ne supportant plus cette situation, partit abruptement à l'intérieur de la maison.
Cathie passa sa main sur sa joue froide. Il eut un mouvement de tête pour s'y coller.

— Sois fort Gvidon. Reste en vie. Lorsque tu rentreras, nous… Nous serons infiniment fières de toi.

Elle l'embrassa sur le côté de son casque.

— Je t'aime, Gvidon.

Et ce fut tout.

Les hommes en uniforme bleu le firent monter dans un camion kaki, avec d'autres pokémons divers. La plus part, ils ne les connaissaient pas - ils venaient des autres villages aux alentours. Il était le seul scalpion d'entre eux. En revanche, on retrouvait beaucoup de pokémons Roche, Glace et Acier de la région. Quelques-uns de type Combat, aussi.

Lorsqu'ils démarrèrent, Gvidon fut prit de lourds remords. Il aurait dû lui répondre qu'il les aimait aussi, elle et Babouchka. Il aurait peut-être dû affirmer un peu plus son avis, essayer d'expliquer à ces humains qu'il ne pouvait pas partir.

Mais c'était trop tard. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était observer à l'arrière le village qui rétrécissait, encore et encore, au fur et à mesure qu'ils s’éloignaient…

Il se demanda quand est-ce qu'il reverra ces terres champêtres. Il se demanda si Babouchka sera encore là quand il reviendra. Il se demanda s'il y aura encore une place pour lui.

Est-ce que Cathie trouvera un autre pokémon pour l'épauler ? Un autre à qui donner son affection ?

Le camion butta sur quelque chose et il fit un bond de quelques centimètres avant de retomber sur son postérieur. Des pokémons, dans un coin, pouffèrent discrètement. Il n'y fit pas attention.

Où allaient-ils… ? Qu'allaient-ils faire d’eux ?

°-°-°-°
Ils firent deux jours de voyage, segmentés par des petites pauses afin qu'ils puissent se dégourdir les pattes. Ils eurent aussi le droit à leurs premières rations - des sortes de petits pâtés insipides que, parfois, les hommes ne se prenaient même pas la peine de servir dans une gamelle. Certains pokémons avaient été obligés de renverser la boîte de conserve par terre pour pouvoir manger le contenu.

Le voyage se faisait dans un étrange silence. Les humains, comme les pokémons, n'émettaient que très rarement des sons ou des paroles. Ou alors, s'étaient des interjections comme :

— Sortez.


— Revenez.


— Montez.


— Plus vite !


— Doucement !


— Recommence encore une fois et j'te colle au trou !


Ce genre de chose.

Gvidon n'avait pas osé se faire remarquer. Pour dire les choses, il était plutôt d'une nature docile et calme. Et il regardait, avec une certaine passivité, certains de ses compagnons d'infortune qui, un peu plus rebelles, essayaient de tenir tête à leurs supérieurs. Il y avait, notamment, ce bulbizarre qui avait déjà le mal du pays et qui tentait de s'échapper du campement. Plusieurs fois, on le rattrapa, et plusieurs fois, il se fit gueuler dessus pour être aller contre la décision des hommes en uniforme.

Le pokémon Poison finit par riposter. Une taloche végétale fit mouche sur la joue rose du soldat.

Il eut un long silence. Comme-ci le temps s'était suspendu. Le lieutenant fixa la créature et le pokémon dévisagea l’humain.

L'instant d'après, il eut un bruit de tonnerre. La forte tête fut mise à terre, s'écrasant lamentable sur le flanc. Un liquide rougeâtre s'écoula de son crâne alors que son meurtrier rangeait ce curieux petit tube dans sa sacoche.

Gvidon n'oubliera jamais cet incident. C'était sa première rencontre avec, ce qu'il apprendra plus tard, un revolver. Il avait déjà vu des fusils - parfois, les villageois faisaient des chasses avec. Il avait déjà entendu ce bruit si caractéristique du métal qui jaillissait d'un tube. Mais il ne l'avait jamais vu utilisé dans le but le plus simple que de supprimer l'autre, pour quelque chose qui, au final, n'en valait pas la peine.

Plus aucun pokémon ne fit le difficile après cet acte.

°-°-°-°
Le deuxième jour enfin, vers le début de soirée, ils arrivèrent à leur destination.

Les soldats les amenèrent dans la caserne, en bordure du centre-ville. Comme Cathie lui avait dit, la ville était très différente de là où il avait grandi. C'était grand, haut, plein d'humains et de pokémons. Le sol était tout dur (probablement à cause du béton ) et il y avait beaucoup de poussière.

Mais ils (les autres pokémons et lui) y allaient rarement - sauf le dimanche où ils défilaient, mais cela restait très bref et anecdotique. Ils étaient, généralement, confinés dans les dortoirs de la caserne et la cour.

Dortoirs . C'était un bien joli mot pour désigner une grande salle vide. Un homme avait lancé qu'on leur donnerai quelque chose (une couverture, une couche ou quelque chose comme ça) mais Gvidon n'en vit jamais la couleur.

Évidemment, ils n'étaient pas là pour se reposer. On les faisait se lever à l'aurore, leur apprenait à faire le garde-à-vous, à marcher d'une manière spécifique. On les entraînait contre des mannequins, voire parfois entre eux. Ils ne s'entretuaient pas ceci-dit. C'étaient… des exercices. Il fallait mettre l'autre le plus rapidement à terre et le rendre dans une situation où il devenait incapable de répliquer.

Et Gvidon était… incroyablement mauvais.

Pourtant, il y mettait corps et âme dans ces exercices. Il se rappelait des mots de Cathie - il voulait revenir victorieux de la guerre. Il voulait qu'elles soient fières de lui.

Mais rien à faire, il mordait la poussière une fois de plus, tentait de se relever avant que ses jambes ne l'abandonnent définitivement. Et ce n'était pas les hurlements de ses supérieurs ou les rires des autres dans le fond qui pouvaient y faire quoique ce soit.

Les humains paraissaient déçus de lui. Ils écrivaient des choses sur un calepin, parfois en secouant négativement la tête. Et puis, quelques fois, ils le ramenaient dans le dortoir et ils le laissaient là. Pour passer le temps, le pokémon Acier avait pris intérêt à gratter le mur, juste pour voir s'il arriverait à faire un petit trou jusqu'à l’extérieur.

Il aurait pu essayer de forger des liens avec d'autres pokémons. Il lui sembla qu'il devait bien y avoir quelques autres de ses congénères dans le tas. Mais il n'en éprouvait ni le temps ni l'envie - surtout l'envie, en vérité. L'atmosphère n'y était pas propice. Il sentait bien qu'il était plus un poids qu'autre chose.

On leur parlait bien évidement aussi de la guerre. Justement, c'était à l'aube qu'on leur en parlait après que les humains aient pratiqué leur chant matinal.

La guerre n'était pas vraiment un monstre, contrairement à ce qu'il avait imaginé. C'était un état, en contraste avec la paix .

De l'autre côté de la ville, il y avait d'autres humains et d'autres pokémons qui n'avaient qu'un but : venir envahir leur territoire et tuer tous ceux qu'ils trouveront. Cela incluaient les humains, les très jeunes comme ceux qui ne l'étaient plus, et aussi les pokémons qui vivaient parmi eux.

Ceux qui étaient là-bas étaient mauvais. On ne pouvait pas leur faire entendre raison. Tant qu'ils vivront, ils tueront ; tant qu'ils tueront, il y aura des combats ; tant qu'il y aura des combats il y aura la guerre. Pour en finir une bonne fois pour toute, il ne fallait pas seulement se contenter de les bouter hors de ces terres. Non, ce qu'il fallait, c'était exterminer tous les combattants.

Que leurs sangs arrosent la terre nue,
Que leurs chairs ne soient plus que poussière,
Que les peines qu'ils nous ont infligées leur soit rendues au centuple !


C'était ce que les humains et certains pokémons répétaient religieusement après le sermon matinal. Curieusement, on ne les obligeait pas à réciter ce sinistre poème - mais le ton de ceux qui le récitait était si grave que Gvidon ne pouvait s'empêcher de marmonner quelque chose en chœur. Et puis, si ces êtres étaient aussi horribles qu'ils le disaient, ils devaient mériter cette haine. Dans ces moments là, le pokémon Acier pensait à ses proches, espérait qu'elles étaient en sécurité et que les méchants ne les trouveraient pas.

On leur faisait aussi un monologue sur l'Aurore - c'était l'autre nom de "l'État" ou de celui que Cathie appelait le "Grand Chef". C'était un très grand dirigeant paré de toutes les qualités du monde et qui était toujours très fier d'eux, d'après les dires de leur supérieurs. Gvidon se demandait sur l'air le plus sérieux du monde comment l'Aurore faisait pour être toujours aussi informé. Peut-être bien que l'Aurore était un être minuscule ou invisible qui les observait depuis la grande tour de la caserne. Cela expliquerait beaucoup de choses.

Une fois que la journée était terminée, il retournait dans le dortoir (s'il n'y était pas déjà) et il allait s'installer contre le mur pour dormir. Il dormait toujours assis - il avait du mal à se lever s'il se couchait complètement. De plus, pour être parfaitement honnête, le sol n'était pas très confortable.

En général il n'avait pas trop de difficulté à s'endormir. Les autres ne faisaient pas trop de bruit. Leurs voisins humains un peu plus en revanche - particulièrement le vendredi , car ils revenaient tard de leur excursion chez leurs bonnes amies . Si c'étaient vraiment des si bonnes amies que cela, Gvidon s'interrogea sur leur non-lieu les autres jours de la semaines. Par ailleurs, il ne comprenait pas tout ce système de jour (comment pouvait-on différencier un lundi d'un jeudi ? C'était une question de température ou de direction du vent ?) mais il avait lâché l'affaire depuis longtemps.

Malgré sa facilité à céder au sommeil, il avait tendance à être tout aussi facilement réveillé. Il suffisait que l'un de ses camarades de chambre souffle trop fort, que l'un d'entre eux de se retourne trop brusquement ou que quelqu'un coure bruyamment dans le couloir pour qu'il s’éveille.

Quand ce n'était que ça, Gvidon lançait sa tête vers l'arrière qui heurtait les briques et refermait les yeux.

Mais bien trop souvent, ce n'étaient pas ces inepties qui le réveillait. C'était plutôt le bruit terrifiant des avions qui passaient au-dessus de leurs têtes, les éclatements des bombes au loin et, parfois, le hurlement des sirènes. Là, il sautait sur ses pieds, bientôt imité par ses compagnons. Mais on ne leur demanda jamais de sortir - juste de rester calme, qu'un corps spécialisé allait s'occuper de l'incident. Puis, les cris aigus de l'alarme s'apaisaient et ils pouvaient se rendormir.

Pourtant… Gvidon ne trouvait jamais le sommeil après cela…

°-°-°-°
Un jour, les humains lui présentèrent celui qui allait se charger de son entraînement. Ils appelaient ça un dresseur . Dorénavant, cela serait le sien .

Gvidon dévisagea son dresseur .

C'était un gamin sur de grandes échasses. Il avait des mèches un peu bouclées et dorées, des joues toutes roses et un corps vaguement musclé. Il était nerveux - il pouvait le voir à son visage crispé et ses gestes vifs. Ça se remarquait surtout quand il hochait la tête à ses supérieurs.

— Tu as deux semaines pour en faire un nettoyeur correct. Après ce délai, vous irez sur le terrain, prêts ou non.
— D'accord monsieur ! Bien monsieur !

L'autre eut un mouvement de tête et s'éloigna. Le blond s'intéressa enfin à lui. Ses yeux gris lui renvoyaient quelque chose de curieux. Incertitude, crainte, déception… Peut-être aussi du dégoût.

L'adolescent ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, comme-ci il manquait d'air ou quelque chose comme ça. Et puis, enfin :

— Mon nom est est Andrey. Je serai ton dresseur à partir de maintenant… Gvidon ? C'est ça?

Sa voix oscillait entre la fermeté et le doute. Il lui faisait un peu pitié.

Gvidon répondit à l’affirmative.

— Ok… Eh bien, tu as intérêt à m'obéir, hein ! Je suis ton chef maintenant ! répéta-t-il comme pour s'arborer de légitimité.

Le pokémon Coupant le jugea du regard.

Cet enfant n'avait rien d'un chef.