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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 18/01/2020 à 17:37
» Dernière mise à jour le 21/02/2020 à 21:52

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 11 : Élodie et Draco : Mort
Son visage ruisselant de larmes, Élodie voyait à peine où elle allait. Elle courait… courait pour fuir la réalité. Elle n’avait plus qu’une envie : plonger dans son lit et dormir. Dormir jusqu’à que le cauchemar s’arrêtât. Peut-être Draco reviendrait-elle la voir ce soir ? Elle l’espérait avec ardeur, mais elle ne pouvait oublier qu’elle l’avait renvoyé à l’arène, alors qu’il l’avait fuie. Pourrait-il seulement lui pardonner ?

Soudainement, une ombre passa à toute vitesse sous ses pieds. Elle n’en reconnut pas la forme, mais elle lui paraissait familière. Elle ne connaissait qu’un seul Pokémon à pouvoir aller si vite. Ses pleurs se turent un instant, presque heureuse à l’idée de le revoir, elle s’arrêta dans sa course avant de chuchoter, pleine d’espoir :


- Draco ?

Quelques secondes passèrent, elle se dévissa la tête pour tenter de l’apercevoir. Inquiète, elle sentit son cœur battre la chamade et son corps suer à petites gouttes.

- Qui va là ? Montrez-vous ? s’écria-t-elle, terrifiée.

Subitement, un corps chaud la toucha à l’épaule. Une chaleur indicible s’insinua dans ses veines, elle était accueillante et amicale. Lorsqu’elle se tourna, elle vit le visage amical de Draco qui lui souriait, ravi de la revoir. Les larmes de la jeune fille s’arrêtèrent de couler un instant, une petite flamme de joie s’alluma dans son esprit, avant qu’elle ne disparût aussitôt. Elle s’agenouilla, tremblante et pleura de plus belle.

Inquiet de sa réaction, le Dragon commença à lui tourner autour, lui donnant des coups de museau amicaux. La jeune fille leva les yeux vers lui un instant, elle avait envie de tout lui expliquer, elle voulait qu’il lui pardonnât de l’avoir renvoyé à sa sœur… mais les mots lui manquaient. La douleur et la honte l’empêchaient de parler.

Draco, compatissant, l’entoura de son long corps souple dans un câlin réconfortant. La jeune fille, se sentant rassurée, se détendit et s’agrippa à lui dans une étreinte amicale, mais pleine de douleur.





Elle se dirigeait vers les terrains d’entraînement du Foyer d’Étudiants, un petit sourire flottait sur son visage. Elle en ignorait la raison, mais elle se sentait heureuse de vivre à ce moment-là. Elle sortait d’un rendez-vous avec avec le Directeur de la Faculté, où elle avait reçu une nouvelle chance de montrer ce dont elle était capable. Draco était revenu la voir le jour précédent et l’avait quelque peu aidée à soutenir le choc de la journée précédente. Peut-être voyait-elle les choses d’un meilleur œil depuis son humiliation du jour précédent ? Quel que fût son adversaire, elle donnerait son maximum.

Un craquement ainsi qu’une légère détonation la fit légèrement sursauter. En tournant la tête, elle s’aperçut que sa Gardevoir se tenait derrière elle. La tristesse se lisait sur son visage, son visage avait conservé des traces séchées de larmes. Elle avait dû pleurer des heures après leur séparation du matin-même.


- Qu’est-ce que tu veux ? chuchota-t-elle.

Son corps tremblait – de rage ou de tristesse, elle l’ignorait – mais sa voix restait ferme. Son Pokémon s’approcha d’elle et posa ses deux mains sur ses épaules. Elle était tentée de la repousser, mais quand elle vit les yeux embués de larmes de son Pokémon, elle ne put s’y résoudre. Sa vieille amie s’en voulait de l’avoir laissée tomber. La femelle blanche tomba à genou et pleura dans son manteau jaune-vert. L’expression de la jeune fille s’adoucit avant qu’elle ne s’affaissât pour prendre son Pokémon dans ses bras.

Peut-être allait-elle le regretter, mais sa vieille amitié avec son Pokémon, ses remords sincères, ses pleurs, son attitude présente… tout la poussait à lui accorder une nouvelle chance et la pardonner.





Draco les avait rejointes au terrain d’entraînement où ils s’étaient entraînés de longues heures durant. Gardevoir et lui avaient combattu en double son Cornèbre et son Lippoutou pendant une partie de la journée. Au début, elle avait été étonnée que les deux Pokémon se fussent bien entendus, mais connaissant le caractère du Dragon, elle s’était doutée que l’attitude du Pokémon Étreinte ne l’avait pas atteint. Sa partenaire, bien qu’au départ mécontente de sa réapparition, avait fait un effort pour qu’il n’y eût pas de problèmes entre eux deux.

L’entraînement avait pris une tournure étrange, lorsque le Dragon eut commencé à faire semblant de ne pas connaître une attaque de Type Électrique. La jeune fille s’était souvenue de comment elle eut enseigné à Gardevoir comment utiliser l’attaque Tonnerre, elle s’en était alors servie pour
« l’apprendre » à Draco.

La femelle blanche avait semblé dubitative sur le moment, mais s’était finalement prise au jeu après avoir remarqué les deux spectateurs. Elles eurent su toutes les deux que Draco pouvait parfaitement se servir d’attaques Électriques, mais Élodie n’avait pas pu s’empêcher de penser que ce petit entraînement avait permis de rapprocher les deux Pokémon…





Mais s’étaient-ils vraiment rapprochés ?



Élodie se réveilla en sursaut. Emmitouflée dans ses couvertures, elle porta ses mains à sa tête. Elle les plaqua avec force contre ses tempes en poussant un hurlement. Une terrible migraine était en train de la foudroyer. Mais elle ne dura qu’un instant, disparue comme elle était venue : en un éclair de souffrance.

- Putain ! jura-t-elle, en essayant de reprendre ses esprits. J’espère que quelqu’un a pris le numéro de plaque du camion qui m’a roulé dessus !

Une phrase typique de sa sœur. Elle l’avait adoptée à force de l’entendre se plaindre de ses maux de tête quand elles étaient jeunes. En jetant un œil à sa Pokémontre qui traînait sur sa table de chevet, elle constata que l’heure affichait déjà 8 h 08. L’heure du début du « tournoi » avait été fixée à huit heures tapantes.

- Et merde, je suis déjà en retard.

Sans attendre une seconde de plus, elle se leva, se débarrassa de son pyjama Pikachu et s’habilla d’un pantalon noir et de hauts aux couleurs de la souris électrique. Elle passa sa veste de Dresseur – noire également – et acheva sa tenue par sa ceinture avec ses trois Poké Balls qu’elle attacha fermement. Une fois ses chaussures et son manteau vert enfilés, elle quitta la pièce… en oubliant sa Pokémontre.

En passant la porte, elle eut la surprise de constater qu’elle n’était pas la seule en retard. En effet, tous les étudiants de son étage sortaient de leur chambre au même moment. L’incongruité de la situation lui fit se demander comment il était possible que tous pussent avoir une panne de réveil au même moment. Une coupure de courant peut-être ? Improbable : la plupart des élèves se réveillaient avec leur Pokémontre et même arrêtée faute de batterie, on pouvait les faire sonner à l’heure souhaitée.

« Au moins, je n’aurai pas à me justifier pour mon retard. » se réjouit-elle intérieurement.

Elle avait eu du mal à trouver le sommeil la nuit dernière, le stress de son combat d’aujourd’hui, certainement. Pourtant, elle n’avait jamais eu de problème à se réveiller le matin. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer durant la nuit ? Après tout quelle importance ? On ne se souvient jamais de comment l’on s’endort.




En quittant le Foyer d’Étudiants, elle eut la surprise de tomber sur Draco qui l’attendait. Il se tenait couché par terre et l’inquiétude se lisait dans son regard rouges et noires. Quand il l’aperçut, son expression se changea immédiatement en un sourire de joie. Il semblait heureux de la voir.

- Élodie !

Elle crut un instant que le Dragon lui avait parlé, mais se reprit immédiatement. Elle se rendait ridicule de penser cela ; comment un Draco pourrait-il parler ? Mais elle se rendit compte que la voix venait de Lucien. Le jeune homme se tenait quelques mètres à côté du Pokémon, assis sur un banc. Il lui adressait un signe de la main. Quelle étrangeté de voir deux de ses amis venir la voir à cette heure-là, juste avant ses cours !

- Qu’est-ce que tu fais là ? s’étonna-t-elle, après s’être approchée de lui.
- En sortant il y a quelques minutes, je l’ai surpris en train d’attendre quelqu’un, répondit-il en désignant Draco du regard. Il semblait inquiet, j’ai donc décidé de t’attendre pour voir comme tu allais.

Le Dragon s’approcha timidement d’elle et avant qu’elle ne pût ajouter quelque chose, un petit objet rond et gluant de salive sortit de sa bouche et tomba à terre avec un bruit mat. La jeune fille en eut un haut-le-cœur. En reconnaissant, l’objet, elle déglutit avant de lui répondre :

- Tu es gentil Draco, mais j’ai déjà Gardevoir pour mon combat d’aujourd’hui.

Il avait apporté sa Poké Ball. Lucien eut un petit rire amusé en regardant la scène. Le Dragon secoua la tête et commença à lui gratter la manche ; signe qu’il insistait.

- Draco, mais qu’est-ce qui te prend ? s’impatienta-t-elle, avant de reprendre d’un ton ferme : « Je t’ai dit non. »

Le Pokémon recula, alors que son cou s’affaissait et son regard s’embuait. Du coin de l’œil, elle se rendit compte que Lucien observait la scène avec un sourire amusé sur le visage.

- Qu’est-ce qui t’empêche de le prendre avec toi Élodie ?
- Mais… j’n’ai aucune envie d’lui donner des faux espoirs, murmura-t-elle.
- De quoi parles-tu ? s’étonna le jeune homme.

Elle ne répondit pas à sa question, mais y réfléchit quelques minutes. Le Dragon avait passé du temps avec elle ces derniers jours, peut-être voulait-il simplement se rapprocher d’elle ? Mais s’il cherchait en réalité à changer de Dresseur, devrait-elle l’encourager dans cette voie ? Mais non, c’était parfaitement ridicule. Quelles que soient les tensions entre Clara et lui, tous deux avaient passé plus de cinq ans ensemble. Elle le connaissait mal, mais elle était certaine qu’il avait déjà connu à de nombreuses reprises les violentes colères de sa sœur et y était habitué. S’il s’était rapproché d’elle ces derniers jours, la raison devait être ailleurs.

- D’accord, soupira la jeune fille. Tu peux venir avec moi…

Sans lui laisser le temps de terminer sa phrase, Draco la fit tomber à la renverse et s’appliqua à lui lécher le visage de contentement. Elle se protégea le visage de ses avant-bras avant de compléter avec amusement :

- À mon examen.
- À la bonne heure, s’exclama Lucien, alors qu’elle se relevait péniblement. Mais ne devrais-tu pas te dépêcher ? Je crois que tu es déjà en retard.
- Et toi ? s’étonna-t-elle. Tu n’as pas de cours ?
- Ne t’en fais pas pour ça, répondit-il avec un rictus étrange. J’ai envie d’assister à ton match…

Un instant surprise, elle se contenta d’hausser les épaules avant de ramasser la Poké Ball de Draco pour le rappeler. Elle entreprit de l’accrocher à sa ceinture avant de poursuivre son chemin, Lucien sur ses talons.

Elle aurait pensé que Lucien serait plus studieux – notamment dans le domaine des combats où il avait des lacunes. Après tout, les étrangers avaient tendance à avoir un niveau bien moins élevé dans ce domaine que les résidents du Monde Pokémon, à l’exception notable d’Emma Blood. Mais s’il souhaitait mettre en péril ses études pour venir assister au tournoi des premières années, c’était son problème.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

- Chers étudiants, soyez les bienvenus, proclama M. Danstorm. Veuillez nous excuser pour le retard occasionné.

En effet, l’horloge du stade, où s’étaient retrouvés les classes de combat du Professeur Danstorm et Gesuideffyé, affichait déjà plus de dix heures et quart. Il semblait que, élèves comme professeurs, tout le monde avait eu une panne de réveil ce matin-là. Les deux enseignants s’étaient placés au centre du terrain où ils avaient vue sur tous leurs étudiants. Ils avaient chacun emporté un micro sans-fil. Ils entreprirent ensuite d’expliquer les règles du tournoi :

• Un Pokémon par Dresseur ;
• Aucun temps réglementaire ;
• Tous les coups sont permis ;
• Un terrain de combat sera choisi aléatoirement entre aquatique, rocheux, herbu et glacé.

Les règles étaient simples. L’examen allait également permettre de voir si les étudiants pouvaient s’adapter à n’importe quelle condition. L’arène était spécialement construite pour avoir les mêmes conditions que dans les grands tournois internationaux. Bien que la plupart des examens n’utilisaient que le terrain de base, d’importants moyens avaient été déployés pour la mise en place de ce système de terrain. Cela permettait notamment à Rivamar d’accueillir l’un des tournois régionaux les plus importants de Sinnoh. La célébrité de l’Arène Ultime et l’afflux touristique qu’elle avait engendré avaient poussé la municipalité à monter cette compétition annuelle.

- Bien, proclama le Professeur Danstorm avec dureté. Si tout est clair pour vous, nous allons commencer. Comme pour votre test de mercredi, l’aléatoire désignera les ordres de passage.
- Alors soyez prêts à passer à n’importe quel moment et surtout, amusez-vous, vous et vos Pokémon. C’est le plus important.

Un petit sourire triste flotta un instant sur le visage du Professeur Gesuideffyé alors qu’elle terminait. Élodie supposa alors qu’elle pensait à son père, décédé dans des circonstances inconnues quelques années plus tôt.

- Bien, premier groupe ! s’exclama M. Danstorm avant de se tourner vers le tableau d’affichage suspendu au-dessus du terrain.

Celui-ci affichait sur sa partie gauche la liste des participants et sur sa droite les quatre terrains. Tous deux commencèrent à défiler à toute vitesse. Après quelques secondes, les deux défilements s’arrêtèrent en même temps, alors que deux noms s’agrandissaient pour que tous pussent les voir.

- Olivier Gindé et Florian Denti sur le terrain Glace ! s’exclama l’enseignante d’un ton enjoué. Approchez-vous s’il vous plaît.

Élodie poussa un soupir de soulagement : elle ne passait pas en premier. Elle ne tenait pas non plus à combattre en dernier, mais elle n’avait pas envie de ressentir le stress du premier. Elle voulait prendre le temps de se préparer.

Les deux étudiants se présentèrent l’un en face de l’autre, alors que les mécanismes faisaient descendre le terrain dit « normal ». Une minute s’écoula avant que le terrain gelé ne montât et ne le remplaçât. L’air se refroidit immédiatement dans le stade afin que la glace ne fondît pas trop vite.

Chacun d’eux se saisit d’une Poké Ball avec un sourire de défi et de détermination affiché sur le visage. Le tournoi interclasse allait commencer.




L’heure avait tourné depuis le premier combat. Élodie s’était rendue compte qu’elle avait oublié sa Pokémontre à présent, mais elle ne pouvait pas se permettre d’aller la chercher. Le panneau d’affichage lui servait d’horloge qui affichait déjà 15 h 48.

Le combat qui s’achevait avait duré plus de quarante minutes : les deux Dresseurs s’étaient affrontés avec un tel acharnement que leurs Pokémon avaient fini par tomber d’épuisement… en même temps. Les enseignants auraient dû fixer un temps limite pour que ces affrontements ne traînassent pas en longueur inutilement.

Alors que Nicole Gesuideffyé s’avançait au milieu du terrain pour annoncer le groupe suivant, Élodie étouffa un bâillement. Elle n’avait qu’une hâte : faire son combat et finir sa journée. La journée du mercredi avait été moins longue car chaque duel engageait deux personnes de force différentes, là tous les groupes étaient de puissance égale, ce qui entraînait des batailles intenses et infinies.

- Élodie Galano contre Joël Drieux sur le terrain aquatique ! annonça l’enseignante.

La jeune fille releva aussitôt la tête et sortit de ses rêveries. Elle aperçut son adversaire se lever et se diriger sur le terrain. Avant de le rejoindre, elle épousseta les miettes sur ses cuisses. On leur avait distribué des sandwiches pour midi afin que le tournoi pût se poursuivre sans interruption.

Lorsqu’elle se plaça sur la petite estrade d’où elle dirigerait sa Gardevoir, elle posa la bouteille d’eau à peine entamée qu’elle avait emportée de sa place assise. En relevant la tête, elle constata que son adversaire l’observait avec un mépris à peine dissimulé.

- Alors c’est toi Élodie Galano ? La sœur ratée de Clara ?
- C’est au combat que ça se décide, pas à la grande gueule des opposants, répliqua-t-elle avec une légère colère dans la voix.
- À la condition que ton Pokémon t’obéisse, lui répondit-il avec haine.

Le dédain avec lequel il lui parlait et ses paroles dures auraient pu lui donner la larme aux yeux. Mais elle ne devait pas flancher, le Professeur Gesuideffyé avait cru suffisamment en elle pour qu’elle lui proposât d’affronter son meilleur élève. Mais… elle n’était pas à son avantage : jamais ses Pokémon n’avaient combattu dans l’eau. Certes, des plateformes solides parsemaient le terrain à intervalle régulier et permettaient ainsi aux Pokémon non-aquatiques de s’y tenir, mais c’était un maigre avantage contre un spécialiste du domaine.

- Léviator, à toi ! hurla Joël.

Un type Eau ? Il avait déjà l’avantage sur elle avant même que le combat ne débutât. Elle ne croyait déjà pas en ses chances de victoire auparavant, mais maintenant cela ne s’arrangeait pas. Joël paraissait très sûr de lui et le peu qu’elle connaissait du jeune homme – à savoir qu’il était le meilleur élève de sa classe – ne lui présageaient rien de bon.

- Gardevoir, je te choisis ! s’exclama Élodie.

Alors qu’un gigantesque dragon bleu apparaissait, prenant un tiers de la longueur du terrain à lui seul, sa Poké Ball s’ouvrit, mais rien n’en sortit. Le Pokémon Étreinte n’était pas là. La boule rouge et blanche revint dans sa main, tandis qu’une petite larme coula sur le visage de l’adolescente. Elle détourna la tête, affligée, alors que des moqueries et des éclats de rires montaient des gradins.

- Quelle honte ! Quel déshonneur ! la tança Joël. Tu viens sans tes Pokémon et…
- Joël, taisez-vous !

L’éclat de colère venait du Professeur Gesuideffyé, ce qui interrompit immédiatement la tirade du jeune homme. Elle se tenait sur le côté du terrain, à la place dévolue à l’arbitre. Elle portait un drapeau dans chaque main, un rouge et un vert.

- Mais Madame… C’est elle qui…
- Tai… sez… vous ! répéta-t-elle en insistant sur chaque syllabe. Élodie, ce n’est pas grave, choisissez un autre Pokémon.

La jeune fille l’observa interdite. Du coin de l’œil, elle vit Lucien lui adresser un signe de tête, approbateur. Elle commença à comprendre où ils voulaient en venir :

- Vous voulez que j’me serve de lui ? s’étonna-t-elle.
- Oui. Montrez à tous ce que vous m’avez montré hier. Vous êtes plus forte que vous ne le croyez, Élodie.

Joël fulminait de rage de l’autre côté. Elle pouvait comprendre ce qu’il ressentait : son enseignante encourageait une élève qui n’était pas de sa classe. Le Professeur Danstorm ne s’embarrassait pas de soutenir ses propres étudiants. Elle se ressaisit et attrapa une autre Poké Ball :

- Draco, viens te battre !

Elle ignorait comment l’enseignante était au courant que le Dragon était venu la voir le matin même, peut-être n’était-ce qu’une coïncidence ? Ou peut-être Lucien lui en avait touché un mot alors qu’elle avait le dos tourné ? Mais peu importe, le serpent cyan apparut sur l’une des plateformes et un regard vers elle lui fit comprendre qu’il comptait bien l’aider à remporter ce combat.

- Ahah ! grogna Joël avec mépris. Incapable de te battre avec tes propres Pokémon, tu es allée pleurer dans les jupons de ta sœur ?
- Tu es là pour te battre ou pour te vanter ?!
- Hydrocanon !

Un puissant jet d’eau de quatre mètres de diamètre sortit alors immédiatement de la gueule du Léviator. Surpris par la rapidité d’action de son adversaire, Draco n’eut pas le temps de réagir avant de boire la tasse et de tomber dans la piscine avec un jappement de douleur.

- Alors ? C’est tout ce que tu sais faire ? railla Joël.

« Son Pokémon a anticipé l’ordre qu’il allait lui donner et préparer son attaque à l’avance. » comprit Élodie. « Draco va peut-être avoir plus de mal que prévu. Ce Pokémon est bien dressé. »


*_*_*_*_*_*_*_*_*

« Une attaque Tonnerre et le combat est fini. » pensa Draco.

Cela faisait des années qu’il n’avait pas affronté un autre Pokémon dans l’eau et un Léviator était plus qu’habitué à ce genre de milieu. Mais la vitesse d’action de son adversaire et la puissance de son attaque l’avait surpris. Alors qu’il touchait le sol de la piscine, il observa un instant le grand Dragon.

Le Pokémon Terrifiant portait bien son surnom. Sa grande bouche capable de lancer de puissants projectiles aquatiques, ses yeux rougeoyant de colère, ses écailles bleues et jaune-blanc, son corps de six mètres de longueur, sa masse de 235 kilogrammes, tout cela rendait cet adversaire formidable. Draco s’aperçut également que ses moustaches étaient blanches, il devait s’agir d’une femelle.

Il pensa un instant l’attaquer depuis l’eau, mais il se rappela que c’était Élodie qui donnait les ordres aujourd’hui. Il devait la suivre et éviter de prendre des initiatives personnelles qui pourraient la dérouter. Il nagea jusqu’à la surface pour rejoindre son opposant.

- Ça faisait longtemps que je n’avais pas affronté un tel adversaire. Tu seras ma nouvelle coche sur mon tableau des victoires !

Les deux Pokémon se dévisageaient en « Arcanin de faïence », tels des Démolosse enragés prêts à se sauter à la gorge.

- Draco, attaque Tonnerre ! s’exclama Élodie.

Il secoua la tête en signe de refus. Quel intérêt d’affronter un Pokémon de type Eau et Vol dans un lieu aquatique, si on pouvait le vaincre en une seule attaque électrique ? En regardant la jeune fille, Draco perçut sa surprise, puis sa compréhension.

- Un problème ? Ton Pokémon ne t’obéit pas ? se rit Joël.
- Ton Pokémon tomberait comme une mouche, sois plutôt content que tu aies un Pokémon d’honneur ! répliqua la jeune fille.
- Emploie toutes les attaques que tu veux, j’m’en moque ! Léviator, Dracosouffle !
- Dracosouffle, toi aussi ! contra l’adolescente.

Il s’exécuta immédiatement, alors que son adversaire l’imitait. Mais lorsque les deux souffles verdâtres s’entrechoquèrent, Draco se rendit compte que celui du Léviator surpassait en taille sa propre attaque. Le Pokémon Terrifiant avait une puissance infiniment supérieure à la sienne, les confrontations directes ne fonctionneraient donc pas.

- Dracocharge !

Il comprit ce qu’elle attendait d’elle, il stoppa son Dracosouffle pour plonger dans la piscine. Il lança alors immédiatement son attaque Dragon et fendit les eaux à grande vitesse. Mais alors qu’il sortait de l’eau pour frapper son adversaire au ventre par surprise, celui-ci s’écarta souplement.

- Attaque Crocs Givre !

Avec une souplesse et une vitesse étonnante pour sa taille, le Dragon d’eau se contorsionna pour tenter de l’attraper avec ses crocs. Le serpent cyan accéléra pour éviter sa terrible morsure… pour subir une violente Queue de Fer par l’autre côté qui l’envoya ricocher sur les plateformes avant de s’écraser la tête contre le mur du terrain aquatique, juste en-dessous de Élodie. Il retomba dans l’eau, sonné. Elle se pencha par-dessus bord pour voir comment il se portait avant de s’interroger à vive voix :

- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Ma Léviator peut sentir les flux marins par ses moustaches, expliqua avec fierté son Dresseur. N’essaie pas de la prendre par surprise, tu perds ton temps.

Le Professeur Gesuideffyé s’approcha de l’eau pour vérifier s’il était toujours en état de se battre, au moment même où Draco en sortit et s’envoler. Ses iris rougeoyaient la colère qui l’habitait à cet instant précis, évinçant complètement l’habituel noir de ses prunelles. Ses traits avaient changé et le rendaient méconnaissables.

- Oh ! Le dragounet à la championnette s’est fâché ! se moqua la Léviator avec délectation.
- Draco, murmura simplement Élodie, inquiète de voir la réaction disproportionnée du Pokémon.

Draco grogna en écoutant les paroles injurieuses de son adversaire. L’impertinence du Dresseur avait visiblement déteint sur le charactère de son Pokémon. N’attendant pas l’ordre de la jeune fille, il s’élança… avec une telle vitesse qu’avant que son adversaire ne réagît, il le frappait déjà d’une Dracocharge en plein ventre. Le coup plia le Léviator en deux, le souffle coupé, mais déjà Draco revenait à la charge pour le frapper au menton.

- Léviator, Ouragan ! ordonna tranquillement Joël.

Le Pokémon Terrifiant frémit l’espace d’une demi-seconde des moustaches, alors que ses yeux rougeoyaient et son corps bleuissait intensément. Draco n’atteignit jamais sa gorge ; un tourbillonnement de vent et d’eau l’emporta dans les airs. La puissante bourrasque lui coupa l’arrivée d’air dans ses poumons. Il s’extirpa de l’attaque d’un violent coup de queue rageur, avant qu’il ne percutât le plafond. Sa colère s’était calmée, mais il observait son adversaire avec un regard dur.

« Mes attaques spéciales manquent de puissance pour l’atteindre et le corps à corps n’a pratiquement aucun effet sur lui. » analysa froidement le Dragon. « Que ce soit en attaque ou en défense, ce Léviator est redoutable. Comment faire, si la vitesse ne suffit pas pour le vaincre ? »

- Tu perds ton temps, gamin, susurra la Léviator qui le regardait avec mépris. Jamais tu n’arriveras à me vaincre.
- Vraiment ? As-tu la moindre idée de qui je suis ? répliqua-t-il avec colère.
- Non et j’m’en moque dragonnet.

Son Dresseur s’adressa alors à Élodie avec dédain :

- Je suis déçu. Clara a une renommée internationale et son Draco n’est qu’un minable.
- Parle pas comme ça d’ma sœur ! s’emporta la jeune fille.
- Quand j’t’aurai battue, j’irai lui présenter mes excuses… avec une bonne raclée ! se moqua-t-il. Léviator ! Vent Violent, maintenant !

Les vibrisses et les moustaches du Pokémon Terrifiant vibrèrent avec force, alors que ses écailles s’écartèrent pour lui donner un air plus imposant encore. De ses petits battements d’ailes du Papillusion naquirent trois tornades qui vidèrent l’eau du bassin. Les yeux ronds comme des soucoupes, Draco fut emporté par les terribles trombes. Balloté en tous sens, il s’épuisait à tenter de lutter contre les vents contraires qui l’éjectaient d’un courant à l’autre. Laissée seul au fond de la piscine, la Léviator l’observait d’un air satisfait tout en contrôlant l’attaque.

- Draco ! s’écria Élodie.

En la regardant, le jeune Dragon vit ses yeux plissés par l’inquiétude. Il ne pouvait pas se laisser abattre, si puissant que fût son adversaire, il devait réagir. Il cracha alors une multitude de Dracochoc dans tous les sens, espérant atteindre son adversaire d’une quelconque manière. Mais les puissantes tornades les lui renvoyèrent toutes ; il en hurla de douleur.

- Draco ! répéta la jeune fille, de plus en plus inquiète.

Elle tenta de le rappeler dans sa Poké Ball, mais les rayons rouges se firent emporter par les vents violents.

- C’est terminé Élodie ! s’exclama Joël. Une fois pris dans mes puissants vents, plus aucun Pokémon ne peut s’en échapper et toutes ses attaques se retourneront instantanément contre lui.

Il éclata de rire, un rire mauvais.

- Draco a trouvé plus fort que lui, il a voulu jouer au dur et il a perdu.
- J’ai peut-être perdu, mais nous avons perdu avec honneur. Il n’a montré que du respect à ton égard et toi tu t’es moqué de lui pendant tout le combat ! s’écria-t-elle.
- Du respect ? Pfeuh, le plus important c’est de gagner. Ta sœur est devenue Championne Ultime, parce qu’elle ne pensait qu’à gagner ! Rien d’autre. Et toi tu as transformé ses Pokémon en mauviettes !
- Tu te trompes… murmura-t-elle, une larme à l’œil.
- Pardon ? ricana-t-il, tu peux répéter ?
- Tu te trompes ! lui jeta-t-elle à la figure, tel un roc lui fracassant la figure. Ma sœur a toujours fait passer le bien-être de ses Pokémon, avant le sien. Combien de temps tu vas obliger ton Pokémon à faire tenir ses Vents Violents, hein ?
- Aussi longtemps que je le souhaiterai, grinça-t-il. C’est mon Pokémon, ma chose, il est obligé de m’obéir !
- Tu n’es qu’un monstre, chuchota-t-elle.

Soudain, une violente explosion d’énergie les fit sursauter tous les deux, alors qu’ils se faisaient asperger par une pluie forte, mais éphémère. Les poils de sa nuque se relevèrent, alors qu’un frisson lui parcourut le corps. Un froid glacial s’insinuait dans son corps, qui n’avait aucun rapport avec l’eau qui l’avait aspergée quelques instants plus tôt. En relevant la tête vers le ciel, ils s’aperçurent que l’Attaque Vent Violent s’était arrêtée. Mais quelque chose d’autre s’était passé : Draco avait changé d’apparence.

Ses écailles bleues avaient viré au violet, un violet proche du noir. Ses écailles blanches rougeoyaient désormais d’un air sinistre. Une véritable tempête était concentrée dans chacune des perles du Pokémon. Ses ailes paraissaient plus grandes et avaient pris une couleur noire. Ses yeux exorbités avaient complètement viré au rouge. Alors qu’il redescendait,

- Ça suffit ! rugit-il, d’une voix déformée par la rage. Je vais t’apprendre moi !
- Je suis impressionné, railla la Léviator, nullement impressionnée par sa nouvelle apparence terrifiante. Tu es le premier à t’être échappé de mon attaque. Mais tu n’es qu’un minable, tu…
- Je suis le plus puissant dragon au monde, tu ne me vaincras pas si facilement ! la coupa-t-il dans un rugissement terrifiant.
- Cause toujours. Je l’ai déjà affrontée, le plus puissant Dragon au monde est la Carchacrok de Cynthia ! Elle est…
- La ferme ! Ne me parle pas de cette salope !

Ses mots explosèrent comme une bombe dans l’esprit de son adversaire. Le Dragon d’eau tressaillit, la violence de ces paroles, la colère qui redoublait encore dans le corps de l’autre Pokémon le terrifiait.. L’eau qui était retombée dans le bassin, s’écarta alors que Draco se posait dans le lit.

- Tous les deux, vous n’avez fait que nous insulter Élodie et moi depuis le début du combat ! Pour la peine, je vais te montrer l’attaque la plus puissante au monde !

Draco crachait son venin avec de la bave qui coulait sur son menton. La jubilation se lisait dans ses yeux rouges empreints d’une folie destructrice. Il asséna ensuite ces mots comme une pic qu’il enfonçait dans le cœur de la Léviator :

- Tremble ! Pleure ! Désespère ! Enfuis-toi si tu l’oses, mais admire ! Voici la puissance de l’Héritier !

Une puissante énergie s’échappa de son corps et l’entoura. Elle prit alors la forme d’un grand dragon violet qui l’enveloppait complètement. De grandes ailes dentelées se déployaient sur son dos parsemé de pics. La queue, le triple en taille et en poids de celle d’un Draco normal, était hérissée de pointes tranchantes comme des lames et le bout était fourchu. Quatre puissantes pattes musclées avaient pris place sous son ventre, chacune d’elle se terminait par des griffes qui couperait en deux un tronc d’arbre comme une brindille.

La tête du Dragon avait une très grande gueule avec des dents aiguisées comme des rasoirs. Les ailes de Draco s’étaient transformées en pics qui jaillissaient de l’arrière du crâne. Ses yeux violetaient de fureur. Quand il rugit, la puissance qui s’en dégagea écarta l’eau définitivement et tout le public put voir ce qu’il se passait. Des hurlements d’effroi s’entendirent dans le stade, lorsqu’il comprit la situation.

La créature prit son essor et s’envola. Sa tête passa par-dessus sa queue pour prendre de l’élan. D’un battement d’aile il s’apprêta à s’élancer, le coup de vent qui en résulta, frappa durement les deux Dresseurs et surtout la Léviator. Et… il disparut.

- DRACO, ARRÊTE !

Le dragon violet disparut alors immédiatement. Draco réapparut alors à deux centimètres du ventre de la Léviator… que le souffle de l’attaque envoya se fracasser contre le mur de la piscine. Elle s’assomma sur la balustrade où se tenait son Dresseur – qui tomba sur les fesses – alors que du sang commença à gicler par petite quantité de sa tête. Son corps était revenu à son état normal, mais il soufflait fort. Lorsqu’il tomba au sol, il poussa un petit cri de douleur, de la tête à la queue, son corps était parcouru de spasmes qui accentuaient encore la souffrance qu’il ressentait.

Les deux Dresseurs descendirent précipitamment pour rejoindre leur Pokémon, inquiets. Éberluée, la jeune enseignante n’avait pas nommé de vainqueur – bien que Draco eût mis K.O. la Léviator. Joël cracha alors à Élodie :

- Espèce de malade, ton Pokémon a voulu tuer le mien !
- Estime-toi heureux que je l’en ai empêché, répliqua-t-elle. T’as passé ton temps à nous prendre de haut.

Élodie avait stoppé juste à temps Draco de commettre l’irréparable. Au vu du souffle qui avait emporté le Pokémon Terrifiant, il était clair pour elle que, si elle ne l’avait pas arrêté, son attaque l’aurait traversé de part en part et donc, tué sur le coup. Elle ne l’avait jamais vu dans cet état, la colère l’avait complètement transformé. À quel point s’était-il rapproché d’elle pour qu’il l’eût défendue au point de mettre son adversaire en grand danger ? Elle ne se souvenait pas qu’il eût protégé Clara avec autant d’ardeur. Mais quelle était donc l’étrange pouvoir dont il s’était servi ? Elle avait déjà vu ce dragon dont il avait pris l’apparence à la télévision, s’agissait-il d’une Attaque Z ?

« Qui es-tu donc vraiment Draco ? » se demanda-t-elle en pensée.

Médusée, elle s’aperçut que, malgré son épuisement, Draco s’était relevé. Le cou abattu, la queue raide, il s’approcha péniblement de son ex-adversaire. D’un geste amical, il lui donna deux ou trois coups de tête près de sa gueule pour tenter de le remettre debout… ou simplement pour s’excuser. Il s’était même approché de la blessure du Dragon pour la lécher, comme n’importe quel animal le fait, lorsqu’il se blesse. Et il s’effondra contre Léviator.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

- Draco est sujet à une fatigue intense due à une dépense d’énergie excessive, son corps n’en a pas supporté le contre-coup. Je vais le garder en observation pour la nuit.
- Merci Infirmière Joëlle, murmura Élodie, un peu soulagée. Comment va Léviator ?

Après la fin du match, elle s’était précipitée avec Joël pour amener leurs dragons respectifs au Centre Pokémon de la Faculté. Il était situé à l’extérieur du Foyer d’Étudiants et évitait de se rendre en ville, c’était également pratique de l’avoir à proximité pour le Tournoi de Rivamar. Le Dragon dormait dans un lit spécial muni d’une coque en verre. Cette machine spéciale permettait de soigner la plupart des blessures et maladies bégnines. La jeune fille se tenait à la porte et discutait de l’état du Pokémon de sa sœur avec l’infirmière responsable de l’établissement.

- Plus de peur que de mal, ne vous en faites pas, la rassura son interlocutrice. Sa blessure au crâne n’est pas grave, elle est seulement impressionnante à cause de la taille d’un Léviator.

L’adolescente renouvela ses remerciements avant de s’adosser à la porte. Mais la soigneuse n’avait pas terminé :

- Élodie… L’attaque dont s’est servi votre Pokémon…
- Ce n’est pas le mien, coupa Élodie. C’est celui d’ma sœur. Je n’la connaissais pas avant aujourd’hui…

Était-ce bien le cas ? Clara lui avait parlé d’une attaque très puissante le mois précédent, mais elle lui avait aussi dit qu’elle avait interdit à son Pokémon de s’en servir. Draco aurait-il outrepassé ses ordres ?

- Alors il faudra l’expliquer à votre sœur, répliqua-t-elle. Les muscles et les nerfs de Draco ont été soumis à une tension extrême, sans parler de son cœur…

Elle se tut un instant, cherchant ses mots. Les jointures des mains d’Élodie blanchirent, alors qu’elle serrait les poings pour se donner contenance.

- Dites-le, qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, de plus en plus inquiète.
- Ce Pokémon va mourir jeune s’il n’arrête pas immédiatement de s’en servir. Cette puissance l’affaiblira toujours plus après chaque utilisation. Je m’étonne déjà qu’il ait survécu à l’expérience, un Pokémon normal ne supporterait pas le poids de toute cette énergie…
- Je comprends, murmura-t-elle.

Est-ce que Clara le savait ? Était-ce pour cette raison qu’elle avait interdit à son Pokémon d’utiliser le plein potentiel de ses pouvoirs ? Élodie comprenait maintenant pourquoi Clara était sortie de ses gonds lorsqu’elle avait pensé que Draco avait pu s’en servir contre un Roucarnage.

- Vous savez jeune fille, compatit l’Infirmière Joëlle, c’est pour cette raison qu’un Dresseur se sert des Bracelets Z.
- Alors il s’agissait bien du Dragon de l’Attaque Z du Type Dragon ?

Sur insistance du médecin, elle lui avait raconté tout ce qui s’était passé. Elle avait pris également plusieurs minutes à lui décrire la créature dont Draco avait pris la forme.

- En effet, répondit-elle, attristé. J’ai vérifié dans nos archives, il s’agit bien de la même créature. Mais…

Elle s’interrompit, hésitant à poursuivre.

- Mais ? reprit Élodie, de plus en plus inquiète.
- Mais les Attaques Z ne sont pas sensées être aussi puissantes. Les Bracelets Z permettent au Dresseur de contenir l’énergie déployée. Une partie de celle-ci est même dépensée par l’humain qui la déclenche.
- Je vois… Quelle est… quelle est la différence de puissance entre une attaque Z normale et celle utilisée par Draco ?
- Au vu de ce qui s’est passé, de ce que vous m’avez décrit et surtout de ce qui aurait pu se passer si vous ne l’aviez pas arrêté, je dirais… dix fois plus puissant.

La jeune fille hoqueta en entendant la réponse. Une telle attaque lui semblait hors de portée. Elle balbutia alors :

- Cette attaque est…
- La plus puissante au monde, en effet. Je ne suis pas sûr que le Carchacrok de Cynthia fasse le poids contre un tel adversaire.

L’infirmière soupira avant de reprendre :

- Élodie… ce n’est peut-être pas votre rôle, vu que vous n’êtes pas son Dresseur, mais tâchez de lui faire comprendre que...
- Je vais m’en charger, lui promit-elle. Merci Infirmière Joëlle.

Connaissant Clara, elle n’était pas certaine qu’elle prît bien l’information. Elle risquait de leur passer un savon, à Draco pour lui avoir désobéi et à elle-même pour avoir pris son Pokémon sans le lui avoir demandé au préalable.




Sa main posée sur la vitre tremblait. Élodie regardait Draco dormir paisiblement sur le ventre, la tête posée sur un coussin douillet. Elle était restée ainsi pendant environ une heure, hésitant à le réveiller, alors qu’il semblait si serein et si calme. On aurait dit un Pokémon complètement différent de tout à l’heure.

Le Dragon ouvrit peu à peu les yeux et ses narines s’ouvrirent pour qu’il sentît son environnement. Sa queue frétilla de joie en reconnaissant son odeur. Il tourna la tête vers elle et l’observa avec une sereinement.

- Draco… murmura-t-elle. Je suis contente de te voir en meilleure forme.

Le jeune dragon cligna d’un œil pour lui répondre. Il tenta de se redresser pour lui faire face, mais se cogna contre la vitre. Il se secoua pour reprendre ses esprits avant de se reposer sur son matelas guérisseur.

- Ne bouge pas Draco, tu dois te reposer !

Elle l’avait repris gentiment, avec un ton de tendresse dans la voix. Ses yeux reflétaient une inquiétude sincère pour le jeune Dragon. Elle ferma les yeux et murmura :

- Tu n’avais pas besoin de mettre ta vie en danger pour moi, Draco.

Surpris, le Dragon et se tourna vers elle, ses yeux reflétaient son incompréhension. Il secoua la tête et lui sourit tristement. Elle comprit dans ce geste quelque chose comme : « Ne t’en fais pas. Tu mérites que je me batte pour toi. »

- Draco… J’ai discuté avec l’Infirmière Joëlle. Cette attaque dont tu t’es servie te tue à petit feu.

Une larme coula sur sa joue, alors qu’elle ajoutait :

- Je n’veux pas que tu meures pour moi. Je n’veux pas te perdre.

Le Dragon afficha un sourire rieur, comme s’il disait « Ne t’en fais pas pour moi, tout ira bien ! ». Ses yeux s’emplirent de plus en plus d’eau, alors que sentait les vannes s’ouvrir elle poursuivit, d’une voix brisée :

- Je sais que tu ne pensais pas à mal. Tu souhaitais peut-être défendre mon honneur, je ne sais pas, mais… mais que se serait-il passé si tu avais tué Léviator ? Comment aurais-je pu expliquer à ma sœur que tu as tué un autre Pokémon, mis ta vie en danger pour moi ? Et si tu en étais mort ?

Le regard du serpent bleu s’abaissa, il commençait à comprendre les implications de ses paroles. Des larmes coulèrent sur ses joues, alors qu’il fermait les yeux.

- Draco… soupira-t-elle. J’ai compris, tu sais.

Il rouvrit les yeux, cessant de pleurer. Il semblait ignorer de quoi elle parlait.

- Quand l’Infirmière Joëlle m’a parlé tout à l’heure des conséquences, j’ai compris… J’ai compris pourquoi Clara t’a interdit de te servir de tes pouvoirs.

Les yeux de Draco s’arrondirent de surprise, la bouche légèrement entre-ouverte.

- T’en fais pas, va, lui sourit-elle. Je n’lui en parlerai pas… si tu me promets que tu ne t’en serviras plus jamais.

Il détourna la tête, il avait clos ses yeux et semblait réfléchir. Juste avant qu’il ne lui fît face à nouveau, elle aperçut un petit sourire se dessiner sur le coin de sa bouche. Sa réflexion, quelle qu’elle fût, l’avait rendu heureux. D’un signe de tête, il indiqua qu’il acceptait.

Elle se serait jetée à son cou pour le câliner, si elle le pouvait. Mais la vitre et surtout l’état physique actuel de Draco l’en empêchaient.

- Draco… je vais aller chercher quelques affaires pour passer la nuit ici avec toi.




En quittant la pièce, elle tomba sur Lucien qui attendait à l’extérieur.

- Qu’est-ce que tu fais là ? s’étonna-t-elle.
- Je suis venu rendre visite à Draco, après ce qu’il s’est passé cet après-midi…

Elle ne pensait pas qu’il se serait déplacé pour lui rendre visite. Elle ne se souvenait guère d’une quelconque complicité entre eux, était-ce un prétexte pour la voir elle ?

- Bien… comme tu veux. Je reviens dans quelques minutes, je dois aller chercher quelques affaires.
- Tu vas passer la nuit ici ? s’étonna le jeune homme.
- Bien sûr. Draco est devenu un ami ces derniers jours. Et il reste le Pokémon de ma sœur.
- Tu ne vas pas le lui apprendre ? s’étonna-t-il.
- Si je le fais, Clara va lui passer un savon. Alors qu’il a fait ça pour moi, ce serait bien mal le remercier.

Il acquiesça lentement avant de se détourner et entrer dans la chambre du Dragon. Élodie l’observa un instant avant de reprendre sa route.

- C’est quoi son problème ? pensa-t-elle à haute voix.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

En sortant du Centre Pokémon, la nuit était déjà tombée depuis plusieurs heures. Élodie s’emmitoufla dans son manteau pour se réchauffer, alors qu’elle se dirigeait vers son lieu d’habitation. Elle n’avança que de quelques pas lorsqu’elle entendit des « Whéhéhé ! » suivi d’un cri aigu. Aussitôt, elle courut vers, supposait-elle, l’origine des bruits.

Au coin du Centre, elle tomba sur les mêmes Ténéfix que le soir précédent. Ils agressaient, à nouveau, le jeune Skélénox. Leurs griffes luisaient d’un éclat mauvais alors qu’elles se levèrent, prêtes à frapper. Sans réfléchir, elle bondit au milieu d’eux et se plaça devant le spectre pour le protéger de ses bras écartés.

- Arrêtez ! s’exclama-t-elle.
- Whéhé ? s’exclamèrent-ils, surpris.

Elle se détourna un instant vers le Pokémon Requiem et lui dit, d’un ton plein de douceur et en souriant à pleines dents :

- Je vais te protéger, reste bien derrière moi.

L’œil unique du spectre tremblait de peur, mais elle sentit comme une légère joie de la voir dans son regard. Il se ratatina contre le mur où il était piégé.

Lorsqu’elle reporta son attention sur les Pokémon Obscurité, elle se rendit compte qu’il s’aiguisait leurs longues griffes violettes sur les joyaux des uns des autres. S’ils passaient à l’attaque, elle allait le sentir passer. Espéraient-ils se venger pour leur humiliation du soir précédent ?

- Whéhéhé ! s’écrièrent-ils une fois leurs préparatifs terminés.

Tous ensembles ils lui sautèrent dessus, toutes griffes dehors. Élodie ferma les yeux, se préparant à subir leurs Combo-Griffe, prête à souffrir pour sauver un Pokémon, tout comme Draco l’avait aidé aujourd’hui même en mettant sa vie en danger. Mais la douleur ne vint jamais, aucune attaque n’avait porté. En ouvrant les yeux, elle cilla immédiatement à cause d’une lumière vive qui l’aveuglait. Quelques secondes plus tard, tous les Ténéfix tombèrent K.O. au sol.

- Gardevoir ! s’exclama-t-elle en reconnaissant son sauveur.

Un instant surprise de la voir, elle détourna le regard, elle n’avait aucune envie de lui parler en cet instant. Skélénox quitta ses jambes et, alors qu’il allait partir lorsqu’elle le rappela :

- Pourquoi t’enfuir ? s’étonna-t-elle. Tu peux devenir mon Pokémon !

Surpris, il se retourna, son œil rouge brillait d’inquiétude.

- Je t’ai protégé à deux reprises déjà, poursuivit-elle. Tu peux me faire confiance, n’est-ce pas ?

Il hésita un instant, cherchant du regard un endroit où s’enfuir, avant de se raviser. Il leva alors les yeux vers elle et son œil rouge brilla de joie, signe qu’il acceptait. Elle récupéra alors une Poké Ball vide dans l’une des poches de son manteau et la lança. Lorsque l’orbe frappa Skélénox, il disparut dans un rayon rouge, la boule bougea trois fois avant de se bloquer définitivement.

Elle avait capturé un nouveau Pokémon ! Et cette fois-ci, rien de bizarre ne l’en avait empêché, Draco ne l’avait pas interrompue et aucun Dresseur ne le possédait déjà. Il était vraiment à elle ! Lorsqu’elle se pencha pour récupérer son nouveau monstre, elle s’exprima avec tristesse :

- Tu vois cette Poké Ball, Gardevoir ? C’est mon nouveau Pokémon.

Elle pointa alors un doigt accusateur vers le Pokémon Étreinte avant d’ajouter :

- Et toi, tu es remplacée.

Surprise, la femelle blanche éclata en sanglot. Elle se jeta à ses pieds pour la supplier, mais Élodie la repoussa sans ménagement. Elle ne se laisserait pas amadouer une deuxième fois. Elle sentit l’amertume monter dans sa gorge, alors qu’elle se nouait à la pensée de ce qu’elle lui avait infligé ce matin-là. D’une voix ferme, mais pleine de tristesse, elle lui parla :

- Je t’ai donnée une deuxième chance et tu l’as gâchée !

L’incompréhension se lisait dans les yeux rouges de Gardevoir, elle tenta un pas en avant, le regard suppliant, mais Élodie la repoussa sans ménagement :

- Je t’ai dit que je réfléchirais à notre avenir hier. Tu as fait des efforts hier après-midi avec Draco, que j’ai beaucoup apprécié, nota-t-elle. Mais, tu m’as de nouveau lâchée c’matin, il est hors de question que je garde un Pokémon en qui je n’peux pas avoir confiance.

Éberluée, la femelle blanche tomba à genoux et pleura à chaudes larmes. Élodie se pencha et caressa sa joue un instant, son ex-Pokémon releva la tête, les yeux brillants, heureuse de contact. La jeune fille se ravisa avant de conclure :

- C’est terminé, Gardevoir.

Et elle partit sans se retourner, laissant son Pokémon à terre, alors qu’elle venait tout juste de lui sauver la vie.




Lucien se rapprocha de Draco, l’observant d’un œil mauvais. Élodie venait de quitter la pièce et ne tarderait pas à revenir, il devrait se dépêcher. Dans sa main droite, il tenait une Pokémontre qu’il faisait tournoyer entre ses doigts. Avec sa main gauche, il appuya sur le bouton qui permettait l’ouverture de la vitre pour que le Dragon se retrouvât à l’air libre. Il rangea alors l’objet technologique dans sa poche.

Draco releva la tête, suspicieux et ouvrit la bouche. Pour parler ? Un humain ne le comprendrait pas. Pour l’attaquer ? Plus probable. Vif comme l’éclair, la main du jeune homme entra dans sa bouche et lui attrapa la langue, le clouant sur place. Lorsqu’il le relâcha d’un coup sec, le bout des doigts couverts de sang, Draco cracha de fureur. Il lui lança un Dracochoc vers sa tête que le jeune homme esquiva facilement. Épuisé, le Dragon éternua à plusieurs reprises, de la fumée noire sortait de ses naseaux. Lucien l’observait sans se départir de son rictus mauvais.

- N’oublie pas quelle est ta place, Pokémon ! Tu es peut-être très fort, mais n’oublie pas que les humains le sont plus encore.




Samedi après-midi, 30 heures avant la mise à mort

Comme Lucien le lui avait demandé, Julie avait travaillé ce jour-là. Clara était tombée malade le jour précédent. Elle avait invité à dormir une fille malade qui lui avait refilé sa maladie. Après que la toute jeune fille fût repartie tôt le matin précédent, elle avait trouvé sa patronne en mauvaise forme.

- T’y es pour quelque chose dans la maladie de Clara ? lança-t-elle. Ce serait bien ton genre salopard.
- Peut-être, qui c’est ? répliqua Lucien avec un rictus satisfait.

Tous deux se tenaient à l’extérieur de l’arène et attendaient la sœur de sa patronne. Le jeune homme l’avait rejointe quelques minutes plus tôt. Enveloppé dans son ample imperméable, il tenait ses mains dans les poches

Ils n’avaient pas échangé un mot, se contentant de se serrer la main, froidement. Elle s’était alors rendu compte que son pouce, son auriculaire et son majeur avait des sparadraps, respectivement, sur leur deuxième, première et troisième phalange. S’était-il blessé récemment ? Elle avait hâte de savoir comment il avait réussi à convaincre Élodie de donner, selon ses propres termes, « une grosse migraine » à sa propre sœur.

- Tu comptes l’empoisonner, pas vrai ?
- Secrétaire, espionne de la police internationale, mais également intelligente, ma parole ! ricana-t-il
- Devant ses propres Pokémon ? Bon courage.
- C’est un détail. Fais-moi confiance, susurra-t-il. Je me suis occupé de tous les détails.
- C’est bien le problème, j’n’ai aucune confiance en toi, p’tit con.
- Tâche de tenir ta langue devant ta patronne, sinon…

Devant sa patronne ? Et pas devant Élodie ? Mais qu’est-ce qu’il mijotait ? Elle n’y comprenait absolument rien. La présence du jeune homme la rendait mal à l’aise. Elle devrait faire bonne figure pour que Clara ne soupçonnât rien. En serait-elle capable ?

Perdue dans ses réflexions, elle ne se rendit pas tout de suite compte qu’Élodie était en train d’arriver. En relevant la tête, elle vit la jeune fille la saluer de la main en guise de bonjour, alors qu’elle s’approchait. Avant que Julie n’eût le temps d’exécuter le moindre geste, Lucien se rapprocha de l’adolescente. Il lui chuchota quelques mots à l’oreille, le regard en coin vers la jeune secrétaire, l’adolescente tressaillit en l’entendant.

Julie se trouvait trop loin d’eux pour entendre leur conversation, mais en voyant la réaction de la jeune fille, elle se doutait qu’il s’agissait d’une conversation amicale entre deux amis. Enfin, elle voyait mal Lucien avoir des amis…

- Salut Julie, lança Élodie d’une voix hésitante. Comment ça va ?
- Salut, répondit-elle simplement.

Cette conversation sonnait tellement faux que cela en devenait encore plus étrange. Aucune des deux ne semblait ravie d’être là. Par quel moyen, Lucien était-il parvenu à la convaincre de venir ?

- Julie, va nous attendre à l’intérieur, j’aimerais dire un mot à Élodie.
- Et pourquoi ? répliqua-t-elle. Tu…
- Fais ce que je te dis, sinon… l’interrompit-il, le teint livide.
- Je sais, je sais…

De mauvaise grâce, elle s’exécuta. Elle entra dans l’arène et se dirigea immédiatement vers l’ascenseur pour l’appeler. Lorsqu’il arriva, elle s’adossa contre le mur du fond et les attendit les bras croisés. Quelques minutes s’écoulèrent avant qu’ils ne la rejoignissent. À la grande surprise de la jeune secrétaire, Élodie avait complètement changé d’expression : elle arborait désormais un sourire éclatant et rieur, mais gardait ostensiblement ses mains dans les poches de son manteau jaune. Lucien gardait un regard sombre et fixait le mur du fond. Lorsque la jeune fille appuya sur le bouton de l’ascenseur, Julie en profita pour chuchoter au jeune homme qui s’accoudait à côté d’elle :

- Qu’est-ce que tu lui as dit ? Elle a complètement changé d’attitude par rapport à tout à l’heure.

Il ne répondit pas, se contentant de pointer son index sur sa bouche avec un « chut » à peine audible.


29 heures avant la mise à mort

- À quoi ça rime tout ça ? Pourquoi est-ce que vous avez proposé un thé et une soupe à Clara ? Des médicaments seront bien suffisants.
- Tais-toi Julie, ordonna Lucien, comme si de rien n’était.

Tous trois avaient passé un petit moment avec la Championne dans sa chambre. Alitée dans son lit, le teint olivâtre de sa patronne montrait clairement qu’elle ne feignait pas la maladie. Elle ignorait de quoi elle pouvait bien souffrir, mais elle soupçonnait le jeune homme d’en être responsable d’une manière ou d’une autre. L’incident lui semblait trop belle pour qu’il ne s’agît que d’une simple coïncidence.

Les mains dans les poches, elle poursuivit son chemin dans le couloir séparant la chambre de Clara du salon. Démolosse et Évoli accompagnaient les trois compères et Draco était resté avec leur Dresseur. Quant à Xatu, elle ne l’avait pas vu à l’arène depuis quelques jours.

Le chien ténébreux gardait ses distances avec eux et semblait les surveiller. Le jeune chat marchait dans les pieds d’Élodie en miaulant son nom et l’empêchait de marcher. Il cherchait visiblement à lui sauter dans les bras pour obtenir des caresses, mais elle le repoussait sans ménagement… préférant rester près de Lucien.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » s’étonna-t-elle en pensée. « Pourquoi ces deux-là sont toujours fourrés ensembles depuis tout à l’heure ? »

En effet, tous deux s’étaient tenus l’un à côté de l’autre pendant toute leur entrevue avec Clara et chacun d’eux s’arrangeaient pour ne pas parler en même temps. Elle espérait que, à force de les tenir à l’œil tous les trois, Démolosse se rendît compte de ce qui pourrait se passer et stoppât Lucien. Elle s’écarta pour laisser passer les « amoureux » et se pencha pour prendre Évoli dans ses bras. Lucien et Élodie se retournèrent pour voir ce qu’elle fabriquait.

- Évoli, retourne auprès de Clara s’il te plaît, je suis sûre qu’elle sera heureuse de te voir.

Le jeune chat frotta sa tête amicalement contre le visage de la jeune secrétaire avant de sauter à terre et de filer à l’anglaise. Lucien la toisa durement, mais ne pipa mot. La présence de Démolosse semblait l’empêcher d’intervenir comme il l’aurait fait en son absence.

En arrivant à la cuisine, tous trois se séparèrent. Lucien ouvrit le réfrigérateur et récupéra un tupperware contenant un liquide brunâtre où baignaient plusieurs légumes. Il en vida le contenu dans une casserole qu’il posa sur la cuisinière qu’il alluma. L’idée semblait de fondre son contenu dans la casserole avant de le mettre dans une assiette pour que Clara n’eût plus qu’à la réchauffer avant de la manger.

Julie avait déjà récupéré les médicaments pour Clara dans la pharmacie, elle remplit un verre d’eau qui se trouvait près de l’évier où il avait égoutté. Elle rejoignit ensuite Lucien qui concassait la glace dans la casserole pour qu’elle fondît plus rapidement. Pendant ce temps, Élodie s’était emparée d’une bouilloire qu’elle remplit d’eau. En attendant qu’elle bouillît, elle sortit une boîte d’une autre étagère avant de demander à Julie :

- Quel thé devrais-je prendre à ton avis ?
- Je prends du thé vert quand je me sens mal, suggéra cette dernière en haussant les épaules.

Elle la remercia avec joie et s’éloigna. Julie se tourna vers Lucien et lui chuchota :

- Qu’est-ce que vous fichez tous les deux ?

Il haussa les épaules, sans répondre. Sa nonchalance agaçait profondément la rousse. Elle devait faire vite pour ne pas attirer l’attention de Démolosse, bien qu’elle sût qu’il aurait bien du mal à la dénoncer à sa patronne. Mais il fallait qu’il s’intéressât à Élodie et non à elle.

- Tu vas m’dire ton plan à la fin ? exigea-t-elle à mi-voix.

Il secoua la tête et refusa ostensiblement de répondre. Le jeune homme continuait sa besogne avec acharnement, bien que ses pansements au bout des doigts devaient le gêner. Lassée de parler à un mur, Julie reporta son attention sur Élodie. La jeune fille lui tournait le dos, mais elle pouvait voir sa main gauche verser l’eau chaude puis sortir le sachet de thé de son petit sac avant de l’y tremper. Elle déposa ensuite la tasse sur une petite assiette. Elle en déposa une autre à proximité avec deux sachets de sucre pour éviter qu’il ne fondît.

Se rendant compte qu’elle n’avait pas encore sorti une touillette, Julie sortit une cuillère à café du tiroir et la tendit à la jeune fille. Elle la remercia en souriant à pleine dents avant de la récupérer de sa main droite. Elle la déposa au milieu des deux sachets de sucre. Elle plongea dans la poche gauche de son manteau et en sortit une petite carte qu’elle posa en équilibre sur le bord du récipient.

Une fois sa soupe terminée, Lucien disposa son assiette dans le micro-onde, prête à être réchauffée avant d’aller retrouver l’adolescente. Celle-ci déclara ensuite :

- Allons donner ces médocs à ma sœur.
- Après je pense qu’il faut la laisser se reposer, ajouta Lucien d’une voix calme et naturelle.
- D’accord, se contenta d’acquiescer Julie.

Elle n’en revenait pas. Élodie n’avait eu aucun geste suspect. Ou alors elle avait été d’une discrétion impressionnante, car ni elle, ni Démolosse n’avaient constaté quoi que ce fût.

« Que se passe-t-il ici ? Comment Lucien a-t-il réussi le tour de force d’à la fois convaincre Élodie d’empoisonner sa sœur et de suivre ses instructions pour que Démolosse n’y voie que du feu ? »

Tout d’un coup un flash de mémoire lui traversa l’esprit, alors qu’elle se rappelait d’un élément. Le regard plein de détermination, elle fixa Lucien et Élodie, alors que sa bouche s’étirait en un sourire en coin.

« Qui que tu sois Lucien, j’te jure que cette erreur va me permettre de vous démasquer, toi et ton plan tordu ! »


28 heures et 30 minutes avant la mise à mort

« Atchoum »

Un paquet de mouchoirs à la main, Clara se rendait à la cuisine. Elle ne pouvait s’empêcher d’éternuer tous les deux pas et de se moucher bruyamment ensuite. Ses trois visiteurs venaient de la quitter et les médicaments que lui avait donnés Julie commençait à agir dans son organisme. Se sentant en meilleure forme, elle avait décidé d’aller se restaurer. La faim la taraudait, alors qu’elle avait passé la journée au lit.

En éclairant la pièce, elle vit tout de suite la tasse de thé sur la table. Elle avisa le micro-onde où Lucien avait laissé la soupe qu’elle avait préparée pour Lou deux jours plus tôt.

- Quelle ironie ! renifla-t-elle.

Elle enclencha la minuterie sur trois minutes avant d’aller s’asseoir à table. Elle sourit en voyant qu’Élodie avait préparé deux sachets de sucre à son intention. Elle buvait toujours son thé, chaud ou froid, avec cette quantité de sucre. Sa sœur la connaissait vraiment bien. En touchant les petits papiers, elle se rendit compte qu’ils étaient froids. D’un geste fébrile, elle les déchira avant de verser leur contenu dans son thé – encore chaud. Elle trempa la cuillère à café délaissée pour touiller le thé.

En attendant que sa soupe fût prête, elle ouvrit la carte qui avait été déposée à son attention. Avec un sourire, elle reconnut l’écriture de sa sœur. L’encre avait séché depuis longtemps, elle n’avait pas dû l’écrire sur le moment, mais la conserver pour la lui remettre plus tard :

« Ma chère Clara,

Clara, toi et moi on s’entend comme larron en foire, comme des jumelles avec deux ans d’écart, comme les crêpes et le nutella. BREF…
Te faire rire me recharge de mon énergie car te voir triste est une souffrance.
Je grandis et tu m’observes comme une mère.
Et non, tu n’es pas la sœur parfaite, mais je t’aimerai toujours malgré tout.
Il y a un tas de choses qui me rendent triste, mais bien plus encore qui me rendent heureuse de te connaître.
Ne t’imagine pas la vie sans moi, car je suis là. Je ne l’imagine pas sans toi, parce que tu es un rayon de soleil dans ma vie.
Je ne veux pas d’une sœur parfaite, mais une sœur qui m’aime comme je suis, comme moi je t’aime pour ce que tu étais, es et seras.
»

Le texte semblait avoir été effacé après ce passage. Clara tourna alors la tête vers le côté droit du feuillet pour lire la suite :

« J’attendrai ton retour jusqu’à la fin de mes jours, car je t’aime Clara !


Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
Élodie, ta sœur qui t’aime
»

Une petite larme coula sur le visage de la jeune championne à la fin de sa lecture. Malgré tout ce qu’elle lui avait fait subir durant ce dernier mois, sa sœur l’aimait toujours malgré tout. Elle baisa la carte avec un bonheur infini, heureuse du présent qu’elle chérirait toute la nuit.

- Élodie, je suis désolé, murmura-t-elle. Demain, je te l’promets, je ferai tout pour qu’on redevienne sœurs comme avant.

Elle mit la carte dans sa chemise de nuit et but une gorgée de thé.


Dimanche 11 heures, 9 heures avant la mise à mort

Une douleur fulgurante lui traversa le crâne, alors que Clara s’éveillait en sursaut.

- Ne bouge pas, tu as besoin de te reposer… murmura une voix inquiète tout près de son oreille.

En tournant la tête vers celui qui venait de parler, elle reconnut sa petite sœur. Son visage blême s’éclaira de bonheur, heureuse de la voir.

- Élodie… soupira-t-elle. Ma sœur, ma petite-sœur…

L’adolescente détourna la tête, surprise par cette affection inattendue.

- Je suis désolée pour toute cette histoire, souffla-t-elle, attristée. Tu n’méritais pas…

Elle éternua avec une telle force qu’elle crut cracher ses poumons dans le processus, puis reprit :

- Tu n’méritais pas que je traite ainsi.

Elle s’adossa sur son oreiller pour lui faire face. Elle s’aperçut alors que sa sœur n’était pas seule et que Julie et Lucien l’accompagnaient. Plus loin se tenait l’Inspecteur Mattz appuyé contre le mur de sa chambre, les bras croisés.

- Clara, tu devrais te ménager, suggéra sa secrétaire, dont le trouble surprit la jeune championne.
- Il s’est passé… quelque chose pendant que je dormais ? s’étonna-t-elle entre deux crises de toux.
- Rien du tout, répondit la rousse, un peu trop vite.

L’attitude de Julie lui paraissait étrange, mais elle avait d’autres Chaffreux à fouetter que de se préoccuper des états d’âme de sa secrétaire. Elle se tourna vers sa sœur et sourit plus belle en étudiant le visage de sa sœur. Elle avait les mêmes yeux verts qu’elle, leurs traits se ressemblaient beaucoup et seule la couleur de leurs cheveux différait. Sans être jumelles, elle savait que toutes deux pouvaient tromper des personnes qui ne les connaissaient pas.

- Élodie… Je ne sais pas ce que le médecin me dira…
- Il est clair que dans son état elle ne pourra pas s’occuper de ses tâches de Championne dans les prochains jours.

C’était Lucien qui l’avait coupée, alors qu’il ne s’était pas encore exprimé jusqu’à présent. Elle ne lui en tint pas rigueur, car elle savait que le jeune homme avait raison. Son ton froid et énigmatique l’avait toutefois surprise. Il ne semblait guère heureux de la voir réveillée.

- Tu as raison, soupira Élodie avant de se tourner vers la jeune secrétaire : « Julie, vous devriez peut-être annoncer que Clara est souffrante et annuler les prochains matches. »
- Les carnets de rendez-vous sont remplis pour les trois prochains mois, si on annule des combats…
- Les challengers devront attendre des mois avant d’avoir un nouveau rendez-vous, termina Lucien d’une voix mielleuse.

Quel était son problème ? Si elle le rencontrait pour la première fois, elle aurait pensé qu’il se satisfaisait d’une telle situation. Son ton, sa manière d’être avec les trois filles ne lui présageaient rien de bon. Était-il… ? Non, ce n’était pas le moment de penser à ça. Le visage plein de mélancolie, elle s’adressa ainsi à sa sœur :

- Élodie… Tu sais que je t’aime, n’est-ce pas ?
- Moi aussi je t’aime grande sœur. Mais, s’te plaît, ne dis pas ça comme si tu allais mourir.

La jeune championne secoua la tête de négation, ce qui lui causa un cuisant mal de crâne. Elle porta sa main droite à sa tempe et prit quelques secondes pour retrouver ses esprits, avant de poursuivre :

- Ne t’inquiète pas. Je ne te quitterai pas si vite. Jusqu’à la fin de tes jours, je te reviendrai Élodie. Car je t’aime, de tout mon cœur, je t’aime.

Elle vit sa sœur touchée par ses paroles et rougissant de bonheur. Elle inspira alors profondément avant de lui annoncer le plus calmement et le plus sérieusement du monde :

- Élodie, en tant que Championne Ultime, détentrice du Badge Pouvoir, je te nomme en tant que remplaçante pour les jours à venir.

À cette annonce, la stupéfaction fit perdre à la jeune fille toute couleur. Elle ne s’attendait pas à cette annonce. Elle bredouilla alors :

- Mais c’est impossible. Je n’ai pas du tout ton niveau pour te remplacer et mes Pokémon… ne sauront faire illusion.
- Je te laisse mes Pokémon, murmura la jeune Championne alitée. Je sais que Démolosse et Draco t’obéiront et je sais que je peux compter sur toi. Tu es plus forte que tu ne le crois, petite sœur, ne doute jamais de ta force… Mais personne ne doit être au courant, du moins pas pour le moment.

Ses trois visiteurs s’entreregardèrent quelques secondes, ne sachant que penser de la situation. Pourquoi garder cette information secrète ? Clara soupira avant de s’expliquer :

- La population s’inquiète depuis des semaines des attaques que subissent les Dresseurs. Que penserait-elle si elle apprenait que l’Ultime Championne était souffrante ?
- Ils pourraient supposer que tu as été attaquée, marmonna Lucien. Les rumeurs peuvent aller tellement vite.

Clara surprit alors le regard contrarié que lança Julie à Lucien avant de s’exprimer à son tour :

- Très bien alors. Si Élodie est d’accord, je vous soutiendrai toutes les deux dans cette décision.
- Attendez, j’n’ai pas dit que j’étais d’accord, rétorqua la concernée.

La surprise se peignit sur le visage blafard de Clara. Mais elle laissa sa petite sœur s’exprimer. D’un ton hésitant, celle-ci poursuivit :

- J’te remercie de la confiance que tu m’accordes, mais Clara… Qu’est-ce qui se passe si je perds ? Je n’voudrais pas prendre la responsabilité de ton renvoi, tu as travaillé trop dur pour ça.
- Ce n’est pas comme si j’avais souhaité être Grande Championne. Que tu gagnes ou que tu perdes Élodie, je serai fière de toi d’avoir pris la décision courageuse de venir à mon aide. Si tu refuses, eh bien… je n’sais pas.

Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle ferait si sa sœur refusait de la remplacer. Peut-être allait-elle reporter plusieurs rendez-vous quitte à en prendre deux par jour pendant plusieurs semaines ? C’était parfaitement en sa mesure, mais ça l’obligerait peut-être à utiliser Xatu pour que ses Pokémon pussent suivre le rythme.

- Je trouverai une autre solution. Ne t’en fais pas.
- En somme, ce que tu m’demandes de faire, c’est de me teindre les cheveux en brun, enfiler une de tes tenues et combattre à ta place quelques jours ?

Clara acquiesça avant de se recoucher. La conversation l’épuisait, elle voulait rapidement y mettre un terme, mais elle devait encore s’entretenir avec l’Inspecteur Mattz et Tanguy, le Champion de Rivamar, qui étaient venus l’aider.

- Inspecteur, pouvez-vous aller chercher Tanguy s’il vous plaît ? J’aimerais vous parler à tous les deux.

Il signala son accord d’un mouvement de la tête avant de quitter la pièce.

- Clara, j’accepte de te remplacer, l’informa Élodie.
- Merci… merci beaucoup.

Elle soufflait ses mots sur un ton épuisé, mais son expression affichait une joie immense que sa sœur acceptât de la remplacer. Clara laissa son esprit divaguer, alors que Julie expliquait les règles et le fonctionnement de l’arène à sa petite sœur. Au bout de quelques minutes, elle entendit un éclat de voix :

- Attendez Julie, vous êtes en train de me dire qu’en cas d’égalité, j’ai perdu ? s’exclama Élodie, incrédule.
- En effet, répondit Clara d’une voix enrouée.
- Clara considère qu’une égalité en fin de combat équivaut à une victoire de son adversaire, confirma la secrétaire.
- Ce n’est pas… commença Clara.

Mais elle s’interrompit en entendant des bruits des pas dans le couloir, signe que l’inspecteur revenait.


4 heures avant la mise à mort

Clara dormait du sommeil du juste depuis un bon moment. Un tic-tac insistant de sa Pokémontre la réveilla en sursaut. En la consultant, elle remarqua qu’il était presque quatre heures de l’après-midi. Elle grimaça en se redressant, son front lui était douloureux. Elle s’appuya sur ses coudes et récupéra sa Pokémontre sur la table de chevet et l’approcha de sa bouche.

- Allô ? dit-elle, enrouée.
- Inspecteur Mattz à l’appareil. Nous avons effectué les analyses que vous aviez demandé.

Elle se réveilla complètement à cette annonce.

- Alors ? demanda-t-elle d’une voix pressante. Qu’avez-vous découvert ?
- Nous n’en sommes pas encore certains, mais nous avons découvert des germes dans la soupe, très probablement la maladie qui vous a affectée.
- Je vois…

Déçue ? Un peu. Elle s’était trompée et avait sauté sur les conclusions trop rapidement. Mais elle se sentait aussi un peu soulagé. Cela signifiait que c’était Lou qui l’avait rendue malade en l’aidant avec la soupe. Aucun des trois ne pouvait être le responsable.

- Cependant, nous avons peut-être découvert autre chose. Il y avait des traces infimes de protéines potentiellement dangereuses pour le corps humain dans la tasse de thé, mais également sur la hanse de la cuillère à café. Nous avons également pris la liberté de récupérer d’autres éléments dans votre cuisine comme échantillon, nous n’avons rien trouvé d’autres. Nous n’avons pas encore réussi à identifier l’origine de ces protéines, mais nous pouvons d’ores et déjà affirmé que vous avez été victime d’un empoisonnement, Mademoiselle Galano.

Clara raccrocha alors. Pleine de douleur, elle récupéra le petit feuillet qu’elle avait caché derrière son oreiller. D’un geste rageur, elle déchira le papier en morceaux et les jeta dans la chambre.

- Comment t’as pu me faire ça Élodie ?!




La porte se referma. Julie ne perdit alors pas une seconde pour s’adresser à Lucien sans le regarder :

- Tu pousses Élodie à empoisonner Clara et après tu fais ami-ami avec elles. Tu es abjecte, tu sais ça ?

Un bruit sourd provenant du couloir, où avaient disparu les deux sœurs, les fit sursauter tous les deux. Mais la jeune secrétaire n’en avait pas fini, elle se tourna vers lui pour voir sa réaction à ses paroles.

- Tu as fait une erreur hier soir, lui apprit-elle. Je sais pas comment tu t’y es pris pour empoisonner Clara, mais crois-moi j’vais le découvrir.
- Mmmh, répondit-il, sûr de lui. Peu m’importe que tu découvres quoi que ce soit, tu n’as aucune preuve de toute façon. Et sans preuve, Clara ne te croira jamais.

Un « bam » sonore leur parvint une nouvelle fois.

- Qu’est-ce qui se passe encore ? s’exclama Julie.
- Cet idiot d’inspecteur a fait son travail.

De quoi parlait-il encore ? Mais elle n’avait pas le temps de se poser des questions, peut-être Clara était-elle tombée et sa sœur n’arrivait pas à la soutenir seule ? Elle se précipita vers la porte et l’ouvrit. Surprise, elle n’eut juste le temps de rattraper une Élodie tenue à la gorge par les vêtements par sa grande sœur. Julie se retrouva écrasée sous le poids des deux autres filles.

- Qu’est-ce que vous faisiez ? s’informa-t-elle, d’un ton inquiet.

Élodie toussait et crachait pour tenter de reprendre son souffle. Clara, le visage strié de larmes, s’était affaissée sur le côté, tremblante comme une feuille.

- Clara a… elle a tenté de m’étrangler, souffla Élodie avec difficulté.
- Toi tu as voulu me tuer, répliqua Clara en pleurs.

Tuer ? Clara était-elle au courant de ce qui s’était passé le soir précédent ? Elle ne pouvait qu’admettre qu’elle serait arrivée à la même conclusion que sa patronne si elle avait été à sa place, mais elle en savait trop pour sauter sur les conclusions.

- Clara, il vaudrait mieux que vous vous recouchiez, suggéra-t-elle à la Championne. Vous n’êtes pas en état de réfléchir.
- Je sais, s’écria-t-elle d’une voix triste. Je sais que c’est elle ! Mattz m’a tout dit !
- De quoi tu parles ? s’étonna Élodie. J’y comprends rien.

En regardant tour à tour les deux sœurs, Julie se rendit compte qu’aucune des deux ne mentait. La sincérité se lisait sur leur visage.

« Damn you Lucien ! » s’exclama-t-elle en pensée.

- Élodie… tu devrais rentrer, maintenant.
- Mais…
- Reviens demain comme prévu, lui ordonna Julie. Vous discuterez ensemble quand elle se sera calmée.

« Et pendant ce temps-là, je vais essayer d’éclaircir les choses. Lucien, je ne te laisserai pas détruire leur relation ! » se jura-t-elle.

Élodie se releva. Elle observa sa grande sœur avec tristesse avant de détourner la tête. Elle s’en fut rejoindre la chambre pour récupérer ses affaires et s’en aller.

- Toi ! Tu t’en vas, s’écria-t-elle à Lucien. Tu n’as plus rien à faire ici.

Avec un sourire moqueur que Clara ne sembla pas relever, il suivit Élodie avec une lenteur calculée. L’employée et sa patronne se retrouvèrent seules.

- Pourquoi as-tu laissé partir cette traîtresse ? s’étonna celle-ci d’un ton las. Elle va en profiter pour détruire toutes les preuves.
- Si vous pensiez une chose pareille, vous l’auriez dénoncée à la police, je me trompe ?

Ses yeux verts ternes se détournèrent. Julie en déduisit qu’elle avait marqué un point. Elle n’avait aucune preuve, seulement des suppositions – malheureusement confirmées par son témoignage qui ne pouvait qu’accabler Élodie.

- J’étais là quand elle a préparé le thé.
- Alors tu l’as vue quand… commença sa patronne.
- Non. Je ne l’ai pas vue, rétorqua-t-elle. Elle n’a rien fait de suspect devant moi.

Clara resta silencieuse quelques minutes. Julie l’observait inquiète, il fallait qu’elle la ramenât à son lit pour qu’elle se reposât.

- Je crois que le poison était sur la cuillère, l’informa-t-elle. Les informations que m’a données l’inspecteur Mattz m’ont fait parvenir à cette conclusion.
- Sur la cuillère ? répéta Julie. C’est moi qui la lui ai donnée.

Le visage de sa patronne vira au rouge l’espace d’un instant, avant qu’elle ne se tînt la tête entre ses mains. Des gouttes de sueur se dispersaient sur son visage et sur sa nuque.

- En somme, tu es en train de me dire que tu aurais pu m’empoisonner toi aussi.
- Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, vous devriez vous reposer. Une fois que vous irez mieux, vous pourrez vous replongez dans toute cette histoire, je me ferai une joie de répondre à toutes vos questions, du mieux que je le pourrai.

Elle acquiesça après quelques secondes de réflexion, visiblement convaincue. Le soulagement se peignit sur le visage de la jeune secrétaire. Certes, sa patronne l’avait insupportée ces dernières semaines, mais la voir si mal en point, si seule, si désespérée, l’avait rendue empathique envers elle.

Julie l’aida alors à se relever et la ramena tant bien que mal à sa chambre.


2 heures avant la mise à mort

Il bâilla, le jeune chien avait veillé sur sa Maîtresse depuis le départ de tous ses visiteurs. Elle s’était endormie rapidement après que Julie l’eût recouchée. Démolosse, inquiet, s’était couché dans son lit, tout près d’elle et avait posé sa truffe tout près de la tête de la jeune Championne.

Soudain, un coup de vent passa devant la fenêtre, le cerbère se tourna vers elle. Draco lui apparut à la fenêtre, avec un signe de la queue, il comprit qu’il voulait lui parler. Il délaissa tristement leur patronne à la surveille de la jeune Évoli qui dormait à l’autre bout du lit. Il sauta par la fenêtre pour rejoindre le Dragon qui l’attendait en bas.

- Dis-moi ce qu’il s’est passé, Démolosse. Tout ce que tu sais.

Il avait été présent lorsque les trois avaient préparé le médicament « mortel » pour Clara, il était également là lors de l’altercation entre les deux sœurs. Alors, aussi précisément que possible, il se chargea de lui expliquer tout ce qu’il avait observé.

- Je vois, murmura Draco. En somme, Élodie pourrait être derrière tout ça.
- Tu sautes un peu vite sur les conclusions.
- As-tu senti cette odeur ? s’enquit-il.
- Non, reconnut Démolosse. Sur aucun des trois hier…
- Je vois, le coupa-t-il.

Draco était-il sérieusement en train d’envisager qu’Élodie pût être la coupable ? Certes elle avait un mobile – lui-même – mais la réaction qu’elle avait eue lorsque Clara l’avait agressée tendait à l’inciter à la prudence sur les conclusions hâtives.

- J’ai remarqué que tu évitais toujours le sujet à chaque fois que je voulais te parler d’Élodie, poursuivit le Dragon. Qu’est-ce que tu m’caches ? Hein ?
- Qu’est-ce qui te prend Draco ? Je t’ai dit tout c’que j’savais.

Les prunelles du serpent cyan s’enflammèrent, alors qu’il rapprochait sa tête à quelques centimètres de sa gueule. Démolosse ne s’en laissa pas démonter. Les deux Pokémon s’observèrent en « Mastouffe de faïence ».

- Je t’ai surpris en train de surveiller Élodie l’autre jour. Alors qu’on s’était pourtant mis d’accord !

Les deux s’entreregardèrent, le regard venimeux. Puis Draco finit par se détourner et partir. Déterminé, il prononça alors ces dernières paroles :

- Très bien, puisqu’on n’arrive pas à se mettre d’accord, je vais aller vérifier moi-même.
- Comme tu voudras, cracha Démolosse.


3 minutes avant la mise à mort

Essoufflé, Draco arriva finalement à l’entrée du Foyer d’Étudiants, alors que la nuit était tombée depuis plusieurs heures. Il avait volé les deux dernières heures dans le froid et la neige pour arriver ici. Il se posa et s’arrangea pour reprendre son souffle avant d’entrer dans le bâtiment.

- Où est sa chambre, déjà ? se questionna le Dragon à haute voix.

Il n’y avait personne dans les couloirs. Et sa mauvaise expérience de la dernière fois ne l’incitait guère à réessayer. La seule chose qu’il savait était qu’il devait monter au premier étage. En grimpant les escaliers, un étudiant descendait en sens inverse. Celui-ci semblait visiblement dans la lune, car il ne l’avait pas remarqué. Draco se retourna pour l’observer, alors qu’il quittait le bâtiment en sifflotant. Habillé d’un complet noir, il avait l’air d’un premier de la classe fils à papa. Ne faisait-il pas un peu froid pour ne pas prendre manteau ?

Le Dragon ne se posa pas plus de questions avant de reprendre sa route.




Seule assise en pyjama sur son lit dans sa chambre, Élodie pleurait. Elle pleurait d’avoir une nouvelle fois perdu sa sœur, alors que celle-ci s’était montrée si gentille avec elle à peine quelques heures plus tôt. Et elle ne comprenait pas ce qui avait bien pu se passer dans sa tête pour que sa sœur crût qu’elle eût tenté de l’assassiner.

Elle avait accepté de la remplacer à la tête de l’arène pendant quelques jours et elle était le genre de personne à tenir ses promesses. Comme l’avait suggéré Julie, elle en profiterait également pour mettre les choses au clair avec sa grande sœur.

Un « Toc Toc » la fit sursauter. Un étrange pressentiment la traversa, s’agissait-il de sa sœur qui venait se venger ? Elle se ravisa en se souvenant que l’état dans lequel elle se trouvait actuellement, elle serait bien incapable de se déplacer. Elle attrapa un mouchoir dans la boîte posée sur son lit et s’en servit pour s’essuyer ses larmes avant d’aller ouvrir la porte, alors qu’un autre léger tambourinement s’entendait.

En ouvrant la porte, elle eut la surprise de tomber sur Draco. Ravie de le voir, elle le laissa aussitôt entrer. Il s’était montré si gentil avec elle ces derniers jours, peut-être l’aiderait-il à se sentir mieux avant ses retrouvailles avec Clara le lendemain ?

- Draco… merci d’être venu. Tu n’sais pas à quel point ça m’fait plaisir de te voir.

Le jeune Dragon semblait aller bien mieux depuis son séjour à l’hôpital. Elle avait eu la désagréable surprise de constater sa disparition lorsqu’elle était revenue. Elle avait supposé à ce moment-là qu’il était rentré, préférant passer la nuit à l’arène.

- Je suis content de voir que tu es en pleine forme depuis avant-hier, lui murmura-t-elle, le regard triste.

La jeune fille s’agenouilla pour le prendre dans ses bras, dans une étreinte forte et pleine de douleur. Elle se laissa aller dans cette étreinte et pleura une nouvelle fois, humidifiant le sol de sa chambre. Le Dragon pressa le bout de sa queue contre le dos de l’adolescente et pressa son cou dans le creux du sien, alors que sa tête passait de l’autre côté. Elle ne s’en rendit pas compte, mais il versait des larmes lui aussi.

Élodie, sentit la queue de Draco glisser comme pour lui masser le dos. Elle remontait le long de sa colonne vertébrale. La sensation lui était agréable, elle en frémit de plaisir, alors qu’elle continuait à pleurer. Le bout passa sous le col de son pyjama, accentuant encore les sensations, alors que sa nuque sensible sentait les écailles rugueuses de son ami. Elle se sentit alors arraché à son étreinte avec Draco, alors qu’elle s’envolait percuter sa table de nuit, elle en poussa un cri de douleur. Tout en vérifiant qu’elle n’était pas blessée, elle s’exclama surprise :

- Draco, qu’est-ce qui te…

Elle s’interrompit en voyant le regard venimeux et plein de colère que lui adressa le Dragon. Les traits de son visage était étiré de rage et ses yeux rougeoyaient. Apeurée, elle se rendit compte qu’elle n’avait plus à faire au même Pokémon. Draco n’hésita pas un seul instant avant de lui cracher un Dracosouffle.

Elle se protégea le visage de ses avant-bras, alors que la fumée verdâtre lui arrivait dessus, le brouillard enveloppait toute la pièce. Mais il ne l’atteignit jamais. En rouvrant les yeux, elle se rendit compte que quelque chose bloquait l’attaque. En voyant le mur vert-gris, elle reconnut immédiatement la capacité Abri. La brume se dissipa quelques instants plus tard et la jeune fille put voir l’identité de son sauveur.

- Gardevoir ! s’exclama-t-elle surprise.

Son ancienne protégée était venue à sa rescousse. Elle n’eut pas le temps de réfléchir à la situation : Draco avait déjà franchi d’une traite la distance qui la séparait du Pokémon Étreinte et la frappa d’une violente Queue de Fer dans le ventre. La femelle blanche s’écrasa contre le mur avec un gémissement avant de s’effondrer au sol, le souffle coupé. Tandis que le Dragon s’approchait d’Élodie, son ancien Pokémon tenta de se relever, prête à tout pour la protéger, mais retomba, trop faible pour bouger. Draco pencha alors sa tête vers la jeune fille.

- Tue-moi Draco, murmura-t-elle avec tristesse. C’est pour ça que tu es là, non ? Je suppose que c’est Clara qui te l’a ordonné…

Mais il n’en fit rien. Il lui postillonna à la figure avant de s’en aller. Sous le choc, Élodie inspirait de longues bouffées d’air. Elle n’en revenait pas, Draco l’avait trahi et Gardevoir avait eu raison de se méfier de lui depuis le départ ! Comment avait-elle pu se montrer aussi stupide !

- Gardevoir, souffla-t-elle. Pardonne-moi, j’ai commis une énorme erreur.

La femelle aux cheveux verts secoua la tête en guise de négation. La jeune fille comprit qu’elle lui pardonnait.















1 minute avant la mise à mort

- Leeeeuuuh… Veinard !

Le Pokémon Œuf bondissait dans la neige pour avancer, poussant des petits cris à chaque saut. Il semblait s’amuser comme un p’tit fou. Un petit chapeau blanc avec une croix rouge dessus trônait sur sa tête. Son corps était rond comme une grosse boule, il avait de petits yeux, au-dessus d’une bouche souriante. Trois grandes mèches de cheveux rebiquaient de chaque côté de son visage. Il avait également de petites pattes ainsi qu’une longue queue. Tout son corps était rose.

- Leveinard, la réprimanda l’infirmière Joëlle qui l’accompagnait. Nous n’avons pas le temps de nous amuser, on est déjà en retard.

Toutes deux avaient quitté Voilaroc depuis une bonne heure maintenant. Elles se rendaient au Centre Pokémon de Rivamar pour visiter la sœur de l’infirmière. Leveinard exprima son accord avec un petit cri d’approbation.

- Je devrais peut-être te rappeler dans ta Poké-Ball, tu vas t’épuiser à marcher dans toute cette neige.

La créature ovipare se rebiffa pour signifier son désaccord. Elle avait envie de marcher aux côtés de sa patronne et n’appréciait guère l’idée de passer tout le voyage enfermée.

Un vent violent se leva alors et fit voleter la neige. Les deux compères portèrent leurs bras devant le visage, tout en tentant d’avancer. L’infirmière poussa alors un hurlement de terreur, alors qu’elle s’envola.

- LEVEINARD ! s’écria le Pokémon resté seul au sol.

Une véritable tornade semblait avoir emporté la jeune femme. Elle était balancée d’un côté de l’autre à une telle vitesse que le ballon rose était incapable de la suivre des yeux. Une minute se passa ainsi, alors que le Leveinard assistait impuissant à toute la scène en poussant des cris tonitruants.

L’Infirmière Joëlle retomba au sol, le corps brisé. Son Pokémon s’avança vers elle pour vérifier si elle pouvait la sauver, mais elle détourna bien vite le regard. Ses bras, son cou et ses jambes étaient tordus en un angle insolite et du sang suintait de myriades de blessures. Une blessure au niveau de la poitrine vomissait des litres vermeils, celle-ci avait la forme d’un serpent qui se mordait la queue.

Son Pokémon poussa un hurlement à fendre l’âme.


À SUIVRE