C.7 : Vers le bas - [Arc II : Le Golem de Cristal]
Récapitulatif du dernier chapitre :
Alors que les trois membres de la V-Team fêtaient la réussite d’Aoi dans le Donjon, leur quartier général est mystérieusement attaqué et finit en cendre. Les coupables se révèlent être la M-Team, une famille d’aventuriers dirigés par Meloetta, l’amour secret de Victini.
***
~An x1834 après Arceus~
En à peine cinq minutes, il eut rejoint l'escalier menant aux deux derniers étages. Alors, quelque peu angoissé, il descendit lentement les marches jusqu'au cinquième niveau, pour déboucher dans la grande salle voûtée. La seule, première, et la dernière fois qu'il était venu ici, c'était pour sauver les amis de Darius, un Cacnéa blessé. Il tourna la tête vers la gauche, et se souvint de l'endroit où ils gisaient. Loin devant lui se trouvait l'antre de l'Arnius, mini-boss du niveau. C'est ici, deux jours plus tôt, qu'il avait effectué son premier sauvetage. Aujourd'hui, il était prêt à le vaincre et à descendre plus profondément dans le Donjon !
Le lézard sortit de son trou et s'approcha d'Aoi, avant de pousser un cri aussi strident que la première fois.
— A nous deux ! s'écria le Grenousse.
L'Arnius fonça sur son adversaire, qui roula sur le côté, esquivant l'attaque. Se retournant, il lui asséna un coup d'épée au flanc, faisant gicler une gerbe de sang. Profitant de sa proximité, il utilisa une attaque Pistolet à Eau, crachant un jet qui repoussa le monstre au sol. Face à lui, la créature était confuse, et désireuse d'en finir au plus vite avec ce combat l’Arnius se propulsa jusqu'à lui, cherchant à lui mettre un coup. L’autre en profita et d’un geste habile il lui trancha le bras, le privant de son arme.
— C'est trop facile, murmura Aoi.
Enragée, la créature se jeta sur lui, et il répondit avec un Pistolet à Eau qui l’éjecta de deux mètres derrière, avant de se propulser dans sa direction avec une Vive-Attaque et de le découper en deux. La partie supérieure de son corps disparut après un dernier cri, et l'autre tomba, avant à son tour de disparaître, révélant une pierre mauve de la taille d'un poing.
Fier de son combat, le Pokémon ramassa le caillou, semblable en tous points au premier qu'il avait ramassé, et le rangea dans sa sacoche. Heureusement, celle-ci était assez grande pour accueillir un grand nombre de gemmes, en plus de la nourriture. Toutefois, s'il venait à manquer de place, il avait pris le soin d'emporter une petite poche supplémentaire, qu'il pourrait accrocher à sa ceinture.
Relevant les yeux, il s'aperçut qu'un passage avait été ouvert dans un des murs, et s'en approchant, il découvrit un sombre escalier, menant certainement au sixième niveau. J'y suis, se dit-il. Je vais enfin descendre aux étages inférieurs ! Tenant fermement son arme, il descendit dans l'obscurité, marche après marche, et sentit l'anxiété monter. Bien qu'il ne soit jamais allé plus bas, il connaissait certaines particularités du Donjon, et l'une d'entre elle était qu'à chaque dizaine d'étage se trouvait un boss et un mini-boss. Ce dernier était situé au milieu, soit au cinquième étage du pallier.
En soit, ils n'étaient pas particulièrement forts, mais représentaient un avertissement pour les aventuriers, car tous les monstres au-delà étaient au moins aussi forts. Ainsi, l'Arnius était comme une Piastrelle Sombre : le monstre le plus faible. A cette heure-ci, aucun Pokémon n'était présent dans le Donjon, et en cas de problème, il ne pourrait compter que sur lui-même. Je n'ai besoin de personne pour survivre !
Au bout d'un moment, il perçut une légère lumière, et arriva finalement au sixième étage. L'escalier donnait sur un couloir de celui-ci, et le niveau était bien différent des précédents : les murs étaient blancs, tout comme le sol, et l'éclairage provenait du plafond, où des cristaux formaient de minuscules étoiles. Empruntant le chemin le plus proche de lui, il resta à l'affût, longeant la paroi. D'interminables minutes s'écoulèrent, mais aucun monstre n'apparut, rendant Aoi nerveux. A force de serrer son arme, sa patte se mit à trembler et lui fit mal. Jetant un coup d'œil autour de lui et constatant qu'il était vraiment seul, il s'assit au sol, et entreprit de se masser les doigts, prenant le temps de respirer.
Admettant qu'il était encore trop près de l'escalier, il se releva et reprit sa route, bien que cette absence de monstres lui semblât étrange. Résolu à mettre fin à cette attente, il accéléra le pas, et déboucha sur un carrefour, où s'offraient à lui quatre chemins différents, en plus de celui dont il venait. Voyons voir, songea-t-il. Je vais prendre celui du milieu, je pense ! Il m'a l'air le plus proche de la sortie. Sûr de lui, le Pokémon fit un pas, et entendit des bruits semblable à des grognements provenir de chacun des sombres chemins.
— Vous voilà, murmura-t-il.
Les accompagnèrent de petits cris stridents, et des bruits de pas massifs. A travers l'obscurité, Aoi distingua quatre paires d'yeux aussi rouges que le sang. La première des créatures, débouchant du couloir central, apparut : un monstre semblable à un Centaure, haute de deux mètres, et tenant une lance munie d'une pointe en pierre. Autour de lui, sortis des autres couloirs, vinrent trois Arnius, glaçant le sang du Grenousse. Par expérience, il savait qu'en vaincre un était assez facile, mais en défaire trois ne semblait pas chose aisée, d'autant plus qu'ils étaient accompagnés d'une bête bien plus forte. C'est de nouveau l'heure du combat !
Les trois lézards s'élancèrent en même temps sur Aoi, qui les esquiva, constatant que la dernière créature se contentait d'observer le combat. L'un des trois Arnius, profitant de sa distraction, tenta de lui asséner un coup d'épée, mais l'explorateur l'anticipa et bloqua le coup. Voyant les deux autres l'attaquer, il serra de toutes ses forces sa dague, et sentit l'arme de l'Arnius être découpée. Seulement c’était trop lent, et les deux autres l’attaquèrent au même moment.
Je dois faire quelque chose, vite ! Et comme répondant à son appel, il réussit à s’échapper de l’assaut en faisant apparaître un double de lui là où il se trouvait auparavant. L’attaque Reflet !En un éclair, il tourna sur lui-même, amputant les lézards d'un de leurs bras, et faisant gicler un flot de sang. De l'autre côté, son premier adversaire ne tenait plus debout, et il l'acheva d'un coup d'épée dans le crâne. La créature s'écroula à la renverse, puis disparut en un nuage de fumée. Et d'un.
Aoi sauta en arrière, s'éloignant des deux créatures. Tournant rapidement le regard, il constata que le Centaure ne bougeait pas d'un pouce, et semblait concentré. Le comparant à tous les autres monstres qu'il avait jusque-là affrontés, celui-ci semblait faire preuve d'une intelligence bien plus développée.
Devant lui, les lézards ne bougeaient plus et se contentaient de siffler, comme ils étaient dans l'incapacité d'attaquer. Toutefois, le Grenousse était conscient que même démunis d'épée, les monstres possédaient chacun un bouclier qui pouvait l'assommer facilement. A sa gauche, le Centaure frappa le sol de son sabot et fit tourner sa lance, comme prêt à se battre, anticipant la fin de l'affrontement. Face à Aoi, les deux Arnius bondirent, boucliers en avant. J'ai vu juste, ils comptent m'attaquer avec ! Décidé à en finir, il se mit à son tour à courir, et sauta par-dessus ses adversaires, atteignant un mur. Il y planta son arme, de façon à s'y maintenir, et avant que les lézards ne soient retournés, il leur asséna une attaque Pistolet à Eau, qui les envoya contre le mur, où leur crâne éclata. Ils poussèrent un dernier cri, et explosèrent en fumée.
— Quelle attaque, dit le Pokémon en contemplant sa lame. A chaque combat, j'ai l'impression de progresser...
— C'est un fait, tu es très fort.
Aoi sursauta, et se tourna vers là où provenait la voix.
— Tu... Comment tu peux parler ? fit-il au Centaure, bouche-bée.
— Nous sommes une espèce très intelligente, alors comprendre votre misérable langage est bien à notre portée.
— Incroyable...
— Cependant, ces monstres sont sans intérêts, alors ne t’émerveille pas trop vite. Tu restes un faible parmi les faibles. Tu n’es pas digne d’avancer.
Aoi soupira.
— Comment ça, je n'en suis pas digne ?
L'autre sembla réfléchir, et s'abstint de paroles pendant de longues secondes.
— Très bien. Si tu es capable de me vaincre, je te déclarerai digne de progresser dans le Donjon.
— Tu n'es qu'un monstre du niveau six ! fit le Pokémon en éclatant de rire. Ce n'est pas toi qui vas me donner des conseils !
Entendant cette remarque, le regard du Centaure se durcit, et il fronça les sourcils. Il fit tournoyer sa lance au-dessus de lui, et la pointa vers Aoi, qui sentit en un instant la peur monter.
— Dans ce cas-là, dit-il, tu n'auras pas de mal à me vaincre. En garde.
Se reprenant, il prit une posture de défense, et fit face au monstre. Le voyant ainsi, ce dernier fut d'abord étonné, puis afficha un air de mépris.
— Tu possèdes une belle lame, mais tu n'es pas capable de la tenir correctement. Tu es ridicule.
— C...Comment ça, je ne la tiens pas correctement ?! Je m'en sors très bien, tu as vu comment j'ai vaincu les trois autres !
— Si tu souhaites te contenter de terrasser tes ennemis, alors équipe-toi d'une vulgaire massue, où toute autre arme barbare. En l’instant je ne vois qu’une créature maladroite qui se réfugie derrière le bout de métal lui servant de dague. Et tu utilises cette dernière pour nous tuer, sans grande connaissance de cause.
— Qu’est-ce que tu en sais ?! Tu es un monstre qui manie une lance, tu ne peux pas comprendre !
Le Centaure plissa les yeux.
— Tu aurais tort de me sous-estimer, dans mon monde originel je suis un puissant maître d’armes. Et en l’occurrence, n’êtes-vous pas vous-mêmes les monstres ? Vous qui pénétrez dans notre habitat et nous massacrez pour notre magie.
—Ton monde originel ? répéta Aoi. De quoi parles-tu ?
Le Pokémon était perturbé par toutes les paroles de la créature, et avant de pouvoir comprendre chacune d'elles, ne parvenait pas à se faire à l'idée qu'un monstre était en train de lui parler, de le critiquer, et de lui exposer sa vision des choses. Dès le moment où le premier aventurier de ce monde avait pénétré dans le dédale sous-terrain, les créatures y habitant avaient été considérées comme des bêtes sanguinaires, dont le seul sens était la mort. Cette idée était ancrée dans notre civilisation, et tuer ces monstres était une chose normale, à laquelle n'importe qui était invité, du moment que le Pokémon possédait l'envie de risquer sa vie, et la force nécessaire.
— Comme je le pensais, reprit l’équidé, tu sembles perdu. C’est à se demander si tu sais même pourquoi tu arpentes ces tunnels. Quelle est ta raison pour nous tuer ?
Le Grenousse ne sut quoi lui répondre, et se contenta de baisser les yeux.
— Tu as encore le temps pour trouver ces réponses, mais sache que si tu ne peux trouver une raison valide, il est probable que tu te perdes dans tes désirs. Au passage, l’arme que tu tiens est remplie d’une partie de l’énergie du Donjon. Il semblerait que ce soit fréquent, mais un être aussi frêle que toi ne le supporteras peut-être pas.
Aoi s'adossa à un mur, et se laissa tomber au sol.
—C’est une arme maudite, c’est ça ?
—Maudite ? répéta l’autre. Je ne le vois pas du même œil. Puisqu’elle provient de cet endroit, je la considère plutôt comme une arme « sainte ».
— Je vois... Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas, dit le Grenousse. Tu es un monstre, et à chaque fois que l'on vous tue, d'autres réapparaissent, comme si votre vie ne se résumait qu'à ça. Alors pourquoi sais-tu autant de choses ? Ne me dis pas qu'au niveau six, personne ne t'a jamais vaincu, ou que tous ceux de ton espèce sont pareils !
La créature sourit et ferma les yeux.
— Laisse-moi t'offrir les réponses que tu mérites. Tout d'abord, bien que nous soyons des êtres dotés d'une intelligence incroyable, seuls les plus puissants sont suffisamment intelligents pour parler. Ensuite, je ne suis pas d'origine assigné à cet étage, mais comme la nuit, aucun – ou presque – aventurier ne vient dans le Donjon, je peux me déplacer à ma guise. Enfin, nous n'apparaissons pas par magie. Nous vivions dans un monde appelé Demonia, dans lequel est toujours rattaché notre âme. À la suite de la création des Donjons nous avons été transportés ici, et maintenant, il nous est impossible de le regagner. Enfin, j'ai évidemment déjà été vaincu, mais en tant que maître de niveau, on pourrait dire que je suis immortel : bien que je meure des dizaines ou des centaines de fois, mon corps et mon esprit sont obligés de revenir pour assurer la protection du Donjon. Je ne sais pas pourquoi nous sommes emprisonnés ici, mais nous représentons la lumière qui vous aidera, et les ténèbres qui vous engloutiront. C'est à dire que nous pouvons vous apporter les réponses à pourquoi vous existez ainsi que des richesses, ou nous pouvons décimer votre espèce.
A ces mots, Aoi pensa au cas d'Azama, le boss du niveau cinquante, qui avait éliminé bon nombre d'aventuriers, comme Agnil, le général de Kyogre. Parallèlement, le Centaure disait vrai : tuer des monstres permettait d'obtenir leurs pierres d'âmes, échangeables ensuite contre de l'argent, mais que signifiait-il par des « reponses » ? La créature quadrupède profita du silence pour observer le visage du Pokémon, puis tourna les talons.
— Où... Où vas-tu ? s'exclama Aoi.
— Je n'ai rien d'autre à faire ici.
— Mais on doit s'affronter, je te rappelle !
— Tu es encore trop faible pour te mesurer à moi. Reviens me voir quand tu seras davantage déterminé et préparé.
— A... A quel étage te trouves-tu ?
Le Centaure s'arrêta et tourna la tête en direction du Grenousse.
— Je suis le maître du dixième étage.
Lorsqu'il eut disparu dans l'obscurité, Aoi soupira et contempla le plafond voûté, constellé de centaines de minuscules cristaux. Moi qui pensais pouvoir exploser le boss... Rien que le voir était intimidant... Tandis qu'il se relevait, son regard se posa sur son arme, qu'il tenait toujours. Comment ça, je suis ridicule avec elle ? Et c'est quoi cette histoire de monde originel ? Il y a trop de questions sans réponses, bon sang !
— Bien, murmura-t-il, chaque pierre d'Arnius me rapporte cinq mille Pokédollars, et j'en possède quatre, ce qui m'en fait vingt mille. Je n'ai absolument aucune idée de combien peut coûter une maison, mais je pense que je peux tuer encore deux ou trois lézards à cet étage, le temps de trouver l'escalier, puis je descendrai. De toute manière, j'ai prévu assez de nourriture pour tenir plusieurs jours, alors ça devrait aller. Toutefois, j'ai peur de ne pas pouvoir passer le dixième étage, si c'est vraiment lui le boss...
Ajustant sa sacoche, il se releva et prit la direction du couloir qu'avait emprunté le Centaure, espérant qu'il le mènerait jusqu'à l'escalier. Sa victoire contre les trois Arnius prouvait qu'il avait progressé, mais il était toutefois frustré de ne pas avoir pu se mesurer au quatrième monstre, qui l'avait jugé trop faible. Que dois-je faire pour devenir plus fort ? songea-t-il, crispé. Il regarda sa lame verdâtre accrochée à sa taille.
Au coin du couloir apparut un lézard, qui attaqua immédiatement Aoi. Ce dernier esquiva le coup et découpa le monstre en deux. Ramassant la pierre tombée au sol, il se rappela son premier affrontement avec cette créature, alors muni d'une dague de débutant et d'une épée de mauvaise qualité.
Heureusement, j'ai progressé depuis, soupira-t-il.
Il tourna ainsi en rond pendant une vingtaine de minutes, tuant les monstres qui apparaissaient, avant d'enfin trouver l'escalier menant au septième étage. Il s'assit sur la première marche, et entreprit de compter le nombre de gemmes, qui s'élevaient au nombre de huit, soit plus que ce qu'il prévoyait. Comme les pierres n'étaient pas particulièrement grandes, sa sacoche n'était pas encore remplie à la moitié. Satisfait de sa récolte, il entama sa descente, prenant garde à ne pas tomber tant l'escalier était raide.
Le niveau qu'il venait d'atteindre était nettement plus illuminé, non pas par de minuscules étoiles, mais par d'énormes cristaux plantés au plafond et aux murs. A peine posa-t-il un pied au sol qu'un hurlement de loup lui parvint. En effet, d'un des couloirs apparut un monstre semblable à un Darkwolf, plus gros et avec un pelage rouge foncé. La créature poussa un autre hurlement, et se jeta sur Aoi, qui l'esquiva de justesse. Mais l'autre était plus rapide, et en éclair, attrapa le bras du Pokémon, qui laissa échapper un cri de douleur. Le loup le jeta plus loin, avant de nouveau de foncer vers lui. De sa gueule jaillit un flot de flammes qui visèrent le Grenousse. Celui-ci tenta un Pistolet à Eau pour le contrer, mais les flammes prirent le dessus et le blessèrent.
Bon sang, qu'est ce qui se passe ?! C'est juste un monstre du niveau sept ! Lentement, la créature s'approcha du Pokémon à terre, et le regarda. Son bras droit en charpie, il n'était pas en mesure d'utiliser son arme, qui gisait un mètre plus loin. Flairant l'odeur du sang, d'autres monstres de la même espèce s'approchèrent, et Aoi fut bientôt entouré par cinq Hellwolf, salivant à la vue de leur plat.
Sentant sa fin approcher, l'explorateur ferma les yeux, décidé à ne rien voir. Mais tandis qu'il percevait la chaleur des monstres de plus en plus proche, une secousse le fit sursauter. Les loups s'écartèrent, et il les entendit couiner avant de s'effondrer près de lui. Troublé, il ouvrit les yeux, et découvrit devant lui une Kirlia, semblable en tous points à Elna, la Danseuse Féerique.
— Qu'est-ce que tu fais dans le Donjon à cette heure ? soupira-t-elle. Et à ces étages, en plus ? Considérant ta force, tu ne peux rester qu'au premier étage.
Aoi ne répondit pas, écarquillant les yeux.
— Hé, tu m'entends ?
— P...Pourquoi ?
L'aventurière afficha une mine surprise.
— Pourquoi es-tu là ?! s'écria le Grenousse.
— Du calme, soupira-t-elle une nouvelle fois. Tu devrais plutôt me remercier de t'avoir sauvé, au lieu de me crier dessus.
— Non... Tu ne comprends pas ! Ce n'est pas à toi de me sauver ! Personne n'a à le faire !
Ses yeux s'embuèrent et il réprima un premier sanglot.
— C'est une partie de mon travail de sauver les civils, répondit-elle, même s'ils sont bornés et qu'ils n'ont pas conscience du danger autour d'eux.
— Alors je vais te rassurer, je ne suis pas un civil, et c'est MON travail de te sauver, toi et les autres ! Il y a quelques jours, tu as tenté de briser toutes mes convictions en critiquant les guildes, mais ça n'a pas marché ! Tu vois, un jour viendra où tu seras en danger, et tu seras bien contente quand un explorateur viendra te porter secours !
— Ce jour n'arrivera pas, fit-elle sèchement.
Elle tourna le regard et aperçut la dague, au sol.
— C'est à toi, ça ? Elle m'a l'air chère, qui te l'a donnée ?
Aoi l'ignora et ouvrit de son bras valide sa sacoche, pour en sortir des bandages, qu'il enroula tant bien que mal autour de sa blessure.
— Pourrais-tu m'envoyer mon arme ? demanda-t-il à la Kirlia.
Celle-ci lança alors la lame, qui tournoya vers le Pokémon assis. Ne quittant pas l'aventurière des yeux, d'un air de défi, il attrapa l'arme en plein vol, ce qui ne manqua pas de surprendre l'autre.
— Je ressens la magie du Donjon à l’intérieur… Est-ce une arme maudite ?
— Je ne sais pas… C’est peut-être plus probablement une dague sainte.
— Une sague sainte ?! répéta-t-elle. Ça n'existe pas, imbécile ! Tu ne sais pas ce que c'est !
— Parce que toi, tu le sais, peut-être ? rétorqua-t-il. Je vais être honnête, je ne la connais pas totalement. Je ne sais pas de quoi il en retourne… Mais je suis convaincu que j’ai encore beaucoup à apprendre !
Tout en parlant, il se remémorait les dires du Centaure. Bien qu'il ne fût pas totalement convaincu par tous ses propos, il devait y avoir une grande part de véracité, et le fait que Pokémon et monstres de Demonia considèrent une arme qu'ils côtoient de deux façons différentes renforçait sa conviction.
— C'est bien ce que je dis, tu es borné. Maintenant que je t'ai sauvé, tu n'as plus qu'à me remercier.
— Je ne t'ai jamais demandé de me sauver !
— Tu me remercieras plus tard, répondit Elna.
— Non, c'est toi qui me remercieras, quand je viendrai te sauver. Tel est mon travail d'explorateur : secourir les aventuriers en danger.
— Ah, te voilà, Elna, fit une troisième voix. Arrête de courir dans tous les sens, bon sang...
Un Simiabraz émergea d'un couloir, et rejoignit les deux Pokémon. Il semblait puissant et autour de son corps dansaient quelques flammèches.
— C'est toi, Adrian, fit l'intéressée. Désolée, je devais sauver une créature en détresse.
Le singe regarda Aoi, assis à terre, et fronça les sourcils.
— Mais je te reconnais, toi ! Tu es le petit chanceux dont on parle, en ville ! Ta mousse rouge me disait quelque chose !
— Le petit chanceux ? demanda le Kirlia.
— Tu débarque enfin, toi, soupira Adrian. A ce qu'il paraît, ce petit gars aurait sauvé toute une équipe d'aventuriers à lui seul de l'Arnius, sans bénédiction ni arme particulièrement forte. Ensuite, il les aurait remontés jusqu'à la sortie. C'est bien ça ?
Aoi hocha la tête, heureux que l'on parle de lui. Elna, à côté, semblait surprise.
— Enfin bon, reprit le Simiabraz, ça semble tiré par les cheveux, tout ça. A ma connaissance, il n'y a qu'un seul Pokémon qui a réussi un tel exploit.
— Qui... Qui était-ce ? fit le Grenousse.
— Le grand Agnil. Dans le cas où ce n'est pas qu'une coïncidence, ce n'est pas forcément le pied pour toi... Sinon, que fais-tu ici, en pleine nuit, tout seul ?
— Je... J'avais besoin d'argent.
Adrian éclata de rire en entendant la raison du Pokémon.
— L'argent, hein... En effet, quand tu as commencé à boire, tu ne peux plus t'arrêter, hein !
— Non, fit Aoi. Si j'en ai besoin, c'est pour faire construire un nouveau QG ! Le nôtre a été brûlé tout à l'heure...
L'autre cessa de rire et reprit un air sérieux.
— Il me semblait bien avoir entendu ça, en effet. Qui en sont les auteurs ?
Le Grenousse fut étonné de l'intuition du Simiabraz ; à moins d'avoir assisté à l'incendie, il était difficile de présumer un acte criminel.
— Ils disent s'appeler la M-Team... Je jure de leur faire payer... !
L'aventurier sourit.
— Vous êtes faibles, V-Team, dit-il, mais vous vous retrouvez ainsi face à votre destin. Vous avez fait la rencontre de votre némésis, alors battez-vous pour gagner.
— Comment connais-tu le nom de sa Guilde ? demanda Elna, troublée.
— Car Victini et Roscoe sont de bons amis à moi ! Bon, ma petite Kirlia, il est temps de remonter ; ce Pokémon peut se débrouiller seul, il n'a pas besoin de nous.
Il s'approcha d'elle et posa ses mains sur ses épaules pour la pousser à avancer, mais elle refusa.
— Attends, fit-elle, je n'en ai pas fini avec lui !