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Calendrier de l'Avent 2019 de Comité de lecture



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» Auteur : Comité de lecture - Voir le profil
» Créé le 19/12/2019 à 20:26
» Dernière mise à jour le 19/12/2019 à 20:26

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Jour 17 : La sorcière de la forêt enchantée, par ShiroiRyu
Froide journée d’hiver. La neige abat son manteau blanc dans les ruelles d’une ville aux bâtiments délabrés. Certains ne tiennent que par la volonté d’un être supérieure, bon nombre d’hommes et de femmes se dépêchent d’accélérer leurs pas pour rentrer dans leurs maisons chaudes et accueillantes. Seul un enfant est là, nez et mains posés contre la vitre d’un magasin. Malgré ses haillons et les légers tremblements qui parcourent son corps, il ne semble pas se préoccuper du froid qui l’habite.

Ses yeux bleus fixent avec ardeur et envie l’objet de ses convoitises de l’autre côté de la vitre. Un objet circulaire, dont le bout se repliait sur lui-même, prenant la forme d’une canne. Un objet de couleur blanche, parcourue par des lignes rouges. Un objet fait de quelques morceaux d’orge et qui pourtant en portait le nom malgré qu’il était constitué majoritairement de berlingot.

« Zou, du balai, vaurien ! Si tu n’as pas l’argent, je n’ai rien pour toi ! » s’écria soudainement la voix d’un homme d’un âge mur bien qu’il avait déjà les cheveux grisonnants. Ayant ouvert la porte de sa boutique, il s’adressait à l’enfant qui sursauta, laissant paraître des cheveux bruns en épis mal coiffés et salis par la boue.

« Je je je... » commença à balbutier l’enfant qui n’avait pas plus de six à sept ans.

« Pas de je ! Fous le camp avant que j’appelle la milice ! » l’enfant se carapatant comme s’il avait un Grimalin qui le poursuivait. Ce n’était pourtant que les aboiements d’un Voltoutou, assis à côté de l’homme qui se firent entendre.

Courant à en perdre haleine, l’enfant ne s’arrêta que lorsqu’il se retrouva face à une masure : celle où il habitait. Pénétrant à l’intérieur, une légère odeur d’urine et d’alcool vint parcourir ses narines, lui faisant légèrement froncer les sourcils. Malgré l’habitude, il avait toujours cette réaction jusqu’à ce qu’une forte voix se fasse entendre :

« C’est toi, Rikos ?! RAMENE TOI ET VITE ! Putain de bouche à nourrir à la con ! »

La voix était un peu chevrotante et bien qu’un léger souffle de vent passait à travers l’espace brisé d’une fenêtre de la pièce, c’était la peur qui parcourait le corps de l’enfant. Tout penaud, il arriva jusqu’à une autre pièce où des échardes en bois étaient présentes un peu partout. Malgré ses savates, il poussa des petits gémissements en sentant certaines d’entre elles traverser le faible tissu recouvrant ses pieds.

Assis sur une chaise, une bouteille vide couchée sur la table, un homme au ventre bedonnant et aux habits salis par l’alcool, le bois et la crasse, était en train de tailler grossièrement ce qui semblait être des petites figurines en bois. Des fois, il lui arrivait de tendre le bois en direction d’une petite créature humanoïde de couleur jaune mais dont une immense bouche violette, celle-ci claquant sa mâchoire « dorsale » pour taillader le bois.

« Tsss … T’es vraiment inutile, Rikos. T’es en âge de bosser hein ? Alors, tu vas commencer à rapporter de l’argent si tu veux continuer à vivre sous mon toit. »

« Mais j’ai… mais j’ai… j’ai juste... »

« PAS D’EXCUSE HIPS ! » s’écria l’homme avant de lui donner une baffe si forte que l’enfant tomba au sol en même temps que la bouteille provenant de la table, se brisant en de nombreux morceaux de verre.

« Hey, fais gaffe ! Ne va pas nous l’abîmer non plus ! On en a besoin ! » dit une voix féminine.

« Ouais, t’as raison… Mais va falloir qu’il comprenne que ça se mérite de manger chez nous. Pour la peine, t’iras ramasser les morceaux de la bouteille que tu as fait tomber avec les mains si tu veux tenter d’avoir à manger ce soir. Et demain, t’as intérêt à ramener de l’argent, compris ? »

« Et arrête de sangloter, c’est horrible à regarder. Comment est-ce que j’ai pu mettre un enfant aussi laid ? » reprit la voix féminine, finissant par paraître dans la pièce à son tour.

Tablier crasseux, nez allongé, , tissu blanc sur la tête pour ne pas salir ses cheveux abîmés par le temps, elle renifla bruyamment avant de passer sa main pour éponger la morve qui s’écoulait de son nez, venant se nettoyer sur son tablier.

« Et vous avez intérêt à vous laver les mains correctement, vous deux, bande de malpropres. La bouffe sera prête d’ici quelques minutes. Ah oui, ne compte pas avoir de la viande ou du lard, Rikos, faut le mériter. »

L’enfant ne fit qu’hocher la tête en silence, comprenant parfaitement qu’il ne pouvait pas s’exprimer. D’ailleurs, s’il tentait de parler, il finissait toujours par recevoir des baffes et des claques alors… il évitait. Alors qu’il ramassait les morceaux de verre à la main, son père s’était levé de sa chaise avant de partir vers la cuisine.

Laissé seul avec la Mysdibule, l’enfant déglutit. Il savait bien que ce pokémon était effrayant. Sa grande mâchoire était capable de tout dévorer et elle pouvait faire qu’une bouchée de sa part. Pour autant, elle le regardait, comme si de rien n’était, avant de lui tourner le dos. Sans un cri de sa part, elle avait alors utilisé son imposante bouche pour dévorer les morceaux de verre et les broyer complètement. Malgré cela, il n’osait pas s’approcher d’elle ou la remercier. Elle le regarda pendant quelques secondes, l’enfant faisant de même… puis plus rien.

« Mysdi... »

Elle lui demandait d’aller se rendre à la cuisine pour manger un bout. Il se décida à la suivre, finissant par arriver alors que ses parents étaient déjà en train de manger sans même chercher à l’attendre. De plus, il n’y avait que deux chaises pour eux, l’enfant étant obligé de manger dans une gamelle aussi sale que celle du pokémon. À l’intérieur se trouvait une bouillie dans laquelle il trempa une main avant de se mettre à manger en regardant avec désir le morceau de lard que son père était en train de dévorer. Un morceau assez gros pour être partagé et pourtant…

« Je peux savoir ce que tu regardes ? Tu penses quoi ? Que t’as le droit d’avoir de la viande ? Ne t’avise même plus de m’observer, compris, le morpion ? Si on te garde, c’est bien parce que tu peux rapporter un peu d’argent sinon, on t’aurait déjà abandonné dans la forêt enchanté. Tu sais ce qu’on dit sur elle hein ? Que ceux qui s’y perdent n’en ressortent jamais, dévorés par les pokémon qui l’habitent. Oh, et le pire d’entre eux hein ? Tu finiras en charpie ALORS MANGE ! »

Et il mangea, mangea, effrayé et terrorisé par les propos de son père. Il ne savait pas s’il mentait ou non, mais ce n’était pas la première fois qu’il entendait cela. Dehors, il écoutait aussi les quelques rumeurs et il avait bien entendu ce genre de choses et il ne voulait pas se faire dévorer ! Lorsqu’enfin, il était l’heure de dormir, il était alors allongé dans de la paille. Ce n’était pas une condition pour vivre pour un enfant comme lui mais combien de garçons et filles comme lui subissaient le même traitement dans les quartiers pauvres de la ville ? Il savait qu’ils étaient très nombreux, il en était sûr et certain. Sinon… pourquoi est-ce que ses parents lui feraient subir cela ? Il n’y aurait aucune explication. Tremblant de froid, il sentit à peine le corps de la Mysdibule qui venait se coller à lui, son immense gueule s’ouvrant à peine pour venir se refermer sur lui.

Pourtant, au réveil, il était toujours entier et surtout, il avait évité de pousser un cri car il savait que cela énerverait encore plus ses parents. Quittant la paille, il enfila rapidement ses godasses à toute allure avant de quitter la demeure. Malgré la fraîcheur matinale, il était déjà en train de parcourir les ruelles de sa présence, finissant par s’arrêter à nouveau devant la même boutique qu’hier. Celle-ci n’était pas encore ouverte mais la vitrine était toujours là.

« Bon sang, mais t’es encore le gamin d’hier ?! Je croyais t’avoir dit de... »

« VOL VOL ! » aboya le Corgi aux capacités électriques alors que Rikos se protégeait aussitôt le visage avec ses mains. Il avait entendu une voix sur sa gauche, le vieil homme étant venu sur son lieu de travail et l’avait remarqué.

« Qu’est-ce qui te prend ? Pourquoi est-ce que tu mets tes mains comme ça ? Je vais pas claquer un gamin qui tienne à peine debout. Hey, mais attends un peu, c’est quoi ça ? »

Le vieil homme s’était rapproché de lui, lui forçant à retirer les mains de son visage, remarquant le bleu à l’oeil gauche avant de dire :

« Mazette, c’est pas joli joli à voir ça. Bon, suis moi, tu vas m’expliquer un peu ce qui se passe. »

Et il l’avait pris par le bras, le tirant à l’intérieur avant de le faire s’asseoir. L’enfant, complètement terrorisé, n’osait pas relever son visage du sol au bois parfaitement taillé. Il ne pouvait voir que le Voltoutou couché à ses pieds, parlant à peine en expliquant ce que ses parents lui réclamaient.

« Alors, comme ça, il te faut juste un petit travail quotidien ? Forcer un gamin de ton âge à bosser, y en a qui ont vraiment pas honte. Et j’ai vu à quel point tu étais intéressé par mes confiseries. Je pourrais bien te proposer un petit travail MAIS ATTENTION ! »

L’enfant sursauta sur le coup en entendant la voix qui s’élevait, se recroquevillant sur sa chaise, cachant son visage dans ses genoux pour ne pas se prendre une nouvelle beigne.

« Je serais intransigeant. Si je te vois en train de voler un bonbon, c’est la porte, compris ? Et tu seras payé à chaque fin de journée, suivant ce qu’on a vendu. Par contre, j’attends de toi un travail exemplaire, compris ? Et tu auras un repas entre les heures de travail. »

« O… Oui… Mais mais mais… pourquoi vous faites ça ? »

« Pourquoi est-ce que j’aide un gamin dans le besoin ? Je sais pas… Peut-être parce que mon Voltoutou n’est pas effrayé par toi ? Il est doué pour savoir si une personne a de mauvaises intentions ou non. »

« VOL VOLTOU VOL VOLTOUTOU ! »

Le chien continua d’aboyer avec fierté alors que l’enfant finissait enfin par relever son visage parcouru par les larmes. Est-ce qu’il… pouvait vraiment faire ce que l’homme lui demandait ? Il n’en savait rien du tout mais il allait se donner à fond !

« Bon d’abord, par contre, on va d’abord te faire te laver. Va dans la salle arrière, il y a des habits d’enfant et tu vas ensuite passer un peu d’eau sur le visage. Je veux que l’eau soit brune quand j’irais te voir, compris ? »

Encore une fois, l’enfant ne fit qu’hocher la tête positivement, ne sachant pas vraiment quoi faire d’autre. Il se dirigea vers la salle arrière, remarquant un imposant bac d’eau qui était déjà un peu ternie, signe que le vieil homme l’avait utilisé auparavant. Peut-être même était-ce de l’eau qui datait d’il y a quelques jours ?

Pour autant, il avait continué à obéir calmement, frottant son visage plusieurs fois avec de l’eau et ce qui semblait être un torchon déjà utilisé. Plusieurs minutes s’écoulèrent et lorsqu’il revint auprès du commerçant, il portait les habits dont il avait parlé.

« Je… Je suis prêt. Je veux bien vous écouter. »

« Alors, on va commencer. Tu vas devoir retenir le nom de chaque confiserie lorsqu’il faudra servir les clients. »

Et commença alors un apprentissage, long, entrecoupé par les commandes des clients. Il était présenté comme l’apprenti du confiseur tandis qu’il restait parfaitement muet ou presque. Il ne parlait que pour saluer et dire au revoir. Mais il était un apprenti obéissant et sage. Il écoutait tous les propos de son maître et faisait tout pour éviter de le contrarier. À la fin de la journée, il avait commencé à se rhabiller.

« Tu peux garder ces vêtements. »

« Non… Non… Ce n’est pas une bonne chose. Merci beaucoup. »

Et il était parti après avoir reçu plusieurs pièces pour son travail. Il avait demandé s’il pouvait revenir demain et le vieil homme lui avait alors signalé qu’il allait l’attendre dorénavant. Lorsqu’il revint chez ses parents, ces derniers étaient stupéfaits de voir plusieurs pièces qu’il déposa sur la table. Le père s’exclama :

« Non mais comment tu as eu ça ? T’as trouvé ces pièces par terre ?! »

« J’ai… travaillé. Ce sont des pièces… pour le travail. »

« Ah c’était pour ça qu’on t’a pas vu à midi hein ?! Au moins, ça fait un repas en moins à te filer ! Mais quel est l’idiot qui a voulu d’un pouilleux comme toi ? BAH ! En fait, je ne veux même pas savoir, je m’en fous ! »

« Des pièces ! On va pouvoir nous acheter de la viande ! Quant à toi, peut-être qu’on pourra te filer un tissu pour te couvrir quand tu dors. »

Ses parents étaient heureux… alors il était heureux. Même la Mysdibule ne semblait pas autant effrayante qu’auparavant. Il avait réussir à s’endormir facilement alors que la pokémon continuait de veiller sur lui sans qu’il ne le sache réellement. Au petit matin, il s’était réveillé et il était reparti chez le confiseur.

« Alors, comme ça, c’est votre nouvel apprenti ? Eh bien, il ressemble un peu à votre... »

« Je voudrais bien que dire qu’il n’y a aucun rapport mais oui, c’est exact. Il porte si bien ses vêtements et puis… j’ai bien vu qu’il a besoin de moi. Je ne peux plus m’occuper de lui donc je tente de permettre à cet enfant de trouver un meilleur avenir. Alors, qu’est-ce que je peux faire pour vous aujourd’hui ? » coupa doucement le confiseur alors que Rikos était maintenant en place.

Il n’avait pas entendu toute la conversation entre le confiseur et le client mais il avait remarqué que seules des personnes fortunées venaient ici assez souvent. Heureusement qu’il avait des vêtements propres sinon, il risquait d’être pris pour ce qu’il était réellement.

Mais après deux semaines, il avait retrouvé des couleurs et surtout, il parlait peu à peu aux clients. Bien qu’il ne voulait pas porter ses habits de travail hors de la confiserie, son argent allait toujours chez ses parents et même s’il ne mangeait pas aussi bien qu’eux, il pouvait quand même avoir un repas correct le midi chez le vieil homme.

« Dis-moi, est-ce que tu veux bien m’accompagner aujourd’hui ? J’ai… besoin de me rendre quelque part. Ne t’en fait pas, tu seras payé. »

Il avait accepté, intrigué par les propos du vieil homme alors qu’il se demandait où il voulait se rendre. La boutique n’était pas ouverte et ils avaient marché, marché, marché, pendant peut-être trente minutes, voire une heure. Et une boule s’était nichée dans sa gorge alors qu’ils étaient pourtant accompagnés par le Voltoutou du confiseur.

« Nous y voilà. »

Une simple tombe, non-loin de la forêt enchantée. Il avait cligné des yeux, regardant autour de lui. Ils étaient assez éloignés du village mais pas trop. À une trentaine de mètres, la forêt était visible. Une magnifique forêt qui n’attendait qu’à être visitée et pourtant….

« La tombe de mon petit-fils. Il te ressemblait comme deux gouttes d’eau, Rikos. Il est mort d’une maladie alors qu’il se promenait non-loin d’ici. Son coeur a toujours été si fragile mais… il adorait cet endroit et plusieurs fois, il venait jouer par ici, tout seul, avec les pokémon des environs. Ses parents l’avaient abandonné, en signalant qu’ils n’avaient pas les moyens de s’occuper de lui. J’ai coupé les ponts avec mon fils et sa femme. Il était adorable comme tout… Ma chère et tendre était encore de ce monde à cette époque mais… cette boutique était tout pour nous et lui. Aujourd’hui était l’anniversaire de sa mort. Tu sais, Rikos, on dit que cette forêt emporte les gens mais c’est à faux. À mes yeux, elle est là pour guider ceux qui sont morts vers un endroit meilleur. C’est ce que je veux croire. »

Il n’avait pas dit un seul mot, écoutant juste la longue tirade du vieil homme avant de juste poser une main sur son épaule. Il ne comprenait pas du tout… mais il savait qu’il était triste. Et il ne voulait pas voir cet homme triste, surtout pas lui. Le vieil homme lui avait alors raconté que le jour où il avait vu son petit-fils, allongé sur le sol, il avait cru se sentir observé par un pokémon, à travers la forêt. Comme un protecteur… ou quelqu’un qui était là pour le juger.

Et ensuite ? Eh bien, il avait eu de l’argent, plus que nécessaire. Et l’homme avait commencé à lui montrer et lui expliquer comment fabriquer des confiseries. Il ne savait pas lire et écrire, mais le vieil homme s’occupait de lui avec affection et amour, chose qu’il n’avait jamais obtenu de la part de ses parents.

« Ça va faire un an que tu bosses là-bas ! Il va falloir que tu commences à ramener plus d’argent ! Qu’importe la façon, je m’en fous ! »

« Hey, ne t’en prend pas au gamin. C’est pas de sa faute s’il gagne plus que toi et que les affaires marchent pas ! » s’exclama sa mère alors qu’il était rentré d’une nouvelle journée d’apprentissage. La baffe qui vola sur le visage de sa mère l’avait fait chaviré sur le côté.

« Ta gueule, grogniasse ! Si tu le prends comme ça, je te rappelle que t’en branle pas une ! Et je parle même pas de tes devoirs au lit ! Redis-le ça encore une fois et je t’aligne ! »

Sa mère avait hoqueté sur le coup, encore abasourdie par la baffe reçue avant d’obtempérer. Lui ? Il n’avait rien dit. Il ne se sentait pas bien ici… pas bien du tout. Et il avait écouté les paroles de son père. Voler monsieur Onor ? Lui qui avait accepté de le prendre comme apprenti ? C’était tout simplement impossible !

Pour la première fois, il avait alors attendu que la Mysdibule s’installe à côté de lui avant de lui parler en chuchotant. Pour la première fois, il avait compris à quel point elle avait été là depuis le début. Si elle était encore présente actuellement, c’était pour lui et pas pour son père. Car elle avait pressenti qu’elle était la seule personne qui se sentait concernée par lui. Il avait serré la petite créature dans ses bras avant de sombrer dans le sommeil.

« Eh bien, Rikos. On dirait que tu as mal à te concentrer, aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

« Je… Je suis désolé… monsieur Onor. C’est juste… que... »

« Ah, je comptais attendre encore un peu mais j’ai une surprise pour toi. J’avoue, ce n’est pas vraiment un pokemon pour la confiserie mais bon… Je voulais te dire que je compte parler à tes parents et que… Ah ! Attention, je mélange un peu tout. Commençons par le commencement. Voilà d’abord qui je veux te montrer. »

Qui il voulait lui montrer ? L’enfant cligna des yeux alors que le vieil homme l’emmenait dans l’arrière-boutique. Posé sur la table, une étrange créature ressemblant à une flaque de lait qui venait de tomber était présente. Elle le regarda avec étonnement, puis fait un grand sourire en sautillant sur la table pour se rapprocher de lui.

« Je me disais qu’il te fallait ton propre pokémon. C’est une espèce pas si commune que cela. Elle porte le nom de Crèmy. Elle est à toi maintenant. »

« Mon propre pokémon… mais pourquoi ? Euh… Coucou toi ? » dit-il en s’adressant au pokémon, celle-ci venant atterrir dans ses bras.

« Eh bien, je compte parler avec tes parents et te prendre à temps plein chez moi. Cela veut dire que tu vivras avec moi et en contrepartie, tes parents recevront une partie de ta paye en avance, cela sera mensuel. Ils n’auront plus besoin de toi. Alors, content ? »

« OUI… OUI ! MERCI MONSIEUR ONOR ! »

Et il n’avait pas hésité à enlacer le vieil homme qui semblait si heureux et souriant. C’était bien la première fois qu’il voyait l’enfant être autant ouvert dans ses réactions. Et cela lui faisait chaud au coeur. Toute la journée s’était déroulée parfaitement, l’enfant s’étant montré enjoué et présentait son pokemon pendant qu’il servait les clients. Eux étaient amusés de voir l’enfant aussi content.

« Je vais garder ton pokémon avec moi, d’accord ? Dès demain, j’irais voir tes parents pour leur parler. Pour le moment, je vais déjà te donner ton travail de la journée et un petit supplément… et surtout, surtout… tiens. Je l’ai confectionné spécialement pour toi. »

Un sucre d’orge ! Il observa la friandise avec attention. C’était la première fois que le vieil homme lui faisait un tel cadeau. Il lui répétait assez souvent qu’il ne fallait jamais consommer ce qu’ils fabriquaient, de peur de se dégoûter de ses propres créations.

« C’est exceptionnel, hein ? Allez, rentre donc chez tes parents et on se revoit demain ! »

« Je vais juste dire au revoir à Traucrèmy. »

L’originalité n’était peut-être pas son fort mais l’affection qu’il avait envers ce pokémon qu’il ne connaissait pas encore hier était sincère. Il remercia une dernière fois le vieil homme avant de retourner à la maison, tout guilleret.

« C’est à cette heure-ci que tu rentres ?! »

Oh… Il perdit son sourire en écoutant la voix chevrotante de son père. Il avait bu… encore plus qu’auparavant. Lui-même avait totalement oublié ce qu’il lui avait demandé … et en même temps, il ne l’aurait pas fait. Lentement mais sûrement, il dépose les pièces sur la table, plus nombreuses que d’habitude mais pas assez au goût de son père.

« C’EST QUOI CE BORDEL ?! Je t’avais demandé de lui piquer son argent et… Attends un peu ? C’est quoi ça ?! Tu t’es acheté ça avec MON argent ?! »

Et voilà que son père éructait de rage en se relevant, soulevant l’enfant par la gorge d’une poigne où ses doigts s’enfonçaient dans sa gorge. De son autre main, il récupéra le sucre d’orge, les yeux révulsés par la rage produite en majorité par l’inhibition de l’alcool dans le sang.

« T’es vraiment stupide, Rikos. Tu sais bien que ton père et moi avons besoin de cet argent. Pourquoi est-ce que tu n’as pas écouté ce qu’on te disait ? »

Sa mère ne valait pas mieux que son père. Même si elle paraissait plus douce depuis qu’il rapportait de l’argent, il comprenait que c’était la seule chose qui l’intéressait. Et surtout, son cerveau lui envoyait tellement de signaux pour exprimer son manque d’oxygène. Commençant à se débattre, il donna des coups de pied dans le vide jusqu’à toucher le visage de son père, lui faisant lâcher prise. Il tomba au sol, commençant à toussoter, les larmes aux yeux.

« ESPECE DE PETIT SALOPARD ! C’EST COMME CA QUE TU ME REMERCIES ?! POUR T’AVOIR NOURRI ET LOGÉ ?! JE VAIS TE LE FAIRE PAYER ! »

Complètement ivre de colère, l’homme avait éclaté l’une des bouteilles sur la table, tenant le tesson en main avec l’envie d’apprendre les bonnes manières à l’enfant. Celui-ci était déjà en train de reculer, terrorisé puis soudainement, un hurlement se fit entendre, l’homme tombant au sol, sa jambe gauche ensanglantée au niveau de la cuisse à laquelle il manquait un bout.

« MYSDI ! »

L’enfant comprit bien rapidement ce qui se passait lorsqu’il vit la Mysdibule se rapprocher de lui, bouche de derrière recrachant un morceau de chair. Elle lui prit la main, comme pour lui dire de se relever avant de courir avec lui hors de la masure.

Combien de temps avaient-ils couru ? L’enfant n’en savait rien mais c’était lui qui guidait maintenant la Mysdibule, prenant le seul chemin qu’il connaissait à travers les ruelles. Non, ce n’était pas celui menant à la confiserie mais un autre… S’il allait chez monsieur Onor, ses parents risquaient de lui faire mal ! Il ne voulait pas ça !

« Mysdi ? Mysdibule mysdi dibule ? »

La petite pokémon demandait où ils se rendaient. Simplement, l’enfant n’avait qu’une seule idée en tête : mettre un maximum de distance entre lui et ses parents. Finalement, arrivé plus vite que prévu à l’extérieur du village, il se retrouvait avec la Mysdibule à l’orée de la forêt enchantée.

« On va aller là-bas ! On se cachera et puis on attendra que tout se passe bien et puis, je… je... »

Il ne devait pas pleurer maintenant ! Il regarda la Mysdibule une nouvelle fois, l’observant pendant quelques secondes avant de se frotter les yeux et de dire :

« On y va, Didy. On y va vraiment ! »

La pokemon l’observe, interloquée en entendant ce nom. Oui, c’était la première fois qu’il l’utilisait… et pourtant, elle l’appréciait. Jamais les parents de l’enfant n’avaient daigné lui donner un nom. Elle le regarda avec affection avant de pousser un petit cri de joie, s’enfonçant dans la forêt avec lui.

Il ne fallut que peu de temps avant qu’ils ne se perdent. Oui, que ça soit en regardant à gauche, à droite ou même en arrière et il ne savait plus où ils étaient. Même s’il avait peu et froid et surtout faim, il continuait de marcher, la Mysdibule à ses côtés, celle-ci étant sur ses gardes.

« Snif… C’est peut-être mieux non ? Comme ça, nous sommes sûrs que papa et maman ne pourront pas me retrouver. Mais… Mais… Snif… Monsieur Onos… et Traucrèmy... »

Traucrèmy ? La Mysdicule était intriguée mais ne posa pas de question. Comme auparavant, sa priorité était la sécurité de l’enfant qui l’accompagnait et elle allait tout faire pour qu’il retrouve ce vieil homme avec qui il semblait si heureux.

Mais les heures s’écoulèrent et l’enfant comme elle étaient à bout. Ils n’avaient rencontré aucun pokémon dans la forêt, comme si ces derniers les fuyaient. Et il n’y avait rien dans les arbres qui permettraient de nourrir l’enfant. Celui-ci avait d’ailleurs fini par s’écrouler contre un arbre, haletant et épuisé.

« Didy… Il faut que tu… t’en ailles. Tu peux me laisser ici, c’est pas grave. Ce n’est pas… »

« Mysdibule. Mysdibule bule bule mysdi. »

Elle lui demandait s’il se moquait d’elle mais elle comprenait que l’enfant n’était même plus en état de converser. Les mauvais traitements, le corps si affaibli par le manque de repas correct le soir, tout cela jouait sur le mental comme le physique de Rikos.

« Mysdi… Mysdibule mysdi... »

Elle comprenait alors que c’était tout simplement le bout du voyage. Elle pouvait alors se décider à l’accompagner, pour qu’il ne soit pas seul jusqu’à la fin. Elle revint auprès de l’enfant, se nichant dans ses bras avant de fermer les yeux. De son petit corps, elle allait juste lui offrir encore un peu de chaleur.

Et puis plus rien. Les deux êtres, trop affaiblis par le voyage et les évènements, étaient maintenant plongés dans l’inconscience. Ne pouvant remarquer l’ombre longiligne qui se rapprochait d’eux, celle-ci se positionna à leur niveau avant que ses yeux ne deviennent roses.

« Hmmm … hein ? Où est-ce qu’on est ? »

L’enfant avait commencé à remuer, ouvrant ses yeux pour observer le ciel. Un ciel recouvert par les branches des arbres. Mais il n’avait plus froid. Et aussi, il entendait le souffle court de la Mysdibule à ses côtés.

« Tu es en sécurité, petit enfant humain. J’ai lu dans tes pensées. »

Il sentait comme une main se poser sur son crâne mais cela ressemblait plus à une chevelure comme celle d’une queue-de-cheval. Relevant les yeux, il remarqua l’étrange créature qui l’observait, grande de plus de deux mètres. Ses yeux noirs virent au rose pendant quelques secondes alors qu’il se retrouvait face à une pokémon qui était droite comme un i.

« Tu as souffert. Tu vivras ici, avec moi. Elle aussi. »

La créature lui parlait encore mais comment ? Aucun son ne sortait de sa bouche et pourtant, il l’entendait dans sa tête. Plongé dans l’incompréhension, l’enfant tentait d’obtenir des réponses avant de sombrer à nouveau dans l’inconscience, aidé par les pouvoirs psychiques de de la créature à la coiffe ressemblant à celle d’une sorcière. Coiffe façonnée par sa chevelure.

« Deux intrus. Intentions mauvaises. Extermination complète. »

Ce n’était pas la première fois qu’elle agissait de la sorte. Cette forêt était son domaine. Bon nombre de personnes se présentaient dans la forêt mais c’était la première fois que son corps exprimait une telle réaction. La haine qui débordait des deux êtres qui venaient d’arriver à l’orée ciblait tout particulièrement l’enfant et la Mysdibule qui l’accompagnait.

La Sorcilence disparut subitement, s’étant téléportée jusqu’à l’origine de ce sentiment si mauvais et néfaste. Non-loin de l’entrée de la forêt, deux humains s’apprêtaient à pénétrer à l’intérieur. Un homme et une femme. Un homme dont la cuisse était bandée et ensanglantée.

« On ne va quand même pas y aller ?! Les gens disent qu’il est parti par là mais... »

« ET PUIS QUOI ENCORE ?! Ce petit chien avec cette foutue pokemon me doit la vie ! Mon toit, mes règles ! Je vais lui apprendre ce qu’il… C’est quoi cette face que tu me fais ? »

Il voyait sa femme avec un visage terrifié. Tournant le sien vers ce qu’elle observait, sa bouche s’ouvrit sans qu’aucun son ne sorte de ses lèvres. Et pour cause : devant eux se trouvait une créature colossale, de plusieurs mètres de hauteur, plus de cinq. Longiligne, seuls ses yeux roses brillaient d’une lueur mauvaise.

« La sorcière de la forêt ! Elle est là ! Elle veut tous nous punir ! » murmura une voix, puis une autre et encore une autre, dans tout le village. Dans ce dernier, bon nombre de citoyens regardaient par les fenêtres, observaient au milieu des ruelles, ce qui se dévoilait devant leurs yeux. Ils pouvaient juste voir la colossale Sorcilence faire léviter deux corps ressemblant à des humains dans les airs, comme en spectacle pour le village, leur faire passer un message.

« Sorcilence. » murmura la créature gigantesque, alors que sa voix se diffusait dans l’intégralité de la forêt mais aussi le village. Elle ouvrit une nouvelle fois la bouche, aucun son n’en sortant. Mais pourtant, pour les yeux les plus exercés dans la nuit, tous constatèrent l’horreur qui se passait devant eux. La Sorcilence ouvrait et refermait la bouche plusieurs fois mais à chaque fermeture de la bouche, une partie de l’un des deux corps humains disparaissait.

Comme si la sorcière de la forêt dévorait les deux humains, quelques minutes plus tard, il ne restait plus rien des deux êtres qui avaient osé se rapprocher de la forêt. Le corps de la Sorcilence se pencha alors en avant, comme pour observer le village de toute sa stature, un message mental se transmettant à tous et à toutes :

« Laissez cet enfant tranquille. La forêt est mon domaine. »

Et la voilà qui repartait en arrière, disparaissant au loin. Dès le lendemain, les rares personnes qui étaient restées endormies furent mise au courant. Onos, le vieil homme, avait demandé des nouvelles autour de lui, cherchant à voir s’ils savaient où se trouvait son apprenti. Rapidement, on lui avait appris que les parents et l’enfant ne se trouvaient plus là où ils habitaient normalement et aussitôt, le vieil homme avait compris.

Pendant plusieurs jours, il avait fermé sa boutique, n’osant plus l’ouvrir. Il avait perdu plus qu’un apprenti, il avait perdu un membre de sa famille. Il avait consolé la petite Crèmy, comprenant par là que la pokémon s’était plus qu’attachée au jeune garçon et cela en moins d’une journée. Son Voltoutou chouinait à ses pieds, tout autant inconsolable que lui.

« Peut-être que je suis trop vieux… beaucoup trop vieux… pour cela. »

Il avait alors pris une décision. Tard dans la nuit, alors que tout le monde dormait, il avait pris ses affaires, ses outils les plus importants, quelques matériaux… et les habits qu’il avait si souvent voulu offrir à Rikos mais que l’enfant avait refusé. Il avait demandé aux deux pokémon s’ils voulaient le suivre, tous les deux avaient accepté.

Il s’était dirigé vers l’extérieur du village, à son tour. Il était passé devant la tombe de son petit-fils, faisant une prière avant de s’enfoncer dans la forêt à son tour. Il comptait disparaître là-bas, emporté par la sorcière à son tour, intimant à celle -ci de bien vouloir le réunir avec ce petit fils de substitution, cet enfant qui avait réussi à lui insuffler un peu de chaleur dans son vieux coeur.

Elle était alors apparue devant lui. Bien moins monstrueuse que les rumeurs le prétendaient, elle restait d’une grande taille. Elle s’était rapprochée de lui, elle avait posée sa queue de cheval sur son crâne. Même s’il avait fermé les yeux, s’attendant à sa fin, il tremblait de tout son être. Bien entendu, il avait peur… mais il était soulagé aussi. Plus rien ne le retenait dans ce village.

« Monsieur Onos ! MONSIEUR ONOS ! »

Il avait rouvert les yeux en entendant cette voix qu’il pensait disparue. Le visage parcouru par les larmes, il ne s’était pas intéressé au fait qu’il ne se trouvait plus à l’endroit où il trônait dans la forêt quelques secondes auparavant. La vision de l’enfant qui courait vers lui était ce qui était le plus important à cet instant.

Il avait réceptionné l’enfant, la Mysdibule un peu en retrait tandis que le Voltoutou aboyait avec gaieté, courant autour des deux humains. La petite Crèmy chercha rapidement une place dans les bras de Rikos alors que l’enfant expliquait ce qui se passait au vieil homme. Comment est-ce que la Sorcilence l’avait sauvé de ses parents. Comment est-ce qu’elle l’avait aidé à se nourrir. Comment elle communiquait avec lui. Comment elle était arbitre, juge et protectrice de la forêt. Cela avait pris du temps, beaucoup de temps, mais le vieil homme était souriant, heureux et soulagé de voir que Rikos allait bien. La Sorcilence lui avait transmis un message, uniquement à lui, pour lui signaler la finalité des deux « ombres » qui avaient dévasté la vie de l’enfant avant que celle-ci ne le mène à elle. Il avait promis de garder ce secret jusqu’à sa mort.

L’enfant avait décidé de porter enfin les vêtements du défunt petit-fils du vieil Onos. Quand celui-ci le regarda pour la première fois, les larmes lui étaient montées aux yeux. Les trois pokémon qui accompagnaient Onos et Rikos étaient aussi heureux que les deux humains. La Sorcilence, de son côté, avait pleinement accepté leurs présences à ses côtés.

Les légendes sont bien souvent exagérées. Bon nombre d’histoires racontées par les anciens du village n’ont jamais eu de preuves. Pour autant, malgré les décennies, une légende perdurait : celle d’un vieil homme et de son petit-fils, ayant ouvert une boutique de confiseries dans la forêt enchantée. Accompagnés par leurs pokémon, les deux êtres acceptaient seulement les enfants au coeur pur qui s’étaient perdus dans la forêt.

Les enfants étaient alors emmenés dans la boutique où ils pourront apprécier les différentes confiseries du grand-père et son petit fils. Et lorsqu’il sera l’heure de retourner chez leurs parents, les enfants auront alors un magnifique sucre d’orge, dont la saveur éveillait les sens des enfants, comme pour leur permettre un avenir meilleure.

Guidés par une magnifique Sorcilence, ils pouvaient retrouver leurs parents à l’entrée de la forêt. Intemporelle, la boutique était comme plongée hors du temps, permettant aux deux confiseurs de perdurer pour l’éternité. Ils n’avaient besoin de personne d’autre que les êtres qui leurs étaient proches pour être heureux. Mais ce petit morceau de bonheur, ils le partageaient et il prenait la forme d’un sucre d’orge, l’offrant de bon coeur à ces enfants pour qui la vie n’était pas toujours été facile. Une main tendue tenant une simple confiserie permettait une plus belle vie pour autrui.