Jour 4 : Etoile des neiges, par Sab_elette25
Les flocons virevoltent gaiment sous le ciel étoilé de Frimapic en cette douce soirée d’hiver. Les cheminées crachent leur chaude fumée sur la ville dans un silence parfait. Quelques lueurs se dessinent au travers des fenêtres opaques des habitations. A l’intérieur, Stella termine de débarrasser le dîner tout en surveillant la cuisson de son four. C’est une dame d’âge mûr, à la chevelure tressée argentée et au regard bleu lagon. Les traits de son visage sont fins et doux, un peu marqués par le temps qui passe et la dureté du climat local.
La sonnette d’entrée se fait entendre. Un sourire envahit son visage. Une étincelle de bonheur se lit instantanément dans ses yeux. Elle laisse son torchon de cuisine de côté et s’empresse d’aller ouvrir.
- Mon trésor te voilà. Entre vite, tu as l’air gelée !
- Bonsoir Mamie ! dit la jeune fille en grelotant. J’ai passé une journée horrible, en plus le bateau a eu du retard. Je suis contente d’être enfin arrivée.
Stella retire le manteau de sa petite fille et lui apporte un pull douillet.
- Tu vas me raconter tout ça autour d’un bon lait Meumeuh chaud, murmure-t-elle en lui caressant la joue.
Maria va s’assoir sur le canapé à coté de la cheminée. C’est une adolescente de 15 ans qui s’est lancée le défi de briller à l’Aire de combat. Elle s’est entrainée dur pour cela. Originaire de Joliberges, elle a longtemps étudié les combats et les Pokémon, notamment à la bibliothèque où elle passait tous ses weekend plus jeune. Elle a ensuite sillonné la région de Sinnoh pour parfaire sa technique. Malheureusement son séjour semble avoir tourné court. Et c’est le cœur lourd qu’elle a appelé sa grand-mère dans l’après-midi pour lui demander de s’arrêter avant de retourner à Joliberges.
Stella apporte sur un plateau le lait et les biscuits préférés de sa petite fille, encore tous chauds.
- Oh Mamie, c’est exactement ce dont j’avais besoin. Je les adore tes gâteaux, il n’y a que toi qui sait les faire.
- Je sais bien ma petite. Vas-y mange, il y en a encore.
Maria se sert et commence à expliquer à sa grand-mère ses dernières péripéties, ses doutes, et sa déception.
- Tu sais Mamie, j’ai arrêté mes études pour être Dresseuse. Mes parents vont être fous quand ils apprendront que j’ai échoué. Ils ont accepté à contre-cœur que je parte à l’aventure en me demandant de réussir. J’ai peur de rentrer à la maison…
- Ne t’inquiète pas Maria, tu as toujours mis beaucoup de cœur dans tout ce que tu faisais et c’est bien là le principal. Tu es toute jeune. L’échec n’est pas une fin, c’est une occasion de rebondir et de montrer que tu es capable de te surpasser, de t’améliorer. Si tu aimes ce que tu fais et que tu y prends du plaisir, tu n’as pas besoin d’être la meilleure à tout prix, seulement de donner tout ce que tu as et d’en tirer de la satisfaction, comme tu l’as toujours fait. Suis ton cœur, laisse-toi guider, et garde confiance.
- Merci Mamie. Mais du coup je ne sais plus ce que j’ai envie de faire. Je suis un peu perdue, je me dis que ce n’est peut-être pas fait pour moi. Tu as toujours su ce que tu voulais faire de ta vie, toi ?
Stella contemple Maria et se revoit soudain à son âge. Elle saisit un album photo en bas de la bibliothèque et vient s’asseoir à côté d’elle.
- Cela serait beaucoup trop simple Maria, si l’on savait tout. Et tellement ennuyant ! dit-elle en ricanant. Regarde, tu vas voir que moi aussi dans ma jeunesse je suis allée à l’encontre de ce que l’on attendait de moi.
Maria, intéressée, reprend un gâteau et regarde avec émerveillant le vieil ouvrage de sa grand-mère. Sur la première page apparait un ancien article de journal découpé proprement.
- Quand j’avais 15 ans, je pratiquais la course à ski. Mon père était un ancien skieur professionnel reconnu et voulait le même destin pour moi. Je m’entrainais tous les jours, sans trop me poser de question. Pour moi, rien de plus normal, c’était ce pour quoi j’étais faite. Je remportais régulièrement les tournois régionaux et la presse locale me soutenait. D’ailleurs une compétition plus importante approchait, qui pouvait me permettre d’être reconnue en dehors de la région en cas de victoire. Cette année-là, elle avait lieu à Frimapic.
Stella tourne la page, laissant apparaitre quelques clichés de l’époque où elle arborait fièrement sa combinaison de ski entourée du Blizzi familial et de ses parents.
- Je n’étais jamais vraiment sortie de Frimapic tu sais. Un jour, en me baladant sur le port après un entrainement, je suis tombée sur un journal qu’un passager du bateau avait oublié près d’un muret. Je l’ai ouvert et ai commencé à le lire. C’était visiblement celui d’un explorateur. Il avait parcouru divers continents et illustrait son récit de croquis de Pokemon et de lieux incroyables. Je ne saurais te dire pourquoi, mais pour la première fois de ma vie, je me suis mise à douter. Ça a été comme un déclic. Moi aussi, au fond, j’avais envie de partir à l’aventure, de découvrir le monde.
Stella ressert un peu de lait à sa petite fille.
- Aïe, j’imagine que ça n’a pas dû être simple de convaincre ton père. Qu’as-tu fait ensuite ? demande Maria intéressée par le dénouement.
- Je suis allée voir ma mère, qui tenait la petite boulangerie du village, et lui ai expliqué la situation. C’était une femme compréhensive, avec le cœur sur la main. Elle entendait parfaitement mon point de vue et m’a suggéré d’y aller en douceur avec mon père. Elle m’a proposé de m’envoyer chercher divers ingrédients dans les villes ou régions voisines pour parfaire ses recettes de pains et croissants. Ce qui me permettrait de voyager un peu et surtout de sortir de Frimapic sans éveiller de soupçons. Je devais coûte que coûte m’entraîner pour la compétition à venir, en contrepartie, pour ne pas décevoir mon père.
- C’est super que ta maman t’ait soutenue malgré tout.
- Oui, je lui en serai toujours reconnaissante. Le soir même, nous dînions tous les trois à la maison, et ma mère réussit à convaincre mon père de me laisser effectuer quelques courses pour elle, malgré les réticences de ce-dernier. J’ai dû lui promettre de faire passer le ski et la compétition avant tout, pour avoir un bel article dans le journal national, dont il serait fier.
- Tu as donc fait les deux choses ?
- Au début oui. Je prenais le bateau jusqu’à Oliville dans la région de Jotho pour trouver le Lait Meumeu. J’allais sur les marchés de Poivressel à Hoenn pour récolter divers épices. Je récupérais à Carmin-sur-Mer les aromates de Kanto, et il m’arrivait de traverser le Mont Couronné pour du charbon de Charbourg ou du blé de Bonville.
- Au début … Et ensuite ?
Stella tourne une nouvelle page de l’album. Des croquis de Pokemon et diverses photographies de bâtiments jonchent les pages.
- Et puis, avec la complicité de maman, mes excursions sont devenues des prétextes. Je partais le vendredi soir et revenais le lundi matin à l’aube. J’explorais, me liais d’amitié, et ai même pu participer à des combats Pokémon.
Stella se remémore un instant ces doux moments de liberté.
- Et puis … mon père a tout découvert.
- Oh mince, ça n’a pas dû être simple à lui expliquer. Comment l’a-t-il su ? Et Comment a-t-il réagit ? questionne Maria, désolée pour sa grand-mère.
- Il a été extrêmement déçu. Un lundi matin, il y avait trop de glace au port de Frimapic pour que le bateau puisse accoster. Mon père inquiet de mon absence est venu m’attendre sur les quais. J’ai été prise de court en le voyant, et quand j’ai débarqué sans les ingrédients il a compris la supercherie. Je lui ai alors avoué la vérité, sur ce que je faisais en réalité le weekend et mes envies pour la suite. J’ai bien évidemment été privée de sortie. Il refusait que j’entretienne une vie de saltimbanque selon lui. Il m’a dit que si je ne faisais pas une médaille le weekend prochain lors de la compétition, il refuserait de m’entrainer de nouveau et que je finirais par travailler avec ma mère à la boulangerie.
Maria cherche de la main un dernier gâteau sur le plateau et conservant toute son attention sur l’histoire.
- Les jours ont passés. Je n’avais visiblement pas le niveau suffisant pour briller lors de ce championnat. Et mon père savait me le faire remarquer. J’adorais le ski, mais je m’étais rendu compte que j’aimais aussi d’autres choses. Que j’avais besoin de trouver ma voie, ou mes voies, sans que l’on ne m’impose un choix. La veille au soir de la compétition, après une dispute à table, je suis sortie en claquant la porte, et suis allée me réfugier à la boulangerie. J’ai pleuré, et était énervée contre le monde entier. Blizzi m’avait suivi et est venu me réconforter pendant que j’étais recroquevillée sous le plan de travail. J’ai fini par me relever, mais n’avais pas envie de rentrer. En voyant les ingrédients, j’ai eu l’idée de cuisiner pour me détendre. Un peu de farine par-ci, un peu par-là, de la confiture, du sucre, du lait, je laissais libre court à mon imagination … et 2h plus tard mes créations culinaires sortaient du four. Je me sentais mieux, cela m’avait calmée, alors je suis rentrée dans la nuit me coucher.
- Tu as participé au championnat ? s’inquiète Maria.
- Et bien oui, le matin même j’étais sur mes ski. Je m’étais jurée de me faire plaisir, qu’importe le résultat. J’ai profité de chaque moment, chaque virage, chaque obstacle. Je suis arrivée avant dernière.
- Oh mince, je suis désolée Mamie … tu as dû être déçue, tu l’avais beaucoup préparée cette course. Tu n’as donc pas pu te faire connaître dans les autres régions.
- Et bien, détrompe-toi.
- Comment ça ? répond Maria avec surprise.
- Quelques heures avant la course, ma mère est allée ouvrir la boulangerie pour fabriquer des croissants et pâtisseries destinés à la presse et les stands de buvette. Elle est tombée sur mes gâteaux, et visiblement cela lui a plu, puisqu’elle a décidé de les exposer pour l’occasion. Elle a su que c’était moi, car j’y avais oublié ma montre. Je l’avais retirée pour être plus à l’aise. Un des journalistes a énormément apprécié ce met et a questionné ma mère dessus. Elle lui a alors raconté mon histoire.
- Et il a fait un article sur toi ?
Stella amusée de l’effet qu’elle s’apprête à créer tourne la page de l’album délicatement. Un nouvel article de journal, un peu jauni, titre alors : « L’étoile des neiges ». Au centre, une photo de Stella sur ses skis ainsi qu’une autre avec ses splendides biscuits.
- MAMIE ! ce sont TES gâteaux ! ceux que je préfère ! s’exclame Maria. Incroyable, enfin je veux dire, non c’est amplement mérité, je ne connais rien d’aussi bon ! Mais c’est génial, ils ont en plus de ça une histoire !
- Voilà, depuis ce moment, ils occupent une place particulière dans mon cœur, et je suis ravie que tu les apprécies.
- Carrément ! L’article dit : « La jeune skieuse, qui a parcouru les différents ports, a su tirer son inspiration des beautés environnantes pour créer un sablé unique, signature de son talent ». Et en légende : « Une recette de sablés-double, en forme du Pokémon Stari, au cœur confiture de baie Framby finement dosée, saupoudré de sucre glace de Frimapic. Une recette locale, qui vous transporte ailleurs ». Mamie je suis si fière de toi, félicitations !
- Merci ma petite. Le plus étonnant c’est que le résultat sportif n’a été mentionné qu’un peu plus loin dans la rubrique sport. Les sablés Stari ont su « faire le buzz » comme tu dis !
- Aha oui c’est clair. Qu’as-tu fait après ?
- Mon père a revu son discours et m’a dit de suivre la voie qui me convenait le plus. J’aimais à la fois le ski, les voyages, et créer de nouvelles choses. Alors j’ai fait les trois, sans pression, juste avec beaucoup de plaisir. Et puis je suis revenue m’installer à Frimapic un peu avant ta naissance, où j’écris comme tu le sais, des romans d’aventure. Et où je te prépare tes petits gâteaux préférés.
- C’est une belle histoire Mamie. Tu sais quoi ? Je pense que c’est le moment que tu m’apprennes à les faire.
La grand-mère émerveillée par la demande répond alors :
- Avec plaisir. Je suis heureuse de pouvoir te passer le relais Maria. A ton tour désormais.