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A Burning Truth de Yûn



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Informations

» Auteur : Yûn - Voir le profil
» Créé le 10/11/2019 à 23:42
» Dernière mise à jour le 10/11/2019 à 23:42

» Mots-clés :   Action   Aventure   Médiéval   Présence d'armes   Unys

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Prologue
Prends garde, prends garde à ce que tu désires
Foudre Noire finira par te nuire
Prends garde, prends garde à ce que tu souhaites
Brasier Blanc bientôt aura ta tête
Brûlé, frappé, chaque sort est le même
Aux Dragons, leurs âmes reviennent


Sous le ciel versicolore, l’arbre se dressait, solitaire.

Vaste comme un monde, grand comme un titan, l’éclat diffus de son écorce immaculée agissait comme un baume au coeur, au sein de ce monde chaotique. Malgré les fluctuations pourtant nombreuses et soudaines de la voûte, dont l’agitation de mille bourrasques insaisissables barriolait cette toile céleste sans trouver de terrain d’entente, pas un souffle ne venait perturber la cime céruléenne de ce cyclope sylvestre.
Ses formidables racines étaient fermement ancrées dans le roc énigmatique lui servant de trône. Une éternité d’existence avait permis à ces attaches agrestes de forer patiemment d’innombrables galeries, s’étirant à outrance dans le coeur de l’îlot isolé pour s’assurer d’un appui inébranlable. Leur détermination sans faille était telle que, d’où que l’on observe, la terre semblait prise dans un piège végétal indépétrable, les racines faisant parfois surface pour replonger plus loin dans sa chair tellurique, dans un enchevêtrement de mailles opalines.
Fenêtre ouverte sur le cosmos, suspendu dans cet univers nébuleux, le colosse d’écorce opérait en phare à la croisée des mondes. Ses infinies branches d’ivoire se déployaient du tronc corpulent, lui façonnant un fastueux diadème naturel. Chacun des bras de bois était autant de fleuves, chaque rameau autant de rivières, ruisseaux et torrents, qui alimentaient la couronne azurée d’un flot continuel de saphirs nervurés.

Au coeur de cette sylve prodigieuse, la Biche Couronnée errait de son train tranquille.
Ses sabots d’encre dans leur écrin doré foulaient le sol verdoyant avec la délicatesse d’une plume duveteuse. Ses pattes sveltes se plaçaient précautionneusement entre les jeunes pousses, veillant à ne pas les froisser comme un halo d’or pâle venait doucement les envelopper. La délicate lueur s’attardait sur les herbes hautes avant de s’effacer lentement, affublant la noble créature d’une traîne radieuse digne de sa prestance.
Pas un son, pas un bruissement ne venait troubler la pérégrination perpétuelle de la dévouée Déesse. La tête haute, ses pupilles croisées contemplant le lointain, elle cheminait sans hâte à travers le bosquet bleuté, glissant entre les branches épaisses comme des troncs, frôlant de sa ramure raffinée la frondaison foisonnante.
Ses bois de cristal resplendissaient de rais irisés, chacune des gemmes contribuant à ce prisme d’une nuance rare. La tiare chatoyante rayonnait tant et si bien qu’elle gratifiait la canopée de son miroitement, les feuilles épurées réverbérant à leur tour cette lueur pour façonner une atmosphère chimérique.

Mais ces splendides sillons ne se contentaient point de simplement embellir la venue de la Prodigue.
La coiffe lumineuse effleurait la cime céruléenne, à la recherche des milliers de fleurs nacrées parsemant la voûte végétale. Si elle ne s’attardait sur celles déjà écloses, la caresse incandescente se montrait attentionnée envers les bourgeons qu’elle rencontrait. Les rayons chamarrés recouvraient délicatement la pousse timide, la drapant d’un manteau étincelant. Ainsi encouragé, le calice se gonflait, faisait progressivement sortir ses pétales innocents de leur habit de naissance, pour finalement s’épanouir en déchirant son cocon de lumière, rejoignant ses pairs dans leur bal immobile.

Cependant, comme la cervidé sereine s’éloignait de son pas paisible, certains joyaux végétaux ne parvenaient à se joindre à cette fête silencieuse.
Par endroits, des fleurs peinaient sur leur attache. Elles pendaient, leur robe de soie affaissée, souillée par le temps, s’étiolaient sur leur pétiole douillet les nourrissant d’une sève subtile. Mais, pour certaines… Il était trop tard.
L’une de ces perles d’antan venait d’épuiser ses dernières forces, que même le sang ambré ne parvenait plus à raviver. Harassée, la corolle terne, elle se détachait lentement de sa tige fragile.

Soudain, le mince filin se rompit.
Etranger parmi la foule, le calice à l’agonie entama sa chute.
Virevoltant vers le sol dans un suprême sursaut de survie, la splendeur passée ne pouvait se soustraire à son sort. Peu à peu, sa toilette flétrie s’effritait, formant un morne cortège accompagnant la fleur fanée dans sa course vers l’oubli. A quelques pieds de son linceul d’herbes placides, le joyau de jadis n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. Ses atours diaphanes n’étaient plus que ruine, le dévoilant dans toute son innocence.
Mais comme la fleur se trouvait nue, un changement alors sembla s’opérer. Pistil et étamines vinrent s’enlacer, comme dans une ultime étreinte avant la mort. Leur tendre embrassade les fit s’entremêler au point qu’ils ne semblèrent plus ne faire qu’un. Une hampe dénudée, qui s’étirait en longueur à mesure que sa tombe approchait. Et tandis que la caresse des premiers plants s’offrait à lui, le rachis soudain déploya des barbes obscurs.

Fière de cette nouvelle parure, dont la noirceur n’égalait que la pureté de ses anciennes semblables, la plume refusa cette fatalité vers laquelle elle plongeait. Portée par un souffle fantoche, la rémige frôla sa couche funeste pour aussitôt s’en éloigner. La brise imperceptible l’entraîna à travers ce dédale végétal, la fit se faufiler entre les branches d’albâtre, leurs nervures azurées et leurs corolles perlées.
Le périple aérien se poursuivit pour un temps, la plume échappant aux suppliques immobiles de ses congénères passées, balayant de son éventail d’encre leurs étreintes trompeuses. Jusqu’à ce qu’enfin, son héroïque échappée se voit récompensée.

La rémige de jais jaillit hors de la surface de cet océan de verdure.
Grisée par tant d’espace, elle qui jusqu’alors n’avait connu qu’une pléthore de vie, elle demeura suspendue dans le vide. Mais cet instant de flottement cessa bien vite. Reprenant sa route, toujours guidée par le courant insaisissable, la plume entama une ascension insensée. Nulle gravité n’avait prise sur la fugitive, qui remontait vaillamment la somptueuse cime en direction de son sommet.
Et elle n’était pas seule. De part et d’autre du cyclope sylvestre, des dizaines de sombres rémiges perçaient l’écume végétale pour rejoindre cette folle farandole. Toutes étaient animées du même élan éthéré. Toutes se dirigeaient corps et âme vers le pinacle du diadème de bois, à la recherche d’une promesse, d’un graal.

Enfin, la plume atteignit son but.
Sur la plus haute branche de la plus haute vague, un nid attendait.
Une aire colossale, véritable continent d’obscurité, formée en spirale autour de l’écorce nue lui servant de support. Nul artifice ne venait égayer cette couche sombre. Sa sobriété était telle que même le bras de bois en avait perdu son éclat, n’osait dresser ses joyaux azurés.
La rémige alla y rejoindre ses pairs, se faufilant discrètement dans le nid, contribuant à son tour à l’édification de ce lit duveté mais ô combien mortel.

Ce morne manège s’accomplissait inlassablement, sous l’égide du maître des lieux.
Perché sur l’axe de bois, les serres fichées dans la chair morte, le Grand Vautour surplombait sereinement l’arbre d’albâtre et l’aire d’ébène. Imperturbable dans son habit encre et carmin, le rapace des présages profitait d’un paisible repos, son bec d’onyx effilé glissé sous l’une de ses ailes griffues.
Il y avait quelque chose de cocasse à voir cette vigie endormie. L’on aurait presque pu considérer la quiétude de la scène comme agréable, si ce n’était pour la pression terrible se dégageant de la bête. Même assoupi, une aura effroyable entourait l’oiseau de sang, qui réveillait en vous un instinct primal. Celui de la proie tétanisée se lançant dans une fuite vaine pour échapper à ce formidable chasseur. Témérité était ici signe de fatalité, car il n’y avait, dans tout l’univers, de prédateur plus magistral que le Spoliateur. Sa tranquillité n’était point volée : il se savait maître en son domaine. Et si à tout hasard un pauvre hère s’était aventuré à vouloir le lui prendre, le Grand Vautour se serait lancé dans une traque qui n’aurait eu d’autre issue que son triomphe.

Soudain, sa paupière d’ébène s’ouvrit, dévoilant un oeil glacial.
Le formidable rapace redressa la tête, son regard acéré s’ancra en un point spécifique de la voûte bariolée. Il semblait attendre quelque chose.
Plusieurs minutes d’éternité passèrent, sans que rien ne vienne perturber l’incessant charivari du ciel. Cependant, l’intuition du Spoliateur ne l’avait pas trompé. Surgissant de l’une de ces fenêtres changeantes, une étincelle blanche fit son entrée dans cette poche dimensionnelle, à l’endroit précis que fixait l’oiseau de sang.
La flamme, d’une éclatante clarté, virevolta un instant sous la voûte, en un feu follet aveuglant. Quand enfin elle se stabilisa, ce fut pour croître en un incendie éblouissant. Un brasier radieux, qui se façonna en une silhouette plus tangible, plus imposante. Le voile flamboyant finit par se retirer, pour former la fournaise servant de queue et de crinières à la créature qui venait de se matérialiser. Un être dont les écailles duveteuses étaient aussi pures que l’écorce de l’arbre et ses joyaux, mais portaient en leur coeur les reflets du feu ardent dont il était l’incarnation.

Le Grand Vautour l’observa comme il s’approchait. Immobile sur son perchoir, seuls ses yeux perçants bougeaient, suivant le parcours du dragon d’albâtre. Il ne se sentait nullement menacé par ce visiteur immaculé, qu’il ne connaissait que trop bien.
Finalement, la créature embrasée replia ses larges ailes à quelques pas du maître des lieux, les redoutables griffes de ses pattes lévitant au-dessus du nid de plumes. Les deux êtres échangèrent un regard azuré… Avant que le dragon de feu n’incline respectueusement la tête.

« Mes mots portent la vie, » salua-t-il.

L’espace d’un instant, ce fut comme si l’air autour de sa gueule avait vibré. Pendant une fraction de secondes, l’on aurait pu apercevoir d’étranges êtres. Des sortes de grosses lettres noires dotées d’un oeil unique, qui apparaissaient pour aussitôt s’évanouir à mesure que le dragon énonçait ses propos. Mais le phénomène n’était pas exclusif à la flamme faite chair : le même mirage se produisit quand le rapace encre et carmin lui répondit.

« Mes mots portent la vie, » répéta-t-il, accentuant sa voix caverneuse d’un hochement de tête.

Comme il la relevait, il ne put empêcher un fin sourire d’étirer son bec effilé.

« Je dois admettre que je ne t’attendais pas, Reshiram, commença-t-il d’un ton mesuré. Cependant… »

Un rictus nerveux s’échappa de son bec d’onyx. Loin de se moquer, le Spoliateur semblait davantage confus quant à la manière de s’adresser à son visiteur.

« … Il serait mensonger de ma part de dire que je suis surpris de te voir devant moi. »

A ces mots, qui continuaient de distordre étrangement l’air, Reshiram baissa la tête, détourna son regard lapis. Lui-même avait conscience de l’incongruité de la situation. Mais il avait pris sa décision.
Il tenta de prendre à nouveau la parole… Mais les mots demeuraient bloqués dans sa gorge. Serrant les crocs, fermant ses yeux limpides, il prit une longue et profonde inspiration. Il devait se calmer. Il n’avait pour ainsi dire rien à perdre.

« Yveltal... » parvint-il enfin à énoncer, d’une voix encore tremblante d’hésitation. « Il me faut te demander une faveur. »

Un silence pesant emplit l’atmosphère, uniquement troublée par le ballet incessant des plumes noires et les ballottements colorés de la voûte. Le terrible rapace plissa ses yeux acérés, étudiant le dragon blême. Il redoutait ce qui allait suivre.

« Avant que tu ne parles plus avant, laisse-moi te rappeler ceci : ce que j’ai pris, je ne puis le rendre, l’avertit-il avec une sourde gravité, comme s’il espérait le dissuader de toute folie. Ainsi vont les choses, et Arceus Lui-même ne peut y rien changer.
- Oui, je sais cela,
répondit Reshiram. Mais ce que j’attends de toi est différent. »

A nouveau, Yveltal plissa les yeux, ses fines paupières descendant si bas sur ses pupilles que l’on ne les devinait plus que comme deux fins traits glacials. Sur son crâne, les aigrettes obscures affublant ses sinistres cornes frémirent, trahissant son questionnement intérieur. S’il ne venait pas le voir pour cela, alors pour quelle raison ?

« Très bien, finit-il par dire. Laisse-moi entendre ta requête. »

Le dragon d’albâtre prit une nouvelle inspiration. Mais cette fois-ci, sa voix était plus assurée.

« Yveltal, je t’en prie... »

Libère-le