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Vermine de Aespenn



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» Auteur : Aespenn - Voir le profil
» Créé le 20/10/2019 à 21:27
» Dernière mise à jour le 09/01/2020 à 15:54

» Mots-clés :   Absence de combats   Absence de poké balls   Conte   Drame   Kanto

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Mère… Père de Galar…
Je ne vous connais qu’au travers des prières que j’ai entendues. Je ne sais pas si vous pourrez répondre à ma question…
Qu’importe.
Je suis ici. Vous êtes là.
J’irai au sommet de la montagne.



La forêt de Lumirinth est derrière lui, maintenant.
Durant sa traversée, Will a eu la sensation de se plonger au cœur d’une œuvre onirique. Comme le rêve d’un dieu.
Des champignons luminescents, de grands arbres dont la canopée faisait barrage à la lumière, des touffes d’herbes sombres… ainsi que les Ponyta.

Quelle est cette sorcellerie ?
Le jeune Rattata se pose la question dès que ses pas croisent ceux d’un Pokémon qu’il pense connaître : tout d’abord, un Smogogo aux excroissances de chair bien étranges et à la barbe toxique ; puis des Ponyta qui ont perdu leurs flammes.

Ces fiers Pokémon qui se vantent, à Kanto, de leurs crinières resplendissantes à faire pâlir un Magmar, sont devenus des êtres de pastels à Galar. Ils ont acquis grâce et gentillesse quand leurs comparses de Kanto restent plongés dans l’arrogance jusqu’à l’encolure.

Will s’est enfoncé dans leur forêt en compagnie de Sec. La conscience de ce dernier n’a cessé de lui rappeler combien il est important d’aller saluer ses jolis amis de Lumirinth.
Alors il est venu.
Sec a profité de cette traversé pour conter les légendes de Galar au jeune Rattata. Le mythe de la Mère et du Père.

Ils sont nos figures. Ils veillent sur les terres de Galar, sur chacun d’entre nous. Lorsque les ennemis se montrent, la Mère les pourfend et le Père les juge.

Des dieux proches des Pokémon. Will a levé la tête vers la position hypothétique de cette montagne à l’entaille. Même derrière le couvert du feuillage, il a été presque certain de pouvoir en apercevoir la lumière.
Le jeune Rattata n’a pas demandé si d’autres Pokémon ont tenté l’ascension de cette montagne. Parce qu’il ne se prend pas pour un héro qui veut se sentir proche des dieux, non… Will a simplement une question à poser.

Ce n’est qu’une montagne, Will de Kanto. Rien de plus. Il te suffit de fixer le sommet et de marcher.

Bien.
Le jeune Rattata s’est contenté d’opiner du chef.
Plus de bateau, plus de contrée familière… pas de retour en arrière. Il a choisi de quitter les égouts de Céladopole pour savoir. Il saura.

Will a fait la connaissance de Pyrois, dans la forêt de Lumirinth. Tout comme Sec, Pyrois n’a jamais rencontré de Rattata, et elle n’a rien connu de Kanto.
Will s’est appliqué à lui décrire les Ponyta de sa région, avec leurs chevelures de flammes, si bien que son interlocutrice s’est émerveillée.

La conscience de Sec s’est demandée si la contrée de Kanto est apparue avant ou après Galar. En effet : les Smogogo de Galar demeuraient-ils une forme évoluée de ceux de Kanto ? Ou inversement ? De même pour les Ponyta de Galar ? Est-ce seulement important ?

Cela a fait sourire Pyrois ainsi que Will. Le jeune Rattata s’est habitué aux élucubrations de Sec.
Leurs conversations ont mué en une bulle réconfortante, tel un dernier rempart avant l’importante ascension de la montagne à l’entaille.

Sec, ainsi que Pyrois ont mené Will aux confins de la forêt. Petit à petit, la lumière du jour a repris ses droits puis le décor abrupt est apparu. Rien d’insurmontable, vraiment.

Ce n’est qu’une montagne.

Le jeune Rattata a répété les mots de Sec. Il lui suffit de grimper, de parler, puis de revenir moins stupide. Moins "vermine".
Will s’est retourné, son regard écarlate se posant sur Sec ainsi que Pyrois. Il doit partir, à présent.
Pas d’au revoir, mais juste un "merci". Comme celui dont il a gratifié Till au port de Carmin Sur Mer.

Mais je t’en prie, Will, Rattata de Kanto. Merci également pour ta rencontre, ainsi que tes conversations.

Étrange Sec, jolie Pyrois.
Will s’appliquera à revenir les voir afin de leur raconter ce que les dieux lui diront. Il saura retrouver son chemin dans la forêt de Lumirinth, aucune inquiétude.

À présent, il a les yeux rivés sur le sommet de la montagne. Sur la coupure où la lumière part se faufiler.
Cela lui semble proche et lointain à la fois.
Un frisson parcourt le petit corps de Will alors qu’une brise s’engouffre dans sa fourrure violine. Il inspire profondément puis, une patte après l’autre, s’engage pour l’ultime chemin de son périple vers les dieux de Galar.

La verdure domine en ces lieux : des sentiers, des sillons, des traces comme des cicatrices sur cette immense masse rocheuse. Des pierres couvertes de mousse parsèment le paysage alors qu’une odeur de pluie se diffuse dans l’atmosphère.
Bien. Le jeune Rattata se devra de faire face à une averse durant les prochaines heures.

Si la forêt de Lumirinth a été accueillante, avec ses feuillages ainsi que ses arbres, tel un écrin luminescent, les reliefs mettent Will en proie au vent froid.
Non. Plus de proie.
Le jeune Rattata se concentre.

Agile, il décide de sauter de rocher en rocher, ses griffes glissant contre leur surface caleuse alors que la mousse s’y agrippe. Veut-elle voyager avec lui ?
La vue ne peut rien lui montrer, mais Will sait que le terrain l’emmène toujours plus haut. Encore et encore… quelques degrés et le voilà qui commence à s’essouffler.

Ses oreilles rondes tressautent. Avec les morsures du vent, elles lui font mal.
Mais le jeune Rattata n’entend que lui. Pas de Pokémon aux alentours… rien qui désigne la présence de dieux quelconques non plus.
Will descend d’un rocher afin de se retrouver parmi l’herbe haute. Son odeur l’apaise et lui rappelle également qu’il se devra de se mettre en quête de nourriture.
Les baies ou les racines ne doivent pas manquer, par ici. Mais une question s’accroche à sa petite cervelle pour qu’il songe à se nourrir pour l’instant…

Pourquoi ? Pourquoi est-il seul sur un versant de cette montagne ?
Si des dieux vivent ici, qu’est-ce qui peut expliquer l’absence d’autels, d’offrandes, de fresques à leurs effigies, de… de statues ?

Ce n’est qu’une montagne.

En effet, et c’est troublant.
Will se laisse tomber sur son derrière, sa queue s’agitant dans des gestes distraits. Il soupire en se grattant le front. Il est trop tôt pour douter, bien trop tôt… il ne faut pas se laisser distraire.
Le jeune Rattata se relève et le voyage continue.

La verdure ne le quitte pas une seule seconde, mais la pluie entre en scène. Durant les premières minutes, il ne s’agit que d’un crachin qui danse avec les quelques rafales présentes sur le chemin.
Will songe que l’eau et le vent mêlent leurs souffles pour mieux l’accueillir.
Un bel honneur pour une vermine de Kanto.

Le Rattata s’arrête quelque peu. Il lève le chef à s’en briser la nuque, juste pour regarder ce voile gris recouvrant les cieux de Galar. L’odeur de pluie le prend à la gorge, mais, contrairement aux averses de Céladopole, il n’y a ni béton, ni pollution, ni déchets ici…
Son poil est trempé, son visage lui donne l’illusion d’être meurtri. Pourtant, il avance. Ce n’est que le début.

Les sols se gorgent d’eau également. La terre se transforme en boue, les pierres deviennent glissantes, mais pour un Rattata qui n’a que trop l’habitude des égouts, il ne s’agit que d’apprendre à s’agripper en terrain inconnu.
Il plante les griffes, il se dépêche, il furète, il observe, il écoute, il renifle, il respire, il tousse, il dérape, il se rattrape…
La destination du voyage importe beaucoup, le cœur de ce périple aussi mais à l’instant, Will redevient petit. Comme lorsque les égouts de Céladopole ont été un véritable terrain de jeu pour lui.

De caillasse en caillasse, il avance. Toujours plus loin.
Puis il se fige.
Le crachin s’est intensifié, l’eau tombant des cieux a grandi afin de devenir une pluie plus épaisse destinée à abreuver la montagne. Le cœur du jeune Rattata s’accélère alors que ses nerfs commencent à piquer : l’atmosphère des lieux a changé.

Le décor aussi : sous l’averse, la roche s’assombrit, le ciel est devenu de plus en plus maussade, l’herbe haute ploie sous les gouttes alors que plantées dans le sol, des épées de pierre parsèment le paysage.

Will en a le souffle coupé. Il a l’impression de se trouver face à un immense champ de bataille.
Mais seules les armes sont restées debout. À son grand soulagement, il n’y a pas de corps, pas de mort, et le jeune Rattata l’espère aussi : pas de sang.
Nul Pokémon ne voudrait marcher sur un sol semblable à une éponge macabre, gorgée de fluide écarlate ainsi que de vengeance, de vieille haine, de tout ce qu’une guerre peut apporter.
Guerre de quoi ? Qu’aurait vu Galar ? Il n’y a que de grandes épées taillées à même la pierre, ici…
Serait-ce… serait-ce ces marques honorifiques que Will a tant cherché ?

Hésitant, il s’engage finalement sur le terrain escarpé, louvoyant entre toutes ces lames rocheuses. Certaines penchent, d’autres restent droites si bien que Will imagine un Pokémon géant en train de les lancer depuis la voûte céleste.
Le jeune Rattata s’arrête devant une épée afin de l’observer. Il remarque qu’il n’y a aucune finesse dans la forme de cette sculpture et que les fioritures sont simplement inexistantes : on a voulu tailler une épée, puis on l’a laissé là, en proie aux éléments.

Will appose l’une de ses pattes sur la surface de la lame immense. Ses coussinets rencontrent les creux ainsi que les bosses d’une étendue rocheuse abîmée par le temps et gelée par les baisers des bourrasques.
Ces dernières se répercutent parmi les reliefs du paysage en donnant l’impression de siffler avec dédain.
Le jeune Rattata secoue la tête. Ce n’est pas le moment de perdre la raison.
Il continue.
Will est bien trop petit pour le voir, mais plus haut sur les épées figées, lorsque la garde et la lame se croisent, on a gravé un petit bouclier.

***
Les plaines verdoyantes, la rivière couleur saphir, la forêt luminescente, presque onirique… Will aurait pu se croire dans un songe. La réalité, elle, serait un rivage désert où reposerait son petit corps. Toute son aventure se déroulerait dans sa tête.
Mais c’est impossible : le vent est trop fort pour être faux.

Le jeune Rattata serre les dents. Il se tasse sur lui-même, le poil hérissé sous les baisers implacables de ces bourrasques infernales. Se trouve-t-il déjà si haut ?
Non. Il n’y croit pas… il n’a pas marché assez longtemps pour cela. Il n’est pas encore épuisé.
Les épées dispersées forment des remparts.

Will a subi moult dérapages, moult glissades avant de comprendre comment affronter les rafales.
Il avance, petit à petit, une patte devant l’autre quand le calme se montre puis, lorsque le vent commence à se lever, le jeune Rattata s’en va se blottir derrière une lame de pierre. Ensuite, il attend que passe la tourmente.

Qui fait ça ?

Il peut le sentir : l’atmosphère change toujours. Elle s’épaissit, se trouble, lui colle à la peau si bien qu’il a l’impression que le venin de la peur se mêle à la poussière, parmi sa fourrure violine.
Will a l’impression que ses poumons ne sont plus assez grands pour accueillir l’air environnant. Il n’aime pas ça.


Il se sent mal, son cœur s’emballe, il se fatigue, il va suffoquer, il va…
Le jeune Rattata expire doucement. Il demande à son esprit de se taire. Quand enfin il peut penser en silence, il fait une évaluation mentale de sa situation.
Il est seul. La faim se manifeste de plus en plus chaque minute passant, ses muscles le tirent, ses oreilles lui font mal, son cœur tambourine et son souffle est court. Will lève son regard écarlate vers le sommet.
Arceus qu’il est encore loin…

La coupure se détache tel un faisceau blanc, aveuglant, un lien éblouissant qui s’appliquerait à unir le sol et le ciel.
Bien. Il faut continuer, mais avant tout : le jeune Rattata doit se nourrir.
Son regard balaye ce décor de mort, figé dans la terre ainsi que dans la pierre. La maigre végétation ne se compose uniquement que d’arbres secs, racornis, qui ressemblent à des griffes. Trouvera-t-il quelques racines pour remplir son estomac ?

Il faut tenter.
Une autre bourrasque secoue les environs. Alors, tassé derrière la roche d’une épée, Will attend la fin de son passage. Il a déjà repéré un arbuste, plus haut. Ce dernier semble se tordre sur lui-même comme un serpent malade, mais le jeune Rattata prie pour que dans sa désolation, il lui reste bien enfoncée sous terre, des racines nourrissantes.

Le vent se calme. Will sort de sa cachette afin de se précipiter vers son repas anecdotique. Enfin : il l’espère.
Avec hâte, il creuse le sol abrupt, si sec qu’il ressemble à un tapis de poussière. Le jeune Rattata s’en fait mal aux griffes, mais il s’en moque. Avec de brefs coup d’œil, il guette la tempête comme si cette dernière pouvait se manifester en devenant visible.

Soudain, il tient quelque chose ! Dans l’une de ses petites pattes se trouvent quelques maigres racines !
Elles sont couvertes de terre alors, d’un geste vif, Will les époussette à la hâte avant de les enfourner dans sa gueule.
Il grimace. Ce n’est pas bon du tout. Mais cela lui permettra de tenir, cependant…

Il a une boule dans sa gorge sèche et quant à sa langue… elle se mue en une dune de sable.
Le jeune Rattata doit boire.
Fort bien : il triomphera du vent en espérant pouvoir trouver des paysages plus cléments non loin du sommet. Ainsi que des flaques d’eau, cela serait formidable !

Résolu, Will se met à fureter sur ce grand versant qui ressemble à un champ de bataille. Il sent le vent se lever une nouvelle fois, mais il tient bon. Il serre les dents à s’en faire mal, il louvoie entre les épées alors que la tourmente tient à lui arracher les poils.
Elle menace de l’emporter ! Le jeune Rattata plante les griffes. Il mutilera le sol s’il le faut, mais hors de questions de glisser jusqu’au pied de la montagne !

Will trace des sillons dans cette terre escarpée.
Ses muscles se tendent alors qu’il résiste aux hurlements du vent de Galar, sa queue se fait battre et le jeune Rattata est persuadé que ses oreilles rondes vont finir par se détacher de son crâne.
Puis la bourrasque s’arrête.
Mais la montagne a décidé de tonner d’une autre manière.


Si Will a pensé que le calme reviendrait pour quelques minutes, il s’est lourdement trompé : un cri effroyable retentit pour mieux se répercuter en écho.
Le jeune Rattata s’immobilise alors que le venin de la peur se répand dans ses veines. Il lance des regards épouvantés face à lui, en haut, vers les cieux, sur les côtés… ça y est. Le champ de bataille se prépare pour une nouvelle catastrophe ! C’est cela, n’est-ce pas ?

Les dieux de Galar ne veulent pas le voir, alors, alors… sont-ils en train de préparer quelque chose pour le renvoyer ?
Le cri résonne de nouveau. On hurle à la place du vent. Cela ressemble à une colère métallique, à la rage d’une machine en train de s’éteindre… Là !
Les instincts du jeune Rattata se mettent à agir à sa place pour le faire déguerpir et se terrer derrière une épée. Il a vu la grande ombre planer parmi les cieux, mais il ne s’est pas attardé à la détailler parce qu’il est certain d’être sa cible.

Avec prudence, Will prend corps avec la pierre de la lame, afin de mieux se glisser hors de son abri.
Il lève la tête. Plus haut, bien plus haut, ses ailes immenses déployées, brillantes, effilées comme mille épées, plane un Pokémon qui ressemble à s’y méprendre à une sombre machine.
Il trace des cercles invisibles dans les cieux de Galar et il hurle de plus belle alors qu’il cherche… il cherche…
Le jeune Rattata frissonne.

Le vent s’est arrêté.
Will écarquille ses yeux écarlates alors qu’il songe que les bourrasques, elles ont certainement été produites par ce monstre de Pokémon, plus haut !
Il doit redoubler de prudence s’il tient à parvenir au bout de son périple. Il doit quitter ce champ de bataille au plus vite !
Mais Will est tétanisé. Son corps refuse de le mener plus loin alors qu’une petite voix dans son être le supplie de faire demi-tour.

Il soupire. Il ne peut pas. Il est si près…
Le jeune Rattata rassemble son courage, ferme les yeux si fort que des larmes se mettent à perler puis avance de plus belle. Ses membres pèsent bien lourd, il a l’impression de tituber, de se débattre dans un songe qui vire au cauchemar.
Will se redresse afin d’observer les alentours : la caillasse reste Maître, les épées pleuvent de toutes parts et seul le vide l’attend s’il s’éloigne du chemin. Plus loin, le décor devient blanc si bien que le jeune Rattata ne peut qu’imaginer le froid s’intensifier et mordre la chair.

Le Pokémon volant hurle. La machine s’affole, impatiente de dénicher cette proie qui se dissimule ici bas ! Comme la vermine qu’elle est.
Soudain, elle se met à piquer vers le sol, menaçante. Will laisse la terreur le guider en le faisant filer à toute allure sur le chemin. Le jeune Rattata prend de la vitesse : il doit fuir !
Il sent le vent se lever de nouveau avec un autre cri déchirant ! Alors il file, il file, qu’importe la poussière qui vient se mêler aux larmes de ses yeux écarlates, qu’importe la souffrance dans ses muscles malmenés ou même ses poumons en train de brûler.
Quelque chose vient de se poser lourdement sur le sol.

Ça y est ! Le bourreau s’applique à inspecter les lieux.
Une cachette. Vite. Will s’en va machinalement se recroqueviller derrière une épée de pierre. Est-ce que cela sera suffisant ? Il l’ignore. Le jeune Rattata peine à reprendre son souffle. Il sent sa gorge le piquer, il sait que la quinte de toux le menace, mais il ne peut pas se le permettre !
Parce que la silhouette obscure, immense du Pokémon volant se dresse non loin de son abri, comme l’ombre de la mort.

Deux orbes de sang brillent parmi la noirceur de sa figure. La lumière du jour se reflète sur le métal de son corps, ses plumes, son bec mécanique.
Ses ailes sont annonciatrices d’une énième bourrasque. Une attaque "cyclone", sûrement …
Will se retiendrait presque de respirer. Il plaque ses petites pattes sur sa gueule en un geste machinal.

Le grand Pokémon marche prudemment, se penchant, jetant son œil derrière chaque épée. Il cri de menaces.
Ses serres, puissantes, martèlent ce sol fatigué si bien que le jeune Rattata s’attend presque à voir les lames de roche valser. Ses grandes ailes se plient et se déplient dans un concert métallique insupportable, son large poitrail de fer semble receler d’une énergie destructrice qui prend vie dans la gorge du Pokémon impressionnant pour hurler "je te cherche".

Will doit faire tout ce qui est en son pouvoir afin de ne pas céder à la panique. L’angoisse lui serre la poitrine, ses entrailles se tordent alors qu’il souhaite, plus que tout, courir à toute vitesse vers le sommet. Mais cela marquerait la fin de son périple sans qu’il ne puisse voir l’ombre d’un dieu.

Le jeune Rattata inspire profondément. Il ferme les yeux, fait fi du danger pour quelques petites secondes.
Il lui faut se calmer parce qu’au fond : il sait comment agir.
Will se revoit à Céladopole, juste en face du bâtiment aux machines. Dans son souvenir, il vient de quitter les égouts en compagnie de son père ainsi que du reste de la colonie.
Il doit fureter avec discrétion et prudence pour voler de la nourriture sans jamais se faire prendre par les géants de chair… tout ce qu’il risque ce n’est qu’un coup de balai, après tout.
Il n’a qu’à l’endurer.

Le jeune Rattata revient à lui. Il fixe son adversaire, ce grand Pokémon de métal. Il peut le fuir.
Tant que ses orbes de sang regardent ailleurs, tant qu’ils le cherchent derrière des épées, plus loin… Will n’a qu’à poursuivre son ascension.
Il se fait le plus silencieux possible, quitte à ne devenir qu’une ombre sur le chemin. Il furète avec prudence en prenant soin de rester invisible aux yeux de son ennemi. Les épées deviennent des remparts.
Les épées deviennent des boucliers.

Le Pokémon de métal hurle à nouveau. Les plumes acérées de ses ailes tintent alors qu’il prépare, sans doute, son envol.
Un bref coup d’œil informe le jeune Rattata que c’est effectivement le cas. Les battements de son cœur s’accélèrent : des airs, une tache violette sur un sol abrupt sera aussi visible qu’un morceau de charbon sur de la neige !
Will ne réfléchit plus : il s’élance.

Les épées se succèdent encore et encore, la poussière l’enveloppe alors que ses pattes raclent le sol. Le jeune Rattata entend le grand Pokémon hurler depuis les cieux : nul doute qu’il l’a repéré.
Par Arceus, est-ce que ce champ de bataille a, au moins, une fin ?
Will a l’horrible sensation de se retrouver piégé dans une boucle infinie. Une boucle où la seule porte de sortie serait sa perdition.

C’est fini…
Les ailes de son ennemi vont le transpercer, voilà l’issu qui s’offre au jeune Rattata. Elles vont pleuvoir sur sa chair comme un millier de glaives si bien que Will n’atteindra jamais le sommet de la montagne. Il ne posera aucune question, ne verra pas les dieux de Galar… il ne rencontrera jamais Arceus.
Il est né proie alors il finira proie.

Non !

La poitrine du jeune Rattata va exploser alors que ses petites pattes vont céder.
Il veut aller plus vite que son corps ne peut lui permettre, il veut respirer au-delà de ses poumons, il veut voir plus loin, mais ses propres yeux ne peuvent rien y faire… son pelage violine se hérisse alors qu’il sent la présence massive du grand Pokémon.
Est-ce l’une de ses serres de métal qu’il sent sur sa chair ? Will se prépare mentalement à accuser la douleur et peut-être… la fin ?

Non !

Son instinct de survie demande un ultime effort à son corps déjà trop fatigué : saute !
La pointe de fer vient doucement se glisser entre les omoplates du jeune Rattata. Elle va bientôt le blesser, encore quelques millimètres et…
Will repli son petit corps et soudain, il fait un bond fulgurant.

Un millième de seconde pour voir le paysage se peindre en blanc, plus loin. Pour apercevoir deux piliers massifs, recouverts d’un linceul de givre ainsi que leurs énormes symboles de boucliers gravés à même la pierre frigorifiée.
Pour sentir le froid et le suc de la peur lui coller à la peau, pour prendre conscience de toute sa chair meurtrie puis pour penser, enfin.
La voix de Till résonne dans son esprit.

Ah ! Qu’est-ce que j’aimerais être un Miaouss ou un Persian ! Est-ce que tu sais pourquoi, petit Will ? Parce qu’ils ont de minuscules clavicules ! C’est pour cela qu’ils ont une souplesse à toutes épreuves… Ils ont bien de la chance.

Les clavicules de Will, quant à elles, semblent se briser sous la violence du choc.
La serre du grand Pokémon volant n’a pas attrapé sa proie, non… dans une dernière tentative de l’emporter, les quatre doigts de sa patte massive ont projeté le jeune Rattata en avant.
Il a fendu les airs avec violence.

Un choc, un second… Will a la sensation de dévaler un amoncellement de pierres hérissées de pointes… il sent une poudreuse glaciale tremper sa fourrure violine pour mieux piquer sa chair… il a du mal à respirer, il est persuadé que son petit crâne de rongeur est jonché de bosses. Il ne les comptera pas.
Enfin, tout s’arrête. Il n’entend plus rien. Il a du mal à ressentir quoi que ce soit.

Le jeune Rattata ouvre la gueule, mais seuls des râles quittent sa gorge. Ils se transforment en sifflements qui ressemblent à s’y méprendre à des plaintes.
Ses paupières s’entrouvrent, mais il ne parvient pas à mettre des mots sur le paysage tant il peine à retrouver ses esprits. Will se tient au beau milieu d’un écrin qui n’est que souffrances, confusions, peur et froid.
Petit à petit, il reprend pied.


Telle une immensité figée, grise, stérile, le ciel de Galar lui apparaît. Il déverse ses flocons éburnés qui pleuvent sur la figure du jeune Rattata, couché sur le dos, comme un millier de baisers gelés.
Will se met à tousser.
Il inspire profondément, ses poumons hurlent sous la fraîcheur de l’air, mais au moins, il respire. Il vit encore.
Il parvient à se mettre sur le flanc et même si son corps ne peut pas parler, il ne peut qu’imaginer les plaintes cuisantes de son dos blessé.

Soudain, le jeune Rattata écarquille ses yeux d’horreur.
Face à lui, sur le seuil des piliers qui se dressent bien haut telle une entrée vers un sanctuaire, se tient le Pokémon volant.
Stoïque, droit, ses orbes de sang luisant comme des phares, il reste de marbre. Une énorme machine de métal aux ailes tranchantes repliées le long de sa carapace.
Will peut le voir, à présent. Il peut le détailler comme jamais… cet énorme Pokémon de fer.
Au-delà de ses plumes semblables à des glaives, de son bec affûté, des rubis de son regard, le jeune Rattata l’imagine fait de rouages et de pistons. Une superbe machinerie, un amoncellement d’ingéniosité pour donner vie à une telle créature.

L’être de fer soupire. Des volutes opaques quittent son bec, comme pour témoigner du merveilleux réalisme de cette mécanique de Pokémon.
Regardez : il possède des poumons. Bioniques, bien sûr.
Le cœur de Will menace de percer sa poitrine alors que les tremblements reprennent du service.
Qu’attend-il ? Sa proie est à sa portée !

Mais il ne bouge pas. Il se contente de le fixer de ses yeux sanguinaires. Impassible.
Le jeune Rattata quant à lui, ne compte pas attendre la prochaine attaque : il rassemble courage et énergie afin de se relever, mais cette tentative lui arrache un cri de douleur.
Il chancelle, puis s’effondre lourdement sur le sol gelé alors qu’il lance un regard épouvanté à sa patte arrière gauche, enflée.
Non…

Une seconde tentative pour se mettre debout qui se solde en échec. La mâchoire de Will se crispe. Il a envie de hurler.
Sa patte est cassée. Il est perdu.

« Père. Mère. Pardonnez. Corvaillus a échoué. Le petit Pokémon a réussi. »

Une voix d’outre-tombe s’élève. Gutturale, comme étouffée par cent masques.
Les muscles du jeune Rattata se tendent, ses oreilles rondes tressautent, aux aguets. Est-ce que le grand Pokémon volant vient de parler ?
Will le dévisage.
Il a dit "Père", "Mère" puis "Corvaillus"… Que veut dire tout cela ? Serait-ce ?

« Un test ? » murmure le jeune Rattata.

Un test qui le rendrait digne de rencontrer les dieux de Galar ? Will secoue la tête.
Sous ses yeux écarlates, le Pokémon "Corvaillus" déploie ses ailes acérées afin de prendre son envol dans un concert de ferraille. Le jeune Rattata lève haut le chef pour le regarder planer dans l’immensité du ciel de Galar.
Et maintenant ?


Maintenant, Will se retrouve seul dans ce décor hivernal. Ici, il n’y a que lui, ces deux piliers marqués de boucliers, ces roches acérées qui s’élèvent comme des murs infranchissables et tout là-haut… la coupure. L’entaille encore bénie de son faisceau de lumière.
Il n’y a qu’un seul chemin : de petites pierres s’amoncellent en un sentier maladroit, certainement glissant, en pente, comme l’ultime effort avant la confrontation du Père et de la Mère.

Will lui lance un regard fatigué.
Il n’en peut plus. Il a mal. Cette question vaut-elle toute cette peine ?
Là, seul en haut de la montagne, il songe aux égouts de Céladopole, à son père, à la colonie… il sent son cœur se serrer alors qu’il réalise : tout cela lui manque.

Il secoue la tête dans l’espoir de disperser les émotions qui veulent monter. Non. La misère ne peut pas lui manquer !
Le jeune Rattata fait appel à sa volonté. En un geste désespéré, il tente de se traîner jusqu’à la première marche de cet escalier maladroit. Il est là. Il doit continuer.

Ô, Mère je vous en prie. Sauvez-moi de ce monde. Ô, Père je vous en prie. Sauvez-moi de ce monde.

Voilà qu’il se met à ramper, épuisé. Sa panse frotte contre le sol glacial, raclant la poudreuse qui s’amoncelle.
Tout cela n’est-il pas mieux que le carrelage graisseux du bâtiment aux machines ?

Je vous en prie !

Il y est presque, n’est-ce pas ? Encore un petit effort ! L’escalier approche… non ? Non. La fatigue lui joue des tours.

S’il vous plaît…

Pourquoi l’escalier disparaît ? Pourquoi le froid lui semble soudain si lointain ? Pourquoi le décor rétrécit ?
La peur l’agrippe. Non ! Non ! Non, non, non, non, non ! Il ne faut pas s’endormir ! Misérable vermine, ne t’endors pas !

Zacian… Zamazenta…

Un bruit métallique. Le jeune Rattata croit au retour du Corvaillus, mais il n’en est rien.
Will entend des pas. Des pas qui claquent sur la roche avec majesté et puis… et puis…
L’or solaire vient pourfendre la neige de la montagne. La lumière écarte les pans de ce paysage de mort alors que, de sa main invisible, elle vient bercer le jeune Rattata d’une chaleur plus que bienvenue.
Will ne bouge plus.

Son regard, agressé par la lueur, ne peut se détacher des deux silhouettes mouvantes, grandes, merveilleuses, en train de venir à sa rencontre.
Il voit du bleu, du blanc, de l’or, du rouge… des êtres massifs qui respirent la splendeur avec leur figure… leur allure d’apparat.
Du bleu saphir et du bleu d’azur, leurs fourrures…
Une épée dans une gueule, un bouclier sur le poitrail… ils sont là. Ils sont là.

Un sourire fend la figure de Will. Il se permet, enfin, de lâcher prise.

***
Pour un continent, une montagne.
Pour une ascension, un gardien.
Pour un regard de la Mère, du courage.
Pour la fin d’un périple, l’élévation.

La Mère sauvera les valeureux pèlerins, du monde.

Le Livre De Zacian

***
Pour un continent, une montagne.
Pour une ascension, un gardien.
Pour la compassion du Père, de la détermination.
Pour la fin du périple, une réponse.

Le Père protégera les valeureux pèlerins, du monde.

Les Mémoires De Zamazenta






Le thème du Corvaillus