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Merle Grey de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 12/10/2019 à 16:09
» Dernière mise à jour le 20/10/2019 à 15:00

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Famille   Slice of life   Unys

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Chapter 1: Water Fairy ~ Spring Bud
Les yeux de Thea brillaient. Allongée sur les vieux coussins poussiéreux du grenier, elle lisait. Elle lisait pour oublier le profond désespoir qui l’affligeait. C’était peine perdue. Impossible d’oublier le drame. Il était comme cousu à elle. Impossible de s’en défaire. Il lui collait à la peau, comme un vêtement trempé. Impossible d’échapper à la réalité. Impossible. Les larmes qu’elle avait retenues pendant toute sa lecture éclatèrent tel l’orage. Elle pleura violemment, recroquevillée sur elle-même, le manuscrit plaqué contre son cœur.

Ses parents étaient morts.

C’étaient les faits. Durs, froids, glacials.

Pas d’euphémisme. « Vos parents sont morts ». Une phrase très simple. Beaucoup trop simple pour transcrire ne serait-ce qu’une infime goutte de l’océan de significations qu’elle recouvrait, celui-là même qui était caché derrière la façade des mots. Jamais aucune phrase ne pourrait décrire ce que Thea Watson avait ressenti lorsque celle-là avait résonné dans ses oreilles. Pas même deux, ni trois. L’effondrement d’un monde. Son monde.

Elle avait toujours aimé ses parents. Tendrement. Que ses parents. Personne d’autre. Leur disparition était donc un choc d’autant plus dévastateur pour elle.

C’est lorsque l’on perd tout que l’on se remet en question. Et, ce faisant, Thea réalisait qu’elle ne savait rien d’elle-même. Pour découvrir qui elle était, d’où elle venait, elle avait choisi de se rendre dans ce grenier poussiéreux. Une crise existentielle.

Elle ne possédait plus rien, alors elle désirait tout. Elle désirait savoir. Elle désirait comprendre. Elle désirait voir. Enfin. Comme si elle avait été maintenue de force au fond de l’océan depuis des années, et que la mort de ses parents l’avait extirpée, de la façon la plus violente qui soit, de son cocon aquatique. Ainsi, tel un misérable Magicarpe, elle frétillait pathétiquement hors de l’eau.

Qu’était-elle devenue ? Qu’avait-elle accompli dans sa vie ? Rien. Strictement rien.

Elle se remit à pleurer un torrent de larmes qui embua ses lunettes. Pleurer la mort de ses parents. Pleurer sur son sort. Une larme vint s’écraser sur l’ouvrage, qu’elle serrait encore fort dans ses bras. Lorsqu’elle vit la minuscule goutte se former sur le papier usé, elle lâcha immédiatement le manuscrit, comme s’il avait subitement pris feu. Il retomba platement dans un nuage de poussière qui se mit aussitôt à chatouiller les narines et picoter les yeux bruns mais rougis Thea.

Elle épousseta sa salopette verte et son pull jaune, puis elle baissa sur son nez ses lunettes pleines de buée et fixa le livret quelques instants, les yeux écarquillés.

« Il ne faut surtout pas que je l’abîme… C’est mon seul indice. Le seul espoir que j’ai de retrouver la trace de mes origines. » pensa-t-elle.

Elle effleura la couverture du manuscrit du bout des doigts et murmura :

« Le journal de Merle H. Lock-Hoss… ».

Il ne s’agissait pas d’un quelconque titre, mais plutôt d’une déduction de Thea. En effet, le livre qu’elle avait trouvé ne comportait aucun titre apparent, puisque, comme l’avait deviné Thea, il s’agissait d’un journal. Celui d’une femme vraisemblablement nommée « Merle H. Lock-Hoss », qui se présentait elle-même à la fin du premier segment du journal.

Ce dernier racontait la toute première enquête de celle qui était devenue plus tard une grande détective. Il y était question d’une affaire de meurtre dans un hôtel-restaurant réputé de la région de Galar. Elle était suivie de nombreuses autres aventures de la détective.

Toutes se déroulaient à Donnol, la capitale de la région de Galar.

Galar. Une région inconnue et familière à la fois pour Thea. Inconnue car elle n’y avait jamais, pour ainsi dire, mis les pieds, mais également familière car elle en avait, en de rares fois, entendu parler par ses parents. Et pour cause : la famille de Thea Watson était originaire de Galar. Elle l’avait appris au détour d’une conversation, et encore, le sujet était passé très vite, comme s’il ne fallait pas en parler, comme s’il valait mieux que ce pan entier du passé de leur famille reste caché. Caché dans ce grenier, par exemple.

Cependant, il était vrai que, lorsqu’elle avait appris qu’elle était originaire de Galar quelques années auparavant, cela n’avait fait ni chaud ni froid à Thea. Elle était née à Unys et s’était toujours considérée comme Unyssienne, alors pourquoi s’intéresser à un pays qui n’avait aucun lien, hormis généalogique, avec elle ? Mais aujourd’hui, cette potentielle ascendance était la seule famille à laquelle la jeune femme pouvait se raccrocher.

Voilà pourquoi elle se trouvait dans ce grenier, en cette pâle matinée de printemps : elle fouillait dans le passé, cherchant désespérément une trace de sa famille disparue. Elle entamait une quête des origines. De ses origines. Et le récit autobiographique de cette femme, qu’elle venait de trouver, pourrait bien être celui de son ancêtre. Soudainement éprise d’une irrésistible curiosité, Thea se saisit à nouveau du journal et continua à lire les aventures de la détective galarienne.

Elle dévora chaque mot avec une avidité insatiable. Pendant de longues heures, elle oublia momentanément tout le chagrin qui la consumait de l’intérieur et se donna corps et âme au texte. Elle était seule avec lui, il lui racontait son histoire, et elle écoutait sagement, buvait ses paroles. Une incroyable fascination vis-à-vis des innombrables aventures qu’avait vécu celle qu’elle pensait être son aïeule s’empara d’elle. Elle était charmée par l’idée d’être la descendante d’une personne aussi captivante.

Ce journal, ignoré depuis si longtemps, montrait aujourd’hui à Thea les trésors qu’il recelait.

Les trésors de Galar, une terre d’aventure.

Thea, totalement absorbée, lisait toujours lorsqu’un assourdissant bruit l’arracha à sa lecture, en lui donnant une belle frayeur au passage. Elle n’avait encore jamais sursauté aussi violemment. Elle se leva d’un bond : la sonnette d’entrée ! Elle posa le journal sur le coussin où elle était assise encore quelques secondes plus tôt et descendit prudemment l’échelle qui menait à l’étage.

Elle traversa à la hâte les couloirs aux murs bleu pâle et descendit l’escalier en bois sombre à toute vitesse. Ses longs cheveux blonds ébouriffés voletaient derrière elle, retenus à grand-peine par un bandeau noir afin de cacher leur état lamentable. Habituellement lisses, elle n’avait pas pris beaucoup de temps pour s’en occuper dernièrement ; c’était, pour ainsi dire, le cadet de ses soucis.

Une fois arrivée à la porte d’entrée blanche, elle prit quelques secondes pour reprendre son souffle et remettre correctement ses lunettes noires sur son nez. La sonnette retentit alors de nouveau, juste dans ses oreilles, et Thea s’empressa d’ouvrir la porte pour abréger ce supplice sonore. Elle se retrouva alors face aux Lestrade, les amis de longue date de ses parents.

Ses défunts parents.

Elle sentit soudainement tout le chagrin d’avant sa lecture la submerger de nouveau, comme un tsunami. D’aussi loin qu’elle se souvienne, ses parents avaient toujours été amis avec les Lestrade. Enfin… jusqu’à leur tragique accident. Voir ainsi sur son perron les plus vieux amis de Mary et John Watson, avec des mines si tristes, ne lui remontait pas vraiment le moral.

« Bonjour, Thea, commença doucement Gina Lestrade. Nous aurions aimé t’adresser nos plus sincères condoléances. J’espère que l’on ne te dérange pas… »

Thea pouvait clairement percevoir les sanglots étouffés dans sa voix. Retenant ses propres larmes, la jeune fille se contenta de secouer la tête, la gorge serrée. Elle n’arrivait même plus à émettre un seul son.

« Oh, ma pauvre chérie… Nous sommes vraiment désolés pour toi. Tes parents étaient comme une seconde famille pour nous, nous les aimions beaucoup. » intervint à son tour Gregory Lestrade en la prenant dans ses bras, les yeux brillant de larmes.

Gina se joignit à l’embrassade, et il ne fallut que peu de temps avant que tous les trois ne se mettent à sangloter sur le perron gris de la maison, baigné d’un pâle soleil. Ils restèrent longtemps ainsi, unis dans leur malheur. Leurs larmes se mêlèrent à la rosée de printemps qui reposait sur les minuscules bourgeons plantés tout autour de la maison. Les fragiles pousses ne tarderaient pas à éclore en vigoureuses et robustes primevères.

Lorsqu’ils se séparèrent enfin, Gina glissa à Thea un : « n’hésite pas à nous appeler si tu as besoin de quoi que ce soit, ne serait-ce que parler. Nous sommes là pour toi, Thea. ». Cette dernière hocha la tête et articula avec difficulté un « au revoir ». Elle referma la porte et se retrouva à nouveau seule dans l’immense maison vide. Désespérément seule. Désespérément vide.

Elle contempla le séjour de ses yeux gonflés de larmes. Malgré la pénombre, Thea distinguait parfaitement la grande télévision à écran plat, la table basse en verre, les canapés gris. Elle n’avait pas besoin de ses yeux pour les voir. Combien de films avait-elle bien pu voir dans ce salon avec ses parents ? Des dizaines. Voire des centaines. Mais maintenant, la pièce était vide. Dépeuplée.

Prise de vertiges, elle se rendit à la cuisine située au fond pour prendre un verre d’eau. Ici aussi, les volets étaient presque tous fermés. Elle n’avait pas mangé grand-chose ces derniers temps. Elle alluma la lumière, qui projeta alors son éclat terne sur toute la pièce. Thea fit un effort surhumain pour ne pas regarder le réfrigérateur, couvert à n’en plus finir de photos d’elle et de ses parents. Elle se servit un verre d’eau du robinet et s’installa à table pour le boire tranquillement.

Mais son esprit était loin d’être tranquille. Tout ce qu’elle voyait lui rappelait ses parents. Sa vie passée. Tout était parti en fumée. La maison entière semblait la traiter comme une étrangère. Une intruse dans son propre foyer. Thea se prit la tête dans les mains. Ses souvenirs revenaient tous à la surface sans qu’elle puisse les contrôler. Elle avait l’impression qu’un orage s’apprêtait à éclater dans son cerveau.

Comment le faire arrêter ? Comment échapper à cette réalité pesante ?

Thea se remémora alors le sentiment de bien-être qu’elle avait ressenti en lisant le journal de son aïeule. Peut-être contenait-il plus de réponses que ce qu’elle imaginait. Il fallait qu’elle finisse de le lire. Non seulement elle le voulait, mais elle était également persuadée que ce journal essayait de lui dire quelque chose. Quelque chose de plus profond.

Elle finit son verre d’eau et le laissa là, sur la table ronde de cette cuisine qui l’oppressait. Puis elle se rendit à nouveau dans le grenier, où le journal l’attendait patiemment, ouvert pour elle, ouvert à elle. Elle s’en saisit et s’installa confortablement sur son coussin. Elle était toujours triste, mais elle avait au moins un ami pour la distraire et lui changer les idées.

Alors Thea plongea entièrement dans l’univers de Merle H. Lock-Hoss. Elle vit se déployer sous ses yeux l’enquêtrice, arpentant Donnol pour résoudre des crimes tous plus incroyables les uns que les autres. Elle entendait résonner dans sa tête le clairon de Big Gem, la célèbre tour de l’horloge de Donnol, où était incrustée une immense émeraude en forme de Poké Ball. Elle pouvait presque toucher les habitations de brique rouge et humer l’air brumeux de la ville.

Elle vivait la vie de Merle en même temps qu’elle. Elle s’imaginait, telle son acolyte, se trouver à ses côtés afin de l’encourager et de l’aider dans ses enquêtes. Elle tremblait avec elle dans ses moments de doute et de peur, tandis que son visage s’illuminait de délectation lorsque la détective attrapait enfin les coupables. Son souffle se coupait lors des courses-poursuites. Elle pouvait sentir le fumet délicieux des mets de banquet. Elle avait l’impression d’être dans le journal. Elle avait l’impression d’être à Donnol.

Thea lut pendant des heures. Elle lut jusqu’au dernier mot de la toute dernière aventure de Merle H. Lock-Hoss. Il faisait nuit noire à présent, et le grenier était assez mal éclairé. En s’extirpant de sa lecture Thea se sentit complètement vidée, à la fois psychologiquement et physiquement, quand bien même son corps n’avait pas bougé de la maison de toute la journée. Mais son esprit, lui, s’était envolé à des milliers de kilomètres de là, dans une contrée lointaine, par-delà même l’océan.

La jeune fille s’étira longuement et bâilla. Son esprit était déjà en train de sombrer dans des abysses sombres. Avant même qu’elle ne songe à se lever pour aller se coucher dans son lit, le sommeil la happa, et elle s’endormit, l’épais journal encore dans les bras. Elle fut réveillée aux aurores par la lumière blanche du soleil qui filtrait à travers la lucarne.

Sa tête et son corps étaient tout endoloris d’avoir dormi quasiment à même le sol. Elle craquait de partout, comme si elle commençait à faire partie intégrante des vieux meubles grinçants du grenier. Elle songea qu’elle ne tarderait pas à se recouvrir de poussière comme eux si elle restait là. Elle baissa la tête et vit le journal de son ancêtre sur le parquet. Elle l’avait probablement lâché lors de son sommeil. Heureusement, elle ne l’avait pas abîmé outre mesure. Elle poussa un soupir de soulagement et s’allongea à nouveau sur le sol dur et froid du grenier.

Elle se sentait toujours aussi vide. Son esprit ne lui faisait plus rien voir et son cœur ne lui faisait plus ressentir qu’un chagrin lancinant. Elle reprit le journal de Merle dans ses mains et le fixa quelques secondes, sans vraiment savoir ce qu’elle faisait. Ce carnet lui avait ressentir tellement d’émotions en l’espace d’une seule nuit. C’était grâce à lui qu’elle s’était remise à vivre. Car lui aussi, il vivait. Il était encore animé par le souffle de vie de Merle H. Lock-Hoss.

En ce sens, peut-être était-il plus vivant qu’elle-même, qui, à vingt-cinq ans, prenait déjà la poussière dans son grenier, aussi immobile et fragile qu’une statue antique qui manquait de se briser à chaque instant. Elle se redressa soudain. Voilà ce qu’elle devait faire. Elle devait bouger. S’animer enfin. Partir de cette maison qui lui évoquait tout ce qu’elle avait perdu et voler de ses propres ailes. Elle allait enfin trouver qui elle était.

Elle passa la main doucement sur le journal.

Pour se trouver elle-même, Thea avait décidé de partir en quête de son aïeule, Merle H. Lock-Hoss.

« À Galar… »