Chapitre 14 : Le procès
Quand le juge entra dans la salle d’audience, toutes les personnes présentes se levèrent, et attendirent que le vieil homme en toge noire se rassit pour en faire de même. Oswald se trouvait le plus à droite du banc de la partie civile, dont faisaient partie le professeur Erable, Funerol, les maires de Jadielle et d'Argenta, ainsi que le président du Fan-Club Pokemon de Kanto, qui ne manquait jamais de prendre leur défense en toute occasion. Dan Sybel aussi était là, non pas en tant que représentant de la Fédération Ranger, mais en tant que témoin. Oswald n'était plus leur ami pour le coup, mais leur avocat.
Tous sur ce banc avaient pour objectif de faire condamner N.W.C, dont les représentants et l'avocat se tenaient sur le banc d'en face. Que la multinationale paie une amende était le dernier de leur souci ; ce qu'Erable et les autres voulaient, c'était que la cession de la Forêt de Jade par les Dignitaires au profit de l'entreprise soit annulée, et que la forêt en question revienne au domaine public, d'où elle n'aurait jamais dû partir. Pour cela, le boulot d'Oswald était simple : démontrer, grâce à ses témoignages et preuves, que N.W.C avait largement outrepassé ses droits, et allègrement envoyé chier la loi de Kanto. Oswald n'avait pas prévu d'évoquer par contre le fameux Marquis des Ombres du professeur Erable. De telles allégations, sans preuve aucune, ne passeraient jamais lors d'un tribunal.
- Je suis le juge Morsault. Mesdames et messieurs les jurés, les avocats et les parties, nous nous tenons aujourd'hui dans cette salle d’audience numéro 7 du tribunal des conflits de Safrania, pour répondre à la demande en référée de Maître Oswald Brenwark quant à la suspension immédiate du droit de propriété de la Forêt de Jade, Kanto, appartenant à la personne morale de droit privée ci-mentionnée, New World Corporation, société anonyme à responsabilité limitée, représentée par Maître Selena Ocrown.
Oswald échangea un regard furtif avec son adversaire lors de ce procès. Selena Ocrown était une jeune avocate comme lui, s'étant rapidement fait un nom lors de grands procès médiatisés et très juteux. Elle aimait bien défendre les puissants qui payaient bien, et était redoutable quand il s'agissait de lever des vices de formes ou de procédures. Oswald l'avait déjà rencontrée et avait parlé avec elle, mais il ne s'était jamais retrouvé confronté à elle. Il respectait ses talents et ses capacités en tant qu'avocate, mais avait de larges doutes quant à ses valeurs en tant qu'humaine... Ocrown lui fit un léger sourire ironique, qui signifiait largement son intention de le dévorer tout cru lors de ce procès.
À ses côtés sur son banc de la défense, il y avait deux représentants de N.W.C, à savoir son directeur de la communication et son directeur des ressources humaines, respectivement Maxwell Briantown et Adreover Stylord. Dan n'avait cessé de les pister du coin de l'oeil dès qu'ils étaient entrés dans la salle. Le premier avait en effet permis à Dan de repartir de leur siège social avec les données qu'il avait volés. Bien sûr, il ne pouvait pas reconnaître Dan, car il avait alors pris le visage d'un autre membre du Conseil d'Administration. Ça ne faisait pas de Briantown un allié pour autant ; il avait apparemment fait cela dans le but de coincer le Marquis des Ombres, en pensant que Dan recherchait des preuves de son identité. Un Marquis qu'il soupçonnait être Stylord justement.
Normalement, ni Briantown ni Stylord ne devaient savoir qu'Oswald et ses camarades possédaient les plans de fabrication des Void-Bomb, une preuve normalement suffisante pour relier ces armes illégales et leur utilisation dans la Forêt de Jade à N.W.C, et les faire accuser. Ça devait sûrement expliquer pourquoi les deux hommes d'affaire avaient l'air si détendus, et visiblement si sûrs de leur victoire. Mais Oswald comptait bien vite les faire déchanter.
- Maître Brenwark, en tant que demandeur de ce référé, vous pouvez commencer, l'invita le juge Morsault.
- Merci, Votre Honneur, fit Oswald en se levant. Cette demande en référée de suspension de propriété, lancée par un de mes clients, monsieur Haysen Funerol, a pour but de répondre aux manquements graves perpétrés par la société New World Corporation dans la gestion de la Forêt de Jade et du processus judiciaire.
Oswald prit une des feuilles posées devant lui et la montra visiblement à la cour.
- J'ai ici un recours administratif, lancée par le Professeur Sylvain Erable, visant à annuler la cession de la Forêt de Jade à New World Corporation, pour motif d'intérêt général et de protection de l'environnement de Kanto. Ce recours a été lancé au tribunal administratif de Jadielle le 24 juillet, et a été validée le 30 de ce même mois. Dès lors qu'il a été jugé recevable, il mettait une suspension à l'exploitation de la Forêt de Jade par New World Corporation, jusqu'à que le recours eut été étudié et jugé par une commission indépendante, dont la tenue était prévue pour octobre de cette année. Or, nous avons la preuve évidente que New World Corporation n'a nullement respecté cette suspension, en débutant des travaux de déforestation qui n'ont été ni annoncés ni contrôlés.
Le juge acquiesça, et regarda du côté de la défense.
- Maître Ocrown ?
L'avocate de N.W.C se leva pour répondre exactement à quoi Oswald s'attendait.
- Mon client ne réfute pas ces accusations. Il est vrai qu'il a débuté des travaux, du fait de la nécessité des investissements en cours. Les frais engagés pour ce projet ne pouvaient effectivement attendre la fin du processus judiciaire engagé par le professeur Erable, que mon client était certain de gagner par ailleurs. Mais selon l'article 145.B du Code des Procédures, la sanction pour un non-respect d'une instance en cours est une amende de 200.000 Pokédollars maximum. Mon client est prêt à s’acquitter de cette somme en réparation du préjudice, mais les travaux en cours dans la Forêt de Jade ne sont aucunement de nature à influencer la décision d'aujourd'hui, Votre Honneur.
- En effet, approuva le juge. Il appartiendra au tribunal administratif de Jadielle de statuer sur la sanction à donner.
Oswald ne fut nullement perturbé par la conclusion. Effectivement, selon la loi stricte, le refus de N.W.C de respecter les injonctions d'un tribunal avant de débuter son exploitation ne pouvait se résoudre qu'à coup de Pokédollars, qui ne sont rien pour une entreprise de cette envergure. Mais Oswald avait quand même tenu à débuter par là, même si ça n'aboutissait à rien, justement pour montrer aux jurés le peu de considération qu'avait cette entreprise pour la loi. Le métier d'avocat reposait essentiellement sur la stratégie. Il ne s'agissait pas de balancer toutes nos preuves à la chaîne.
- Certes, concéda Oswald. La décision de N.W.C d'outrepasser le délai du tribunal administratif ne peut déboucher sur la suspension de propriété demandée par mon client. Aussi je ne me m'attarderai pas sur l'indélicatesse du client de ma consœur quant au respect de nos institutions judiciaires, pas plus qu'aux multiples pressions que Monsieur Funerol a subis pour être ici aujourd'hui, mais…
- Objection ! Répliqua Selena Ocrown. Les sous-entendus de Maître Brenwark sont de la diffamation envers mon client !
- Je ne pense pas avoir cité votre client, Maître Ocrown, répondit calmement Oswald. Et je n'ai fait qu'énoncer un fait. On a attenté par deux fois à la vie de Monsieur Funerol en une semaine. Ce serait une coïncidence pour vous ?
- La vie privée de votre client n'intéresse pas cette cour. Il aurait pu échapper à une dizaine de tentatives de meurtre, tant qu'il n'y a aucune preuve qu'elles concernent l'affaire qui nous occupe, les évoquer ne serait qu'un moyen ostensible de jeter le trouble sur ce dossier en salissant l'image de mon client, en l'associant à ce terrible attentat aérien qui a coûté la vie à nombre de personnes.
Le juge donna raison à Ocrown.
- Objection retenue. Maître Oswald, veuillez vous en tenir au cœur du dossier sans digressions malvenues.
Oswald serra les poings. Ce juge semblait bien coulant avec N.W.C... Non pas qu'Oswald eut jamais espéré pouvoir amener l'affaire sur le terrain de l'homicide sans aucune preuve de l'implication directe de N.W.C, mais de là à interdire de l'évoquer... Mais peu importe. Les jurés, eux, avaient bien entendu et compris ce qu'Oswald avait tenté de dire.
- Bien Votre Honneur. Je disais donc : le non-respect de cette société quant au délai de suspension n'est rien comparé aux moyens qu'elle a mis en œuvre pour commencer à exploiter la Forêt de Jade. Nous avons pu voir de quelle façon N.W.C avait débuté ses travaux de... terraformation, comme ils appellent ça. Les dégâts ont été constatés par de nombreux experts, mais j'ai ici quelqu'un qui a pu voir cela de ses propres yeux. J'appelle pour témoigner le Top Ranger Dan Sybel, en poste à Kanto selon les ordres de la Fédération.
Mais avant que Dan n'ait pu finir de se lever pour témoigner, Ocrown se tourna à nouveau vers le juge.
- Objection Votre Honneur ! Il est bien connu que la Fédération Ranger prend cause et parti pour le Vert de la Planète de Monsieur Funerol. Le témoignage d'un Pokemon Ranger ne saurait en aucun cas être impartial !
- Un témoin n'est pas un juré, répliqua Oswald. On ne lui demande pas d'être impartial, simplement de relater des faits. Ou bien craignez-vous qu'un Top Ranger ne mente après une déclaration sous serment ?
Il y eut quelques murmures dans la salle, la plupart approuvant les dires d'Oswald. Les Pokemon Ranger étaient majoritairement appréciés des citoyens, et leur probité était mondialement reconnue. Ocrown dut donc battre en retraite.
- Je... Loin de moi cette idée, Maître Brenwark. Je mettais juste cette cour en garde, si d'aventure le Top Ranger Sybel venait à s'éloigner des simples faits pour y aller de ses... suppositions ou opinions.
- Il n'en sera rien, lui assura Oswald. Dan Sybel s'en tiendra à ce qu'il a vu, et qui pourra être corroboré aux témoignages d'experts si besoins est.
Sans doute le juge Morsault avait prévu de retenir l'objection de la défense ; Oswald l'avait bien vu à son visage. C'était pour cela qu'il s'était dépêché de contre-attaque sans lui laisser le temps. Quels que soient le nombre de zéros sur le chèque que lui avait sûrement donné N.W.C, le juge n'allait pas mettre en péril sa carrière en empêchant un témoin clé de témoigner si la cour jugeait comme de toute confiance la parole d'un Ranger.
Dan commença son témoignage sur l'utilisation des Void-Bomb et les dégâts causés sur la forêt. Il ne mentionna évidement pas que le gros des dégâts, c'était lui qui les avait provoqués en utilisant une Void-Bomb pour tenter de détruire les autres. Ça ne lui aurait pas été reproché si l'on considérait que N.W.C l'avait capturé, mais Oswald avait convaincu Dan de ne pas mentionner cela. Accuser N.W.C de kidnapping et de tentative de meurtre, ce serait un peu trop gros, même si c'était vrai. Normalement, avec le descriptif des Void-Bomb et les plans qu'ils avaient volés, ça devrait largement suffire. Après tout, même si N.W.C avait acheté le juge, elle n'avait pas pu acheter les jurés, dont les identités étaient tenues secrètes jusqu'au début du procès.
- La zone du sinistre est un cratère vide et stérile de près de cent cinquante mètres de diamètre, continua Dan en montrant des images sur un vidéoprojecteur. Rien n'en a réchappé, et le nombre de victimes Pokemon doit se chiffrer en centaines. Et tout ça du fait des... nouveaux engins de chantiers de New World Corporation.
Il plaça un autre transparent sur le vidéo-projecteur, celui du schéma des Void-Bomb, qui provenait des plans de N.W.C.
- En l'absence de modèle à étudier, nous ne pouvons faire que des suppositions, mais il apparaît que ces engins puisent de l'anti-matière d'une autre dimension afin de provoquer une explosion qui ramène au néant n'importe quoi.
Nombre de murmures s'élevèrent de la cour, la plupart accusateur envers N.W.C. Les deux représentants de l'entreprise furent vraisemblablement stupéfaits de voir leurs propres plans sous leurs yeux, et Briantown parut enfin comprendre ce qu'avait pu voler celui qui s'était fait passer pour Hubertin au siège de Volucité. Il dévisagea Dan d'un regard nouveau, essayant de le reconnaître par delà le visage. L'avocate Ocrown, elle, avait froncé les sourcils, perdue. Elle ne devait pas avoir connaissance des Void-Bomb. Dan recula et laissa Oswald reprendre la parole.
- Plus que des outils pour le bâtiment, ce sont de véritables armes de guerre que N.W.C a conçu dans le plus grand secret et utilisé dans la plus totale illégalité, passant outre la législation de Kanto sur le contrôle des armes et mettant en péril l'un des trésors communs de notre région qui est la Forêt de Jade !
- Objection ! Martela Ocrown. Tout ceci est purement délirant ! Jamais mon client n'a fait utilisation de pareils engins ! Avez-vous la moindre preuve de leur existence ?
- Mais la preuve est sous vos yeux, chère consœur, répliqua Oswald avec un fin sourire. Ces plans ne sont pas les nôtres. Ils proviennent directement d'un laboratoire du siège social de N.W.C. Son authenticité peut facilement être vérifié en analysant les données, et nous nous ferons un plaisir de les transmettre pour cela.
- Ce n'est pas... commença Ocrown, mais elle fut interrompu par Adreover Stylord, le Directeur des Ressources Humaines de N.W.C, qui avait frappé du poing sur la table et s'était levé, le visage furieux.
- C'est intolérable ! Comment êtes-vous entré en possession de données privées appartenant à notre société ?! C'est du vol, ou de l'espionnage industriel !
Oswald retint son envie d'éclater de rire. De rage, ce crétin de Stylord avait avoué l'authenticité des plans, et donc de ce fait l'appartenance des Void-Bomb. Ocrown secoua la tête, dépitée par la bêtise de son propre client. Étrangement, Briantown lui semblait retenir un léger sourire, comme ravi de voir son associé dans une telle position.
- Ce n'est ni l'un ni l'autre, monsieur Stylord, répondit poliment Oswald. C'est une récupération de pièces à conviction dans le cadre d'une enquête légale, menée par le Pokemon Ranger Dan Sybel ici présent. En effet, l'article 47 de la Convention Internationale Policière signifie qu'une personne dépositaire de l'autorité de police judiciaire peut enquêter sans mandat dans quatre cas spécifiés, dont l'un d'entre eux se trouve être l'utilisation d'armes ou de Pokemon jugés dangereux. Et en tant que Top Ranger en charge de la protection de Kanto au nom de la Fédération Ranger, monsieur Sybel avait toute autorité pour se rendre à Unys et enquêter directement auprès de vous, au vue du péril que vous faisiez courir à notre région.
Ce n'était plus des murmures qui résonnaient dans la salle d’audience, mais bien des discussions enflammées à présent. Le juge tapa de son marteau sur la table, tentant tant bien que mal d'amener le silence. Un moment sonnée, Ocrown se reprit bien vite, prouvant à Oswald qu'elle était bien une avocate aguérrie.
- Votre interprétation de l'article 47 de la CIP est sujette à caution, Maître Brenwark. En l'état des choses, elle ne pouvait justifier cette atteinte grave à la libre propriété que sous la base de seuls soupçons.
Oswald voyait bien où elle voulait en venir. Elle voulait attirer Oswald sur le terrain des vices de procédures pour faire oublier l'utilisation d'armes illicites par N.W.C. Et le jeune avocat savait que son adversaire était une maîtresse dans ce domaine-là
- Votre Honneur, continua-t-elle en s'adressant au juge. La défense demande d'ajourner la séance, le temps que la légalité des actions du Ranger Dan Sybel soit étudiée, ainsi que l'authenticité de ses soi-disant plans. Il y a trop de points d'ombre là-dedans pour qu'un jugement impartial et éclairé soit rendu aujourd'hui.
Cette proposition ne fut pas du goût de tout le monde. Certains membres du public se levèrent pour invectiver Ocrown, accusant N.W.C de dissimuler la vérité. D'autres crièrent qu'il fallait que cette mascarade pro-environnement prennent fin immédiatement. Les jurés eux-mêmes semblaient divisés, et certains étaient prêts à en venir aux mains. Le représentant public des Dignitaires, lui, était clairement gêné, attendant la décision du juge sur une affaire qui commençait à embarrasser sérieusement le gouvernement. Finalement, ne parvenant pas à ramener le calme, le juge Morsault décréta une pause d'une demi-heure, le temps que les esprits refroidissent et que le juré s'entende sur une décision commune.
Oswald rassembla ses papiers, passa aux toilettes pour se rafraîchir, puis rejoignit Dan et ses clients dans la loge allouée à l'accusation. Leonora se trouvait là. Elle avait suivi la séance à distance, Oswald ayant catégoriquement refusé qu'elle se joigne à eux, craignant que son caractère emporté ne la fasse insulter l'avocat adverse ou le juge en plein procès. Une crainte qu'avait partagé Funerol, vu que c'était lui qui s'était chargé de convaincre son amie de les attendre sagement ici.
- Alors, comment qu'ça se passe ? Demanda-t-elle.
- Pas terrible, avoua Oswald.
- Vous croyez ? S'étonna le maire de Jadielle. Nos preuves ont pas mal déboussolé N.W.C et leur avocate pourtant, et la majorité des gens présents semblent de notre côté.
- Mais nous avons dû amener l'affaire sur le terrain de la législation sur les armes et sur le droit d'enquête sans mandat à l'international. Quelque chose de très éloigné de l'affaire de base. Nous sommes dans un tribunal des référés, pas de grande instance. Le juré n'est pas qualifié pour avoir un jugement sur de telles notions de droit. Et j'ai des doutes quant à l'intégrité du juge. Il ne pourra évidement pas trancher en notre défaveur, mais fera je pense ce qui arrangera le plus N.W.C : passer la main à un tribunal plus compétant. Ocrown fera tout entre temps pour ralentir le déroulé de la procédure par des appels en commission en invoquant Arceus sait quels vices elle pourra trouver. Total, ça prendra des lustres, l'opinion publique se désintéressera de cette affaire, et N.W.C aura tout le temps de trouver une parade pour se blanchir.
- Le tout en continuant son exploitation de la Forêt de Jade, j'imagine, soupira Erable. Il ne faudra pas compter sur les Dignitaires pour prendre les devants s'ils ont la bonne excuse d'une procédure judiciaire longue en cours.
Tout le monde baissa la tête, l'air sombre. Seule Leonora la secoua, les impératifs du droit lui échappant totalement.
- Jamais entendu un ramassis de conneries pareilles ! Laissez-moi me servir de mes Pokemon sur ces trous du cul de capitalistes, et ils vous cracheront tous les aveux que vous voulez !
- Se servir de pouvoirs psychiques contre le gré d'une personne est un crime, soupira Oswald. Ça ne peut être autorisé que dans le cadre d'une enquête terroriste. Et de toute façon, il n'est plus question d'aveux ou non. Stylord a déjà avoué par mégarde que les plans venaient bien de chez eux. Non, la seule chose qu'il nous faut, c'est autre chose à mettre sur la table. Quelque chose d'assez gros qui puisse encore plus choquer le public et qui empêcherai le juge de passer la main.
- La collision avec ces Agents de la Corruption ? Proposa Dan.
- Nous n'avons aucune preuve, et ça impliquerait d'accuser N.W.C de l'attaque sur le vol Safrania-Cramois'île. Ça ne fera que passer pour un coup désespéré visant à salir N.W.C. Non, il nous faut du tangible.
Ils étaient tous en train de chercher, et de s'apprêter à renoncer, quand on frappa à la porte. Erable alla ouvrir, pensant qu'il s'agissait de quelqu'un venant les prévenir que la séance reprenait. Mais il ne s'agissait pas d'un employé du tribunal, mais d'un homme assez louche portant une uniforme sombre.
- J'ai un courrier pour m'sieur Funerol, dit-il laconiquement.
Ce dernier, étonné, s'approcha, mais Dan lui fit signe de s'arrêter. Il étudia tout d'abord la grosse enveloppe, et quand il fut sûr qu'il n'y avait dedans que des papiers, il hocha la tête. Oswald approuva sa prudence. Après le colis piégé et l'attaque à bord de l'avion, il ne fallait plus prendre de risque. Il demanda néanmoins :
- Et on peut savoir qui vous êtes ? Cette pièce est réservée aux parties civiles du procès en cours.
- Ça tombe bien, car je ne vais pas m'éterniser, voyez ? Les tribunal, ça m'fout la gerbe. Bonne journée.
Il se retira sans plus de précision, sous les regards interloqués des personnes présentes. Funerol était déjà en train de lire ce qui semblait être une lettre accompagnant plusieurs fiches. Ses yeux s’agrandirent au fur et à mesure de sa lecture.
- Qui a jugé bon de vous envoyer une lettre en plein procès ? Demanda le président du Fan-Club Pokemon.
- Ce n'est pas signé. Ou du moins, ça l'est, mais par un certain : « quelqu'un qui souhaite la chute de N.W.C autant que vous ». Et si ce qu'il m'a envoyé est véridique... alors on tient quelque chose !
La séance recommença cinq minutes plus tard. Oswald avait l'esprit en ébullition, mémorisant les nouvelles données et ce qu'il devait dire. De son côté, Ocrown avait l'air sereine, persuadée sans doute que le juge allait annoncer le transfert de la procédure.
- Mesdames et messieurs, commença le juge Morsault en se levant. Je me suis entretenu avec les jurés, et nous avons pris une décision sur la suite à donner à ce conflit. J'énoncerai la décision, si les parties n'ont rien d'autre à ajouter à leurs plaidoiries.
- La défense n'a rien à ajouter, Votre Honneur, répondit Ocrown, si ce n'est notre attachement à découvrir la vérité et à rendre une justice impartiale et éclairée, ce qui implique une plus longue enquête aux vues des faits nouveaux.
- Maître Brenwark ?
Oswald s'avança lentement vers le vidéo-projecteur, en englobant toute la salle du regard.
- Votre Honneur, mesdames et messieurs les jurés, j'ai de nouveaux éléments à partager avec vous, si vous le voulez bien…
Intrigués, les jurés se redressèrent sur leurs sièges. Morsault avait l'air de se retenir de soupirer, espérant sans doute en finir avec ce procès casse-tête. Quant à Ocrown et aux deux directeurs de N.W.C, ils étaient à juste titre inquiets de ce que cet embêtant jeune avocat avait encore trouvé sur eux.
- Faites, Maître Brenwark…
- Je tiens à prévenir la cour : les images que vous allez voir sont particulièrement cruelles. Je m'excuse par avance si elles vont choquer plusieurs d'entre vous.
Ocrown ricana doucement. Elle devait s'attendre à ce que son adversaire montre des images du sinistre de la Forêt de Jade. Et ce n'était pas des arbres arrachés qui allaient changer quoi que ce soit. Mais quand l'image passa dans le vidéo-projecteur, la jeune avocate, comme toutes les personnes présentes, eut un hoquet de stupeur et d'horreur. Il s'agissait de diverses photos montrant un carnage sans précédent. Des cadavres en plusieurs morceaux de Pokemon, alignés dans une pièce sombre, qui était vraisemblablement un labo. Plusieurs personnes dans la salle crièrent d'indignation, et d'autres détournèrent le regard en se retenant de vomir. Le juge était sidéré, et les deux directeurs très pâles.
- Que... Qu'est-ce cela, Maître Brenwark ?! S'exclama Morsault.
- Des photos d'une enquête tout juste ouverte sur un trafic de Pokemon ayant lieu à Parmanie. Cela c'est passé hier. Les autorités de la ville, menées par le champion d'arène Koga, ont démantelé un réseau illégal qui volait des Pokemon au Parc Safari et s'en servaient pour des expériences ignobles, dont vous pouvez en voir quelques aperçus. La presse n'en a pas encore été informée.
Cela n'ajoutait qu'au mystère du mystérieux indicateur qui a fourni ces images à Funerol. Il avait sans doute été sur place. Peut-être un policier, voir Koga lui-même ?
- Le nombre de Pokemon tués reste encore à déterminer, mais il pourrait dépasser la centaine, continua Oswald. Apparemment, cela dure depuis un certain temps. Il semblerait que…
- Objection ! S'exclama Ocrown. Quelle que soit cette affaire, elle n'a rien à voir avec la nôtre !
- Si ma très chère consœur me donnait le temps de le faire, je vais lui démontrer le contraire, répliqua calmement Oswald.
Oswald savoura l'immense trouble et peur sur le visage des directeurs, particulièrement celui de Stylord. Ces deux ordures savaient, c'était évident. Et vu sa réaction, ce n'était pas le cas d'Ocrown. Oswald savait que la morale de sa consœur était parfois discutable, mais jamais elle n'aurait accepté de défendre quelqu'un qui s'adonnait à de telles pratiques.
- L'enquête débute juste, mais selon les premiers éléments, fournis entre autre par le champion Koga, il semblerait que la société Buildstrong, qui détient plusieurs parts d'actions dans le Parc Safari et qui a participé à sa construction, soit liée à ce trafic et à ces expériences horribles. Il n'est pas certain qu'ils y aient directement participé, mais ils ne pouvaient pas l'ignorer, car ce réseau opérait dans une planque située sous le parc, qui avait été ajoutée par Buildstrong en personne dans les plans de construction, et qui n'était connue que d'eux seuls. J'ai là les plans en question, si vous voulez les…
- Nous vous croyons sur parole, Maître, l'interrompit Morsault avec agacement. Mais encore une fois, quel rapport avec notre affaire ?
- Eh bien, Votre Honneur, j'ai pu acquérir une partie des documents comptables de Buildstrong de ces derniers mois, continua Oswald en montrant les papiers qu'il tenait en main, et en remerciant mentalement une nouvelle fois leur mystérieux informateur. On peut y trouver diverses anomalies, généralement celles qui désignent une société-écran. Et si on compare le bénéfice de cette société avec les revenues exceptionnels que N.W.C a déclaré sur la même époque, ça correspond en tout point. J'aurai d'autres éléments à faire valoir bien sûr, mais on peut raisonnablement affirmer une chose : Buildstrong, la société en lien avec ce trafic et ces expériences inhumaines, appartient à New World Corporation.
Dès lors, ce fut le chaos dans la salle. La quasi-totalité du public s'était levé pour invectiver les directeurs de N.W.C. Des verres d'eau et autres projectiles se mirent à voler ci et là. Ocrown tenta de lever une autre objection, mais fut totalement incapable de se faire entendre. Ce n'était plus de la colère qui animait la foule, mais bien de la haine. Ils avaient en face d'eux une entreprise qui, en plus de chercher à détruire leur forêt avec des armes dangereuses et illégales, s'en prenaient aussi à leurs Pokemon. Et s'il y avait bien quelque chose à laquelle il ne fallait pas toucher à Kanto, c'était bien les Pokemon. Tandis que Stylord cherchait à nier, Briantown était resté assit et silencieux, comme s'il reconnaissait sa défaite. Quand le calme fut suffisamment revenu pour qu’Oswald puisse poursuivre, il enfonça le clou :
- Enfin, j'aimerai indiquer à cette cour que je détiens un témoignage accablant contre le directeur Stylord dans l'affaire du colis piégé qui a frappé le Vert de la Planète.
Il n'en fallut pas plus pour que, une demi-heure plus tard, le procès se conclut avec une condamnation immédiate pour N.W.C, la suspension de son droit de propriété sur la Forêt de Jade, et des promesses de poursuites dans un avenir très proche sur les autres affaires. Le rapporteur public des Dignitaires ne put qu'approuver, devant le tollé du public. Même Selena Ocrown avait jeté un regard dégoûté à l'adresse de ses clients.