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Tranchant comme une lame de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 11/09/2019 à 14:02
» Dernière mise à jour le 10/07/2020 à 09:57

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Médiéval   Mythologie   Présence d'armes

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C'était ma propre chute.
Pourquoi vous cacher, demanda-t-il ; ce à quoi le Pokémon répondit…
— Si tu sors ta lame pour nous frapper, nos griffes et nos crocs te puniront. Nous punirons les tiens sans hésiter, car c’est pour nous la seule solution. La seule solution pour nous protéger, et je suis contraint de m’en excuser.


*****

Les arbres retenaient leur souffle. Comme tous les êtres comestibles qui sentaient un prédateur, comme tous les prédateurs qui écoutaient leurs proies, les arbres retenaient leur souffle. Ils savaient que ce qui se passait entre leurs branches n’était pas anodin. Ils assistaient à un événement prodigieusement inhabituel ; et comme tous les spectateurs qui attendent impatiemment que survienne l’action qu’ils pressentent, les arbres retenaient leur souffle.

Dans la forêt, visible seulement de tous ces êtres immobiles qui l’entouraient, un Humain avançait. Il sautait par-dessus les rochers, il se glissait entre les branches ; et les rochers étaient soulagés de ne pas subir la lourdeur de ses pas, et les branches sentaient le vent qu’il entraînait dans sa course.

La senteur de l’effort imprégnait l’air. Mais elle ne parvenait pas à s’imposer face à celle, plus simple mais plus forte, de la vie. Un Humain courait ; et alors ? Cent Créatures vivaient, tout près.

La perception qu’avait Neko de son environnement n’était pas aussi développée que celle des arbres, qui connaissaient tout de même leur domaine par cœur. Mais même lui sentait qu’il approchait de son but. Il avait rattrapé les kamis qui le fuyaient. Il avait trouvé ceux qui faisaient le siège d’Ushinawareta-ana.

Le siège. Un terme militaire ; mais quel terme aurait pu être plus adapté ? Des attaques soudaines suivies de promptes retraites ; une attention particulière portée aux réserves de nourriture ; et pour les assiégés, une certaine dissuasion de mettre le nez dehors. C’était un siège.

Ces kamis qui se regroupaient, n’étaient-ils pas une armée ? N’avaient-ils pas pour but de s’en prendre au village ? Si le tresseur prenait les armes, c’était pour conjurer cette menace. Quand les esprits de la Nature se retournaient contre les Hommes, ceux-ci devraient se sentir le droit de réagir. Ce droit, Neko l’appliquerait au nom des siens.

Il ne pouvait pas perdre. Pas alors que des dizaines de gens étaient pris au piège de ce siège qui ne disait pas son nom. Et il ne perdrait pas, car il portait l’arme d’un Kami.

Entre les arbres qui défilaient devant lui, Neko aperçut une trouée. Au début, ce ne furent que quelques feuilles mieux éclairées que les autres. Il pressa le pas et rapidement, une clairière s’ouvrit dans la forêt autour de lui.

Le tresseur s’arrêta quelques pas après le bord des arbres. C’était une véritable clairière, avec un large espace herbu, entouré par une rangée d’arbres au pieds desquels se pressaient une foule de buissons.

Et sur l’autre moitié de la clairière, une foule de kamis se tenait immobile.

Une bonne dizaine des très communs Mukuru et Bippa gambadaient un peu partout, trop turbulents pour imiter leurs aînés Biidaru et Mukubird, voire Mukuhawk. Mais ces derniers, eux, étaient bien plus solennels : avec quelques autres kamis moins courants, ils faisaient cercle autour du géant des glaces.

Ce même kami qui avait ravagé les champs d’Ushinawareta-ana, et probablement condamné le village à la ruine, se tenait maintenant dans une clairière, au milieu d’une horde des siens qui l’écoutaient religieusement. Il avait l’air de quelque stratège motivant ses troupes, et c’était très probablement ce qu’il était.

L’entrée de l’Humain dans le cercle des kamis provoqua un mouvement de surprise. Les êtres, certains immenses, d’autres minuscules, se retournèrent soudainement, et en un instant le centre de l’attention était devenu Neko.

Intimidé, le tresseur commença par ne pas réagir ; puis il dégaina le katana qui pendait à sa ceinture, et le pointa sur le groupe.

Le kami des glaces grogna. Aussitôt, les autres s’écartèrent, et dégagèrent une allée entre leur chef et l’intrus. Entre les deux ennemis mortels.

Puis le colosse s’avança, sortant de son cercle de sbires ; il approcha du tresseur, s’arrêtant à une distance raisonnable ; et il leva le bras. Sans comprendre, Neko observa ses doigts, ou ce qui lui en tenait lieu, serrés en un poing.

Soudain, le kami bondit vers le tresseur ; le dos de sa caricature de main entra en contact avec le katana de Zacian. Et le jeune homme sentit comme une présence. Un contact.

Un frémissement parcourut la lame. Soudain, la compréhension envahit Neko.

Cet outil que tu tiens a des propriétés bien pratiques, n’est-ce pas ?

Le tresseur voulut reculer d’un pas. Impossible ; impossible de lâcher l’arme, impossible de la détacher du poing du kami.

Ah, non. Il nous faut discuter un peu.

— Discuter ? répondit Neko, éberlué. Pourquoi voudrais-je discuter avec ceux qui s’en prennent à mon village ?

— Pour qu’ils arrêtent. Il est parfois possible d’éviter un combat, et c’est toujours plus simple que de le livrer.

— Alors, c’est pour ça que vous vous êtes cachés de ma lame, cracha le tresseur. Vous voulez fuir ? Les miens ont encore besoin de vous. Fuyez, et vous les condamnerez !

— Je… commença le kami avec hésitation. Ne voyais pas les choses ainsi. Quoiqu’il en soit ; sache ceci, Humain. Tu veux m’affronter ; et je n’ai pas la certitude de te vaincre. Aussi, si tu sors ta lame pour me frapper, ou pour frapper les miens, ce n’est pas toi que nos griffes et nos crocs puniront. Ce sont tes congénères. Nous punirons les tiens sans hésiter, car c’est pour nous la seule solution pour survivre. Je m’en excuse ; c’est ainsi.

— Ah oui ? Moi, je n’ai aucun doute : tu ne fais pas le poids contre ma lame. Toi et les tiens êtes allés trop loin, avez causé trop de dommages ; je dois protéger mon village contre vous.

Sur ces mots empreints de fiel, Neko tenta de dégager le katana de la poigne du kami ; mais celui-ci resta accroché, et en tirant, le tresseur l’attira légèrement en avant.

Je vois qu’il n’y a plus rien à dire… commenta lassement le colosse. Bien ; alors, qu’il en soit ainsi.

Soudain, l’arme fut libre ; brutalement entraîné en arrière, Neko eut besoin de quelques pas pour se rétablir. Voyant cela, les kamis qui s’étaient tenus en retrait jusque là s’éparpillèrent dans la forêt. Ils se dirigeaient certainement vers Ushinawareta-ana ; et le tresseur ne pourrait pas les poursuivre, pas avant d’avoir vaincu leur chef… Cela n’avait pas d’importance. Avec ses forces décuplées par son arme, il les rattraperait bien assez tôt.

Sans prévenir, le kami de glace leva un bras, et lança un jet d’eau parfaitement rectiligne. Le jeune homme eut le réflexe d’intercaler le katana sur sa trajectoire ; bien lui en prit. L’arme brisa l’attaque, envoyant un peu partout des embruns qui gelaient dès qu’ils touchaient la moindre surface.

Constatant qu’il n’avait aucun avantage à distance, le kami arma à nouveau ses bras d’écorce, et fonça sur le jeune homme. Celui-ci l’accueillit avec le sourire aux lèvres : au corps à corps, il serait en terrain plus ou moins connu.

La suite se passa dans un brouillard confus. Faisant confiance à son arme, Neko se retrouva en train de parer les coups puissants et répétés de son adversaire, et parfois même de riposter, sans savoir ce qu’il ferait la seconde d’après. Au début, cela marcha. Le kami ne parvenait pas à avancer, et ses coups ne portaient pas.

Mais ensuite, le duel commença à dérailler. Le tresseur laissait le katana vivant de Zacian se battre à sa place, mais ne pouvait s’empêcher de vouloir agir ; et bientôt, pris de court par l’absence de contrôle qu’il exerçait sur son corps, il fit des fautes.

Le kami ne se gêna pas pour les exploiter. Une première frappe atteignit le bras gauhe de Neko, envoyant des étincelles de douleur jusque dans ses yeux. Déséquilibré, il vacilla ; un second coup de massue s'abattit sur sa cuisse pour sanctionner son mouvement.

Pendant un moment après cela, le katana parvint à éviter d’autres dégâts à son porteur ; et soudain, une attaque vicieuse franchit la garde de l’arme, et s’écrasa sur le ventre de Neko.

La violence du coup plia le tresseur en deux. Il n’en avait jamais subi de pareil ; il lui semblait qu’on avait remplacé une partie de ses entrailles par de la glace. Et l’air de ses poumons n’arrangea rien : en s’échappant de sa prison de chair, il passa la gorge du jeune homme à la lime.

À peine Neko se rendit-il compte que son adversaire, qu’il avait perdu de vue, mettait un temps inhabituel à enchaîner sur une autre attaque, que celle-ci arriva.

Le coup de pied le cueillit de plein fouet, par le côté, et l’envoya valdinguer contre un arbre. Cette fois-ci, la souffrance qui envahit tout le corps du tresseur prit des airs de brasier déchaîné. Il perdit à moitié conscience de son corps ; lâcha son arme, se recroquevilla. La dernière chose que virent ses yeux fut le kami qui le toisait, au-dessus de lui. Puis ils se fermèrent.

*****
Il hante les terres enneigées, et se cache derrière d'épais blizzard. On l'appelle souvent le monstre des glaces, ou l'abominable homme des neiges.

*****
Quand il se réveilla, Neko eut l’impression qu’on l’avait roué de coups. En tout cas, ça devait sans doute approcher de ce qu’on ressentait après une nuit de sommeil sur une mauvaise natte, en ayant été roué de coups au préalable.

Ses pensées commencèrent à s’éclaircir, et il se rappela qu’en fait, c’était exactement sa situation. Il avait été roué de coups, et en guise de mauvaise natte, il gisait sur l’herbe. Ce qui n’était pas si mal, d’ailleurs.

La mémoire lui revint entièrement, et il se leva en catastrophe. Le combat. Le village. Il devait aller aider les siens contre le monstre qui se précipitait vers eux.

Sans tenir compte de la fatigue, le tresseur s’élança dans la forêt. En se dépêchant assez, il pourrait arriver avec les kamis au village, et les empêcher de faire trop de dégâts.

Mais… Il avait perdu. Toute son assurance ne lui avait servi à rien, en face de son absence absolue de familiarité avec la douleur. Il n’avait pas pu vaincre le kami des glaces, et en retour, celui-ci progressait vers Ushinawareta-ana. Et Neko croyait tout à fait à sa promesse de les massacrer.

Il avait échoué. S’il ne parvenait pas à rattraper la horde sauvage qui se ruait sur son village natal, celui-ci serait rayé des cartes ; alors qu’il n’était déjà pas assez important pour y apparaître.

En ressassant ces pensées peu agréables, le tresseur courait dans la forêt. Et au fur et à mesure qu’il progressait vers son village, un doute l’envahit.

Est-ce qu’en plus d’avoir perdu, il s’était perdu ?

Il s’arrêta. Il n’aurait pas su dire quelle distance il avait parcouru depuis cette maudite clairière ; mais surtout, il n’était pas sûr de la direction à prendre. Le soleil se couchait devant lui, et il courait donc vers l’Ouest… mais, au cours de sa traque, n’avait-il pas dérivé vers le Nord ? Et changé de direction, plusieurs fois ?

La réalité de sa situation se fit peu à peu jour dans son esprit. Dans sa folle traque, il avait été trop loin de son village, et il s’était perdu.

Il s’effondra au sol, les genoux en avant. Le monde entier pouvait-il s’être ligué contre lui pour lui nuire ? Même son assurance inébranlable ne put pas le lui affirmer avec certitude. Non ; bien plus vraisemblablement, il avait fait le mauvais choix. En poursuivant si loin le kami des glaces, il avait ignoré le risque de se perdre en terrain inconnu. Maintenant, il en payait les risques.

Ses convictions vacillèrent, ébranlées par cet aveu innocent. Cela faisait des mois qu’il ne s’était pas trompé dans ses choix ; la clairvoyance surnaturelle du katana l’avait-elle abandonné ?

Et qu’étaient toutes ces questions qui se pressaient dans son esprit ? Une cohorte de questions sans réponse, volontairement invoquées ; cela ressemblait bien trop à sa technique pour repousser une idée. Pour penser à autre chose. Non ?

Il lui fallut encore quelques interminables secondes pour réussi à se dépêtrer du flot d’interrogations, et pour entrevoir la vérité. Dans toute sa cruauté.

Ce n’était pas le katana qui l’avait trahi. C’était lui qui échappait, peu à peu, difficilement, à l’influence de la lame. Par ces questions incessantes, elle tentait de garder le contrôle ; mais la faille qui s’était ouverte dans le mur de ses certitudes ne put être comblée à temps, et le doute s’engouffrait désormais à pleins flot dans l’esprit du tresseur. Le doute libérateur, qui asservissait toutes ses pensées pour mieux détruire leurs chaînes.

Une vibration parcourut l’arme, et il sembla à son porteur que c’était là l’expression de sa rage. Alors seulement, la brume qui avait recouvert son esprit se dissipa.

Qu’avait-il fait ?

Il avait cédé au katana… Non ; à l’Épée. Elle l’avait tenté non pas avec la promesse d’une force à toute épreuve, mais en retournant contre lui sa propre foi en la justice… Et avec quelle facilité il avait cédé !

Pendant tout ce temps, pendant presque sept mois, il avait cru que sa droiture d’esprit lui conférait son assurance inébranlable… Mais dans l’ombre, c’était l’Épée qui tirait les ficelles.

Il comprenait tout. Il n’avait pas seulement enfreint toutes les consignes de Zacian ; il n’avait pas seulement abandonné son corps et ses pensées à la soif de sang de l’Épée ; il n’avait pas seulement semé la discorde, la souffrance et la mort autour de lui… Il était allé jusqu’à offenser les lois immuables de la Nature. Il avait dévoyé le bien d’un Shuyona-Kami pour répandre le mal. C’était impardonnable.

Neko secoua la tête, brutalement ; impardonnable ? Voilà que cette maudite Épée tentait de rejeter la faute sur lui ! Sa cruauté n’avait-elle donc pas de limites ? Il hurla, et son hurlement, en résonnant dans les bois, sembla le débarrasser de ses pensées délétères… Mais seulement pour ramener de nouveaux doutes.

Maudite, l’Épée du Kami ? N’essayait-elle pas encore d’employer une voie détournée pour le soumettre à sa volonté ? À nouveau, le jeune homme hurla. Il fallait absolument qu’il se débarrasse de l’Épée ; ou bien elle reprendrait le dessus.

Mais, et sa promesse ? Pouvait-il trahir la parole qu’il avait donnée à Zacian ?

Les larmes vinrent à ses yeux. Il le fallait. Il ne pouvait plus respecter cette promesse ; pas alors que l’Épée le dominait si facilement. Quels que soient ses regrets à agir contre le Kami qui avait attiré sa compassion… Il devait le faire.

En gagnant cette Épée, j’ai perdu la raison ! hurla-t-il, et il se rendit compte qu’à nouveau, cela éloignait la présence de l’arme. Ivre de puissance, j’ai méprisé la vie des kamis comme celle des hommes… Alors, je rejette cette Épée ; et je renonce à jamais à la sauvagerie. J’implore ton pardon, Zacian ! mais je n’étais qu’un imbécile, indigne de ta confiance !

Et sur ces mots, Neko se releva. Prit l’Épée à deux mains, ainsi que son courage. Et, le plus fort qu’il put, il abattit le plat de la lame sur le sol humide de la forêt.

La lame ne se brisa pas. Elle s’enfonça dans l’humus comme dans de l’eau, et quand le jeune homme se releva, elle resta agrippée à sa main ouverte.

L’horreur le saisit. L’Épée pouvait-elle se cramponner à lui indéfiniment ? Comme en réaction à cette question, et surtout à l’émotion qui l’avait inspirée, la prise de l’arme sur sa main faiblit. Elle réduisit la surface de peau à laquelle elle s’accrochait.

Violemment, Neko rejeta l’Épée, la lançant vers les profondeurs de la forêt. Et elle partit.

Il contempla son long vol plané, stupéfait ; il la vit se faufiler en tournoyant entre les arbres. Et à mesure qu’elle s’éloignait, il sentit se relâcher l’emprise diffuse et sournoise qu’elle exerçait sur son esprit. Il était libre.

Un éclair bleuté jaillit dans la forêt. Avant d’avoir touché le sol, l’Épée fut rattrapée ; puis élevée vers la lumière, par son porteur.

Zacian. Le loup bleu, dans les bois obscurs, resplendissait ; toutes ses blessures n’étaient plus que de lointains souvenirs, et il n’en apparaissait que plus majestueux.

Neko s’attendit à quelque chose. Quoi ? Peut-être des mots, peut-être… mais non ; sans même un regard pour le jeune homme qu’il avait choisi pour la lourde tâche de porter son Épée, le Kami s’en alla. Il disparut aussi vite qu’il était arrivé.

Le message était clair : il n’avait que du mépris pour le tresseur. Celui-ci se rendit compte que c’était tout ce qu’il méritait. Il avait réussi à détruire en quelques mois tout ce qui avait été sa vie.

Il fondit en pleurs.

***
Quand le Brave oiseau raconta la scène à Manteau-de-Neige, l'Arbre des glaces n’en crut pas ses oreilles. Alors comme ça, l’outil avait influé sur les décisions de l’Humain ? Le vétéran avait bien deviné que ce… cette chose, se nourrissait sur la vie ; mais de là à penser que son porteur n’y participait pas volontairement… Cela jetait une nouvelle lumière sur les événements.

Il reporta son regard en contrebas, vers le nid des Humains. Les Créatures autour de lui piaffèrent, impatientes de savoir si, finalement, il déciderait de lancer l’assaut, ou s’il ne donnerait pas de suite à tout ce qu’il avait fait.

Il s’était imposé comme Dominant, avait convaincu les habitants de la forêt de suivre ses instructions pour échapper à la lame mortelle de l’Humain, et les avait finalement menés jusqu’ici, au village … Et maintenant que la nuit s’était levée, comme pour couvrir leur manœuvre ; maintenant, il leur demanderait de renoncer ? Après leur avoir fait attendre l’arrivée de celui d’entre eux qu’il avait laissé derrière, pour surveiller l’Humain ?

Manteau-de-Neige ne savait plus où donner de la tête.

Mon père… commença-t-il. Mon père avait coutume de dire que si on peut vaincre un ennemi, alors c’est peut-être l’occasion de le rendre meilleur, en lui donnant une seconde chance. Je vous l’avoue, je ne sais pas quoi faire ; je suivrai donc ce dicton. Je ne suis plus certain qu’il faille anéantir ces Humains… Je vais donc leur rendre la vie.

Sur ces mots, il étendit ses perceptions ; il se connecta à l’Essence des plantes, et y mélangea la sienne. Autour de lui, tous se turent. Ils n’avaient jamais vu un contrôle de l’Essence à une si vaste échelle ; l’admiration figeait leurs traits.

Quand Manteau-de-Neige termina sa tâche, il était épuisé.

Allez, maintenant. Laissons ces Humains en paix ; plus, même, disparaissons à l’abri de leurs regards. Que s’ils nous cherchent, ils ne trouvent qu’un reproche muet.

Et la horde de Créatures s’éparpilla gaiement, sous la lumière de la lune qui laissait apercevoir derrière eux des champs de plants de riz régénérés par le pouvoir de la Nature.

***
Zacian se sentit redevenir complet avec satisfaction. Pendant longtemps, il avait dû se couper d’une part de lui-même ; maintenant qu’il était de nouveau en pleine forme, et pleinement réveillé, il sentait le pouvoir couler dans ses veines. Cela lui donna faim.

Distraitement, il se mit à fureter aux alentours, cherchant une proie. Pas l’Humain, bien sûr ; cela n’aurait eu aucun sens. Le loup bleu se laissa aller à analyser les conséquences de sa décision de donner l’Épée à un Humain.

Il en était plutôt satisfait. En cas d’extrême urgence, il aurait un remplaçant possible dans cette partie du monde. Pas le meilleur qu’il aurait pu trouver ; l’Humain s’était montré moins bien aligné avec l’Épée qu’il ne s’y était attendu, et plus rétif. Néanmoins, c’était mieux que rien. Le loup pourrait désormais se permettre d’être moins prudent.

Avec l’équivalent d’un sourire mental, il corrigea cette dernière pensée. Après tout, être prudent, c’était plutôt pratique. Surtout qu'après ce long sommeil, il avait beaucoup à faire.

Une fois de plus, le prédateur était en chasse.