Épilogue : Une stèle pour une étoile
Daskra avait mis trois jours pour atteindre le mont Volakias. Il était porteur de nouvelles de Cnossos, si tant était que l’ermite de la Montagne aux pentes sans longueur s’y intéressait. C’était ce drôle de bonhomme qu’il venait voir.
Autrefois, l’ermite avait été un architecte reconnu. L’année précédente l’avait vu devenir un mystique et un chef. Aujourd’hui, ce n’était plus qu’un homme vieillissant, exilé volontaire loin du pouvoir central. Ce qui en faisait peut-être le personnage le moins fou de toute l’île.
Comme à son habitude, l’ermite vagabondait sur le versant Sud de Volakias. Daskra le trouva en train de contempler un jeune olivier, et peut-être d’y découvrir les secrets de l’univers.
Bonjour, Dédale !
— Oh, Daskra. Cela faisait longtemps, non ?
— Assez oui : deux mois.
— Que me veut la civilisation, aujourd’hui ?
— Toujours la même chose… Minos gouverne de moins en moins. Les réunions du peuple lui arrachent des miettes de pouvoir toujours plus importantes, sans qu’il ne désapprouve vraiment, d’ailleurs.
— Et alors même que vous êtes en train d’arracher votre propre sort des mains de sa lignée, vous venez encore me trouver pour me supplier de prendre sa place ?
— Les gens ont besoin d’un chef, Dédale.
— Un chef ! Ce sera le premier de vous à comprendre les attraits du pouvoir ; et vous vous retrouverez à nouveau dans la même situation. Votre expérience de la démocratie Athénienne aurait pu être intéressante, Daskra, si vous réfléchissiez un peu en la pratiquant.
Toujours cette ironie mordante, qui pointait vite le bout de son nez quand l’ancien architecte parlait. Le Trésorier ne répondit rien. Il pouvait difficilement surenchérir là-dessus, et se doutait que de toute façon, Dédale voudrait orienter la conversation ailleurs.
Bon, je vais y aller. Voulez-vous m’accompagner, pour une fois ?
— Oui, je pense. Je ne sais pas si je reviendrai jamais, alors cette fois-ci, je vais venir.
L’ermite se leva, et partit. Daskra le suivit jusqu’à un petit promontoire rocheux, qui dominait les gorges de la Samaria. La vue, sur la moitié de l’horizon, était à couper le souffle. Elle dévalait les pentes des Montagnes Blanches jusqu’à la mer, scintillante, en un camaïeu de blanc, de vert et de bleu. D’un côté le monde autonome de la montagne, de l’autre la mer ouverte sur le monde.
Mais Dédale n’y prêtait pas attention. Il regardait toujours en premier ce qu’il y avait sur le promontoire. Un petit bloc de marbre tout simple, sans fioritures, sans même un nom. Comme souvent, un Xatu était perché dessus, considérant ses visiteurs d’un œil absent.
Au centre de la stèle, sur sa face Sud, était enchâssé un prisme coloré, qui renvoyait la lumière solaire autour de lui en mille nuances de rouge et d’orange.