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Rubis & Saphir - The Origins de Feather17



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» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 14/08/2019 à 16:43
» Dernière mise à jour le 05/09/2020 à 20:04

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo

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056. 4x10 - Champion un jour
Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon, et Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon. Durant leur périple, le groupe rencontre Hélène, Charles et Dan, trois étudiants de l’École Pokémon Fondamentale de Mérouville. Ils se lient aussi très vite d’amitié avec Annick, une amie d’enfance de Timmy qui devient la meilleure amie de Flora. De leur côté, Jessie, James et Miaouss se retrouvent à travailler pour Max Magma qui pratique des expérimentations sur le Galifeu de Sofian qui en ressort traumatisé. Le Rosélia d’Annick souffre atrocement depuis les affrontements et celle-ci la transfert au Professeur Seko juste avant la panne du système de PC. La Team Magma lance une grande opération de fouille sur le Site Météore afin de trouver une ancienne météorite qui leur servirait à construire une arme. Dans les combats contre leurs ennemis, la pokéball d’Arcko est détruite et le Pokénav de Timmy tombe en panne, empêchant Flora de communiquer avec son père, elle qui désirait faire la paix. Les trois adolescents reprennent la route vers Mérouville sans l’accord de leurs parents desquels ils craignent la confrontation.

Mérouville


Pokémon #201s
Ils étaient arrivés depuis déjà deux jours, mais Sofian ne s’était toujours pas habitué à l’agitation de la ville. Mérouville semblait ne pas avoir changé d’un trait. Ses hauts bâtiments commerciaux chatouillaient le ciel autour d’eux, les rues étaient occupées par des citoyens qui se pressaient dans une course contre les nombreux automobilistes bruyants, tandis que des Goélise et Zigzaton envahissaient les espaces publics. Arrivés sur la Place Principale de la ville en ce lundi matin, Sofian eut bien du mal à la reconnaître. En y repensant, la seule fois qu’il l’avait visitée avait été un jour spécial : une manifestation publique avait été tenue pour la sortie événementielle du Pokénav sur le marché, et un attentat organisé par la Team Aqua avait provoqué un mouvement de panique dans la foule. Aujourd’hui, le calme était revenu sur le square et Sofian laissa son regard se promener le long des statues aux effigies de pokémons qui avaient dû avoir eu un rôle dans l’histoire de la ville, traçant ainsi une croix parfaitement symétrique qui reliait les quatre entrées de la Place Principale.
— Il est là !
Annick se détacha du groupe et courut vers un adolescent qui venait de faire son entrée sur la place publique et qui disparut aussitôt dans les bras de la jeune fille.
— Ils ont l’air d’être fortement attachés l’un à l’autre, remarqua Timmy en caressant le crâne d’Arcko qui se tenait sur ses épaules.
— J’aurais aimé avoir un cousin, moi aussi, se lamenta Flora, émue par le spectacle des retrouvailles entre Annick et le sien.
Après quelques échanges inaudibles à cause des parasites auditifs de la ville, Annick rejoignit ses amis avec son cousin qu’elle leur présenta avec excitation.
— Les amis, je suis tellement heureuse que vous rencontriez mon cousin ! Surtout toi, Flora, car je suis sûre que vous allez bien vous entendre. Tout le monde, voici…
— Charles !
Et Flora disparut à son tour dans les bras de l’adolescent sous le visage étonné de Sofian. Lorsque la jeune fille relâcha son étreinte, Sofian reconnut enfin le garçon à ses cheveux blonds qui lui tombaient sur le front.
— Charles, comme dans Charles le coordinateur pokémon ! s’exclama Timmy en lui serrant la main.
— L’étudiant en coordination pokémon, rectifia Annick en faisant un clin d’œil à son cousin.
— Heureusement que je t’ai cousine, sinon les gens pourraient croire que je suis un petit génie, s’amusa Charles en saluant tout le monde.
— J’aime rappeler que je suis la meilleure et que tu n’es qu’un garçon normal, rétorqua Annick avec un rire gras.
— Comment a-t-on fait pour voyager une semaine ensemble sans se rendre compte qu’on connaissait ton cousin, s’ébahit Flora. Je suis tellement contente de te revoir, Charles !
— On l’est tous, pointa Sofian avec mauvaise humeur.
— Il paraît que vous avez encore fait parler de vous, indiqua Charles en faisant référence aux récents évènements à Autéquia.
— C’est pas faute d’essayer de rester discrets, répondit Timmy, mais que veux-tu ? Apparemment, empêcher une organisation terroriste de prendre le pouvoir passionne les foules.
— Nous ne sommes que les victimes de ce système, ajouta Flora.
Charles éclata de rire, entraînant Annick, Flora et Timmy dans son euphorie. Sofian leva les yeux au ciel, légèrement irrité par le comportement de sa meilleure amie.
— Le hasard fait bien les choses, reprit Charles. Justement, j’avais proposé à Annick qu’on se retrouve aujourd’hui car c’est une journée spéciale à l’École Pokémon Fondamentale de Mérouville. Il y a des conférences organisées, une sortie scolaire,… J’imagine que ça pourrait vous intéresser aussi.
Nous ?
Charles fit un signe de tête vers la droite et les adolescents suivirent son mouvement du regard. Au loin, prêt d’un arrêt de bus, un petit groupe d’adolescents discutait agréablement, un sac à dos sur l’épaule. Une des jeunes filles tourna la tête par hasard et ses yeux bleus sous une mèche de cheveux noirs croisèrent ceux de Sofian. Ils s’étaient reconnus.
— Hélène !
En le reconnaissant de loin, la jeune fille poussa un cri strident d’excitation et accourut vers eux. Quelques secondes plus tard, elle se jeta dans les bras de Sofian sous l’œil accusateur de Flora. Timmy recula d’un pas pour éviter de se prendre un coup tellement la jeune fille était enthousiaste, et Arcko se laissa tomber au sol afin de prendre de la distance par rapport au tumulte.
— Les amis ! s’écria-t-elle en les prenant chacun dans ses bras.
— Le mot est un peu fort, non ? murmura Flora à l’adresse de Timmy lorsqu’elle fut happée par l’accolade de la jeune fille.
L’étudiante en dressage de pokémon les regarda chacun leur tour, incapable de prononcer un mot tellement le bonheur irradiait son visage de les retrouver.
— Je suis tellement content de te revoir, Hélène ! lança Sofian.
— On l’est tous, mentit Flora d’une voix sombre, les yeux plissés et menaçants.
— Il faut qu’on fasse un combat pokémon ! indiqua Sofian. La dernière fois qu’on s’est affronté, on a été interrompu par la venue de la Team Aqua et je n’ai pas eu le temps de t’écraser.
— Si je me souviens bien, c’était mon Balignon qui avait l’avantage sur ton Poussifeu.
— Je suis sûr que mon Galifeu serait très heureux de te démentir. Et moi aussi, j’ai un Balignon à présent !
— C’est pas vrai ?! Il faut tellement qu’ils se rencontrent !
Flora prit une grande inspiration et s’empêcha d’abattre son poing crispé au visage de la jeune fille qui ne lui avait pas du tout manqué. Timmy et Annick échangèrent un regard amusé, s’interdisant d’éclater de rire en soutien pour leur amie. C’est alors qu’un troisième jeune fit son apparition dans le groupe.
— Je ne voudrais pas vous presser, mais le car est arrivé.
Les courts cheveux noirs tirés en une raie parfaite, son uniforme de l’école aussi apprêtée que son apparence, Dan salua à son tour ses anciens amis.
— Ça vous dit de passer la journée avec nous ? proposa Charles. En souvenir du bon vieux temps ?
— Oh, accepte Sofian ! supplia Hélène. Tu ne seras pas déçu car aujourd’hui, on se rend à l’arène pokémon de Mérouville pour apprendre des techniques de combat.
— Tu as trouvé les bons mots pour me convaincre !
— Évidemment, comment refuser une si bonne compagnie, grommela Flora entre ses dents.
— Si tu veux mon avis, Flora, tu seras peut-être plus emballée par la conférence à laquelle je participe, intervint Charles. Il s’agit d’une conférence sur l’utilisation des capacités physiques dans le cadre des concours de coordination.
— Avec très grand plaisir ! accepta de suite la jeune fille qui fut soulagée de ne pas avoir à passer le reste de la journée en compagnie d’Hélène.
— Avec un peu de chance, tes profs accepteront que je vous fasse une petite démonstration de mes talents de coordinatrice, dit Annick.
— Vantarde ! lança Flora. Et toi Timmy, tu viens avec nous ou avec Sofian et… elle ?
— Je suis désolé de devoir casser l’ambiance, mais je ne vais pas pouvoir vous suivre. Je vais essayer d’obtenir un nouveau rendez-vous à l’Entreprise Devon pour qu’ils réparent mon Pokénav et qu’ils trouvent une solution pour la pokéball d’Arcko.
— Ça m’étonnerait que tu y arrives, intervint Dan, mal à l’aise. Le siège social de l’Entreprise Devon se trouve bien ici à Mérouville, mais les usines qui s’occupent de la fabrication et de la réparation de leurs appareils ont été délocalisées dans une autre région.
— Mais comment je vais faire pour qu’on me répare mon Pokénav ? Monsieur Rochard me rendra bien ce service, il a tout de même une dette envers nous !
— Je ne sais pas si le directeur général de l’Entreprise le fera, en revanche je connais un ingénieur qui serait ravi de t’aider, indiqua Dan avec un sourire. Mon père travaille à l’Entreprise Devon. Je crois que je peux le convaincre de te filer un coup de main.
Quelqu’un appela après Charles au loin et le groupe d’adolescents constata que le car était prêt à démarrer. Ils décidèrent de couper court à la conversation et de se séparer en trois groupes. Sofian et Hélène coururent prendre place dans le car ; Charles, Annick et Flora prirent la route à pied vers l’École de Mérouville, Flora lançant des regards menaçants incontrôlés vers Hélène qui disparaissait dans l’autobus ; et Dan, Timmy et Arcko sur ses épaules quittèrent la Place Principale vers le quartier des affaires de Mérouville.

Pokémon #201
Au pied de ses quarante étages, le bâtiment administratif de l’Entreprise Devon siégeait en maître sur les autres édifices de la ville. Après de longues minutes d’attente sur des fauteuils confortables dans le hall d’entrée, la standardiste de l’accueil leur fit signe que c’était leur tour. Timmy laissa Dan s’adresser à elle et patienta devant un écran géant qui racontait l’histoire des créations les plus inouïes de l’Entreprise Devon. Depuis sa création, l’Entreprise avait fourni à la société Hoennoise de nombreux articles révolutionnaires : des vêtements de voyage ergonomiques, des chaussures de course à air propulsé, de petites puces électroniques servant à la fabrication de Pokédexs, le fameux Pokénav qui avait été créé en vue de concurrencer le Pokématos de la Sylphe SARL, l’entreprise concurrente de Kanto, ainsi qu’une pokéball spéciale appelée « Honorball ». En voyant la pokéball entièrement blanche apparaître à l’écran pour la cinquantième fois consécutive, Arcko poussa un soupire nostalgique.
— Ne t’en fais pas, Arcko, nous allons trouver un moyen de réparer ta pokéball, rassura Timmy.
Dan les rejoignit alors en compagnie d’un homme moustachu.
— Timmy, je te présente mon père…
— Laisse-moi deviner, Rowan ?
— Comment… ? Tu es devin ??
Timmy éclata de rire et serra la main de l’homme qui laissa ensuite Arcko lui monter sur les épaules.
— Qui aurait cru qu’on se reverrait un jour sans qu’aucune menace ne mette nos vies en péril ? dit Rowan sous le regard perplexe de son fils. Timmy est le fameux enfant qui m’a porté secours dans le Bois Clémenti lorsque j’ai été agressé.
— Il y a beaucoup trop de retrouvailles dans l’air, aujourd’hui, s’exclama Dan en se frottant le front.
— Dis-moi, Dan, reprit Rowan sur un ton sévère. Tu n’es pas censé être en cours, ce matin ?
— Oh, non, je commence plus tard aujourd’hui, marmonna l’adolescent en évitant le regard de son père. D’ailleurs, on est ici pour Timmy. Il a un service à te demander.
Rowan interrogea le jeune garçon du regard et celui-ci lui raconta la manière dont son Pokénav avait subi des dégâts. Il lui montra ensuite la pokéball d’Arcko, aplatie par une attaque de pokémon. Rowan la prit dans ses mains d’ingénieurs et l’examina quelques secondes avant de décréter :
— Tu peux la jeter et en acheter une nouvelle.
— Mais… ! Elle appartient à mon Arcko. C’est celle que j’ai utilisée pour le capturer, c’était justement le jour où je vous ai sauvé la vie !
— C’est un cas complexe que je ne maîtrise pas très bien. Je suis désolé, les enfants, mais je n’ai vraiment pas le temps de me pencher sur ce dossier.
— Est-ce que Monsieur Rochard serait libre pour me recevoir ? demanda Timmy, désespéré. Il me doit bien ça après tout ce que j’ai fait pour lui.
— J’imagine. Malheureusement, il n’est pas présent aujourd’hui. Il se trouve justement à l’École de Mérouville pour une conférence sur le matériel utile aux dresseurs de pokémons. D’ailleurs, jeune homme !
Rowan se tourna vivement vers son fils, le regard réprobateur.
— Il me semble que cette conférence rentre dans ton option de mécanique, non ?
— Oh, oui, peut-être. Merci papa pour tes conseils enrichissants ! On va faire ça pour la pokéball ! Bisous, je t’aime !
Et Dan tira Timmy et Arcko vers la sortie en toute hâte. Énervé, Timmy ne jeta pas même un regard au logo de l’Entreprise Devon qui flottait en hologramme au-dessus de leur tête à leur sortie ; la frustration fit accélérer dangereusement le rythme de son cœur dans sa poitrine.

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Le bus scolaire prit un virage trop serré et Hélène glissa de son siège vers Sofian contre la poitrine duquel elle se rattrapa. Elle s’excusa, son visage s’empourprant, mais Sofian ne remarqua rien. Il était obnubilé par l’apparence spéciale de son pokémon. Le Balignon d’Hélène jouait dans le couloir du bus avec son propre Balignon, mais les deux pokémons étaient loin de se ressembler. Outre leur apparence de bulbe similaire, leur couleur différait étrangement. Tandis que le corps de son Balignon était parsemé de pois verts, ceux sur le bulbe du pokémon d’Hélène étaient rouges. Cela ne semblait pas déranger son pokémon qui continuait de jouer à courir après son nouvel ami.
— C’est chouette que nos pokémons s’entendent si bien, s’émerveilla Hélène.
— Ouais. Comment ça se fait qu’il est rouge, ton Balignon ? questionna Sofian sans percer le sous-entendu de la jeune fille.
— Tu n’es pas au courant des variations chromatiques des pokémons ?
— Des quoi ?
— Tu es un sacré dresseur, mais il te manque beaucoup de théorie ! Certains pokémons ne présentent pas les mêmes caractéristiques que la norme de leur espèce. Les caractéristiques qui peuvent différer sont la taille, le poids, les symboles dans leur pelage ou sur leurs écailles, et, dans de très rares cas, leur couleur. Ceux qui ont une variation chromatique sont appelés des Pokémons Chromatiques, ou des Pokémons Shiny comme ils les appellent à Kanto.
— Oh, si ce n’est que la couleur…
— Mais c’est super rare dans la nature !
— Tant mieux pour toi. Moi, je préfère quand mes pokémons dépassent leurs propres limites physiques. C’est en ça que je reconnais qu’ils sont spéciaux.
— Tu es vraiment un dresseur original.
La conversation se poursuivit sur les matches qu’il avait déjà livrés dans la région, remportant ses trois badges dans la compétition de la Ligue de Hoenn. Hélène semblait intarissable de questions : comment il avait procédé pour abattre la défense de ses adversaires, pour quelle stratégie offensive il avait opté pour déstabiliser l’adversaire, quelles capacités spéciales ses pokémons connaissaient-ils,… Elle ne parvint à le laisser se reposer intellectuellement que lorsqu’ils furent installés dans les gradins de l’arène de Mérouville, face à un terrain rocailleux, et que le silence qu’avait imposé leurs professeurs l’empêcha de poursuivre la conversation.
Depuis une porte dérobée, la championne de l’arène fit son entrée sur le terrain fait de roche. Sofian changea de position sur son siège, excité à l’idée de retrouver Roxanne. La championne d’arène avait noué ses cheveux noirs derrière la tête et affichait un regard déterminé à la foule. Elle sortit une pokéball de sa poche et la présenta aux élèves.
— Dans cette pokéball se trouve un Tarinor, annonça-t-elle. Qui peut me dire de quel type est le Pokémon Tarinor ?
Plusieurs mains discrètes se levèrent dans les gradins, et Roxanne pointa du doigt une fille plus jeune au premier rang.
— Tarinor, le pokémon Boussole, est de type roche, ce qui le rend sensible aux attaques de type plante, eau, sol, combat et acier, mais résistant aux attaques de type feu, vol, poison et normal.
— Je n’en demandais pas tant, mais très bonnes réponses, félicita Roxanne à l’aide d’un sourire satisfait. Comme vous le savez déjà, les championnes et champions d’arène pokémon sont spécialisés dans un type particulier comme le stipule la Loi Indigo de 1990.
À côté de lui, Hélène avait arraché en un éclair hors de son sac à dos un calepin dans lequel elle s’empressait de noter toutes les informations données par son professeur. Abattu par toutes les données théoriques récitées, Sofian laissa son regard se perdre dans le décor qui l’entourait. La dernière fois qu’il avait mis les pieds dans cette arène, il était ressorti vainqueur du match qui l’avait opposé à la championne et avait remporté son premier badge d’arène. Il n’y avait que deux mois et demi qui le séparaient de cette date, mais il avait l’impression d’avoir vécu tellement de choses et d’avoir tant évolué. À l’époque, il n’avait d’ailleurs que deux pokémons : un Goélise qui ne faisait plus partie de son équipe, et un Poussifeu qui avait bien changé depuis.
La voix de Roxanne prit de l’ampleur, comme pour annoncer une information importante, et Sofian sortit de sa rêverie.
— Mon Tarinor sera votre compagnon tout au long de la journée pour vous apprendre les principes fondamentaux d’un combat pokémon professionnel, dit-elle. Aujourd’hui, vont défiler par cette porte une série de dresseurs, tous aussi différents les uns des autres. Il s’agit du quotidien d’un champion d’arène, vous savez. Il arrive parfois que nous affrontions jusqu’à dix dresseurs en une journée. Aujourd’hui, chacun de ces dresseurs ne sera accompagné que d’un seul pokémon. Pourquoi ? Car l’un d’entre vous va les affronter. Tous. L’élève qui arrivera à battre un maximum de dresseurs, l’élève qui s’approchera le plus de la fonction de champion d’arène, remportera cette Honorball !
Roxanne dévoila ce qu’elle tenait dans son autre main : une magnifique pokéball blanche scintillante sous la lumière des lustres.
— Alors ? Qui veut se lancer en premier dans ce défi ?
— Moi !
Sofian s’était levé d’un bond de son siège, les bras tendus aussi haut qu’il le pouvait. Roxanne le remarqua enfin parmi les élèves de la classe. Passé son étonnement, elle afficha un sourire réjoui.
— Évidemment, dit-elle.

Pokémon #201m
L’École Pokémon Fondamentale de Mérouville était composée de quatre longues et hautes bâtisses formant un rectangle symétrique, dont le bâtiment principal à rue surplombait les autres par sa hauteur démesurée. Sur sa façade, un gros bloc de pierre blanche avait été taillé sous la forme d’une toque au bas de laquelle les quatre lettres « EPFM » brillaient de leur couleur dorée. Au centre des quatre bâtiments se trouvait un espace aménagé si grand qu’on en voyait à peine l’extrémité. S’il ne savait pas qu’il se trouvait dans une école, Timmy aurait cru être arrivé dans un parc public. Des allées faites de pierres taillées, des fontaines, des espaces verts, des bosquets, des champs de fleur, ainsi qu’un petit lac paisible ; tout était fait pour qu’élèves et pokémons vivent en harmonie au sein de l’école.
En se dirigeant vers une tour d’escaliers sur la droite, Timmy vit au loin un Parecool se prélasser dans un arbre tandis qu’un Mystherbe se nettoyait les feuilles à son pied. Un éclat de rire attira son attention vers un groupe de jeunes élèves affairés autour d’un Zigzaton et d’un Medhyèna dont les poils avaient été colorés en rose par une étrange poussière, tandis qu’un enseignant venait les réprimander.
Les deux garçons ne croisèrent personne à l’intérieur de l’établissement, à l’exception d’un Psykokwak qui tentait de passer sa tête dans l’ouverture d’un distributeur de sodas. Arcko avait bien tenté de lui faire comprendre que c’était inutile de s’entêter, mais le Psykokwak avait voulu n’en faire qu’à sa tête, si bien qu’ils avaient poursuivi leur chemin sans se retourner. Dan fit visiter les lieux, indiquant de temps à autres les salles de classe qu’il avait l’habitude de visiter dans le cadre de ses cours d’élevage. Timmy remarqua bien vite que Dan n’avait pas l’air passionné par l’ambiance scolaire tant son propre émerveillement amusait son ami.
Enfin, ils terminèrent la montée d’une très longue flopée d’escaliers, et Timmy s’appuya à un mur un instant afin de reprendre sa respiration.
— Tout va bien ? s’inquiéta Dan.
— Oui… pas de soucis… juste… beaucoup de marches…
Dan fronça les sourcils en évaluant les capacités physiques de son ami. Timmy soupira. Il allait à nouveau devoir s’expliquer.
— Ne t’en fais pas… j’ai l’habitude. Je souffre d’une maladie… respiratoire qui est juste… incommodante.
— Tu es sûr ?
— Mais oui ! Allons à cette conférence !
— C’est ici.
Dan lui indiqua la double porte en bois en face de la cage d’escalier au-dessus de laquelle se trouvait un panneau indiquant : « Amphithéâtre Marco ». Timmy amorça un pas en direction de la salle, mais Dan resta en retrait.
— Tu ne viens pas ?
— Oh, vas-y sans moi, répondit simplement Dan en détournant le regard.
— Tu n’es pas censé suivre cette conférence ?
Cette fois, ce fut Dan qui soupira.
— Je peux te faire une confession ? Je…
Dan chercha ses mots un moment. Timmy échangea un regard inquiet avec Arcko.
— …m’ennuie comme un rat mort dans cette école.
Timmy ne sut que répondre. Dan en profita pour vider son sac.
— C’est la raison pour laquelle j’ai tendance à sécher les cours cette année. J’ai l’impression de perdre mon temps.
— Tu avais l’air si heureux quand on s’est rencontré sur l’Île Myokara, s’étonna Timmy.
— Je l’étais ! Comprends-moi bien, j’adore l’élevage. Être en contact avec les pokémons dans la nature, étudier leur habitat, analyser leur nourriture, prendre soin d’eux et découvrir chaque jour de nouvelles choses sur leur vie est passionnant. C’est exactement ce que je veux faire dans ma vie professionnelle !
— Quel est le problème alors ?
— J’ai juste l’impression de ne pas apprendre grand-chose ici. Certes, « l’EPFM » est une des écoles pokémons les plus réputées de Hoenn, peut-être même la meilleure avec l’Académie Privée de Nénucrique Est. Mais… je ne supporte plus d’être enfermé en classe à parler de l’anatomie du Zigzaton particulièrement formé pour vivre dans les bois alors qu’on est assis derrière un banc. Je veux dire—c’est stupide ! Si on veut comprendre pourquoi le Zigzaton a développé une marche sinueuse au cours de son évolution, autant se rendre dans son habitat naturel et étudier le phénomène de ses propres yeux ! Après, on s’étonne que personne ne retienne rien des cours : comment veux-tu qu’on se souvienne d’une ligne dans un livre alors qu’une expérience vécue reste gravée à jamais dans la mémoire ?
Timmy mit un instant à répondre, tant la réflexion de son ami lui semblait pertinente.
— Tu es beaucoup plus mature que ton âge le laisse penser.
— J’ai ton âge, je te signale.
— Alors, on a beaucoup de points communs !
Dan lui admit un sourire et Timmy fut satisfait.
— Tu as l’air d’être un passionné de l’élevage. Peut-être qu’en effet, les cours théoriques ne te conviennent pas.
— Je rêve d’étudier les pokémons sur les routes de Hoenn et de créer la plus grande encyclopédie pokémon du monde, avoua Dan, une lueur triste dans les yeux. J’aimerais tellement être une référence en matière de pokémons. Comme le Professeur Orme qui est un spécialiste de la reproduction, ou le Professeur Chen qui est le plus grand spécialiste du monde ! Ou même d’être financé dans une recherche aux côtés du Professeur Seko !
— Qu’est-ce qui t’en empêche ?
— Malheureusement, pour que cela se fasse, il me faut un diplôme d’éleveur si je veux être un tant soit peu crédible pour obtenir un financement. Et quand je pense qu’il me reste encore trois ans d’études dans cette école… ça me désespère.
— Et si je te disais que je pouvais t’aider sur le coup ?
Dan fronça les sourcils, perplexe, mais Timmy resta mystérieux :
— Si tu m’aides à avoir accès à Monsieur Rochard, je t’aiderai à avoir accès au Professeur Seko.
— Tu es au courant que c’est une personnalité inatteignable ?
— Il n’y a pas que toi qui as des contacts, lui répondit Timmy avec un clin d’œil. Deal ?
Dan prit une grande bouffée d’air et, levant les yeux au ciel comme dans un dernier espoir, lui serra la main en signe de confiance.
— J’imagine que je vais devoir aller à cette conférence, après tout.
Et Dan poussa la double porte en bois.

*
Lorsque la double porte en bois se referma sur Timmy et Dan, trois adolescents passèrent dans le couloir et descendirent la cage d’escaliers.
— Tu sais, je me suis fait un sang d’encre pour toi. Apprendre dans les journaux que sa cousine a été attaquée par la Team Magma, c’est traumatisant.
— Essaie d’être leur victime, tu verras si c’est toujours aussi traumatisant.
— Elle est vraiment belle, cette école !
Flora détacha son regard de la fenêtre qui donnait sur les gratte-ciels de Mérouville et rejoignit au pas de course Annick et Charles qui parcouraient les couloirs de l’École Pokémon en direction de l’endroit où se tiendrait le cours de coordination pokémon.
— En réalité, les choses n’étaient pas aussi dramatiques que ce que les médias ont fait tourner comme information, rassura Annick.
— Tu as quand même été prise en otage dans le bâtiment du concours pokémon, non ? insista Charles. Et tu as été enlevée par la Team Magma avant d’être retrouvée deux jours plus tard à quelques kilomètres d’Autéquia, perdue dans la montagne, non ?
— Vous croyez qu’on devrait venir en aide à ce Psykokwak ? s’inquiéta Flora.
— Oh, tu sais, c’est pas vraiment comme ça que ça s’est passé…
— Mais enfin Annick, tu ne serais pas en plein déni ? Tous les journaux en ont parlé, toutes les chaînes d’informations ont suivi un direct pendant deux jours, toutes les polices étaient à votre recherche !
— Vraiment Charles, je n’ai pas envie de revivre cet épisode…
— Ça doit être tellement enrichissant d’étudier ici ! s’extasia Flora.
— Tu as raison, pardon. C’est juste que… tes parents étaient morts d’inquiétude.
— J’aurais voulu les contacter, mais je n’en ai jamais eu l’occasion car j’étais loin de la technologie les jours qui ont suivi…
— Oh ! Le beau Charmillon !
— Ne t’en fais pas, ils ont appris que tu allais bien et ont été rassuré. Mais tu leur manques… beaucoup.
— Eux aussi ils me manquent Charles. J’ai juste peur que, si je rentre à Vergazon, je n’aurai plus envie de repartir à l’aventure.
— Je comprends.
— …et il m’a littéralement explosé au visage !
Flora éclata de rire et ni Annick, ni Charles, n’osa avouer qu’aucun d’eux ne l’avait écoutée depuis qu’ils s’étaient mis en route.
Le cours de coordination pokémon fut moins intéressant que Flora l’avait fantasmé. Le professeur qui enseignait ce cours avait énoncé des faits si peu pertinents quant aux stratégies à utiliser durant les concours pokémon que Flora s’était mordue la langue à plusieurs reprises pour ne pas donner le cours à sa place. Il y avait bien une chose pour laquelle elle était d’accord avec l’enseignant, c’était son choix de local pour dispenser son cours : le parc au centre de l’École. C’était dire à quel point elle n’était pas d’accord avec ce qui était dit durant cette leçon. Cependant, une information ne lui échappa pas.
— Malgré les récents évènements survenus à Autéquia, les autorités de Vergazon ainsi que la police régionale de Hoenn sont favorables à l’organisation du concours du mois de novembre. La compétition est donc maintenue, mais avec des effectifs de sécurité supplémentaire. Malheureusement pour vous, cela signifie aussi que votre devoir coté est maintenu. Je rappelle la consigne : choisissez un coordinateur ou coordinatrice et son pokémon durant le concours de Vergazon, et analysez de manière théorique les capacités utilisées durant leur prestation, sous l’angle du théorème que je rappelle encore une fois : une capacité spéciale vaut deux fois une…
— Tu as entendu ce que j’ai entendu ? chuchota Flora en échouant à masquer son excitation.
— J’ai des oreilles, oui, lui répondit Annick.
— Elle n’a pas dit la date, par contre, se plaignit Flora.
— …qui se déroulera le 27 novembre…
— Il suffisait de demander, plaisanta Charles.
— Ça veut dire que… c’est dans treize jours ça, compta Flora. Moins de deux semaines ! Je vais jamais tenir le coup tellement je suis excitée !
Annick resta muette et évita son regard. Flora ne remarqua rien, trop occupée à naviguer dans son Pokédex à la recherche d’une stratégie à adopter pour le prochain concours. Cependant, Charles connaissait sa cousine comme s’il l’avait faite.
— Tes parents auraient été heureux de te revoir, lui dit-il sombrement.
Annick préféra ne pas laisser cette conversation avoir lieu. La seule pensée qui l’occupait était celle qu’elle avait pour son Rosélia. Aucun concours n’avait d’intérêt sans la présence de son Rosélia. Pourquoi donc se rendre à Vergazon si c’était séparée de sa meilleure amie de toujours ?

Pokémon #201u
— Waw ! s’exclama Hélène, en chœur avec le public d’élèves.
Galifeu retomba sur ses deux pattes arrière, affichant fièrement ses muscles à son audience, tandis que son adversaire, un Ortide, gisait carbonisé aux pieds de sa maîtresse. Sofian et Galifeu avaient enchaîné les combats pokémon toute la matinée, et rien n’aurait pu les arrêter, pas même la faim qui commençait à gronder.
— Qu’on m’amène le suivant !
Sofian ne pouvait maîtriser son sentiment d’excitation intense. Il était en train de vivre son rêve : celui d’un champion d’arène défié inlassablement sans jamais perdre un combat. Un Topdresseur prit la place de la précédente et envoya un Gobou au combat.
— Voilà qui va être légèrement plus compliqué pour toi, commenta Roxanne. Les élèves, notez bien ses stratégies défensives.
Sofian haussa les épaules, indiquant qu’il n’avait pas peur d’un petit pokémon aquatique. Sous les ordres de son maître, Gobou envoya un jet d’eau vers Galifeu qui l’évita d’un bond souple. Galifeu atterrit sur un rocher au centre du terrain et aveugla Gobou à l’aide de sa capacité « flash ». Déstabilisée, les attaques aquatiques du Gobou manquèrent leur cible et Galifeu lui asséna un double coup de pied fatal. Gobou s’écroula devant son dresseur.
— Incroyable ! s’émerveilla Hélène.
Un brouhaha d’exclamations retentit depuis le public et Sofian, leur tournant le dos, bomba le torse.
— Je n’aurais jamais cru que ton pokémon se serait autant amélioré en si peu de temps, avoua Roxanne, perplexe.
— Que veux-tu, il a la chance d’avoir un dresseur de talent ! se vanta Sofian.
Mais l’adolescent savait que ce mensonge ne passerait pas auprès d’une championne aussi expérimentée. Au fond de lui, il savait pertinemment que les victoires de Galifeu n’étaient pas dues qu’à son talent ou à la force naturelle de son pokémon. Et la moue dubitative de Roxanne lui indiquait qu’elle se doutait de quelque chose.
— Le prochain adversaire de Sofian sera le dixième et dernier, indiqua la championne à ses élèves. Je précise qu’il est extrêmement rare de gagner autant de combats pokémons d’affilée avec un seul pokémon. J’aimerais que vous énonciez des hypothèses pour expliquer un tel exploit.
Hélène gratta davantage son style sur son bloc de feuille. Le dresseur fit place à un montagnard à la carrure imposante. Un gigantesque pokémon se matérialisa entre les deux adversaires, envahissant l’intégralité de sa partie de terrain.
— Un Onix ! s’ébaubit Sofian.
— Pourquoi Sofian est-il si inquiet d’affronter un Onix ? interrogea Roxanne.
— Parce que son Galifeu est sensible aux attaques de type sol et que son énergie a déjà été fort consommée par ses précédents combats, répondit Hélène du tac au tac.
Hélène avait vu juste ; jamais Galifeu n’arriverait à vaincre un pokémon aussi solide que cet Onix, songea Sofian. Mais il ne fallait pas perdre la face devant son public qui réclamait des prouesses techniques. « Vous voulez du spectacle ? » pensa Sofian, « vous allez en avoir ! »
— Galifeu, envoie…
Mais Onix fut plus rapide. Il abattit son énorme tête faite de roche et Galifeu eut à peine le temps de se jeter en arrière pour l’éviter. Malheureusement pour lui, la tête d’Onix fit trembler le sol en le percutant et des amas de roches s’effondrèrent sur Galifeu. Le public cria de stupeur.
— Galifeu, attaque…
Encore une fois, Sofian ne put terminer sa phrase. Cette fois-ci, c’était Galifeu qui ne lui en avait pas laissé le temps. Il s’était relevé et, de son propre chef, avait décidé de décupler ses forces avec son attaque « puissance ». Une étrange aura émana de son corps.
— Non, Galifeu ! C’est trop dangereux !
Roxanne se crispa. Quelque chose ne tournait pas rond. Mais Galifeu lança un regard déterminé à son maître et Sofian n’insista pas.
— Alors, enchaîne tes attaques « double pied » !
Galifeu s’aida des rochers afin de s’envoler dans les airs et écrasa son pied au visage d’Onix. Le pokémon serpent poussa un cri strident qui ne déconcentra pas Galifeu, celui-ci enchaînant avec un nouveau coup de pied.
— Termine-le avec « éclate-roc » !
Galifeu grimpa au sommet de la tête d’Onix et le cogna à l’aide de son poing. Onix poussa un cri de douleur et chuta au sol. La poussière s’éleva dans l’arène, masquant la visibilité. Une vague d’applaudissement jaillit du public. Cependant, lorsque le silence se fit à nouveau, ils perçurent à nouveau les cris de douleurs d’Onix qui ne s’étaient pas arrêtés. Quand la poussière retomba, Sofian constata avec stupeur que Galifeu continuait de lui asséner des coups de poing.
— Galifeu, tu as gagné ! Tu peux arrêter !
Mais Galifeu ne l’entendait pas. Il était incontrôlable, comme envahit par une puissance qui le dépassait et qui l’obligeait à frapper pour s’extraire de son corps. Le montagnard, terrorisé, fit disparaître son Onix mal en point et s’enfuit de l’arène à toute jambe.
— Tu m’expliques ce qu’il lui prend ?! ordonna Roxanne en le rejoignant sur le terrain.
La dernière fois que Sofian avait vu la championne aussi en colère, c’était lors de leur affrontement contre la Team Aqua sur l’Île Myokara. En réalité, si Sofian restait muet, c’est qu’il ne comprenait même pas lui-même ce qu’il se passait. Au centre de l’arène, dans les décombres d’un terrain ravagé, Galifeu était debout sur ses pattes-arrières, les genoux déverrouillés, les membres tremblant, une étrange aura chaude autour de son plumage.
— On dirait qu’il est envahi par ses pouvoirs qu’il n’arrive pas à contrôler, réfléchit Roxanne. Je me trompe ?
On ne pouvait définitivement rien lui cacher.
— La dernière fois que j’ai vu un tel comportement, il s’agissait de mon Tarinor dont les pouvoirs électromagnétiques avaient été déréglés à cause d’un violent orage. Mais je ne pense pas que ton Galifeu ait vécu quelque chose de similaire. En tout cas, rien de naturel n’est à l’origine d’un tel comportement. Tu as quelque chose à me dire, Sofian ?
Et, sans quitter des yeux son pokémon en souffrance, Sofian lui raconta les expériences que la Team Magma avait menées sur Galifeu et comment, depuis ce jour-là, Galifeu était passé par une phrase de traumatisme et une autre de surpuissance incontrôlable.
— Tout le monde dehors, la leçon est terminée ! ordonna subitement Roxanne.
Sans se faire répéter, les élèves agrippèrent leurs affaires avec hâte et quittèrent l’arène à toute vitesse. Hélène dévala les gradins et les rejoignit avec effroi. Sofian amorça un mouvement vers son Galifeu afin de le rassurer.
— Écarte-toi de lui ! cria Roxanne de manière autoritaire.
Sofian hésita. Non, il n’allait pas laisser son Galifeu seul dans cette épreuve, quitte à en subir de graves conséquences. Il rejoignit son pokémon au centre de l’arène mais n’osa pas le toucher : la chaleur qui irradiait de son corps l’empêchait d’avoir un contact physique avec lui.
— Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait, Madame la Directrice ? s’inquiéta Hélène.
— Je n’en ai aucune idée, répondit Roxanne, démunie.
Galifeu, seul au milieu de l’arène, tremblait de tous ses membres, et aucun des êtres humains autour de lui n’avait de solution pour l’aider. Le silence s’abattit sur l’arène.

*
Charles tira un siège de plus et permit aux deux filles de s’installer devant l’écran avant de leur laisser un moment d’intimité. Après le cours de coordination, où Flora et Annick s’étaient fait un malin plaisir à critiquer chacune des paroles de l’enseignant, Charles les avaient amenées dans le local de détente : un vaste hall chaleureux remplis de tables de travail, de fauteuils, de poufs, de posters de pokémons, et de bibliothèques. Au fond du local se trouvait une rangée d’ordinateurs. Annick s’était naturellement dirigée vers l’un d’entre eux : le besoin de prendre des nouvelles de sa Rosélia était insupportable.
— Tu es prête ? s’assura Annick.
Flora ferma les yeux, priant intérieurement, et finit par acquiescer.
— Tout va bien se passer, je suis là.
Flora prit une longue inspiration et, lorsqu’elle eut mis toutes ses idées en place, démarra l’appel. L’attente était insoutenable. Enfin, une tête apparut derrière l’écran : celle d’une femme une peu replète. En voyant sa mère de l’autre côté de l’écran, le cœur de Flora se serra dans sa poitrine.
— Coucou maman…
Sa mère resta bouche bée. Très vite, ses yeux s’embuèrent et elle ne put contrôler une vague de larmes.
— CHARLES !! cria-t-elle à l’intention de son mari
Quelques secondes plus tard, le visage de son père apparaissait à l’écran à côté de son épouse. Les deux parents fixèrent leur fille, incapables de prononcer un mot. Flora en profita pour parler en premier :
— Je… voulais vous dire que je… regrette la tournure des évènements. Je n’aurais jamais dû fuguer. Vous me manquez. Est-ce que vous acceptez de me pardonner ? demanda-t-elle, la voix tremblante.
Enfin, le Professeur Seko brisa le silence :
— Tu es vivante ! se réjouit-il en fondant à son tour en larmes.
— Bien sûr que je suis vivante ! rassura Flora, elle-même incapable de retenir ses émotions.
— Où es-tu ? s’inquiéta sa mère.
— Je me trouve à Mérouville, avec mes amis. Tout va bien, la vie a repris son cours. Je vous assure que… depuis Autéquia… On est vraiment en train de voyager et de découvrir plein de choses dans le calme et…
— Tu n’en as toujours fait qu’à ta tête.
Le ton du Professeur Seko n’avait rien de la réprimande. Plutôt, il ne faisait qu’énoncer un constat.
— Toute petite déjà, tu refusais de m’écouter quand je te disais qu’un Poussifeu pouvait te brûler s’il avait peur de toi. Tu préférais te brûler par toi-même pour vérifier.
— C’est comme ça que j’ai appris à ne plus provoquer des Poussifeu, rétorqua Flora avec un sourire.
Ses parents lui renvoyèrent son sourire. Tacitement, ils l’avaient pardonnée.
— J’imagine que tu ne vas pas rentrer à la maison ? tenta une nouvelle fois sa mère.
— Désolée…
— Et que quoi qu’on te dise, tu ne changeras pas d’avis ? s’obstina la dame.
Flora pouffa d’un petit rire ému et répondit par la négative.
— Alors, j’imagine que la prochaine fois qu’on te verra, ce sera brandissant le ruban victorieux du concours de Vergazon ? s’égaya son père.
— Et comment !
La petite famille poursuivit leur conversation de manière plus détendue. Enfin, Annick ne put patienter davantage et intervint :
— Professeur Seko ?
— Oh ! Annick ! J’ai une surprise pour toi !
Le Professeur Seko disparut de l’écran avant de revenir quasiment immédiatement. Il brandit devant la caméra de son ordinateur un énorme Rosélia d’une taille démesurée. Le pokémon d’Annick affichait un sourire jovial et ses couleurs brillaient de mille feux.
— Devine qui est prête à te revoir ?
— Ma parole, Rosélia ! Tu vas mieux !
Et ce fut Annick, cette fois, qui sombra en larmes.
— Ce n’était qu’un vilain virus commun aux pokémons de type plante, expliqua le Professeur Seko. Généralement, ils l’attrapent au début du printemps. On a eu beaucoup de cas de cette maladie cet automne, c’est bizarre. Quoi qu’il en soit, elle va mieux !
Rosélia poussa un cri de joie et essaya de transpercer l’écran pour rejoindre sa maîtresse. Sous le poids, le Professeur Seko tomba de sa chaise et tout le monde éclata de rire.
— Tu viens la chercher quand tu veux, proposa le Professeur Seko en se relevant difficilement.
— Le système de PC n’est toujours pas réparé ? demanda Flora.
— J’ai eu quelques contacts avec Annette. Elle a réussi à remettre en route la messagerie instantanée, mais les échanges de pokémons ne sont toujours pas réalisables. Elle a fait venir des ingénieurs du monde entier pour l’aider à remettre en route le système. Malheureusement, ça prend du temps.
— Pas de problème, je viendrai jusqu’au Bourg-en-vol pour la récupérer ! décida Annick avec joie.
C’est alors que Flora comprit avec tristesse les conséquences de cette décision. Lorsqu’ils achevèrent la conversation, après de longs au revoir paisibles, elles retrouvèrent Charles dans un coin de détente.
— Tu as ta réponse, Charles : je ne serai malheureusement pas présente au concours de Vergazon. Ou plutôt, heureusement, je serai avec ma Rosélia !

*
La dernière diapositive de la conférence s’afficha à l’écran et le vieil homme attendit que l’effet de l’image époustoufle son audience. Il s’agissait du tout nouveau modèle de Pokénav qui avait été créé afin de pallier aux défauts de la première version lancée deux mois plus tôt. En réalité, l’apparence de l’engin n’avait pas fortement évolué : tout au plus, ils avaient remplacé une couleur et ils avaient arrondi les angles. Cependant, dans ses fonctionnalités technologiques, le nouveau modèle avait l’air plus efficace.
— Comme vous pouvez le constater, nous avons améliorer la batterie du Pokénav 2.0, indiqua Monsieur Rochard en pointant un laser vers la caractéristique qui s’affichait à l’écran. Doté de mini-capteurs solaires, vous n’aurez plus besoin de perdre votre temps à rechercher une prise pour recharger votre Pokénav 2.0. De plus, la mémoire interne vous permet d’enregistrer deux fois plus d’informations quant aux dresseurs que vous voulez affronter ou aux statistiques de vos pokémons. Enfin, une toute nouvelle fonctionnalité a été ajoutée : l’échange pokémon ! Lorsque le système de PC a planté la semaine passée, des centaines de dresseurs se sont retrouvés dans l’incapacité d’échanger des pokémons avec leurs amis, les empêchant d’obtenir certaines formes d’évolutions ou même de pouvoir participer à des combats d’arène. Nous, l’Entreprise Devon, avons donc décidé d’ajouter la fonctionnalité d’échange pokémon dans le Pokénav. Vous pourrez dorénavant échanger un pokémon avec un ami sans avoir à vous déplacer dans un centre pokémon afin d’utiliser leur vieux ordinateurs !
L’audience applaudit l’annonce bruyamment. C’est alors que le professeur chargé de la conférence en indiqua sa fin et Dan et Timmy se mirent directement au travail. Comme convenu, ils appliquèrent leur stratégie afin d’avoir accès à Monsieur Rochard.
Comme il s’y était attendu, le vieil homme s’était tout de suite dirigé vers la porte de sortie de l’amphithéâtre sans attendre d’éventuelles questions de la part du public d’élèves. Timmy fit donc apparaître son Tarsal qui utilisa ses pouvoirs psychiques afin de bloquer la porte de sortie. Amusés par la scène—Monsieur Rochard essayait tant bien que mal de tirer la porte qui refusait de s’ouvrir—, Timmy et Dan descendirent les escaliers au pas de courses et s’approchèrent du patron de l’Entreprise Devon alors que l’amphithéâtre se vidait par le haut.
— Monsieur Rochard ! appela Timmy.
Le vieil homme se tourna vers lui et ne sembla pas le reconnaître.
— Oui ?
— Timmy Bronam, rappela le jeune garçon, vous m’aviez chargé de remettre une lettre à votre fils et un colis à votre ami le Capitaine Poupe à Poivressel.
Monsieur Rochard se gratta le crâne sous son chapeau et se souvint enfin de ces évènements.
— Nom de nom ! Jeune homme ! Je ne m’attendais pas à te voir ici !
— Eh bien, oui, me voilà. Après avoir réalisé avec succès le service que vous m’aviez demandé.
Timmy insista sur le terme « service » afin d’établir dès le début qu’il lui était redevable.
— Tu as donc rencontré mon fils ? Alors, impressionné par… ?
— Un homme charmant, l’interrompit Timmy. Dites voir, j’ai un petit souci avec deux produits de votre firme.
Timmy dégaina hors de sa poche son Pokénav et la pokéball d’Arcko et lui raconta comment ils étaient devenus des bouts de métal inutiles.
— Je me disais que peut-être vous accepteriez de m’aider sur ce dossier ?
Monsieur Rochard s’esclaffa tout en essayant d’ouvrir la porte, comme pressé d’en finir avec cette conversation.
— Avec plaisir ! Le problème, c’est que je ne suis pas un ingénieur : je ne peux pas te réparer ton Pokénav.
— Et pourtant, il faudra bien qu’il fonctionne… insista Timmy.
— J’imagine que je peux t’offrir le nouveau modèle qui vient de sortir, le Pokénav 2.0.
— Avec grand plaisir !
— Quant à ta pokéball, elle est irrécupérable. Mais il te suffit d’utiliser une nouvelle pokéball pour capturer ton Arcko. S’il veut rester avec toi, il n’opposera aucune résistance. Et quelque chose me dit qu’il a envie de rester à tes côtés.
Monsieur Rochard indiqua l’Arcko bien agrippé sur l’épaule de son maître. Tarsal détourna son attention pour observer ses deux amis, et la porte s’ouvrit à la volée. Monsieur Rochard replaça son chapeau sur sa tête et quitta les lieux d’un pas précipité.
— Et mon Pokénav ?! s’écria Timmy à sa poursuite.
— Oh, oui ! Pardon ! J’ai tellement de choses à organiser que je suis perdu dans mes pensées. Le seul Pokénav 2.0 que j’avais a été prêté à la championne Roxanne Brock pour une étude de ses nouvelles fonctionnalités. Je suis sûr qu’elle sera heureuse de te le remettre une fois ses recherches terminées. Bonne journée.
Et Monsieur Rochard les abandonna dans le couloir.
La matinée était passée et Timmy se trouvait toujours sans solutions. Pire, il devait à nouveau traverser toute la ville pour remplacer ses objets défectueux. Bien énervé, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, il trouva la première poubelle aux environs et y jeta avec force son Pokénav cassé et sa pokéball aplatie.

Pokémon #201s
Le silence régnait en maître. Seul le « tic-tac » d’une horloge venait semer le trouble dans les réflexions de la championne d’arène. Elle s’était enfermée dans son bureau toute l’après-midi et avait épluché tous les bouquins qui lui étaient tombés sous la main ; en vain. On toqua à la porte. Elle grommela quelque chose d’incompréhensible mais le cœur y était.
Flora et Timmy passèrent la tête dans l’entrebâillement de la porte.
— On nous a dit que tu t’étais enfermée ici et que tu ne voulais plus en sortir ?
Roxanne se détendit en reconnaissant ses deux amis. Elle quitta son bureau, heureuse de laisser son cerveau se reposer, et les enlaça à tour de rôle. Arcko quitta les épaules de son maître pour ne pas être pris dans l’accolade.
— On vient d’arriver à l’arène, expliqua Timmy, Hélène nous a tout raconté.
— Tu crois qu’il existe un moyen d’aider Galifeu ? s’inquiéta Flora.
— Je n’en sais rien. Je cherche, mais je ne trouve pas. Tout ce que j’ai trouvé, ce sont des exemples à peu près identiques de pokémons qui ont mal réagi à une évolution forcée avec des pierres évolutives.
— Comment ont-ils été soignés ?
— Personne ne le sait : ils se sont enfuis et on ne les a jamais retrouvés.
Roxanne soupira et se tourna à nouveau vers ses livres étalés sur son bureau, les bras ballants.
— Au risque de paraître indélicat… intervint Timmy.
Il lui expliqua son entrevue avec Monsieur Rochard un peu plus tôt dans la journée et comment il lui avait promis le nouveau modèle de Pokénav.
— Je veux bien te le donner, accepta Roxanne, mais je n’ai pas encore testé toutes les nouveautés. Je dois encore…
Et Roxanne se perdit dans ses pensées. Le regard vide, elle semblait contempler une vérité lointaine.
— Roxanne ?
— Je crois savoir comment sauver Galifeu !
Et elle quitta le bureau en courant.

Flora et Timmy déboulèrent dans l’arène sur les pas de Roxanne. La championne avait déjà rejoint Sofian au milieu du terrain, mais gardait ses distances avec Galifeu. Le pokémon était à quatre pattes au sol et tremblait de tous ses membres. Autour de lui, du sable noir s’était accumulée, comme si la poussière du terrain avait été brûlée par l’aura de chaleur qui se dégageait de son corps. Flora et Timmy, toujours suivi de son Arcko, rejoignirent Annick, Hélène, Charles et Dan au premier rang des gradins alors que Roxanne brandissait le nouveau Pokénav dans des gestes surexcités.
— Ils ont ajouté une nouvelle fonctionnalité au Pokénav, expliquait-elle, qui permet d’entraîner virtuellement les pokémons. On peut consulter leurs statistiques et aider nos pokémons à les rééquilibrer. Regarde !
Elle scanna Galifeu avec le Pokénav et tout le monde l’entoura afin de regarder le petit écran de l’appareil électronique. Un hexagone s’était affiché avec des points reliés entre eux au centre du schéma. Ils constatèrent avec stupéfaction que toutes les statistiques de Galifeu étaient normales pour son niveau, sauf celle de l’attaque spéciale qui dépassait les limites mêmes du schéma.
— À tous les coups, la Team Magma a essayé d’augmenter l’attaque spéciale de Galifeu au détriment des autres statistiques, théorisa Timmy.
— Ce qui a provoqué un choc psychologique et physique chez Galifeu, en conclut Annick.
— Maintenant qu’on sait où se trouve le problème, on va pouvoir le régler en un rien de temps ! annonça Roxanne.
— Comment ? s’étonna Flora.
— Vous avez la chance d’être en compagnie d’une championne d’arène qui possède un Tarinor !
Roxanne fit apparaître l’immense pokémon roche près de Galifeu. La chaleur qui émanait du corps de Galifeu ne sembla pas l’affecter.
— Tarinor est doté de pouvoirs électromagnétiques. Observez le travail !
Sous les directions de sa dresseuse, Tarinor plaça ses bras anguleux de part et d’autre du Galifeu souffrant et son nez triangulaire s’illumina. Galifeu serra la mâchoire, et Sofian lui prit la patte dans sa main, ignorant la brûlure qui commençait à lui perforer la paume. Mais presque instantanément, l’onde de chaleur s’évapora et Galifeu retomba au sol, immobile.
— Ça a fonctionné !
— Galifeu !
Sofian se coucha près de lui et lui caressa la tête. Le poulet ouvrit un œil, comme pour rassurer son maître, avant de sombrer dans le coma. Il était enfin tiré d’affaire.
— Merci, Monsieur Marco ! s’exclama Roxanne en regardant le ciel.
— Tu connais Monsieur Marco ? s’étonna Flora.
— Qui ne connait pas Monsieur Marco ? intervint Hélène. C’est peut-être l’homme le plus connu de toute la région après Pierre Rochard.
Flora lui fit une grimace dans son dos, passablement irritée, et Annick pouffa de rire.
— Et… pourquoi on doit le remercier ? questionna Dan.
— Lorsqu’il était champion d’arène… commença Roxanne.
— Monsieur Marco a été champion d’arène ?! s’ahurit Flora.
— Évidemment, répondit Hélène sur un ton de « je-sais-tout ».
— …c’est lui qui m’a tout appris durant ma formation de championne, poursuivit Roxanne qui n’avait pas vu le doigt injurieux que Flora avait brandit derrière Hélène. C’est grâce à lui que j’ai découvert cette capacité spéciale de mon Tarinor.
— Dommage qu’il n’est plus champion, j’aurais bien voulu l’affronter, lança Hélène.
— Oh, je crois qu’il en a assez vu pour toute une vie ! répliqua Charles. Quand on se fait assiéger dans sa propre ville, on peut prendre sa retraite tranquillement.
— De quoi tu parles ? demanda Annick.
— Tu n’es pas au courant de l’histoire ?
L’attention de Sofian fut attirée pour la première fois par la conversation. Il fit rentrer son Galifeu dans sa pokéball mais resta en retrait.
— C’est un vieux fait divers, expliqua Roxanne. À l’époque où la Team Magma n’était pas encore formée, leur chef avait déjà plein de projets en tête. Il a essayé de prendre Clémenti-Ville sous son contrôle avec une bande de fidèles. Malheureusement pour lui, Monsieur Marco était champion de Clémenti-Ville et ne s’est pas laissé faire. Grâce aux habitants et surtout à l’aide du nouveau champion actuel de Clémenti-Ville, ils ont réussi à repousser les terroristes. D’après les journaux de l’époque, le chef de la bande aurait même kidnappé une jeune adolescente pour se venger.
Le sang de Sofian se glaça.
— Que lui est-il arrivé ?
— Personne ne le sait. Le père de la gamine l’a cherchée partout mais on ne l’a jamais retrouvée. Connaissant l’animal qui l’a enlevée, on peut imaginer le pire pour cette gamine.
— Je n’avais jamais entendu cette histoire, marmonna Flora. Pourtant, mon père m’a déjà raconté l’attaque de Clémenti-Ville, mais je ne savais pas pour cette jeune fille…
— Oh, ça s’est vite oublié, relativisa Roxanne. Monsieur Marco a quitté son arène, le père de la gamine est rentré chez lui, et puis tout le monde est passé à autre chose.
— Quelle triste histoire, se lamenta Hélène.
De son côté, Sofian fut parcouru d’un sentiment étrange. Comme s’il venait de vivre une impression de déjà-vu. Comme s’il se souvenait exactement des évènements de cette journée qu’il avait pourtant juré d’enfuir au plus profond de sa mémoire.
— D’ailleurs, c’est pour fêter ses cinquante longues années de carrière, un record mondial, et le sauvetage de Clémenti-Ville que l’Entreprise Devon a créé cette gamme de pokéballs qu’ils ont appelé Honorballs, indiqua Roxanne en montrant l’objet. Honorball que je tiens à t’offrir tout de même, Sofian ! Je n’ai pas oublié ton exploit !
— Je ne la veux pas.
Sofian repoussa la main que lui tendait Roxanne. Il était hors de question qu’il se ballade avec un objet qui lui rappelait son passé.
— Dans ce cas, je ne vois aucun inconvénient à ce que ce soit moi qui la récupère ! dit Timmy, d’une voix décidée.
Il prit la Honorball des mains de Roxanne et la tapota délicatement sur le crâne d’Arcko. Le pokémon se dématérialisa et disparut dans la sphère blanche. La Honorball émit instantanément un son sourd qui indiqua la capture du pokémon.
— Ça fait du bien ! s’exclama Timmy en se massant l’épaule.

Pokémon #201e
La serveuse avait posé sur la table les sept tasses de chocolat chaud et était repartie en évitant les deux Balignon qui se couraient après entre les tables du café. Hélène, Charles et Dan les avaient amenés dans leur café préféré où se rejoignaient en fin de journée tous les étudiants de la ville. Sofian s’était plongé dans son chocolat chaud sans un mot, tandis que Timmy et Dan étaient entrés dans une longue conversation sur les nouveaux outils technologiques. Le Métamorph de Charles amusait la galerie avec ses transformations épatantes tandis que Hélène tentait tant bien que mal d’engager une conversation avec Sofian. Annick et Flora s’étaient écartées du groupe, près du bar, cette-dernière refusant de passer un instant de plus en compagnie d’Hélène.
— Regarde-là comme elle fait semblant de s’intéresser à lui juste pour le mater, fulminait-elle. Et il est tellement bête qu’il ne se rend compte de rien ! C’est comme si on pouvait entendre leur conversation d’ici. « Tu es tellement fort Sofian ! — J’adore le chocolat. — Oh, tu es aussi marrant que fort, Sofian. — J’ai envie de péter. — Hahaha ! J’aime tellement quand tu gagnes tes combats, Sofian. Tu n’as pas envie de me défoncer avec ton Galifeu ? Ou même sans ? »
Annick hurla de rire, si bien que les clients autour la fusillèrent du regard.
— Qu’est-ce que tu vas me manquer, soupira Annick en prenant Flora dans ses bras.
— Ah non ! Pas maintenant ! Là, je suis en colère. J’ai pas envie d’être triste. Alors sois en colère avec moi !
— C’est vraiment une sale p…
— Annick ! Enfin ! Quand même pas ! Ça ne se dit pas ! s’horrifia Flora, avant d’ajouter à demi voix : Même si c’est vraiment une sale p…
Les deux filles entrèrent dans un fou rire qui ne se termina que dans une quinte de toux douloureuse.
— Aucune chance qu’on se voit au concours de coordination de Vergazon ? insista alors Flora, la tristesse l’envahissant tout à coup.
— Onze jour pour faire le voyage de Mérouville au Bourg-en-vol puis jusqu’à Vergazon, sans avoir le temps de m’entraîner ? calcula Annick. Non, aucune chance.
Flora poussa une lamentation et se jeta dans les bras de son amie qui résista pour ne pas fondre en larmes.
— Mooooh !
Timmy les avait rejointes et les avait prises dans ses bras à son tour.
— Dégage Timmy, on est dans un moment féminin, ici.
— Justement, ça manque de testostérone ! C’est pourquoi, Annick, je te présente Dan.
Dan et Annick, qui n’avaient pas encore eu l’occasion d’échanger beaucoup de mots depuis le début de la journée, se firent la bise poliment.
— Dan aimerait se rendre chez le Professeur Seko pour lui demander de le prendre en apprentissage, expliqua Timmy. Je suis sûr que le papa de Flora sera ravi de te pistonner, même sans diplôme. N’est-ce pas, Flora ?
— Vu cet air inquisiteur, j’imagine que je n’ai pas d’autre choix que de l’en convaincre, répliqua celle-ci.
— Parfait. Et puis, comme je n’aime pas te savoir toute seule sur la route, ce serait chouette que vous fassiez route ensemble, proposa Timmy.
— Je suis sûr qu’on a plein de choses à se raconter, dit Dan avec optimisme. Je suis passionné par l’élevage et tu es une coordinatrice redoutable, je pense qu’on va bien s’entendre.
Annick examina la raie parfaite dans les cheveux de Dan, ses vêtements bien repassés et son look classique et propre, avant de dessiner un large sourire sur son visage.
— J’en suis convaincue ! affirma-t-elle en lui caressant le bras.
Et Dan entraîna Annick vers la table de leurs amis pour poursuivre la conversation. Timmy les regarda s’éloigner et fut pris d’une peur panique.
— Qu’est-ce que je viens de faire ?!
Flora pouffa de rire.
— Quelque chose me dit que tu ne t’attendais pas à ce qu’Annick s’entende si bien avec lui, dit-elle en faisant bouger ses sourcils. Tiens, la voilà qui revient !
Flora détourna le regard en faisant mine d’être passionnée par le menu du café affiché au-dessus du bar. Annick revint près de Timmy et le prit dans ses bras.
— Je déteste les adieux, lui dit-elle. Mais on va vite se revoir !
— Si on a de la chance.
Annick comprit tout de suite qu’il faisait référence à son état physique et à la maladie qui le rongeait.
— Je te promets que tu n’en as pas fini avec moi ! assura Annick avec un clin d’œil.
— Je vais vous laisser, intervint Flora alors que les deux adolescents se rapprochaient. Et m’empresser d’aller annoncer à Sofian notre prochaine destination.
Et Flora leur laissa un espace d’intimité.
Annick et Timmy se tenaient la main, le regard plongé l’un dans l’autre. Le silence s’installa, un de ces silences qui ne donnait pas envie d’être rompu. L’espace entre eux rapetissait à mesure que le cœur de Timmy battait à tout rompre dans sa poitrine.
— Tu pourras passer chez mes parents pour leur dire que je vais bien ? chuchota Annick en s’approchant de son visage.
— Comment ça ? répondit Timmy sans quitter sa bouche de ses yeux.
— Quand vous serez à Vergazon.
Leurs visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre quand Timmy lui lâcha les mains.
— Quoi ?
Il recula d’un mouvement brusque.
— Flora va participer au concours de coordination de Vergazon dans deux semaines, se justifia Annick. Ça te donnera l’occasion de revoir tes parents.
Timmy jeta un coup d’œil à la table où se trouvaient ses amis, au fond du café. Sofian se tapait la tête contre le bois de la table, signe que Flora venait de lui annoncer qu’il allait devoir se farcir un nouveau concours. Tout le monde autour de la table rigolait de bon cœur. Mais cette joie ne le contamina pas. Dans deux semaines, il serait de retour chez lui. Dans deux semaines, il vivrait le pire jour de sa vie. Son cœur manqua un battement dans sa poitrine.

Pokémon #201r
À suivre dans : « La folie la plus sage »