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Projet Amaryllis de Kazumari



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Informations

» Auteur : Kazumari - Voir le profil
» Créé le 07/08/2019 à 20:01
» Dernière mise à jour le 09/08/2019 à 21:33

» Mots-clés :   Action   Policier   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre 8 : Amaryllis
- Madame Linday, reculez un peu ou vous allez être affectée par la Berceuse de Rondoudou !

Alors que Hildegarde et Shingo visitaient les étages supérieures de cette reconstitution peu ressemblante des locaux de Phoenix System, ils avaient fait la rencontre d’un groupe de Scarabrute sauvages qui déambulaient dans le couloir. La femme aux problèmes de mémoire songea que c’était finalement une bonne chose qu’Aléria soit partie accompagnée Noctis plutôt qu’elle. Cela lui permettait au moins d’échapper au spectacle de ses cris stridents.

Hildegarde avait bien noté qu’en se connectant sur le jeu-vidéo de Kaminsky Corporation, tous les objets qu’elle portait sur elle avaient également été modélisés, incluant son téléphone portable. Shingo possédait un casque spécial qu’il disposait sur ses oreilles à chaque fois que son partenaire de type Normal lançait sa Berceuse afin de ne pas s’endormir subitement. C’était grâce à cet objet que le garçon blond avait pu se montrer très efficace au sein du manoir von Mainstein.

Une fois le groupe de Scarabrute endormis, Hildegarde réapparut du fond du couloir, les mains encore plaquées contre ses oreilles pour couvrir le son du Rondoudou. Si elle aimait bien se moquer de Shingo à cause de son comportement béat lorsqu’il était question d’Aléria, elle devait admettre qu’il savait faire le travail rapidement et sans bavures. Le groupe de Pokémon Scarabée ne sortirait pas de son profond sommeil avant un long moment.

- C’est plutôt bien joué, souffla la demoiselle en réajustant son bérêt qui commençait à trop pencher. Si tu arrives à me maintenir en sécurité jusqu’à ce qu’on déniche le papier Amaryllis, je te donnerai peut-être quelques conseils pour bien t’y prendre avec Aléria chérie, petit Caninos.

- Vous allez vraiment passer par tous les Pokémon qui ont du flair, madame Linday ? souffla Shingo, qui commençait à trouver la blague redondante.

- Tu as raison, je vais essayer de trouver autre chose. En attendant, essaie de ne pas renifler Aléria chérie sous prétexte qu’elle sent bon. Si tu éprouves des sentiments pour elle, il faudra lui dire clairement ce que tu as sur le cœur et voir sa réponse.

Shingo savait très bien qu’il n’arriverait jamais à exprimer correctement ce qu’il ressentait en présence de la concernée. Il perdait facilement ses moyens à chaque fois qu’il tentait de l’approcher de trop près et se couvrait de ridicule. Le jeune commençait même à se demander si sa camarade au manteau noir n’était pas amoureuse de Noctis plutôt que lui. Si lui-même était mauvais pour s’exprimer, Aléria ne représentait pas un modèle à suivre pour autant. Difficile de savoir ce qui lui passait par la tête.

Shingo avait noté que madame Linday semblait presque gentille à son égard depuis qu’ils s’étaient séparés en deux binômes. Certes, le fond de sa personnalité restait tordu mais elle l’avait même protégé d’un Migalos sauvage en utilisant son Tritosor alors qu’ils fouillaient une salle de l’étage juste au dessus. Et maintenant, elle lui donnait des conseils en amour. Le jeune homme ne savait pas en revanche que Hildegarde n’avait aucune expérience en la matière. Elle n’avait ni ami ni amant.

Le duo poursuivit ses recherches du papier Amaryllis en tentant de couvrir le plus de terrain possible avec efficacité. Si Hildegarde avait déjà mis les pieds à Phoenix System une ou deux fois par le passé, cette recréation numérique de la zone ne correspondait pas à la réalité. Tout comme le manoir von Mainstein, le personnel de Kaminsky Corporation n’avait pas pu visiter l’entreprise pour prendre des photos et pouvoir travailler sur une modélisation correspondante et avait donc usé de son imagination.

Le bureau du directeur d’entreprise Mister Phoenix, qui se trouvait normalement au tout dernier étage, était ici situé quelques étages plus bas. Hildegarde songeait que ce serait l’endroit parfait pour dissimuler le dernier papier Amaryllis et décida de passer davantage de temps pour fouiller la pièce dans ses moindres recoins. Chaque seconde qui passait ne faisait qu’augmenter son anxiété. Qu’allait-il se passer une fois qu’ils auraient réunis toutes les feuilles de papiers portant le nom de la fleur ?

- A chaque fois que j’en ai touché un, une partie de mes souvenirs a soudainement refait surface, murmura-t-elle pour elle-même. Et Kaminsky affirme que nous aurons peut-être une chance de corriger le bug qui nous confine ici si nous les avons tous. Logiquement, celui qui se trouve ici devrait combler les trous qui parsèment ma mémoire.

Hildegarde avait apparemment des frères et sœurs et elle ne pouvait se souvenir d’aucun d’entre eux, que ce soit leur voix ou leur visage. De plus, d’après Aléria, elle avait perdu le contact avec eux et sa famille aristocratique avait volé en éclats. Même si la famille Linday n’existait plus en tant que tel, la femme blonde aimerait au moins pouvoir visualiser à nouveau sa fratrie. Même en se concentrant sur les noms d’Archibald, Charles-Henry et Marie-Anne, rien ne lui venait à l’esprit.

Son cœur s’accéléra subitement en ouvrant l’un des tiroirs de la commande principale de la salle. Un bout de papier se trouvait effectivement là, d’apparence identique à ceux collectés jusqu’ici. Ils touchaient finalement au but. Sans entrer en contact avec l’objet, Hildegarde nota rapidement que le nom d’Amaryllis était bien écrit dessus, signe qu’elle ne pouvait pas se tromper. Allait-elle vraiment se souvenir complètement de sa famille et d’autres choses oubliés en le touchant ?

- Monsieur le tombeur, j’ai trouvé le papier Amaryllis ! signala-t-elle à voix haute pour que Shingo, fouillant la pièce en face, puisse l’entendre. Va prévenir les deux autres qu’on puisse tous se retrouver à l’entrée de Phoenix System, il vaut mieux que nous ne nous attardions pas trop longtemps dans les parages.

- Vous l’avez ? Dans ce cas, j’y cours de ce pas. J’espère vraiment que monsieur Kaminsky ne s’est pas trompé et que la clé du mystère réside bien dans ces morceaux de feuille, avoua le garçon alors que Hildegarde attrapait le fruit de leurs convoitises pour le retirer du tiroir.



***


- Et qu’est-ce que tu as l’intention de faire en t’appropriant l’héritage des Linday ?

- Assurer mes arrières. Je vais devenir une personnalité publique importante dans l’Elysium qui gère Ebravia. La fortune de notre famille sera…

Mais l’interlocuteur de Hildegarde, dont elle ne connaissait ni le nom ni le visage ne termina jamais sa phrase. Il disparut subitement sans laisser de traces comme s’il n’avait jamais existé. Mais avait-il vraiment existé finalement ? A y réfléchir de plus près, Hildegarde n’en était même plus certaine. Cela était vraiment troublant. Qu’est-ce qu’elle avait dit juste avant ? L’héritage des Linday ? Depuis quand il y avait plusieurs Linday dans la famille ? Elle avait toujours été fille unique.

La demoiselle blonde lâcha un soupir tout en s’écroulant sur le fauteuil dans sa chambre. Elle avait vraiment besoin de repos si elle commençait subitement à parler à des frères imaginaires et à voir des théories du complot. Même si, avec du recul, elle n’aurait pas bronché à l’existence de frères et sœurs, elle aurait pu leur extirper de l’argent pour agrandir son propre réseau. Alors qu’elle fermait les yeux, Hildegarde entendit une nouvelle voix, semblant émerger de nulle part.

- Tu n’as rien à craindre.

Une petite fille venait soudainement d’apparaître devant elle mais pourtant, Hildegarde ne se posait même pas de questions à ce sujet, comme si cela était parfaitement normal. La nouvelle arrivante disposait de longs cheveux blancs qui tombaient jusqu’à ses chevilles, son front comportait un petit ruban noir adorable. Le noir et le blanc revenait souvent dans ses vêtements comportant un haut à rayure verticale ainsi qu’une jupe courte.

Aux premières abords, cette inconnue ne paraissait pas avoir plus de treize ans. Hildegarde était particulièrement petite pour son âge et la dépassait à peine. Fermant son immense parapluie loufoque, également blanc et noir comme le reste, elle adressa un sourire radieux à son interlocutrice alors qu’elle s’approchait d’elle. L’inconnue lui tendit la main, comme si elle souhaitait aider Hildegarde à se relever. Mais cette dernière ne l’attrapa pas immédiatement.

- Comme je viens de le dire, tu n’as rien à craindre, assura la petite fille d’une voix douce. Je suis là pour te protéger des mauvais souvenirs, je les garderai précieusement pour que tu puisses vivre une vie heureuse et parfaite. Tu n’en as pas besoin.

Cela semblait tellement faux mais Hildegarde avait la tête lourde et ne réfléchissait pas correctement. Où se trouvait-elle en ce moment ? S’agissait-il d’un rêve ? Elle ne parvenait pas à se souvenir de ce qu’elle faisait juste avant d’arriver dans sa chambre pour s’asseoir sur son fauteuil. Sans même s’en rendre compte, la femme aux longs cheveux blonds tendait déjà sa main pour attraper celle de la petite fille. Après tout, ne venait-elle pas de dire qu’elle serait en sécurité à ses côtés ?

- Je pense que nous allons en rester là si vous le voulez bien ! intervint une autre voix avant que le contact physique ne soit effectué.




***


Hildegarde revint à elle, respirant une forte bouffée d’air. Elle eut ensuite besoin d’une poignée de secondes afin de resituer complètement son environnement. Le bureau virtuel de Mister Phoenix dans les locaux de son entreprise. Tout commençait à lui revenir. Après avoir touché le papier Amaryllis trouvé dans le tiroir, elle avait obtenu l’accès à ce souvenir étrange. Qui était donc cette petite fille vêtue en noir et blanc qui avait promis de la protéger ? Elle ne pouvait pas se souvenir l’avoir déjà vu auparavant.

Mais la demoiselle n’était pas encore au bout de ses surprises. Remarquant que le papier Amaryllis ne se trouvait plus dans sa main, elle commença à paniquer et chercha partout sur le sol et sous le bureau, pensant simplement l’avoir fait tomber. Mais la réponse n’était pas en dessous de son champ de vision mais plutôt au-dessus. Dépitée d’avoir perdu le précieux objet, Hildegarde releva la tête et manqua de frôler la crise cardiaque.

- Ah, tu remarques enfin ma présence, Hildegarde. Je commençais à m’inquiéter !

C’était Harris. Son ami professeur et détective privé dont le cadavre avait pourtant été retrouvé dans la modélisation numérique de son appartement se tenait là, devant elle. Un sourire amusé aux lèvres, il tenait dans sa main le morceau de feuille qui avait tourmenté la femme blonde. Les rouages de ses souvenirs se connectèrent rapidement entre eux. La voix qu’elle avait entendu avant de toucher la petite fille appartenait à Harris. En la séparant du papier Amaryllis, il l’avait tout simplement extirpée de cet étrange rêve.

Avec tout ce qui s’était passé jusqu’à présent et à cause de la nature de son environnement, la première réaction de Hildegarde à la vue de Harris fut de lui donner une claque pour s’assurer qu’il était bel et bien réel. Mais à cause de la différence de taille entre eux, elle fut contrainte en premier lieu de se mettre debout sur l’une des chaises présentes dans la scène, ce qui rendait le spectacle un peu ridicule. L’homme brun ne chercha cependant pas à la stopper.

- Les cadavres ne parlent pas, Harris. Tu ne peux pas continuer de gésir sur le sol comme tous les cadavres, hein ? s’exclama-t-elle, retrouvant enfin sa langue.

- Hildegarde, je veux bien qu’au moment où toi et Aléria m’ont découvert, vous ne saviez pas que vous étiez dans un espace virtuel mais tu n’as jamais pensé à assembler les éléments entre eux par la suite ? s’étonna le détective. Vous avez découvert mon cadavre couvert de sang. Comment veux-tu que je saigne alors que nous sommes en ce moment-même des corps de données ?

Et à cet instant précis, Hildegarde se sentit particulièrement stupide. Comment avait-elle pu laisser passer un détail aussi évident ? Bien sûr que le sang n’existerait pas tant qu’ils seraient tous confinés dans le jeu-vidéo de Kaminsky Corporation, cela coulait de source. Elle s’empressa de lui demander ce que signifiait le cadavre s’il n’était pas véritable et commença à lui poser divers questions en tout genre, notamment sur ce qu’il fabriquait depuis tout ce temps s’il n’avait pas perdu la vie.

Harris calma le jeu immédiatement en lui affirmant qu’il s’était caché pour des raisons précises qu’il détaillerait très bientôt. Lui aussi présent dans les locaux de Phoenix System pour surveiller le papier Amaryllis, il avait croisé la route de Shingo lorsqu’il était parti prévenir les autres de la trouvaille de Hildegarde. Le jeune homme blond allait rapidement revenir avec le reste de la troupe. Le détective ne tenait à faire ses explications qu’une seule fois.

En effet, Shingo ne tarda pas à revenir dans la pièce, accompagné par Aléria et Noctis. Mais à la grande surprise de Hildegarde, la femme qui avait tenté de la fusiller au manoir von Mainstein était également de la partie. La fameuse Minerva Hamilton. La femme d’affaires avait toujours ses papiers d’identité dans l’une des poches de sa veste. En voyant leur adversaire arriver ici comme si de rien n’était, elle se mit aussitôt sur la défensive.

- Non, vous n’avez rien à craindre madame Linday ! assura Noctis en remarquant l’expression de son visage. Madame Hamilton n’est pas une ennemie, elle est coincée ici tout comme nous et elle cherche des réponses. Nous sommes tous du même côté.

- Je vois… se contenta de répondre Hildegarde en attrapant les papiers d’identité de la concernée pour les lui rendre. Je crois que ceci vous appartient, la tarée au fusil. En revanche, je ne vous rends pas votre arme à feu, ce serait dommage que vous tentiez de tous nous tuer pour prendre la fuite.

Sans répondre à la provocation, Minerva tâta les poches de son pantalon avec inquiétude, remarquant enfin la disparition de ses importants papiers. Elle attrapa au vol le porte-feuille que lui lança violemment Hildegarde mais ne prit pas la peine de la remercier. La technicienne de Kaminsky Corporation avait bien l’intention de s’excuser pour son comportement au manoir mais attendrait le moment opportun pour le faire afin que cela paraisse naturel.

La demoiselle aux souvenirs irréguliers n’était de toute façon pas très intéressée par ses excuses pour le moment, elle voulait tout d’abord comprendre ce que Harris fabriquait. Avec ses talents de déduction, peut-être avait-il réussi à comprendre quelque chose qui leur avait tout échappé. Malgré la réunion de tous les papiers Amaryllis, il ne semblait pas possible pour eux d’accéder à la déconnexion et rejoindre le monde réel. Manquait-il encore autre chose pour corriger le problème ?

Si Aléria ne disait rien depuis leur arrivée, le surplus de personnes dans la pièce la rendant mal à l’aise, son visage avait cependant repris des couleurs. Hildegarde ne doutait pas qu’apprendre que Harris Elton était sain et sauf avait dû grandement lui remonter le moral. Après tout, des trois élèves du professeur, elle était la seule qui vivait avec lui au quotidien et éprouvait un grand attachement pour lui. Savoir qu’il allait bien était suffisant pour la rendre heureuse.

- Alors Harris ? Tu m’expliques tes bêtises ou je dois te donner d’autres gifles ?

- Pas la peine de monter sur tes grands Bourrinos, Hildegarde ! Prenez tous place sur un siège, ce sera plus agréable. Je ne prétends pas avoir la science infuse mais je pense avoir cerné ce qui nous arrive à tous. Il me manque encore quelques éléments mais je pense que notre chère femme aisée ici présente sera en mesure de me les donner.

Harris faisait référence au fait que Hildegarde lui demandait souvent des tâches ingrates sollicitant ses aptitudes de détective. En échange, elle diminuait la dette qu’il lui devait pour la réparation de son école de dresseurs. Mais l’homme dans la trentaine n’était pas dupe, il savait pertinemment que la demoiselle n’avait absolument aucun problème d’argent et pouvait simplement le laisser tranquille. Elle l’appréciait beaucoup trop pour lui ficher la paix.

Le professeur indiqua alors qu’il s’était connecté une poignée de secondes après Hildegarde et que par conséquent, comme ses trois élèves après lui, il avait subi une mineure perte de mémoire liée à la réalité de son environnement. Une perte qui fut de très courte durée car il avait précisément atterri dans les locaux de Phoenix System et avait trouvé par hasard le papier Amaryllis sans se rendre compte de sa véritable nature. Grâce à lui, Harris avait pu aussitôt recouvrer ses souvenirs.

- Je l’ai cependant laissé là car j’ai aussitôt été attaqué et j’ai dû prendre la fuite.

- Attaqué ? s’enquit Hildegarde, perplexe. Attaqué par qui ? Cette femme folle qui menace les gens avec des armes à feu ?

- Non Hildegarde, je n’ai jamais rencontré cette femme avant. Laisse moi continuer, je vais y venir. A cause de cette attaque contre moi, j’ai très vite compris que je n’étais pas le bienvenu ici. Je me suis donc rendu à mon appartement et j’ai utilisé mon Téraclope pour créer une illusion de cadavre. Si mon intention initiale n’était pas de vous tromper, toi et Aléria, cela aura sûrement permis de tromper notre ennemi.

La femme blonde comprenait mieux. Harris Elton était en effet propriétaire d’un Téraclope, qu’il ne sortait pas souvent à l’air libre à cause de la phobie naturelle d’Aléria vis-à-vis des Pokémon Spectre. Hildegarde en aurait presque fini par en oublier son existence. Elle se donna discrètement un léger coup sur la tête, comprenant qu’elle s’était fait berner lamentablement lors de sa visite à l’appartement. Mais à ce moment-là, elle ne disposait d’aucun souvenir et était encore complètement perdue.

Après avoir masqué sa mort, il était tout simplement resté caché. S’il avait fini par retrouver la trace de Hildegarde et Aléria lorsqu’elles se rendaient au manoir von Mainstein, il ne s’était pas montré afin d’étudier la situation. Sa discrétion fut si grande que même le Guériaigle de Minerva qui patrouillait régulièrement dans la simulation d’Ebravia n’avait pas pu le détecter. Harris avait pris toutes les ruelles sombres et profitait des angles des immeubles et tout objet environnant pour masquer sa présence. Un vrai professionnel.

- J’ai essayé de comprendre pourquoi nous étions enfermés ici sans pouvoir rallier la réalité. Hildegarde, tu es la seule à avoir perdu la mémoire complètement. Il était évident pour moi que tu étais liée malgré toi au phénomène, même si tu n’en étais pas responsable. Dis-moi, est-ce que tu peux me raconter précisément ce qui s’est passé à chaque fois que tu as touché l’un des papiers Amaryllis ? Y compris celui-ci, ajouta-t-il en brandissant celui qui avait été sorti du tiroir présent dans la pièce.

D’abord surprise par la question, la concernée prit un moment pour y réfléchir et délivrer la meilleure des réponses. La première feuille, celle dénichée dans l’aquarium imaginaire, lui avait simplement rendu les souvenirs des dernières années de sa vie. Le point de rupture étant la mort de son père, l’ancien chancelier Linday. A ce moment-là, sa personnalité originale avait commencé à refaire surface mais elle n’avait aucun moyen de se rappeler de sa propre enfance.

Cependant la suite ne collait pas. Aléria finit par intervenir pour éclaircir la situation. Apparemment, Hildegarde se serait souvenue de son prétendu frère Archibald sans pouvoir lui associer un visage ou le son d’une voix. Le reste de sa fratrie était dans la même situation. La femme d’affaires trouvait cela étrange. Elle ne se rappelait pas d’une quelconque scène avec un Archibald. Le regard de Harris s’illumina, le détective ayant visiblement obtenu la réponse qu’il recherchait.

- Hildegarde, l’objectif des papiers Amaryllis n’était pas de rétablir tes souvenirs, déclara-t-il calmement. Mais de les réécrire. Chacun d’entre eux a restauré une partie de ta mémoire mais au fur et à mesure de ta progression, tes frères et sœurs ont disparu. Le plan était de les supprimer définitivement de ta mémoire.

- Mais pourquoi… murmura-t-elle, perdue.

- Pour rendre l’opération crédible, tu as été séparée de l’intégralité de ta mémoire. Si tu avais simplement oublié tes frères et sœurs sans que cela n’affecte le reste de tes souvenirs, tu aurais eu des doutes à cause d’incohérences dans ta vie passée et cela aurait fini par ramener tes vrais souvenirs malgré tout. En les réécrivant progressivement, tu n’y aurais vu que du feu.

Harris ajouta que le plan était cependant couru d’avance à cause de la présence constante d’Aléria aux côtés de Hildegarde. L’ennemi qui avait attaqué Harris n’avait pas pu s’en prendre à elle car la jeune fille au manteau noir n’avait jamais quitté l’amnésique d’une semelle. De même, cet ennemi avait laissé Shingo et Noctis tranquille car en l’absence d’un contact avec un papier Amaryllis, ils ne représentaient absolument aucun danger.

Shingo ne manqua pas de lâcher un sifflement devant la puissance de déduction dont faisait preuve son professeur. Noctis lui-même ne pouvait qu’admettre la supériorité de monsieur Elton bien que son objectif personnel était de surpasser son mentor un jour. Mais ce ne serait pas demain la veille que cela arriverait. Commençant à s’impatienter, Hildegarde demanda aussitôt qui était cet ennemi dont le professeur ne faisait que parler, ayant cerné qu’il ne s’agissait pas de Minerva Hamilton.

- Oh je vois ! intervint Aléria qui semblait avoir compris quelque chose. C’est en rapport avec la lettre A du message que vous nous avez laissé, c’est ça ? Vous avez essayé de nous mettre en garde ?

- Le « A » n’était pas pour Amaryllis ? demanda Hildegarde, dubitative.

- En effet, confirma Harris, attrapant dans sa poche le feutre rouge avec lequel il avait écrit la lettre, que les pauvres filles avaient confondu avec du sang à cause du stress survenu lors de l’épisode de l’appartement. Je n’ai pu marquer qu’une seule lettre pour ne pas attirer l’attention de l’ennemi. Hildegarde, qui depuis le début t’as poussé à réunir les papiers Amaryllis, en t’affirmant que cela permettrait de restaurer la situation ? Depuis le début, le « A » faisait référence à Alphonse. Alphonse Kaminsky.

Un silence glacial parcourut la pièce. Le directeur de Kaminsky Corporation serait le véritable responsable de la situation ? En effet, il avait insisté dans le parc naturel et même à l’entrée de Phoenix System pour que Hildegarde récupère les papiers Amaryllis rapidement. Tout concordait avec la version des faits rapportée par Harris Elton. Ainsi, depuis le commencement, leur véritable ennemi se situait juste sous leur nez. La femme blonde se sentait vraiment stupide.

Cependant, Minerva intervint dans la conversation pour signaler des incohérences. La communication avec le monde réel était coupée et Alphonse Kaminsky n’était pas présent dans la simulation virtuelle d’Ebravia. Il ne pouvait donc pas être celui qui avait attaqué le professeur au moment de son arrivée. Commençant à se sentir lasse après autant de révélations, Hildegarde sentait que son ami détective avait encore des nouvelles terribles à leur apprendre.

- Vous avez raison, madame Hamilton. La conversation avec le monde réel est coupée depuis le départ. L’Alphonse Kaminsky qui a tenté de parler à Hildegarde n’était qu’un imposteur qui essayait de la manipuler pour aller dans son sens avec la récolte des papiers. Notre ennemi ici… est une petite fille dangereuse. Amaryllis elle-même.

- Amaryllis ? C’est une vraie personne finalement ? s’enquit Aléria.

- Pas vraiment, répondit la technicienne de Kaminsky Corporation. Amaryllis est une intelligence artificielle que nous avons tenté de créer pour notre jeu-vidéo, capable de digitaliser la mémoire des joueurs dans le but de créer des sauvegardes.