055. 4x09 - Les ennemis de mes amis sont mes ennemis
Précédemment : Sofian veut devenir un champion d’arène et part en voyage dans Hoenn en compagnie de Flora, dont le rêve est de devenir une célèbre coordinatrice pokémon, et Timmy, un jeune garçon à la santé fragile qui doit rejoindre Vergazon. Le groupe rencontre Annick, une amie d’enfance de Timmy avec qui Flora se lie très vite d’amitié. De son côté, Jessie, James et Miaouss se retrouvent à travailler pour Max Magma qui pratique des expérimentations sur le Galifeu de Sofian qui en ressort traumatisé. La Team Magma lance une grande opération de fouille sur le Site Météore afin de trouver une ancienne météorite qui leur servirait à construire une arme. Alors que la Team Aqua tente de les en empêcher, la Team Rocket parvient à mettre la main sur l’objet convoité et aide la Team Magma à prendre la fuite. Annick fait une révélation au sujet de la sœur de Sofian : Sarah les aurait aidés à s’enfuir du repère de la Team Magma. Après avoir reçu un dossier criminel sur sa sœur, Sofian est voué à tout remettre en question : et si Sarah œuvrait depuis l’intérieur afin de mettre la Team Magma en échec ?
Route 115
Son premier sens qui entra en alerte fut, une fois n’est pas coutume, l’odorat. Un parfum d’eau salée envoûta ses narines et stimula une zone dans son cerveau qui relâcha des hormones de tranquillité. La mer était toute proche ! La deuxième chose qui l’interpella fut la subite chute de température qui annonçait un froid automnal. Finalement, sans pour autant s’en rendre compte, la caverne leur avait apporté un certain confort au vu de la saison hivernale qui approchait. Enfin, et son impatience fut mise à rude épreuve, ce furent ses yeux qui se virent récompensés : la douce lumière matinale d’un ciel dégagé pointa le bout de son nez au détour d’une veine dans la grotte. La sortie était toute proche !
Le petit pokémon vert laissa son excitation exploser : peu habitué à vivre loin de la forêt, il se mit à courir à toute vitesse vers la sortie.
— Arcko, attends !
Timmy fourra son Pokénav endommagé dans sa poche et poursuivit son pokémon en toute hâte.
— Enfin la lumière du jour !
Annick, Flora et Sofian imitèrent leur ami, ne pouvant plus contenir leur joie, et le petit groupe d’adolescents émergea du Site Météore face à un soleil levant.
Sofian ne put contenir une exclamation d’émerveillement. Ils se trouvaient au sommet d’une montagne dont la vue imprenable donnait sur l’océan qui s’étendait à perte de vue, dont l’horizon se mariait avec un ciel rose pastel prêt à accueillir le soleil caché à l’ouest, derrière eux.
— Regardez ! s’exclama Flora.
Au loin, à quelques kilomètres plus au sud, une ville au bord de l’eau brillait de mille feux, harcelée par de nombreux cargos prêts à décharger leurs marchandises à son port.
— Mérouville, enfin… soupira Annick.
— Ne perdons pas de temps ! empressa Timmy qui jouait nerveusement avec le bout de métal plat qu’il tenait entre ses doigts.
— Ne t’en fais pas, je suis certaine que M. Rochard pourra t’aider à remplacer la pokéball d’Arcko, rassura Flora.
— J’espère qu’il ne va pas te faire payer tous ses services : ta pokéball, ton Pokénav,… s’amusa Sofian.
— Il ne manquerait plus que ça ! Après avoir failli perdre la vie pour donner sa lettre à son fils ?
Les quatre adolescents pouffèrent de rire le long du chemin rocailleux qui allait bientôt laisser sa place à un petit bois touffu.
Flora poussa un léger cri de surprise lorsque plusieurs gouttes d’eau glacée lui sautèrent au visage. Arcko avait plongé tête la première dans le premier lac qu’ils avaient croisé sur leur chemin, et ses cris de joie au sein de la nature avaient décidé pour tout le monde : ce serait l’endroit où ils pique-niqueraient. Le soleil était arrivé à son point le plus culminant dans le ciel, mais la température n’avait pas augmenté pour autant. L’automne était bel et bien installé.
En regardant Galifeu allumer de ses flammes les petites branches de bois sèches qu’ils avaient ramassés sur leur chemin, Sofian ressentit une émotion qu’il n’avait plus vécue depuis longtemps : était-ce du réconfort ? Était-ce un sentiment de bonheur simple ? Être seul avec ses amis au bord d’un charmant lac, dans un petit bois apaisant, lui fit se rendre compte qu’ils n’avaient plus été au calme depuis plusieurs semaines. L’excitation du voyage était bel et bien du retour, et rien ne pourrait perturber ses pensées. Il était d’ailleurs temps de faire un point sur son équipe, car son voyage avait bel et bien un but : récupérer tous les badges d’arène afin de devenir un champion lui-même.
— Tu ne vas quand même pas t’entraîner maintenant ? rabroua Flora lorsque Sofian s’était mis à étirer ses muscles. Annick est en train de terminer la cuisson des baies !
— Bah, j’ai un peu de temps devant moi pour m’occuper de mes pokémons.
Et quels pokémons !
Son équipe était belle à voir. Nirondelle tournoyait gaiement dans les airs, faignant une course contre Charmillon, comme pour se dégourdir les ailes après avoir été enfermée pendant longtemps dans sa pokéball. Ecrapince avait rejoint le Flobio de Flora dans le lac et s’amusait à asperger d’eau un Arcko qui désirait se sécher tranquillement au soleil. Balignon courait en compagne de Skitty le long de la berge pour rattraper Azurill, Arakdo et Nénupiot qui se disputaient dans une course aquatique effrénée. Enfin, Galifeu avait préféré s’assoir calmement auprès du feu et observer le reste de la bande en compagnie des calmes Tarsal, Grainipiot et Tournegrain.
En examinant ses pokémons profiter d’un moment convivial, le dresseur en Sofian tira la sonnette d’alarme. En effet, ses pokémons avaient beau avoir fait des progrès, ils semblaient se reposer un peu plus que d’habitude dans leurs efforts physiques, probablement à cause du fait qu’ils n’avaient plus vécu d’entraînement intensif depuis très longtemps. Il était temps de remédier à ce problème.
Sofian siffla un coup sec, mais aucun de ses pokémons ne prêta attention à son appel au ralliement. Timmy éclata de rire de son côté, et faillit s’étouffer avec une baie tomato qui lui resta au travers de la gorge. C’était bien fait pour lui.
Sofian eut une idée. Il se leva lentement, avança prudemment vers le feu qui crépitait tranquillement, saisit discrètement une bûche enflammée et, avant qu’on ne lui demande ce qu’il manigançait, la lança avec vigueur en direction de Balignon. Près de lui, Arcko sursauta, ce qui donna l’alerte aux autres pokémons.
D’un bond peu précis, Écrapince se jeta sur le côté à temps, à peine touché à sa patte arrière par un résidu de cendre brûlant. Nirondelle s’envola vers la bûche et fouetta avec force l’air autour d’elle à l’aide de ses ailes en espérant faire dévier le bois brûlant de sa trajectoire : trop lourd, le bois ne dévia pas mais les flammes disparurent aussitôt. Enfin, il resta Balignon en fin de course : le petit pokémon plante s’apprêta à frapper la bûche à l’aide de son crâne mais ses membres tremblants et son air paniqué trahirent son manque de confiance en lui. Alors, Galifeu fila d’une traite vers son ami et carbonisa le bout de bois en une boule de flamme surpuissante.
Lorsque le reste du bois consumé s’était éparpillé sous la brise automnale, tous les regards ahuris se tournèrent vers Sofian.
— Ma conclusion est la suivante, annonça-t-il d’une voix claire à l’adresse de ses pokémons. Écrapince, tu manques de rapidité. Il va falloir soit t’entraîner à la vitesse, soit t’entraîner à parer les attaques. Nirondelle, ton attaque tornade n’était pas assez puissante : dans la panique, tu perds tes moyens. Nous allons remédier à cela. Balignon, je ne sais pas si c’était l’attaque « coup de boule » que tu as tenté, mais c’était perdu d’avance. Je vais t’enseigner cette attaque. Galifeu, tu as remarquablement progressé, et j’ai l’impression que ce sont les expérimentations de la Team Magma qui ont révélé cette puissance. Mais au vu de ta fatigue actuelle, après à peine une attaque « flammèche », ces expériences t’ont fait plus de mal que de bien. Il va falloir apprendre à canaliser cette nouvelle énergie. Voici donc tout le travail à entreprendre si nous voulons gagner notre prochain badge.
Le morceau de baie tomato qu’avait enfourné Timmy tomba de sa bouche grande ouverte. Sous les regards muets des trois adolescents impressionnés par l’analyse de Sofian, les pokémons du dresseur rejoignirent leur maître, prêts à en découdre. Sofian remonta ses manches et s’apprêta à donner son premier ordre, mais une voix familière l’interrompit :
— Comment un dresseur aussi conscient de ses faiblesses peut-il avoir des pokémons aussi lamentables ?
La voix métallique lui glaça le sang. Il l’avait reconnue au premier son. Tous ses sens étaient en alerte. Il savait que dès qu’il se retournerait, il devrait faire face à son sourire narquois, à ses yeux bleu électrique qui le jugeraient, au visage détestable de l’être qu’il haïssait le plus de toute la région de Hoenn : son rival, Steve.

Le sourcil levé de l’adolescent qui lui faisait face, dans une sorte de grimace dédaigneuse, lui donna l’envie de le ruer de coups sur le champ. Dans son jeans slim et son sweat-shirt gris moulant, Steve fit voler une mèche de ses cheveux noirs en échangeant un regard électrique avec son énorme Électrode à ses côtés. Sofian resta cloué sur place, comme hypnotisé par la vue de son ennemi juré. Les deux garçons se firent face un instant, pendant lequel Flora et Timmy n’osèrent pas intervenir.
— Qui est ce joli jeune homme ? questionna Annick avec intérêt.
— Si j’étais toi, je ne m’approcherais pas trop de ces deux-là, préconisa Flora en la retenant en arrière.
— « Joli jeune homme », balbutia Timmy, dubitatif. Tu parles de Steve ?
— Il s’appelle donc Steve… répéta Annick, pensive, le regard perdu sur le corps de l’adolescent qui avait fait irruption au bord du lac. Eh bien, enchantée Steve ! Moi c’est…
Annick avait fait un pas en avant en tendant son bras droit mais Timmy lui tapa la main pour la lui faire baisser et la tira en arrière.
— Qu’est-ce qu’il te prend ? Oh ! Ne me dis pas que tu es… jaloux ?
— Jaloux ? Moi ? Mais pas du tout ! se défendit difficilement Timmy. C’est juste que…
— Aussi certaine que toi sur la jalousie de Timmy, intervint Flora, j’ai bien peur qu’autre chose l’ait motivé à t’empêcher d’avancer vers eux.
— Pourquoi ? s’inquiéta Annick. Et puis, pourquoi ils restent debout comme ça sans rien dire ?
— Tu vois leur position ? Le dos tendu de Sofian ? décrivit Flora en faisant reculer ses deux comparses afin de se mettre à l’abri. Ses poings serrés, son visage crispé, ses genoux verrouillés, ses jambes dans l’axe de son bassin ? Ce sont des signes qui ne trompent pas.
— En effet, Sofian est entré en mode « sauvage », poursuivit Timmy. D’une seconde à l’autre, il peut dégainer un de ses pokémons et attaquer sans relâche jusqu’à ce qu’il gagne ou qu’il meure. C’est typique d’un adolescent contrarié jusqu’au plus profond de son âme.
— Je ne comprends pas.
— Un peu de patience, tu vas voir…
— Qu’est-ce que tu fais ici ?! cracha Sofian, plus comme une tentative d’intimidation.
— Les routes de Hoenn n’appartiennent pas qu’aux dresseurs médiocres, répondit Steve avec un sourire d’autosatisfaction.
— Alors, tu ferais mieux de rentrer chez tes parents, répliqua Sofian tout aussi content de sa répartie.
Steve émit un petit son de gorge, comme amusé de voir sa proie se débattre avec courage.
— Tu n’as rien à dire ? Peut-être que mes pokémons ont finalement réussi à t’intimider ! continue Sofian.
— Je n’ai pas de temps à perdre avec des amateurs dans ton genre.
Steve amorça un pas vers la droite afin de poursuivre son chemin mais Sofian bondit avec souplesse dans le but de lui barrer la route.
— Je m’étais promis de t’écraser la prochaine fois que je te croisais, le défia-t-il. Il me semble que ce jour est arrivé.
Steve fronça les sourcils.
— Parce qu’on s’est déjà croisé par le passé ?
— C’EST UNE BLAGUE ?!
Cette fois, Flora et Timmy mirent leur prudence de côté et se jetèrent sur Sofian afin de l’empêcher de fondre sur son rival. En voyant ses deux amis et tous les pokémons qui les avaient rejoints dans un arc de cercle, le regard de Steve s’illumina.
— Ooooh, mais je me souviens de toi maintenant. Tu es le dresseur qui est incapable de faire évoluer un Poussifeu et de vaincre un champion d’arène aussi faible que Voltère.
— Faux, faux et faux ! Mon Poussifeu a évolué et j’ai obtenu le badge Dynamo il y a bien longtemps !
— Tant mieux pour toi.
Steve amorça un nouveau mouvement mais les pokémons de Sofian se postèrent entre leur maître et son rival afin d’en découdre.
— Et comme tu vois, mes pokémons sont prêts à prendre leur revanche.
Steve les examina un à un, la mine sérieuse. Son regard bleu électrique passa sur Écrapince, Nirondelle, Balignon et Galifeu en prenant le temps d’observer chaque détail de leur anatomie. Enfin, son sourire narquois repris sa place sur son visage.
— S’ils insistent… J’espère que tu as préparé un stock de Super Potions.
— Parfait !
Sofian se libéra de l’emprise de ses amis et Timmy tomba au sol sous la violence du choc. Annick se précipita sur le jeune adolescent qui se releva difficilement, essoufflé. Tous trois reculèrent avec précaution pour laisser de la place au combat.
— Je n’ai jamais vu Sofian dans cet état de nervosité et aussi agressif, commenta Annick.
— J’espère… qu’il ne va pas… perdre ce match… prononça difficilement Timmy entre deux reprises de respiration.
— Sinon, il va être insupportable pendant au moins une semaine, se plaignit Flora.
Mais Annick perdit rapidement le fil de la conversation entre ses deux amis. L’essoufflement anormal de Timmy avait attiré son attention.
Les deux crabes se faisaient face, luttant implacablement dans un combat de regard intimidant. L’un aquatique, l’autre métallique, ils attendaient patiemment les ordres de leurs maîtres.
— Écrapince, envoie tes « écumes » !
— Galekid, « mur de fer » !
Écrapince ouvrit une de ses pinces de laquelle jaillit un jet d’un liquide blanc et mousseux. L’écume s’écrasa sur son adversaire qui n’avait pas bougé d’un centimètre. Mais l’attaque n’eut aucun effet. C’était comme si l’eau avait lustré la carapace métallique de Galekid qui brillait de mille feux.
— Pourquoi ça n’a pas marché ? s’étonna Sofian, frustré d’avoir raté son premier coup.
— Comment comptes-tu me vaincre si tu ne connais même pas les effets d’une attaque « mur de fer » ? Pathétique !
— Écrapince, fais-le taire avec ton attaque « bulle d’eau » !
Écrapince répéta son action, mais cette fois-ci, ce furent des milliers de minuscules bulles qui fouettèrent leur cible. Galekid n’avait toujours pas bougé de place et ne semblait pas souffrir de l’attaque. Enragé, Sofian arracha son Pokédex de sa poche et chercha des informations, sous les rires éclatant de son rival.
— Je vois, le « mur de fer » augmente la défense du pokémon, comprit Sofian.
— Enfin, la pièce est tombée.
— Qu’à cela ne tienne, il suffit de te la faire baisser à nouveau. Écrapince, « gros yeux ».
— Envoie un « coup de boue », Galekid !
Le crabe métallique se mit enfin en mouvement. Il fit rapidement volte-face et projeta à l’aide de ses pattes-arrières une flaque de boue qui aveugla Écrapince.
— Merde ! s’exclama Sofian qui n’arrivait plus à se contrôler.
Écrapince essaya d’ôter la boue qui lui cachait la vue mais plus il se remuait dans tous les sens, plus la boue s’étalait sur son visage. Pris de panique, Écrapince lança de lui-même ses bulles d’eau qui s’écrasèrent aux pieds de Sofian.
— Ce match atteint les profondeurs de la médiocrité, soupira Steve. Galekid, achève-le avec tes « griffes acier » !
Galekid sauta sur son adversaire et lui déchira le ventre à l’aide de ses griffes lacérées. Écrapince hurla de douleur.
— Écrapince, calme-toi !
Mais le pokémon cria de plus belle à mesure que son adversaire le ruait de coups.
— Tu ne peux pas le voir, mais tu peux le sentir ! Débarrasse-toi de lui avec ta « force poigne » !
Écrapince balaya sa pince autour de lui mais Galekid l’évita avec souplesse.
— Je sais que tu as des problèmes de précision, mais il s’agit de sentir la masse de ton adversaire présente sur ton abdomen pour le trouver !
À l’aveugle, Écrapince essaya tant bien que mal de saisir Galekid qui s’amusait à éviter sa pince.
— Ressens la force de ses pattes quand il saute pour éviter ta pince, écoute son souffle pour trouver sa direction, utilise tous tes sens pour l’attraper !
Écrapince se paralysa un instant afin de se concentrer. Galekid en profita pour le griffer à nouveau. C’est à cet instant précis que le crabe orange abattit sa pince sur son adversaire et l’empoigna avec succès.
— Parfait ! Balance-le vers moi, à quinze centimètres d’où te proviens ma voix !
Écrapince envoya Galekid valser dans les airs et le pokémon acier s’écrasa en plein sur le tronc d’un arbre.
— Et maintenant, envoie tes « bulles d’eau » exactement au même endroit ! ordonna Sofian qui reprenait confiance en lui.
— « Armure » ! s’écria Steve, d’une voix tendue.
Les bulles d’eau fusèrent vers Galekid qui avait eu le temps de se protéger avec son armure métallique. Les deux pokémons se firent face, haletants.
— En tout cas, il a beau être imbuvable, ce Steve reste très charmant, avoua Annick en se frottant les mains. Ça doit être son côté « bad boy ».
Timmy lui lança un regard noir.
— Mais ne t’en fais pas, Timmy, personne n’est aussi charmant que toi. À part peut-être le coordinateur Brice, tiens.
Flora approuva et Timmy devint rouge de colère. Les deux filles éclatèrent de rire face à leur ami qui s’était mis dans tous ses états.

Il fallait qu’il se rende à l’évidence, s’il voulait gagner ce match contre son rival, il allait devoir changer de stratégie. Car ce n’était pas avec un Écrapince aveugle qu’il allait en venir à bout d’un Galekid surpuissant.
— Il est trop fort pour toi, se résolut Sofian à l’adresse de son pokémon. Mais tu auras quand même réussi à acquérir de la précision en te faisant confiance. Je suis fier de toi, Écrapince.
— Il t’en faut peu pour être heureux, nargua Steve.
Sofian ignora le commentaire sarcastique de son ennemi et fit disparaître le crabe dans sa pokéball pour le remplacer par sa Nirondelle.
— Nirondelle, on va le prendre de court ! « Vive-attaque » !
L’oiseau au plumage azur fendit l’air à toute vitesse vers Galekid qui se dématérialisa à son tour et disparut du terrain.
— Si tu te permets de changer de pokémon, alors autant y aller jusqu’au bout, indiqua Steve en faisant apparaître son propre Nirondelle.
— Un duel de Nirondelle ! s’exclama Timmy, excité.
— Ça va être une bonne occasion pour Nirondelle de prendre sa revanche, commenta Flora.
— Sa revanche ? interrogea Annick.
— La Nirondelle de Sofian a d’abord appartenu à Steve, révéla Flora. Mais Steve a été tellement ignoble envers elle en la forçant à se battre malgré ses blessures et en l’abandonnant que Sofian a pris pitié d’elle et a voulu s’en occuper.
— Toujours aussi noble, ce Sofian. Cependant, il va avoir du mal à venger son pokémon.
— Pourquoi ? s’étonna Timmy, à bout de souffle.
— Le Nirondelle de Steve a l’air vachement entraîné.
Aussi désagréable que l’idée puisse lui paraître, Sofian ne put s’empêcher d’approuver Annick. Le Nirondelle de Steve était deux fois plus imposant que son pokémon, et semblait dans un état physique surdéveloppé. C’était peut-être cela qui allait le faire accéder à la victoire.
— Nirondelle, « vive-attaque » !
— « Crue-aile » !
La Nirondelle de Sofian fusa vers son adversaire à la vitesse d’un éclair. Cependant, un cri d’effroi déchira le ciel et l’oiseau chuta lourdement au sol.
— Qu’est-ce qu’il vient de se passer ? s’écria Timmy, la respiration saccadée par la surprise.
Le Nirondelle de Steve battait lentement des ailes afin de rester à la même altitude et semblait n’avoir pas bougé, tandis que son maître esquissait un sourire satisfait.
— Je ne peux pas le croire… balbutia Sofian pour lui-même alors que son pokémon reprenait sa place dans les airs. Utilise « pic-pic » !
L’oiseau se projeta sur son adversaire, le bec en avant, prête à le becqueter férocement, mais elle manqua sa cible. Pire : c’était comme si elle l’avait traversé. Le Nirondelle de Steve se trouvait à présent, sans avoir semblé bouger, plus de cinq mètres en arrière.
— Quelle rapidité ! commenta Flora.
— Ça, c’était de l’attaque « reflet » ! s’exclama Annick, impressionnée.
— Comment un pokémon aussi gros et aussi musclé peut-il être aussi rapide ? s’énerva Sofian. Nirondelle, il va falloir redoubler d’effort pour arriver à le toucher. Enchaîne tes attaques « vive-attaque », « pic-pic » et « cru-aile » !
L’oiseau fusa une troisième fois vers le Nirondelle ennemi qui évita gracieusement le coup de bec qui lui était destiné. Le pokémon de Sofian attaqua de ses ailes qui manquèrent elles aussi leur cible, l’oiseau de Steve parvenant à éviter même les mouvements les plus agiles de son adversaire. La lutte obstinée de Nirondelle dura un long moment, les deux oiseaux s’adonnant à une valse aérienne des plus cocasses.
— Tu n’arriveras jamais à toucher mon pokémon ! nargua Steve. Ses statistiques sont développées à leur maximum, il n’existe pas un seul Nirondelle plus rapide que le mien.
— Tu as probablement raison, admit Sofian avec mauvaise humeur. Nirondelle, continue ! Ne lâche pas une seule seconde !
Les deux oiseaux redoublèrent d’effort : l’une pour essayer de toucher l’autre, l’autre pour éviter son assaillant.
— Pourquoi est-ce qu’il s’obstine autant ? questionna Anni
ck. Ce dresseur est clairement beaucoup plus expérimenté que lui, il n’a aucune chance de gagner ce match.
— Tu connais très mal Sofian, indiqua Flora en soupirant, les yeux vers le sol. Il pourrait affronter le plus gros des Tyranocif qu’il emploierait toute son énergie à vouloir vaincre Steve. C’est une question de fierté. Moi, je pense que c’est plutôt de la bêtise, mais bon…
— J’ai bien peur de ne pas être d’accord avec vous sur ce coup, annonça Timmy en respirant bruyamment. Sofian n’a peut-être aucune chance de gagner ce combat, mais je n’ai pas l’impression que c’est son but.
— Comment ça ?
— Il a l’air… de profiter de Steve… pour entraîner ses pokémons…
Intriguée, Flora releva la tête afin d’observer plus attentivement le regard obstiné de son meilleur ami. Néanmoins, Annick ne décrocha pas le sien du Arcko de Timmy qui lançait à son maître un regard inquiet.
— Prends de l’altitude ! ordonna Sofian.
Nirondelle battit des ailes et s’envola plusieurs mètres au-dessus de leur tête.
— Et maintenant, laisse-toi emporter par la force de la gravité et accélère avec « vive-attaque » !
L’oiseau se laissa chuter lourdement vers le sol et piqua vers son adversaire, doublant ainsi de rapidité.
— Ça suffit ! intervint Steve, lassé par ce combat. Nirondelle, il est temps de t’en débarrasser avec ton attaque « cru-aile » !
Le pokémon de Steve prépara une de ses ailes afin d’attaquer son adversaire lorsqu’elle l’aurait touché. Mais la Nirondelle de Sofian disparut à quelques centimètres de son adversaire, et réapparut juste derrière pour lui asséner un coup de bec puissant. Surpris, le Nirondelle de Steve tomba aux pieds de son maître. Malheureusement, le coup n’avait pas été assez puissant que pour en venir à bout.
— Touché ! s’extasia Sofian.
— Incroyable !
Flora bondit sur place, un poing en l’air.
— Malgré tout, le Nirondelle de Steve n’a pas l’air d’avoir dit son dernier mot, marmonna Annick. Les pokémons de ce dresseur sont vraiment exceptionnels.
— Ne le dis pas… trop fort… Sofian pourrait… t’entendre… prévint Timmy, qui avait de plus en plus de mal à reprendre sa respiration.
— Est-ce que tout va bien ? s’inquiéta Annick à l’adresse de son jeune ami.
Timmy fronça les sourcils, affichant un air beaucoup trop étonné pour être vrai.
— Tu as l’air d’avoir du mal à respirer et ton Arcko ne te lâche pas du regard depuis tout à l’heure.
— J’ai juste besoin… d’un petit coup d’eau…
Timmy lui fit un regard qui se voulait rassurant et quitta le groupe en direction de leurs sacs à dos. Arcko le suivit à la trace.
— Je m’inquiète pour Timmy, avoua Annick à Flora.
— Oh tracasse, il sait bien que tu le taquinais avec Steve juste pour le rendre jaloux, répondit Flora qui n’avait pas compris de quoi son amie parlait.
— Non, je parle du fait qu’il…
— ALLEZ SOFIAN, TU PEUX L’ÉCRASER ! hurla Flora en ignorant totalement Annick.
Annick déplaça son attention du match vers Timmy afin de vérifier qu’il revenait en pleine forme, mais Timmy avait disparu de la clairière. Elle distingua du coin de l’œil Arcko s’engouffrer dans les bois sur les pas de son maître.

— Je pense qu’on ne fera pas mieux, Nirondelle.
Sofian devait se rendre à l’évidence. Si malgré tous les efforts de son pokémon pour réussir à toucher sa cible, l’oiseau adverse se relevait, prêt à en découdre, il n’avait aucune chance d’en venir à bout.
— Tu as bien mérité un peu de repos.
Il fit disparaître sa Nirondelle qu’il remplaça par Balignon.
— Un pokémon de type plante contre mon Nirondelle ? Tu es si incompétent que cela ?
— Ne t’en fais pas pour moi, pense plutôt à ta prochaine stratégie !
— Tu sais quoi ? Comme tu as l’air d’être un incapable, je ne vais pas te faire de cadeau. Je déteste perdre mon temps. Finissons-en rapidement, Limagma !
Steve remplaça son Nirondelle par son pokémon de type feu, une espèce de lave en fusion permanente.
— Clairement, Balignon, je pense que tu as encore moins de chance de gagner que tes coéquipiers tout à l’heure, soupira Sofian.
Balignon se crispa sur place, terrorisé.
— Mais ne t’en fais pas, on va en profiter pour montrer de quoi on est capable !
— Tu es au courant que même si ton pokémon touche le mien, il sera grièvement brûlé par Limagma ? lui lança Steve, véritablement étonné par les choix de Sofian. Je veux dire : mon pokémon est littéralement une boule de feu, et le tien est de type plante !
— Je le sais, répondit simplement Sofian.
— Mais à quoi il joue ? s’horrifia Flora. Il va carrément perdre dès la première attaque ! Et c’est Balignon qui va en prendre pour son grade ! Pourquoi est-ce qu’il fait ça ? Hein ?
Flora se tourna vers ses amis afin de recevoir une réponse à ses lamentations. Mais elle constata qu’elle était toute seule.
— Annick ? Timmy ? Quand est-ce qu’ils sont partis ces deux-là ?
Flobio haussa des épaules.
* Après quelques minutes de marche, Annick déboucha sur la plage, au pied d’une falaise. Une cascade d’eau s’écrasait puissamment au milieu des vagues depuis le sommet de la falaise et la première chose à laquelle elle songea, c’était à la beauté du lieu et qu’elle avait envie de partager ce moment avec une personne en particulier. Ses pensées aboutirent rapidement sur Timmy, et elle se souvint de la raison de sa présence sur ce sable fin. Elle chercha autour d’elle.
Un petit cri de pokémon retentit au loin et son cœur s’emballa dans sa poitrine. Le cri provenait de l’orée du bois. Annick courut à toute vitesse et arriva très rapidement aux arbres alignés qui formaient la séparation entre la plage et le bois. Arcko se trouvait sur une haute branche et criait après elle. Au pied de l’arbre, à côté d’une gourde, s’étalait de tout son long le corps inerte de…
— Timmy ! s’écria Annick.
*— Hey, Steve ! appela Sofian, un sourire en coin. Tu reconnais ce Balignon ?
Steve haussa un sourcil, visiblement fort peu intéressé par le petit pokémon.
— Allons, si tu te souviens de notre dernière rencontre, tu dois te souvenir que ce Balignon était sauvage et voulait coûte que coûte venger mes pokémons abattus pas ton Électrode !
— Si tu le dis… marmonna Steve, sur ses gardes.
— Et il me semble que ce jour-là, tu venais justement de capturer ce Limagma, non ?
La mâchoire de Steve se crispa, signe qu’il commençait à perdre patience. La stratégie de Sofian allait finalement payer.
— C’est marrant, non ? Que ce combat mette en rivalité nos deux pokémons les plus récents ?
— Tu vas finir par attaquer ?
— Oh ! Tu attends que j’attaque en premier ? Ton Limagma serait-il si faible ? Ou bien toute ta stratégie repose sur sa défense, et non son attaque ?
Steve leva les yeux au ciel, définitivement lassé par la lenteur du match.
— Limagma, envoie cette plante au tapis, soupira-t-il.
« Parfait ! », songea Sofian. Limagma envoya une boule de feu si rapide que Balignon faillit se la prendre de plein fouet au visage s’il n’avait pas eu un réflexe de survie et ne s’était pas jeté sur le côté.
— Il va falloir que ton Balignon soit plus rapide que cela s’il veut éviter d’être carbonisé par mon pokémon, fit remarquer Steve.
Limagma envoya une nouvelle boule de feu qui frôla de justesse Balignon. Les boules de feu se succédèrent et Sofian ne donna toujours aucun ordre. Après une douzaine de tentatives ratées, Balignon était toujours intouchable, et les boules de feu de Limagma commençaient à manquer de puissance.
— Tu crois que je n’ai pas compris quelle était ta stratégie ? lança Steve. Tu attends que mon Limagma perde en énergie pour qu’il ne puisse plus utiliser d’attaque de type feu. Mais sache que nous avons plus d’un tour dans notre sac ! Limagma, « jet-pierres » !
Cette fois-ci, ce ne fut pas une flamme qui sortit du corps en fusion du pokémon adverse, mais un gros caillou. Balignon eut plus de facilité à l’éviter. Malheureusement, Limagma était capable d’envoyer beaucoup plus de pierres d’un coup que de boules de feu. Ce fut donc une rafale de jet de pierres que Balignon dû éviter en bondissant d’avant en arrière, se rapprochant toujours plus de son adversaire.
— Excellent ! s’écria enfin Sofian lorsque Balignon avait atteint le centre du terrain. « Coup d’boule » !
Cette fois-ci, Balignon n’attendit pas qu’un nouveau caillou se matérialise hors du corps de son adversaire. Il amorça un énorme bond en avant et, la tête la première, se jeta de tout son corps sur Limagma. Limagma fut propulsé contre un énorme rocher qui se brisa sous le choc.
— Bravo ! félicita Flora en applaudissant à tout rompre. Ça, c’était une attaque « coup d’boule » bien maîtrisée !
Mais la joie de Flora retomba bien vite lorsque Limagma réapparut une fois la poussière retombée, debout et redoublant de hargne.
— Ils sont increvables ses pokémons, ma parole !
— Bien joué, reconnut Steve. Mais tu ne vaincras jamais l’endurance de mes pokémons.
— Je sais, répondit simplement Sofian.
Balignon était épuisé et semblait avoir tout donné sur cette simple attaque physique, mais Sofian souriait allègrement. Son objectif avait été atteint, son pokémon avait appris une nouvelle attaque qui allait bien lui servir à l’avenir.
— Balignon, tu as bien travaillé. Tu peux revenir te reposer.
Et Balignon disparut dans un éclair rouge afin de rejoindre sa pokéball.
* Annick se laissa tomber sur ses genoux et souleva la tête de Timmy. Le jeune garçon ouvrit les yeux difficilement et expira d’un râle long et saccadé.
— Timmy, qu’est-ce qu’il t’arrive ?!
Timmy ne lui répondit pas. Il avait refermé les yeux et semblait ne plus savoir comment inspirer de l’oxygène. La panique s’empara d’elle. Que devait-elle faire ? Courir chercher de l’aide au risque de laisser Timmy seul, ou… ?
Arcko retomba agilement à ses côtés, les pattes remplies de feuilles colorées, et arracha de sa bouche quelques plantes sauvages qui se trouvaient entre les racines d’un arbre. Il montra à Annick la gourde métallique de Timmy et celle-ci la lui lança en toute hâte.
Tandis qu’Arcko déversait de l’eau sur la mixture qu’il s’empressait de préparer, Annick secoua son ami afin de le maintenir conscient.
— Ne t’en fais pas Timmy, on dirait qu’Arcko sait ce qu’il fait !
Le jeune garçon ouvrit les paupières quelques secondes tout en luttant pour inspirer la moindre particule d’air. Mais c’était comme si sa trachée s’était refermée sur elle-même.
— Pitié, Timmy, tiens le coup !
Mille questions lui traversaient l’esprit : qu’arrivait-il à son ami ? Avait-il été mordu par un pokémon venimeux ? Était-ce la maladie dont il lui avait parlé qui lui jouait à nouveau des tours ? Allait-il finalement, cette-fois ci, y passer ?
Comme pour répondre à tous ses questionnements, Arcko la poussa avec force à l’aide de sa queue et prit sa place près du visage de son maître. Il approcha de sa bouche une large feuille qui contenait une mixture dégageant une odeur épicée, et fourra cette-dernière dans la bouche de Timmy. Par réflexe, Annick attrapa sa gourde et lui fit couler un peu d’eau entre les lèvres. Timmy avala avec difficulté, suffoqua un moment qui leur parut une éternité, et finit par se détendre. Peu à peu, sa respiration reprenait un cycle naturel, et il laissa tomber sa tête sur les jambes d’Annick.

La plage était belle. Le soleil brillait de mille feux, irradiant de ses rayons les vagues tumultueuses qui se perdaient sur le sable fin. Au loin, l’océan s’étendait à perte de vue vers un horizon embêté par une nuée d’un quelconque pokémon de type vol. Timmy fut tiré de ses songes par Annick qui venait de s’installer à côté de lui en lui tendant une gourde.
— Elle est bien fraîche, indiqua-t-elle. Il y avait un cours d’eau pas loin.
Timmy la remercia silencieusement et but une longue gorgée. Le liquide lui brûla le pharynx, et il toussota fébrilement. Annick se crispa à côté de lui, mais le jeune garçon prit une bouffée d’air rafraichissante et son amie se rassura.
— Tu veux en parler ?
— C’est nécessaire ?
Annick hésita. Timmy maintint son regard sur l’horizon éblouissant. Quelque chose dans cette lumière du jour le réconfortait. Comme si plus jamais la pénombre n’allait emplir sa vie.
— Est-ce que… tu as encore eu cette vision de l’« œuf de la vie » ?
Timmy hocha la tête de gauche à droite.
— Si tu veux mon avis, cette légende est très mal nommée, indiqua Annick. Ils auraient dû l’appeler « l’œuf de la mort » !
Timmy sourit, amusé. Annick afficha un visage satisfait.
— S’il te plait, est-ce qu’on peut éviter… d’en parler aux autres ? demanda Timmy d’une voix rauque. Flora va encore se faire un sang d’encre et Sofian va culpabiliser en pensant que c’est sa faute si je ne me repose pas.
— Tu es sûr de ne pas vouloir de leur soutien ?
Timmy fixa l’horizon, caressant lascivement son Arcko entre ses jambes.
— Je vais mourir un jour, bientôt. Cette maladie va m’achever. C’est comme ça. Mais Sofian et Flora ne l’ont pas encore accepté. J’aimerais simplement qu’ils ne se fassent pas trop de soucis avant que cela ne se produise.
Timmy se tourna enfin vers Annick. À son grand étonnement, Annick ne semblait ni triste, ni apeurée, ni inquiète. C’était comme si on lui avait annoncé une information qu’elle avait jugé pertinente.
— On ferait mieux de les rejoindre, dit-elle au bout d’un moment. Ils vont finir par remarquer qu’on est parti un long moment, et ils ne vont pas nous lâcher avec leurs insinuations.
Annick aida Timmy à se lever et, en guise de remerciement tacite, ce-dernier la prit amicalement dans ses bras.
* Galifeu rejoignit son maître sur le terrain. Il affichait ce regard qu’il avait longtemps perdu : celui de la détermination. Galifeu allait en découdre, et personne ne l’en empêcherait. Peut-être que les expérimentations que la Team Magma avait faites sur lui allaient finir par se rendre bénéfiques.
— Cette fois-ci, je ne te ferai pas de cadeaux, promis Sofian. Galifeu est prêt à se battre jusqu’au bout !
— Ce seront des efforts inutiles, prévint Steve. Mais tu sais quoi ? Je vais même te laisser un avantage.
Steve remplaça son Limagma par un pokémon que Sofian n’avait encore jamais vu. Il mesurait à peu près un mètre de haut et ressemblait fortement à un gecko, à l’exception que sa peau était de couleur verte, que ses poignets étaient entourés de feuilles et qu’une longue tige semblait avoir poussé sur sa tête, retombant souplement derrière son dos. Enfin, sa double queue feuillue lui permettait de se tenir debout sur ses deux pattes à arrière.
— Voilà donc à quoi ressemble l’évolution d’un Arcko ! s’étonna Flora.
— Un pokémon de type plante contre mon Galifeu ? s’étonna faussement Sofian en reprenant les paroles que Steve lui avait lancées un peu plus tôt. Tu es si incompétent que cela ?
Steve ricana dangereusement.
— Je vais te faire une petite leçon de stratégie pokémon, annonça-t-il. Massko, « vive-attaque » !
Le gecko se déplaça en un éclair jusqu’à Galifeu et se plaqua vigoureusement à lui sans qu’il ait eu le temps de réagir. Pire : Galifeu semblait faiblir à vue d’œil, sans même subir d’attaque.
— Galifeu, qu’est-ce qui t’arrive !
— C’est l’attaque « vol-vie » ! s’écria Flora.
En effet, à mesure que Galifeu faiblissait, Massko semblait se gorger d’énergie supplémentaire.
— Débarrasse-toi de lui avec « pic-pic » !
Galifeu picora à l’aide de son bec le visage de son adversaire qui lâcha son emprise. Malheureusement, Massko lui avait soutiré tellement d’énergie que l’attaque de type vol de Galifeu ne fut pas plus efficace.
— Riposte avec « double pied » !
Galifeu leva une jambe afin d’abattre son pied contre son adversaire mais ce-dernier fut plus rapide. Sous les ordres de son maître, Massko fouetta le pied de Galifeu à l’aide de sa double queue et Galifeu chuta au sol.
— Enchaîne tes attaques « gros yeux » et « taillade » !
Alors qu’il se relevait péniblement, Galifeu sursauta à la vue des « gros yeux » de Massko et sa défense fut brisée. Massko utilisa alors les feuilles à ses poignets afin de lui taillader le torse. Galifeu retomba violemment en arrière, au pied de son maître.
— Et voilà comment un pokémon de type plante arrive à vaincre un pokémon de type feu, se venta Steve.
— Nous n’avons pas dit notre dernier mot, fulmina Sofian.
Mais il n’était pas le seul à fulminer. Galifeu s’était relevé difficilement et fixait d’un regard féroce le Massko adverse. Le poulet poussa un cri de rage et une vague de chaleur jaillit de son corps. Sofian recula de quelques pas afin de mettre de la distance entre son pokémon brûlant et lui. Sans attendre d’ordre, Galifeu ouvrit son bec et laissa jaillir de manière incontrôlée une multitude de boules de feu qui s’écrasèrent alentour. Sofian se jeta au sol et Flora se recroquevilla sur elle-même afin d’éviter plusieurs jets de flamme.
Enfin, Galifeu se laissa tomber sur un genou, épuisé. Les environs avaient été ravagés par les flammes, si bien que le Flobio de Flora dû se presser afin d’éteindre les incendies naissants à l’aide de ses attaques aquatiques. De l’autre côté du terrain, Massko gisait au pied de son maître, carbonisé.

Steve restait sans voix, les yeux perdus dans le vide face à son pokémon vaincu. Sofian tapota le dos de son Galifeu, plus inquiet qu’heureux d’avoir enfin battu son rival. En voyant la grimace de dégoût s’emparer du visage de Steve, l’adolescent s’approcha de lui en lui tendant la main.
— Tu t’es bien battu, et je tiens à te déclarer victorieux de ce match, annonça-t-il solennellement. Aucun de mes pokémons n’a réussi à battre les tiens, et Galifeu ne maîtrisait pas son énergie lorsqu’il a lancé cette dernière attaque. Autrement dit, je ne mérite pas la victoire. Bravo à toi.
Steve leva les yeux. C’était comme si cet humble discours de la part de Sofian était encore plus révulsant que la manière dont Massko avait perdu son combat. Sofian n’arriva pas à comprendre si son rival était plus furieux envers son pokémon ou envers lui. Steve s’approcha du visage de Sofian, son nez effleurant celui de son rival.
— Tu as intérêt à entraîner tes pokémons sans relâche, menaça Steve. Car nous nous recroiserons, et je t’écraserai sans ménagement, Sofian.
Steve lui tourna alors le dos, quitta la plaine sans un regard vers son Massko qui se traîna difficilement derrière lui jusqu’à l’orée du bois où les deux disparurent.
— Il aura finalement retenu ton prénom !
Timmy arracha Sofian à la dernière vision qu’il avait eue de son rival. Son meilleur ami Timmy lui indiquait un sourire jovial.
— Timmy ! Annick ! s’exclama Flora en les rejoignant en courant. Où étiez-vous passés ? Je vous parlais et tout d’un coup, vous n’étiez plus là.
— On s’est dit que le match allait durer un certain moment, donc on est allé cueillir des baies pour préparer le souper, mentit Annick.
Arcko déposa aux pieds de Flora une large feuille contenant quatre baies tomato.
— Je ne pense pas qu’on aura assez avec une seule baie chacun… marmonna Flora, suspicieuse.
— En tout cas, je suis ravi de voir qu’Arcko va devenir un grand et puissant Massko lorsqu’il aura évolué, indiqua Timmy.
— En espérant qu’il n’y ait pas que le pokémon qui change d’apparence physique, songea Annick à haute voix.
— Qu’est-ce que tu entends par là ?! s’exclama Timmy.
— Oh rien ! Disons que… Steve n’a pas à se soucier de son physique…
— C’est un euphémisme pour me dire que tu trouves beau ce garçon insolent, détestable, horrible, dégoûtant… ?
— Du calme, Timmy, je te taquine ! Il pourra être aussi sexy et attirant, rien ne sera plus beau que de te voir jaloux !
Annick le prit par les épaules en pouffant de rire tandis que Timmy croisa les bras, le visage s’empourprant.
— Et vous allez me faire croire que vous vous êtes éclipsés juste pour aller cueillir des baies ! intervint Flora, au bord de l’excitation.
Sans crier gare, Timmy et Annick échangèrent un regard rempli de sens et éclatèrent de rire, laissant une Flora perplexe.
Les rires de ses amis ne contaminèrent pas Sofian qui était resté perdu dans ses pensées. Un peu à l’écart du groupe, son regard se posa à nouveau sur l’endroit où était parti Steve, laissant son Massko mal en point le suivre avec douleur, sans aucune pitié. Fallait-il être aussi dépourvu d’empathie pour mener ses pokémons à l’excellence ? Cette question le taraudait. Qu’est-ce qui le différenciait de Steve, au final ? Il n’avait eu de cesse d’entraîner ses pokémons. Certes, les récents évènements à Autéquia l’avaient conduit à d’autres occupations que l’élevage à proprement parler, mais ses pokémons n’avaient pas ménagés leurs efforts pour autant. Alors, finalement, pourquoi ceux de Steve finissait-il toujours par avoir le dernier mot ? Était-ce parce qu’il les traitait sans pitié ? Sofian ne pouvait se résoudre à le croire. Son entraînement était juste, plein d’amour, et mènerait ses pokémons à la victoire. Un jour. Il fallait juste être plus patient. Il en était certain.
Relayant Steve dans un coin de ses pensées, Sofian s’occupa de son Galifeu mal en point et lui massa les muscles des bras en faisant le bilan de la journée dans sa tête. Écrapince avait compris que pour être précis, il fallait qu’il se fasse davantage confiance. Nirondelle avait redoublé d’efforts pour se dépasser dans sa vitesse. Balignon avait réussi pour la première fois son attaque « coup d’boule ». Seul Galifeu ne s’était pas amélioré. Certes, il avait battu Massko, mais c’était bien malgré lui. Son premier soucis désormais, songea Sofian, était de trouver un moyen pour que Galifeu maîtrise la nouvelle puissance qu’il possédait.
— Je sais ce que tu as fait aujourd’hui, et je suis fière de toi.
Sofian sursauta. Flora s’était accroupie à ses côtés sans qu’il ne la remarque. Il l’interrogea du regard.
— Ton but n’était pas de vaincre Steve, mais de faire prendre conscience à tes pokémons qu’ils étaient capables de s’améliorer. Tu leur as redonné espoir d’être meilleur. Tu leur as donné un objectif qu’ils sont prêts à atteindre. Sans même considérer que la défaite était un échec. C’est très mature.
— Mais je suis mature, répondit Sofian avec un clin d’œil.
— T’emballes pas !
Flora pouffa de rire et le laissa prendre soin de Galifeu. Son pokémon échangea un regard déterminé avec lui. Maître et pokémon s’étaient compris.
À suivre dans : « Champion un jour »