Rainbow Rocket : The Musical de Corpus09

Le silence demeure quelques instants, grâce aux miracles de la technologie qui ont su rendre leur pâleur d’hôpital à la salle rouge et noire. Si l’étonnement de Sun est difficile à percevoir, Lilie compense en se tournant dans tous les sens, titubant pour observer chaque angle de la pièce avec une stupéfaction exagérée et des yeux toujours plus grands. Nikolaï, discret, pianote sur son bras avec une évidente satisfaction, et semble attendre qu’on se jette à ses pieds pour le remercier.

Lilie : Sun ! Tout est redevenu comme avant, même les bannières de la Team et Giovanni ont disparu ! Je suis trop contente, même si la déco ne me plaît vraiment pas plus qu’avant !

À ces mots, le scientifique de la Team Plasma, qui ne semblait avoir attendu que cet instant, se redresse comme un piquet et entonne une série de motifs vocaux a capella, qu’on pourrait interpréter à l’écrit comme des « Ouais-yah » répétés à différentes hauteurs. Il est bientôt rejoint par Guzma, arrivé par le téléporteur, qui vient se placer à côté de lui dans la même position. Guillerette, Lilie s’avance avec grâce au milieu de la salle, afin que sa voix suraiguë et claire résonne sous le (très) haut plafond.


’’Le lion est mort ce soir’’ – Pow Wow

Lilie (majestueuse) : Au Manoir, au blanc Manoir
Sun a vaincu l’ennemi !
Plus d’histoires, plus de dalles noires
Il a eu Giovanni !

Sun aurait pu rougir, mais non. En revanche, ce n’est que là que la chanteuse se souvient de l’existence de sa mère, blessée et au sol devant ses pieds.

Lilie : Maman !!!

Elle s’agenouille aussitôt à ses côtés et lui tapote la main pendant de longues heures jusqu’à ce qu’Elsa-Mina entrouvre les paupières. Ce passage se retrouvera sous ellipse temporelle dans la version scène. Ce qu’il faut en retenir, c’est que même étalée par terre et inconsciente, la Présidente reste rayonnante (ça rime).

Elsa-Mina (quelques temps plus tard) : Lilie… ? Où suis-je ? Que s’est-il passé ?

Lilie (sans se formaliser de ces questions surcotées) : Maman ! Sun a sauvé le Paradis Æther, Giovanni est vaincu !

Elsa-Mina se relève en époussetant sa jupe (bien que le sol fût propre) et force un sourire en direction du gamin inexpressif resté un peu en retrait en compagnie de son Félinferno.

Elsa-Mina (légèrement crispée) : Je suppose que la politesse m’oblige à remercier infiniment cet étrange être aux yeux écarquillés que j’aurais préféré ne plus jamais revoir de mon existence. Et ce… bob rouge, quel manque de goût !

Lilie : Oh, ne fais pas attention, Sun ! De toute façon, c’est la dernière fois que tu la sauves, promis !

Le garçon se contente de conserver la même expression. Constatant une ambiance un peu tendue, ou surtout parce qu’il avait envie de s’afficher, Félinferno s’avance à son tour pour rugir de victoire — Guzma et Nikolaï, toujours occupés à chanter un motif de fond tout seuls, lui lancent un regard reconnaissant. Enjouée, Lilie commence à taper dans ses mains en rythme, ce qui se mue bientôt en show de claquettes sur le sol immaculé ; Elsa-Mina, quant à elle, opte pour une prestation de beat box. Ce faisant, tous se mettent à chanter en chœur un refrain du genre où on a eu la flemme d’écrire les paroles.

Tous : Ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais !

Alors que les protagonistes se rassemblent en une ligne droite pour harmoniser leurs danses en une chorégraphie tribale ponctuée de cris de joie et de percussions corporelles endiablées, Nikolaï s’avance à son tour, encouragé par l’enthousiasme général.

Nikolaï : Tout est tranquille sur notre chère île
Les sbires se sont barrés
Plus de tuiles, plus de débiles
La Team s’en est allée !

D’ailleurs, je vais y aller aussi. Les voies de la Science sont impénétrables. À la revoyure, en séance d’acupuncture !

Les autres le saluent d’un mouvement joyeux de la main tout en continuant de chanter, et le scientifique disparaît par le téléporteur. La fête reprend de plus belle, avec un groupe grossi par l’arrivée de Vicky et d’une vingtaine de membres de la Fondation. Félinferno bombe le torse pour y abattre ses grosses pattes en hurlant, Guzma agrippe les épaules d’Elsa-Mina afin de donner naissance à une joyeuse chenille humaine vite rejointe par les cohortes d’hommes et femmes en blanc, Lilie et Sun s’amusent à faire des glissades sur le carrelage. Et comme ils ont sorti leurs Pokémon, ceux-ci profitent également de l’ambiance : Furaiglon, par exemple, raconte à qui veut bien l’entendre comment il a gagné en maturité seulement en regardant Mewtwo se faire défoncer.

Tous : Ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais !

Un seul ne se mêle pas à la danse : effectivement, Saubohne, reclus dans un coin, semble légèrement mal à l’aise, à en croire les grosses gouttes de sueur qui dégoulinent de son front dégarni. Elsa-Mina, remarquant sa présence, finit par se détacher de la chenille et se plante devant son subordonné, les mains sur les hanches.

Elsa-Mina : Saubohne ! Où étiez-vous, enfin, pendant tout ce chaos ?

Saubohne : …Oh ! Madame la Présidente ! Héhé, vous semblez, euh… bien en forme… haha, c’est rassurant de vous savoir en sécurité ! Quant à moi, je, euh… j’ai servi la Fondation de manière exemplaire, bien entendu !

Lilie (arrivant d’une glissade) : Menteur ! Vous avez retourné votre blouse pour la Team de Giovanni ! Sale hyto… hypro… hytropique ! Vous êtes nul ! Vous êtes moche ! Je vous ai jamais aimé !

Elsa-Mina : Est-ce vrai, Saubohne ?

Saubohne (de plus en plus paniqué) : Non, non, madame la Présidente ! Jamais je ne trahirai la Fondation, que j’ai rejointe pour m’enrichir et profiter d’une position hiérarchique confortable, pour assouvir mes intérêts personnels !

Elsa-Mina fronce les sourcils, ce qui fait reculer le dégoulinant bonhomme.

Saubohne : Non, non… excusez-moi !!!!!!!!

Et il s’enfuit à l’autre bout de la salle sous les moqueries de ses congénères. Vicky, qui a assisté à la scène, prend alors la parole en marquant le rythme de ses talons aiguille.

Vicky : L'immoral
Vicky et Elsa-Mina : Le déloyal
Tous : Saubohne est sanctionné !
Sors, tricheur, sors sale menteur !
Tu es rétrogradé !

Horrifié, le scientifique blanchit, bleuit (la confrontation de la teinte avec ses verres verts n’offre rien de beau) puis s’effondre tout bonnement sur les dalles blanches. À partir d’ici, les danses prendront en compte le volume de son corps étalé par terre et s’agrémenteront donc de pas de côtés ou sauts à sa proximité. Vicky s’approche de Sun, traînant derrière elle un gros sac de toile qu’elle a tiré d’on-ne-sait-où.

Vicky : Merci, Sun ! Je ne pouvais vraiment pas blairer Saubohne, et ça me soulage tellement que tu aies aidé à le punir que j’ai une folle envie de te récompenser avec ces cinquante-cinq Maxi-Pépites dénichées dans le bureau de Giovanni. Tiens !

Sun accueille la nouvelle et le sac avec un sourire béat, et remercie la dame en rose de la même façon.

Tous : Ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais, ouais ben ouais !

Chacun y va de sa démonstration de joie : Vicky applaudit, Elsa-Mina siffle, Félinferno hurle avec démesure, les membres de la Fondation effectuent le dab, Lilie sautille et écrase malencontreusement le pied de Sun, qui lui lance son premier regard noir depuis le début de l’histoire.

Lilie : Oh, ne fais pas de caprice, Sun !

Mais la scène s’efface sous le brouhaha ambiant, avant que chacun ne reprenne un chant plus structuré. D’ailleurs, entre-temps, Maman de Sun ainsi que les différents méchants vaincus ont rejoint la danse, car c’est le final, après tout.

Tous : Au Paradis, au blanc Paradis
Lilie : Giogio s’est fait déchoir !

La jeune fille semble si heureuse que personne n’ose contredire la syntaxe un peu douteuse de sa phrase.

Tous : Au Paradis, au blanc Paradis
Guzma : C’est les sbires les fuyards !

Un peu comme les siens dans l’aventure principale.

Tous : Au Paradis, au blanc Paradis
Elsa-Mina : Ainsi revient l’espoir !

C’est vrai.

Tous : Au Paradis, au blanc Paradis
Saubohne : Je sors mon mouchoir…

Si le scientifique tout juste revenu à ses esprits reçoit quelques regards méprisants (une femme en blanc lui écrase deux doigts contre le sol ‘’sans faire exprès’’), sa réplique est noyée par l’explosion de joie qui reprend aussitôt. Et comme les oreilles commencent à bourdonner, Elsa-Mina invite tout le monde à prendre l’apéro dans sa salle de réception.

Tout est bien qui finit bien !


Par LunElf