6 - Dette de sang
Un hélicoptère atterrit sur le plus haut des bâtiments de Safrania. L'édifice était quelque peu hétérogène dans sa structure, on aurait dit qu'on avait construit du neuf par-dessus du vieux, ou bien qu'on avait restauré des parties qui avaient été détruites... Malgré tout, cela restait la pièce maîtresse de la ville : le QG de la sylphe Sarl. Précieusement gardé aussi bien au pied de l'immeuble, qu'à son sommet. L'hélicoptère fut d'ailleurs accueilli par quatre gardes bien musclés dont les Yanmas vrombissaient en tournoyant au-dessus d'eux. Ces pokémons étaient appréciés en tant que gardiens des airs car ils pouvaient mettre à terre tout intrus sans avoir à aller à son contact grâce à leurs ondes de choc et leur vue à 360°.
Plusieurs hommes sortirent du véhicule, tous habillés en tenue de civil. Il en était cependant un qui sortait du lot, un homme qui devait avoir la trentaine. Son cuir chevelu était rasé à la manière militaire et il portait un col roulé noir qui soulignait ses formes sveltes. Les autres le laissaient passer pour qu'il ouvre la marche. Et bon dieu que celui-ci était content d'être enfin arrivé !
Ils avaient traversé l'océan ainsi que les régions de Johto et Kanto avant d'arriver à destination. Ce n'était pas un voyage de tout repos. Il avait des courbatures plein le dos, les articulations rouillées et surtout une mauvaise humeur qui se dégageait tout autour de lui. Il fallait qu'il se dégourdisse ou bien ses hommes allaient passer un sale quart d'heure. Alors qu'il commençait à faire une petite trotte sur le toit devant les yeux avisés des gardes, il constata avec surprise qu'il y avait quelqu'un d'autre qui les attendait. Il redressa la tête, dévisagea la personne en question et son sourire se dessina à la place de la grimace qui ornait son visage :
Les cheveux rouges de la personne qui se tenait devant lui commençaient à se teindre de gris... Mais ça ne l'empêchait pas d'émettre une très forte aura, signe d'une personne encore pleine de forces et de vigueur.
Avec un sourire carnassier, l'homme au col roulé s'avança à grand pas vers lui et tendit sa main pour serrer la sienne.
"- Et bien mon ami, on n'a pas encore fini d'épier les oreilles de ceux qui se sont repentis ?" Dit-il avec une voix faussement innocente.
L'homme en face de lui ne répondit rien. Il se contentait de scruter l'individu en face de lui de ses yeux bleus, froid. Il lui serra cependant la main, démontrant de sa présence par la pression qu'il exerça lorsque leurs paumes se rencontrèrent. L'homme à col roulé regretta douloureusement ce geste avant de poursuivre.
"- Non ? Tu n'es pas là pour encore nous surveiller... ? Reprit-il en secouant sa main ankylosée.
- Si... Répondit finalement le second. Je n'ai jamais cessé, Cobalt."
Le dit Cobalt retint un frisson. Cet homme était fou ! Cela faisait maintenant plus de vingt-quatre ans et pourtant il n'avait pas lâché le morceau. Il y a dix ou quinze ans, il aurait eut tort... Mais aujourd'hui si cette personne venait à mettre de nouveau le nez dans leurs affaires, tout allait recommencer.
L'homme aux cheveux roux eut à son tour un sourire. Il y avait bien des choses qu'il allait être abordées aujourd'hui. Et il était heureux de savoir que son flair ne l'avait pas trompé. Comme toujours. Il resta silencieux tandis que tout le monde descendait vers l'accès intérieur du bâtiment, sa cape virevoltant au gré du vent provoqué par les Yanmas.
Le jour commençait doucement à se lever. Mes anneaux se faisaient moins lumineux, ce qui était plutôt pratique pour me faire une idée de l'heure qu'il était ! Je rentrais à moitié couverte de boue au bercail. J'avais du m'y reprendre à deux fois pour retrouver le bon chemin, mais finalement j'y étais parvenue. Dieu que ce pokémon sauvage qui m'avait poursuivit m'avait fait peur ! Quelque part, ce n'était pas plus mal que je me sois perdue sur le retour, de cette manière, même s'il m'avait encore suivit il aurait été semé au détour d'un bosquet. Je notais mentalement qu'il fallait que je fasse attention à chaque fois que je rentrais, pour éviter d'avoir des ennuies. Ce qui faisait une chose à m'apprendre en moins pour Auri.
Ce fut Clora qui m'accueillit la première à mon retour. Elle était un peu perplexe de me voir dans cet état et recula un peu tandis je m'approchais d'elle. Beuark ! Elle ne voulait surtout pas que je la salisse ! Mais elle m'attendait malgré tout de pied ferme et j'avais une petite idée de la raison : elle voulait me parler la veille. Je m'assis alors face à elle, attendant qu'elle aborde le sujet, mais tout d'abord elle se détourna de moi pour héler :
"- Auriiii ! Viens, dépêche toi ! Le jour se lève ! Et en plus Lilly est arrivée !"
Un grognement si fit entendre, je distinguais une forme aquatique sous un tas de feuille au centre du nid qui bougeais avec difficulté.
"- Aurii ! Continua de brailler Clora.
- C'est bon, c'est bon, j'arri-ive... " Finit par soupirer l'aquali en se tirant dehors.
Elle traina littéralement sur le sol pour rejoindre son amie et se lova contre elle en s'allongeant encore sur le sol. Visiblement, il lui fallait du temps pour se lever. Clora allait continuer de râler contre elle quand tout à coup Auri eut d'elle-même un sursaut en me voyant :
" - Non mais c'est quoi cette tenue ?!" Cria-t-elle indignée.
Je n'eus aucunement le temps de lui répondre : je me retrouvais sous un jet d'eau qui me poussa à un mètre d'écart par rapport où je me trouvais.
Brrr. Au moins ça remettait les idées au clair. Cette douche glacée était effectivement bienvenue, mais j'aurais préféré qu'on me prévienne avant de lancer l'attaque. Je l'observais alors, un sourcil levé, les poils dégoulinants. Elle restait figée dans une expression innommable, tremblante d'un "oooooh" qui avant était un puissant jet d'eau. On aurait dit qu'elle continuait d'utiliser son pouvoir sans que rien ne sorte. Puis "pouf" ! Elle se rallongeait contre son amie comme si rien ne s'était passé. On aurait dit un enfant. Je n'en croyais pas mes yeux.
Clora secoua la tête ignorant ce qu'il venait de se passer tandis que je me secouais pour me sécher. Elle commença alors à parler :
"- Excuse-là elle n'est vraiment pas du matin. Mais même si elle n'en a pas l'air, elle prend bien part à la conversation.
Je lui pointais de mes yeux la loque qui trainait à ses pieds.
- Non, non ! Vraiment ! Poursuivit-elle. Ne t'en fais pas. Comme tu le sais, on voulait te parler avant qu'on parte chasser et qu'on te laisse te débrouiller seule. Je suppose que tu ne t'en es sorti pas trop mal d'ailleurs. Je suppose...
Elle repensa à mon état d'arrivée.
- ... Enfin, là n'est pas la question, on se chargera de t'apprendre ce que tu ne sais pas faire.
- Je vous en remercie beaucoup, encore une fois. Dis-je.
Elle acquiesça.
- Bon ce dont nous voulions te parler est un peu particulier. Comme tu le vois, Auri et moi vivons toutes les deux ensembles, et ce depuis un bout de temps.
- Hm-hm ?
- Mais malgré nos talents de chasseuses nous n'arrivons pas à tout équilibrer. Cela fait plusieurs reprise que nous nous faisons chasser de notre nid. Trouver un lieu décent et confortable deviens difficile pour nous. Nous ne sommes que deux. On ne peut pas vraiment appeler ça une meute...
- Je crois commencer à deviner où tu veux en venir.
- Bien ! Donc la proposition est simple : grâce à toi nous pouvons être sures de toujours avoir quelqu'un éveillé en dehors du nid. La nuit, aussi bien que le jour. Je sais bien que la proposition est très brusque et qu'on ne se connait pas. Mais est-ce que tu veux bien rejoindre notre groupe ?
Je levais la tête interrogative.
- Ce n'est pas déjà le cas... ? Tentais-je peu sûre.
- Si, si, bien sûr. Rectifia-t-elle. Mais nous devions te le demander officiellement. De plus, nous ne vivrons pas au même rythme, toi la nuit, nous le jour... On peut s'accommoder de quelques moments de groupe, toutes ensembles. Aube ou crépuscule...
- CRÉPUSCUUULE ! Fit brusquement Auri, qui tenait à ses grasses matinées.
- Ha ! Rigola Clora. On s'organisera correctement petit à petit. On apprendra à se connaître. Mais surtout il faut qu'on soit bien d'accord : tu dois nous protéger !
- Vous protéger ?
J'étais quelque peu surprise par cette demande. Elles étaient censées être celles qui avaient le plus d'expérience en milieu sauvage. Et vu mes premières rencontres il était risqué de parier sur moi pour protéger qui que ce soit. Mais Clora eut un sursaut d'admiration :
- Non mais tu as vu ta taille ?! Je ne sais pas ce que ton dresseur t'a donné à bouffer, mais tu pourrais faire fuir un démolosse si tu le voulais !
Je souris façon grimace, il y en avait un à qui je n'avais pas du tout fait peur... Elle ne l'aperçut pas et poursuivit :
- Oui bon, on sait que tu as besoin d'être un peu encadrée...
- Même beaucoup. Coupa Auri qui petit à petit refaisait surface.
- ... Mais une fois que tu seras à l'aise ici tu seras au top ! En retour de notre aide on te demande juste de nous protéger des pokémons sauvages !
Perplexe mais aussi ravi qu'on me donnait une telle valeur, j'arborais une expression un peu plus intéressée. Mes vieilles craintes s'étaient éteintes à présent, mis à part celle qu'Arthur et les autres ne me retrouvent, et jouer la puissante gardienne nocturne sonnait plaisant à mes oreilles. Je n'avais juste qu'une question :
- Comment ça se fait qu'à plusieurs reprises vous aillez réussi à vous faire chasser de votre nid ? Je veux bien croire qu'une fois quelques gros pokémons sauvages soient arrivés et vous aient chassé. Mais après une expérience comme celle-ci je doute que vous ne vous soyez pas préparés à une seconde attaque.
Auri fit la moue et Clora aussi. Surtout Clora, qui se teinta légèrement de rose malgré son très court pelage. Ce fut l'aquali qui me répondit :
- On s'faisait chaque fois surprendre durant la nuit... C'est là que tu nous es utile..."
Je ne les connaissais que très peu, mais je devinais qu'entendre ça de la bouche d'Auri était très rare. Et je le pris comme un très grand compliment. J'étais à l'aise et prête à en découdre. Un sourire s'étira sur mon museau et je me redressais, remuant la queue - malgré moi - comme un chien tout fou.
"- Très bien j'accepte ! L'idée me plait beaucoup ! Répondit-je gaiement. J'étais loin de mon piteux état de notre première rencontre. Et je me disais que les flatter en retour serait la moindre des choses : Vous avez encore beaucoup à m'appendre je n'en doute pas. Et j'assurerais mon rôle comme il se doit !
Clora était aux anges ! Elle allait dès à présent pouvoir dormir sur ses deux oreilles, sans aucune crainte de se retrouver avec un Nidoking qui vienne piétiner sa tanière. Mais pas de précipitation. Les premières nuits resteraient tendues, à cause de mon manque d'expérience. Elle se contenta alors d'un simple merci.
Elle me précisa qu'on parlerait plus amplement au crépuscule et m'invita à me reposer tandis qu'elles allaient à leur tour profiter de la journée. C'était avec une joie certaine que je m'installais confortablement dans les feuilles encore tièdes pour me reposer. Je n'avais qu'une hâte : que la nuit se lève de nouveau pour que je puisse tester sans aucune honte - et sans personne à percuter- ce dont j'étais capable.
La journée passa très vite. Et je dormis paisiblement. Lorsque je m'éveillais en pleine forme Auri et Clora n'étaient pas encore arrivées. J'en profitais pour de nouveau surprendre le même hoothoot que la première fois, qui, encore, sursauta en me voyant. Il tomba cette fois-ci de son nid mais se rattrapa en s'envolant pour le regagner au plus vite. Et cette fois-ci je l'entendis clairement râler à mon sujet :
"- Non mais ce n'est pas po-hoot-ssible dès qu'on sort de chez soit de se faire surprendre comme ça ! Quand on a hoot-tant de taille que toi on ne fait pas peur à un vieux hootHOOT comme moi !"
Puis il s'envola ailleurs sans demander son reste. Moi j'étais restée émerveillée devant son dialogue. Car maintenant que j'étais à l'aise je pouvais pleinement profiter du monde merveilleux - ou presque - des pokémons ! Je ne lui en voulais pas de m'avoir parler de cette manière. Je pouvais comprendre qu'on soit du mauvais pied le matin. Surtout quand on était un hoothoot ! Je l'avais au contraire trouvé amusant. Assise au bord du petit ruisseau j'attendais gaiement le retour de mes amies. Qui ne tardèrent pas. J'avais l'impression de les retrouver dans le même état qu'au matin. Logique puisqu'elles étaient censé avoir passé la journée à chasser.
Je déglutis à cette pensé.
"- Nous revoilà ! Fit gaiement Clora. Désolée si nous avons un peu trainé pour toi. On cherchait quelque chose qui pouvait nous être utile pour ton apprentissage.
À ces mots, elle scruta les alentours comme si elle attendait de voir apparaitre quelque chose.
- Malheureusement nous ne l'avons pas trouvé... Fit-elle déçue, sans lâcher l'horizon.
- Alors du coup en attendant que Clora trouve ce qu'elle cherche, commença Auri, C'est moi qui vais t'apprendre deux trois choses. Ça nous permettra d'être toute les deux entre copines !
Je ne savais pas pourquoi mais cela ne sonnait pas du tout de la même manière pour moi à la façon dont elle l'avait prononcé. Elle eut un sourire taquin : j'allais morfler ! Mais dans le bon sens du terme. Elle m'indiqua de la suivre pendant que nous laissions Clora seule devant le ruisseau.
"- Dis moi, commençais-je, voulant en apprendre un peu plus sur elles, Vous le connaissez ce Hoothoot qui vit dans l'arbre au-dessus de la tanière ?
- Haha lui, rigola-t-elle, Figures-toi que nous avions tenter de passer un accord comme avec toi avec ce vieux tas de plumes, mais ça ne s'est pas montré très concluant...
- Ah je vois.
- Il est grincheux. Mais il fait au moins office d'une bonne alarme quand un pokémon trop gros approche. Tu ne t'imagines pas à quel point il peut-être bruyant."
Elle m'entraîna vers une part de la forêt opposée à celle que je connaissais déjà. Il s'y trouvait une minuscule clairière paisible. Elle avança jusqu'à son centre et se tourna vers moi.
"- Bien. Je ne peux pas t'entrainer trop longtemps aujourd'hui. Mais je voudrais t'apprendre quelques bases simples. Ça m'aidera à mieux dormir.
- Ha-Ha...
- Hehe. Ne fais pas cette tête tu t'y habitueras. Bon, tu vas commencer par m'attaquer. Ne t'inquiète, je saurais me défendre. Je veux juste d'abord te jauger."
J'acquiesçais. Quelques souvenirs de ma vie humaine me revinrent : souvent dans les histoires, quand ce genre de scène arrivait, le héro ne voulait jamais faire de mal à la personne en face. Il y allait sans y mettre toute sa force et se faisait souvent surprendre. Je fus donc honnête et ne fit pas cette même bêtise. Position d'attaque et je fonçais sur Auri quand elle me fit un signe de tête. J'entrepris de lui foncer dessus d'abord et voir comment je pourrais attaquer ensuite. Curieusement je réussis à la toucher sans problème, au niveau des côtes. Je pensais qu'elle se laissait faire pour cette première attaque pour bien voir mon niveau. Cela la retourna quelque peu. Je me dis que ça me laissait une ouverture pour une autre attaque, sortant mes griffes je les lançais vers cette partie à découvert dans un même mouvement. J'avais cependant quand même très peur de lui faire du mal. La force du coup que j'utilisais à ce moment là ne fut pas totalement à pleine puissance. J'éraflais alors ses écailles sans entailler la chaire. Cependant elle me lança un jet d'eau qui me fit reculer, et à ce moment là je l'entendis crier :
"Arrête ! Attend !"
Je me stoppais net. Est-ce que je n'aurais pas du faire comme ça ? Elle avait l'air essoufflé. Ou plutôt, elle venait d'avoir une grosse frayeur. Elle se reprit un peu, elle avait besoin de souffler.
"- J'ai été surprise... Comme une bleue. Souffla-t-elle. Ta vitesse est vraiment pas mal. Et avec ta taille ça t'a donné un gros avantage. Bon, je corrige ce que j'ai dit : donne tout ce que tu as, mais tu ne sors ni les griffes, ni les crocs ! Seulement des coups de coussinets et de museau.
- Compris ! "
L'entraînement repris. Je lançais plusieurs attaques offensives de différentes manières. D'abord en tentant de sauter par-dessus elle, puis en lui donnant des coups d'épaules... En réalité il était assez facile pour moi d'imaginer des coups que je pouvais tenter. La seule différence avec ce que j'étais avant c'était que je me tenais à quatre pattes et que j'avais des armes en plus. Et c'était incroyable le confort en équilibre que pouvais apporter ma queue ! Je réussi à lui donner plusieurs coups de pattes, un sur la nuque et un autre sur une patte. Et un coup de museau sur sa queue. Elle faisait de la même manière pour moi. Sauf que j'en recevais plus. Après quelques minutes, elle m'intima d'arrêter.
"- Bon, fit-elle, Tu te débrouilles bien. C'est une chose. Mais quand tu m'attaques tu oublis de garder tes défenses fermées. Du coup ça m'ouvre beaucoup de portes pour te renvoyer l'offensive."
Essoufflée j'acquiesçais tentant de ranger ça dans un coin de ma tête.
"- Il faudra que tu entraines ça de ton côté, continua-t-elle, puis tu reviendras me voir. Je suis un peu éreintée. On s'est fait passer un savon par une maman rattatac aujourd'hui.
Je croisais les griffes pour qu'il ne s'agisse pas de la même que celle que j'avais rencontrer.
"- Du coup je vais juste te donner une astuce... N'hésite pas à envoyer un coup de terre dans les yeux de ton adversaire. Elle fit le geste, griffant le sol en envoyant de la terre meuble dans le vide. Je reconnaissais la tactique. Ça bloque un ennemi, parfois pendant quelques minutes quand c'est bien visé. Ça aide à pouvoir faire baisser sa garde.
- Oui, ça l'aveugle.
- Exactement. Bien. Je vais devoir te laisser. Entraine toi dans la forêt, notamment quand tu chasses... Tu... Tu arrives à trouver des proies ?
C'était très gentil de sa part de s'inquiéter à ce que je me nourrisse bien. Mais je ne me faisais toujours pas à l'idée de tuer d'autres pokémons pour pouvoir me nourrir. Donc aborder le sujet me mit mal à l'aise. Je créais un mensonge rapidement :
"- Je me débrouilles. Suffisamment."
Elle fut rassurer d'entendre ça. Mais elle se demandait si elle ne devait pas m'aider quelque peu. Me voir mourir de faim était la dernière chose qu'elle voulait arriver. Surtout si je devais assurer leur sécurité la nuit. Ça allait être ma troisième journée en forêt, elle s'inquiétait vraiment. Je sentis son malaise et il fallait absolument que je la rassure à ce niveau. Car je ne voulais pas qu'elle tue pour moi.
"- Vraiment tout va bien !
- D'accord, d'accord. Je te fais confiance. Ah et au fait ! Tu n'as plus de dresseur pour te pomponner. Alors pense à le faire. T'a une tête affreuse."
J'eus un petit rire. Sur ce elle s'en alla me laissant me débrouiller seule. Intérieurement j'étais son obligée, qu'elle prenne le temps de m'enseigner des techniques de combats malgré sa fatigue était vraiment admirable. Mais pour ce qui était du reste... Cela risquait de poser problème.
Un bruit se fit entendre dans les fourrés. Toujours en mode combat, je me retournais brusquement en position d'attaque, naturellement aux aguets. Ce que je me félicitais d'ailleurs. Mais... Ce fut "inutile".
Car tout ce que j'avais à affronter était en fait un tout minuscule rattata...
Pour ce qui était reconnaissance faciale je n'étais pas encore au point. Différencier des animaux était particulièrement difficile. À moins de les voir tous les jours. Mais la forte odeur de sang qui imprégnait encore ce petit, avec le fait qu'il ne fuyait pas, me fit comprendre immédiatement qu'il s'agissait d'un des petits qui se trouvait lors de l'attaque. Et je sus de qui il s'agissait quand je vis sa légère blessure prêt de la nuque.
Mon sang se mit à bouillir. Je vérifiais paniquée qu'Auri était bien partie. Quand je me retournais de nouveau vers lui il s'était approché de moi me faisant sursauter.
"- Qu'est-ce que tu fais ici ?! Grondais-je. C'est dangereux va-t-en ! Je suis ton ennemi !"
Je reculais ridiculement au fur et à mesure qu'il avançait vers moi. Annulant tout effet effrayant que j'aurais pu lui donner. J'étais intriguée par son expression. Il avait l'air sûr de lui et semblait vouloir me rassurer. Mais ce n'était pas bon du tout ! S'il m'associait à la case ami et que je me retrouvais sur son chemin accompagné d'Auri ou de Clora il allait y passer ! Et si je me liais avec lui cela allait me faire du mal, ainsi qu'à lui...
Il fallait que je sois plus forte.
Je fis semblant de m'élancer vers lui, assez brusquement pour que ça le fasse reculer, je mordis alors l'air où il se trouvait juste avant pour lui donner véritablement impression que je voulais l'attaquer. Cela sembla marcher, cette fois il s'éloigna de plusieurs bons à quelques mètres. Mais il ne partait pas.
"- Va-t-en je te dis ou je te transforme en carcasse !" Hurlais-je, à demi effrayée d'attirer l'attention si je criais vraiment. Mais il n'en démordit pas.
"- Je sais que tu ne me feras rien ! Répondit-il d'une toute petite voix de souriceau. Il avait beau être un jeune, il avait un caractère très fort et restait impassible.
- Tu crois vraiment ?! "
De nouveau je fis un bond vers lui et décidais de lui mordre la queue pour qu'il se décide enfin à partir. Il couina bruyamment sur le coup tandis qu'une gouttelette de sang perlait à l'endroit où je l'avais mordu.
"- Aïe ! Tu me fais mal !"
À ses mots, mon cœur se serra et éteignit net toute ma volonté à lui faire peur. Je reculais, effrayée par mon propre geste. Il se contenta de saisir sa queue sans bouger de l'endroit où il se trouvait et il me regarda, sans aucune rancune vis à vis de moi. Cela me surpris encore plus. Cependant la douleur avait fait perler une larme.
"- Je... Je sais que je ne dois pas venir te voir, mais je voulais venir te remercier. Et j'ai vu que tu étais bizarre...
- Bizarre... ?"
Je retenais de toutes mes forces les cris de mon cœur à avoir fait mal à un enfant. Peu importait l'espèce à laquelle il pouvait appartenir. Je détournais alors mon regard du petit rattata. Ne pas voir sa douleur m'aidait à contrôler un peu mes émotions.
"- Tu m'as protéger moi et mes frères. Et je t'ai vu ! Tu n'as fait que manger des baies ! T'as tué aucun autre animal ! "
Est-ce que cela voulait dire que ce petit m'avait suivi durant toutes mes escapades ? Cela annonçait rien qui ne vaille... J'avais encore plus peur de lui provoquer des problèmes de cette manière. J'étais en train d'apprendre à un jeune souriceau de ne pas craindre ses prédateurs ! Je pouvais ruiner encore plus de vie comme ça, en tentant d'en épargner une poigné...
"- Tu vas mourir si tu manges pas... Alors... Snif. Je t'ai apporté d'autres baies."
Je me retournais de nouveau vers lui sous la surprise. Est-ce que j'avais bien entendu ? Sous mes yeux ébahis je le vis sortir de minuscules fruits qu'il avait caché sous le buisson où il se trouvait précédemment. Cela m'émue beaucoup et de petites larmes perlèrent aux coins de mes yeux.
"- Comme ça, snif, tu pourras continuer à vivre. Je t'aurais rendu la pareille... Snif. Dis... Tu veux bien continuer à pas nous tuer si je t'apporte d'autres, snif, fruits ? "
Hélas... Il avait déjà intégré ce que je ne voulais pas... Ce n'était pas bon signe. Il fallait que je tente de le raisonner autrement. Je baissais la tête dans un soupir et m'approchais lentement de lui. Je lui donnais un petit coup de museau affectif et m'allongea sur le sol pour être à sa hauteur.
"- Écoute petit... Je ne peux pas faire ça pour toi... Je ne pourrais pas sauver tout tes autres... frères. Si tu restes à proximité tu vas te faire tuer c'est certain. Mes amies ne sont pas gentilles."
Il eut un frisson quand je lui parlais de mes "amies", cela le foudroyait d'une peur sans nom. Mais je n'avais pas le choix. Cependant, bien qu'il venait de comprendre mes mots, il me regarda suppliant, puis les fruits qu'il m'avait apporter avant de revenir vers moi. Je compris. Je pris alors une bouché de ce qu'il m'avait apporté, mais c'était bien trop maigre pour satisfaire un temps soit peu la faim que je pouvais avoir et qui commençait d'ailleurs à gronder dans mon estomac. Malgré tout je laissais une baie au petit souriceau que je lui tendis. Tout tremblant il l'avala doucement et eut une mine abattue après l'avoir fini. J'étais désolée pour lui. Mais je ne pouvais rien faire d'autre. Je pris mon courage en main alors et lui tourna le dos en m'éloignant.
"- Merci... Maintenant va-t'en. "Soufflais-je, triste.
Et je partis.
Quand je fus très loin d'ici, des pas de sabots s'approchèrent du petit, lentement. Celui-ci retourna son visage plein de larmes vers le haydaim. Le même qui avait voulu me tuer si le rattata n'était pas intervenu. Celui-ci abaissa ses grands bois feuillus vers lui et frotta son museau en réconfort.
"- Je vous avais dit... Snif. Fit le rattata. Elle est gentille... Snif.
- Mais elle va droit vers un destin funeste. Répondit gravement le grand herbivore."
Celui-ci se redressa et scruta longuement le dernier endroit ou je me tenais. Cela n'annonçait rien qui ne vaille effectivement. J'étais un grand bouleversement et il sentait quelque chose d'autre... Il fallait qu'il agisse et ce rapidement.
Trois jours passèrent. Au départ tout se passait bien. Je ne mangeais pas tout à fait à ma faim, cependant je tenais bon. Mais je devais avouer qu'il m'était de plus en plus difficile de trouver des baies accessibles. Petit à petit je commençais à manquer de réserve. Je devais aller de plus en plus loin pour en trouver. Mais plus le chemin était long et plus l'énergie qu'il me fallait compenser était grande. Donc plus il me fallait manger. Mis à part ma constante recherche de nourriture j'avais réussi à m'entrainer et à mettre à bien les conseils d'Auri. Mais petit à petit je m'épuisais. Heureusement pour moi, l'aquali prenait ma faiblesse pour un manque d'expérience. Ne voulant pas qu'elle sache quoi que ce soit, ni elle, ni Clora, je lui laissais bien volontiers y croire. Mais au bout du troisième jour, Auri eut un doute. Je m'efforçais alors de me tenir à l'écart.
Le massacre semblait encore très frais dans mon esprit. Cette vision m'horrifiait. Aussi idiot que cela pouvait sembler aux autres, je refusais de tuer pour me nourrir. Manger de la viande était un fait, mais avoir soi-même à tuer ses proies, avec ses crocs ou ses griffes, sans autre outil... C'était trop proche, trop intime.
Je me dirigeais vers mon lieu de refuge, pour éviter que les deux autres evolitions ne me voient dans cet état. Cela n'annonçait rien de bon. J'étais quand même une abrutie : je tenais absolument à cette nouvelle vie, mais je ne m'adaptais pas. Plus précisément je ne voulais pas m'adapter. Cela risquait de me couter cher.
Ma vision était trouble. La faim vous touchait rapidement après deux jours sans manger correctement alors que vous vous dépensez tout le temps. Je titubais brusquement et glissait le long de la pente que j'étais en train de monter. En bas, je ne voulais pas me relever. Il me fallait une petite pause.
"- Dans la forêt il est un ordre à respecter." Fit soudain une voix inconnue au-dessus de moi.
Je relevais rapidement la tête pour voir qui m'adressais la parole. Et ce fut en cet instant précis que je le vis pour la première fois : ce Haydaim, très grand, très noble. Il me surplombait de toute sa hauteur. Je sentis immédiatement la menace. Je roulais sur moi-même pour éviter de grands sabots qui s'apprêtaient à me piétiner.
Il s'agissait du même qui avait parlé au rattata. Mais ça je l'ignorais. Je cru seulement reconnaitre les mêmes sabots qui m'avaient poursuivi il y a quelques jours de cela. Après sa première tentative d'attaque, il avança lentement en poursuivant :
"- Une règle toute simple. Celle qui régit le monde entier : Manger ou être manger."
Je reculais au fur et à mesure qu'il avançait. Mais sous les conseils d'Auri je ne le quittais pas du regard pour prévoir ce qu'il comptait faire. De nouveau il se redressa sur ses pattes arrière et tenta de m'écraser. Je l'esquivais en faisant un bon sur un côté opposé. Mais je ne faisais pas assez attention à ce qui m'entourait : je me pris un arbre qui me coupa ma retraite. Le pokémon n'hésita pas une seule seconde. Il me chargea et ses bois rentrèrent dans mes côtes. J'eus l'impression de recevoir de nombreux coups de couteaux... Sous la force de son attaque, il me projeta plus loin, contre un autre arbre. Et je constatais que bien que son attaque fût atrocement douloureuse, rien n'avait pénétré ma peau. Mais mon esprit n'était pas très clair après le choc... Je tentais vainement de me redresser sur mes pattes qui flageolaient, mais je ne voyais pas exactement ce qu'il se trouvait en face de moi.
*Bravo Lilly. Pensais-je. Maintenant tu t'es mis dans un beau merdier à vouloir faire la fine-bouche... Tu reçois les conséquences de tes idées idiotes...*
"- Face à la nature, pas de moral. Seulement la loi du plus fort." Poursuivit-il.
Il s'approcha encore. Et même dans la nuit il réussi à cacher toute lumière en se plaçant droit devant moi, je n'avais pas réussi à bouger. Et j'étais à présent à sa merci, effrayé et désolée par ma faiblesse. Il me décriva de ses yeux en colère.
"- Et pourtant voici qu'une noctali refuse de se plier à cet ordre..."
Il étira son cou dans une direction, il allait attaquer encore une fois de ses cornes. Il fallait que je tente quelque chose, il fallait que je me défende. Je pouvais le faire sans tuer. Avisant sa taille, j'imaginais pouvoir passer entre ses jambes pour le prendre par surprise et esquiver le coup. Mais au moment où je m'élançais, mon corps eut un vide d'énergie, je ne réussi qu'à moitié mon action et je reçus malheureusement encore une fois son attaque. Retenue à moitié par son propre corps, je fus entaillé profondément à la jambe. Lorsque mon sang commença à s'écouler, je ne tins plus. Dans un dernier souffle je plongeais dans l'inconscience. J'eus tout juste le temps d'apercevoir un air désolé sur le visage de l'Haydaim.
"- Mais peut-être est-ce pour toi la chance de prendre un rôle dont cette forêt a besoin..."
Il contempla son travail. Et malgré sa colère il ne parvenait pas à retenir sa désolation. Il avait déjà bien des fois agis ainsi pour défendre sa harde et aussi défendre les autres pokémons de la forêt. Mais ici c'était différent. Non seulement il venait de mettre à terre un pokémon qui refusait de tuer pour se nourrir au point de se tuer lui-même, mais il venait aussi de mettre à terre la prochaine personne qui allait l'aider. Car à ses pieds se trouvait...
"- ... Morihogosha."
Avec une douceur à l'exact opposé de ses précédentes actions, il me souleva de ses bois pour me hisser sur son dos. Il en avait assez vu. Il avait compris que j'agissais différemment. Et cela se confirmerait bientôt.