1 - Découverte
J'avais beaucoup de mal à situer où je me trouvais. Je savais seulement que j'étais sur un lit. Ça c'était quelque chose de sûr. Mais pour le reste, j'étais dans un état qui ne me permettait pas de réfléchir. Dès que j'ouvrais les yeux, j'étais éblouie. Dès que je cherchais à me relever, ou simplement me redresser, j'avais la nausée. Dès que je cherchais à penser ma tête menaçait d'exploser. Tout cela sans compter mon état actuel. Car mes muscles se crispaient et mes os me tordaient de douleur.
Ce ne fut donc qu'au bout d'un temps très long que je suis arrivée à définir, approximativement, la pièce dans laquelle je me trouvais : c'était entre la chambre d'un hôpital psychiatrique et une cellule de prison. Je n'arrivais pas à mieux traduire ce que je voyais. D'un côté les murs étaient blancs, rembourrés, vides, d'un autre la seule sortie avait à la fois une porte solide et des barreaux. La pièce n'était pas très grande et je crois que mis à part mon lit il n'y avait pas d'autre meuble.
On s'occupait régulièrement de moi. Je n'avais aucune notion du temps et j'étais souvent dans un état comateux où il aurait pu se passer n'importe quoi. Mais j'avais souvenir que les allées et venues étaient très fréquentes. On me prenait le pouls, m'examinait sous divers angles. Les visages étaient tous flous à mes yeux et je crois que mon état faisait que les personnes n'avaient pas à m'entraver de quelconque manière pour faire les examens qu'ils souhaitaient. Je n'étais qu'une poupée de chiffon.
Au bout d'un certain temps je réalisais à quel point c'était étrange. J'étais en bonne santé avant que tout ne s'enchaîne de cette manière. Pourquoi me manipulait-on comme ça ? Qu'est-ce qui avait provoqué mon état ?
Malgré mon questionnement j'étais incapable de bouger et de voir si quelque chose n'allait pas. Même remuer une jambe me semblait être une difficile épreuve. À un tel point que je n'osais pas le faire.
Puis, après ce qui me sembla durer des semaines... Petit à petit... Je me sentis mieux. Mon corps se mit enfin à se détendre. Le plaisir de pouvoir réellement me reposer après tant de souffrances était indescriptible et le sommeil vint à me gagner naturellement.
Je reprenais possession de mon corps.
Je réalisais à présent que beaucoup de temps s'était passé entre ma petite escapade, mon état maladif et ma remise sur pied. L'hygiène de mon lit laissait à désirer, j'avais beaucoup transpiré et les draps étaient moites, collants. Trouver une position agréable dans ce bourbier de tissu était difficile et je me sentais faible. Je me demandais quand était la dernière fois que j'avais pris un repas... Et même si j'avais été nourrie durant mon... observation.
Il ne me restait plus qu'à attendre que quelqu'un vienne, que je puisse réaliser ce qu'il se passait. Ce fut le cas, une bonne demi-heure après ma reprise de conscience. Un homme et une femme en blouse blanche, bien trop lumineux pour moi, s'approchèrent et me tirèrent par le bras.
Leur manière de faire me sembla si impersonnelle, que malgré mon manque de force j'eus le réflexe de les repousser. Ils en furent très surpris, après tout c'était la première fois qu'une réaction avait lieu. Ils abandonnèrent aussitôt ce pourquoi ils étaient venus et se regardèrent en silence. Je ne pouvais pas le voir mais ils souriaient de manière satisfaite.
« - Je pense que nous n'avons plus besoin de faire quoi que ce soit. Fit l'homme. Revenons plus tard. »
Ils s'en allèrent aussitôt, me laissant avec mon interrogation, perplexe sur ce qu'il m'arrivait. Bien que je sois en meilleur état, me redresser dans mon lit m'était impossible. Je perdais l'équilibre à chaque fois. La seule façon que j'avais de me tenir correctement était de me positionner sur le côté.
...
Je m'étonnais moi-même...
...
Non seulement il m'avait fallut du temps pour que je regarde dans quel état je me trouvais, mais de plus au premier regard je n'avais pas aperçu ce qui avait changé.
... ...
J'ÉTAIS UN PUTAIN DE POKÉMON !
Je fis un petit bond de surprise et me cachais sous la couette. Je constatais stupéfaite qu'une queue vint chatouiller le museau qui remplaçait mon nez, et je fis une très belle grimace, car je venais de comprendre.
Aaah qu'il en avait de l'humour l'homme vêtu de noir.
Aaah que c'était malin d'avoir choisi le Pokémon dont j'avais acheté une statuette.
Au moins ça aurait pu être pire, j'aurais pu devenir un Grotadmorv... Là au moins, j'étais une jolie... Noctali. Grand dieu... Je me déplaçais un peu dans le lit pour observer un peu plus ma nouvelle forme. C'était très étrange. Je comprenais mieux pourquoi tout me paraissait très lumineux. J'étais un Pokémon noctu...
Attendez, attendez, attendez... J'étais un Pokémon... Un-Pokémon. En France. En Europe. Sur la terre... Oh bordel. Je m'étais mise dans un pétrin plus grand que je ne le pensais ! Est-ce que... Est-ce que ça voulait dire que le monde Pokémon existait ? Oh bordel... Le monde Pokémon existait. Hey, mais c'était cool en fait.
Mais attendez, qui étaient donc ces hommes alors ? Qu'est-ce qu'ils venaient faire ici ? Comment étaient-ils...
Vous l'auriez compris, j'étais perdue. Tellement de sentiments se bousculaient en moi. Autant d'agréables que de mauvaises surprises. L'état d'esprit dans lequel je me trouvais avant d'arriver ici me rendait folle heureuse, car il se passait quelque chose d'incroyable, quelque chose de nouveau ! Mais mon côté responsable me rappelait qu'il fallait que je sorte de là, qu'il fallait me méfier des gens qui m'avaient amenée ici et que tout revienne dans l'ordre.
Et tandis que mon esprit tergiversait, les hommes revinrent dans ma cellule. Lorsque j'entendis la porte se fermer dans un petit claquement, je sursautai et chutai du lit, du côté opposé où ils se trouvaient. Il y avait un homme de plus. L'un d'entre eux s'accroupit à ma hauteur mais ne s'approcha pas.
Je n'osais pas sortir de ma cachette. Premièrement car je constatais que j'étais nue. Ce qui n'était pas anormal pour un animal, mais quand on avait l'habitude de ne pas l'être c'était perturbant ; ensuite parce que je ne savais pas quelles étaient leurs intentions à mon égard. J'avais peur, je me sentais en position de faiblesse. Je les entendais chuchoter et rire - gentiment ? - de moi. Mais ils étaient patients.
Ce dont je les en remerciais profondément.
Je rassemblai un peu de courage. Si je voulais que la situation avance, alors je devais aussi avancer. Je passai alors une tête sur le côté.
"- Oooh ! Ne put s'empêcher d'exclamer la jeune femme.
- Chut ! Taisez-vous. Fit le premier homme, qui était déjà venu. Vous allez l'effrayer encore plus, mettez-vous à sa place."
Oui c'est ça, "mettez vous à sa place", répétais-je dans ma tête en prenant une voix ridicule, ce n'est pas comme si nous étions responsables de la situation dans laquelle elle se trouve, nyah, nyah, nyah.
Malgré mon sarcasme intérieur, je n'étais pas du tout en état de rire, je tremblais j'avais peur.
"- Vous avez vu ? murmura le second homme de manière à ne pas me mettre plus mal à l'aise. Sa taille... Elle est bien plus grande que la moyenne.
- Cela est probablement du à sa taille d'origine. Fit la femme.
- Deux fois la taille d'un Noctali... Repris le second homme."
Le premier ne me lâchait pas du regard. Il attendait que j'avance, ce qui était franchement et particulièrement intimidant pour moi. Ça me paralysait de la tête au pied.
Je ne comprenais qu'à moitié.
Je tentai malgré tout de faire un pas en avant, mal assurée, la tête baissée et les oreilles en arrière. Je n'arrêtais pas de tout faire bouger tellement c'était nouveau et je n'y étais pas habituée. Le premier homme eut un demi-sourire en me voyant tenter de faire le pas au-dessus de ma peur et de mon appréhension. Les deux autres firent silence, impatients. Un deuxième puis un troisième pas plus tard, je m'arrêtais. Je devais me rendre à l'évidence, je n'avais pas encore récupéré de mon alitement. Et mon courage semblait en pâtir. Une once de panique traversa mon esprit et je fis aussitôt demi-tour, m'emmêlant les pattes pour retourner me cacher derrière le lit.
Ils furent déçus en voyant ma réaction, mais peu surpris. Malgré le fait qu'ils soient responsables de ce qu'il se passait, ils étaient dans un état de satisfaction lorsqu'ils partirent, tant ils semblaient contents de leurs résultats. Ils reviendraient encore ; mais en me laissant une plus grande marge pour que je puisse reprendre mes esprits.
Mon cœur battait à cent à l'heure et je me sentis soudainement plus en sécurité en me cachant sous le lit, comme un enfant. Il y faisait plus sombre, cela semblait diminuer mon stress. Je pris alors une position plus ou moins confortable pour me reposer plus amplement et retrouver mon calme.
En me réveillant je me sentais à peu de choses près en forme. Je glissai alors une oreille au-dehors pour voir si quelqu'un m'attendait : personne. En rampant alors du mieux que je pouvais, en m'accommodant de mon nouveau corps, je sortis du dessous du lit et pris une grande inspiration tandis que je levais la tête vers les angles du plafond : pas de caméras.
J'avais au moins une once d'intimité.
Je me mis à faire doucement les cents pas. Premièrement, je ne pouvais pas faire grand-chose d'autre que d'attendre le retour des trois personnes. Deuxièmement, il fallait que je m'habitue à ma situation pour mieux la gérer.
Passant la tête par-dessus une épaule pour bien vérifier que personne ne se trouvait caché quelque part, je fis quelques pas de plus, timide. Puisque personne ne me voyait actuellement, puisque je devais m'habituer à être une Noctali, autant s'amuser un peu.
Je voulais voir ce dont j'étais capable. Alors en avant !
D'un bond, je me propulsai en avant et me mis à courir le périmètre de la pièce. Waouh ! J'allais super vite et j'avais une certaine puissance dans les jam... Euh, pattes. D'un second bond et je me propulsai sur le lit. Qui d'ailleurs n'apprécia pas beaucoup... J'envoyai valdinguer plus loin la couette et l'oreiller dans la puissance de mon geste. Je... Je m'amusais beaucoup... En réalité, mon état actuel ne me gênait pas le moins du monde. J'avais l'impression de découvrir une liberté nouvelle, une vie nouvelle dans ce corps. Et ça me faisait du bien. J'en avais, vraiment, besoin.
Le seul bémol de cette histoire était le fait que j'étais retenue contre mon gré. Il fallait que je réfléchisse à ce que j'allais faire :
Est-ce que j'allais suivre bien sagement leurs directives jusqu'à avoir un peu plus de vision sur l'état des choses ?
Ou bien est-ce que j'allais dès le début opposer de la résistance et faire moi-même mon chemin ?
Quand on se trouvait dans une situation comme la mienne il était dur de choisir ce qu'on allait faire. Après tout je n'étais peut-être plus au même endroit, j'ignorais combien ils étaient, s'ils étaient armés, et si oui, armés d'armes réelles ou de... Pokémon ? Je n'avais que trop peu d'informations, bien trop peu !
Tout en continuant à courir, l'adrénaline bouillant dans mon sang, je ne savais pas que choisir.
De plus si je partais je risquais de louper une occasion de comprendre ce que ces hommes faisaient dans ce coin perdu des montagnes où j'étais censée passer mes vacances. Et si je restais je leur laissais l'occasion de me faire du mal et je savais ô combien j'avais eu mon lot de soucis et que je souhaitais passer à autre chose.
Tandis que je pesais le pour et le contre, le libre et le responsable, les hommes revinrent. J'étais tellement prise dans mes petits tests physiques qu'il me fut impossible d'éviter de percuter le premier qui traversait le pas de la porte.
"O-ouch !" Souffla bruyament celui-ci tandis qu'il tombait violemment un mètre plus loin, ne s'attendant pas du tout à ce que je sois autrement que dans un état de choc.
Je m'arrêtais sous la collision, devant la grille ouverte, un peu surprise et déboussolée par son arrivée.
Il se redressa lentement et visiblement douloureusement, j'avais dû cogner fort, sans même m'en rendre compte. Il se tourna vers moi et jeta un regard vers la porte encore grand ouverte et moi devant.
Un frisson me parcourut l'échine : tout comme lui, mon regard allait de lui à la porte, de la porte à lui. On était un peu figés sur place tout les deux, car nous ne y attendions vraiment pas. Mais nous savions que nous avions la même idée en tête.
Malheureusement pour lui, moi, j'étais bien debout. Prête à m'élancer. Et avant qu'il n'ait le temps de se remettre, au moins de s'accroupir, et de m'attraper...
Je franchissais l'encadrement de la porte à pleine vitesse.