Les Apôtres d'Erubin de Malak

- Tu es toujours si maigre et pâle... Tu es sûr que tu manges assez ?

Vaslot sourit intérieurement. Il gardait peu de souvenirs de sa mère, morte quand il avait six ans, mais entendre ça de la bouche de Marine lui procura un étrange sentiment de nostalgie, comme si sa mère lui disait ce genre de choses, sur le même ton. Contrairement à Vaslot, Marine Worm n'avait rien hérité du physique de leur père. C'était le portrait miniature de leur mère, charmante jusqu'au bout des ongles, avec ses grands yeux noisettes et son sourire capable de réchauffer le cœur des hommes les plus endurcis. Elle n'avait que quatorze ans, mais était déjà promis à devenir une très belle femme.

- Tout ce que je mange part dans mon cerveau au lieu du reste de mon corps, répondit Vaslot en empoignant la part de gâteau que sa sœur lui avait préparée. C'est le plus important des muscles. C'est lui que j'entretiens le plus.

- Les personnes véritablement intelligentes ne se sentent pas le besoin de le rappeler constamment aux autres, lui dit Marine avec un sourire ironique.

- Qui a dit ça ? C'est une citation du professeur Pressand ?

Vaslot savait que sa sœur était fan de cet homme et de ce qu'il racontait, et que c'était l'une des raisons expliquant son attrait pour les Pokemon Rangers.

- Non, c'est moi, répondit simplement Marine. Ça s'appelle de la modestie.

- La modestie est une idiotie, répliqua Vaslot. Si tu as des qualités, il faut les mettre en avant. Ce n'est que comme ça qu'on te remarquera.

Enfin, ce n'était pas tout le temps vrai. Il y avait des fois où il valait mieux ne pas se faire remarquer, justement. Vaslot s'était fait passer pour un idiot sans importance aux yeux de son ancienne bande, et ainsi, ils ne s'étaient jamais méfiés de lui... ce qui leur a été fatal. Mais un tel niveau de roublardise était totalement étranger à Marine. Elle était toujours honnête et bienveillante, et Vaslot ne tenait pas à ce que ça change.

Il venait de rentrer à Bourg-Chicore, après avoir mis en ordre ses propres affaires. Sa maison d'enfance était son dernier arrêt avant de revenir à Bonport et de prendre un bateau pour quitter cette région. La maison et la région, il les quittait sans regret. Sa petite sœur, c'était plus dur. Mais maintenant qu'il avait les moyens de lui offrir l'avenir qu'elle voulait, Vaslot voulait aussi penser au sien. Il ne s'était jamais autorisé à penser à lui-même ; pas tant qu'il devait payer les dettes de son vieux pour que Marine puisse vivre libre. Mais désormais, la barrière de Jorgand n'était plus là, tout comme celle de l'argent.

Vaslot et sa sœur passèrent un petit moment à parler de tout et de rien, comme à chaque fois que Vaslot passait la voir dans leur village natal. Ce n'était pas le coin le plus dynamique d'Almia, mais Marine trouvait toujours quelque chose à raconter. Elle parla surtout de l'attentat sur le QG du Vert de la Planète, à Véterville, juste au nord d'ici. Vaslot parvint à répondre sans montrer un seul signe de culpabilité. L'identité du poseur de bombe n'avait pas été révélé par les médias ; elles avaient seulement dis qu'il s'agissait d'un petit voyou ignorant du colis en question, commandité par Jorgand. Vaslot avait assez bien joué le pauvre garçon naïf et emprunt de regrets auprès de la police pour que cette dernière accepte de ne pas dévoiler son identité au grand public.

- C'est quand, la prochaine session d'inscription pour ton École Ranger ? Demanda Vaslot au bout d'un moment, l'air de rien.

Marine fronça les sourcils, puis soupira.

- On avait dit qu'on ne parlerait plus de ça. C'est juste un rêve idiot. Je sais très bien qu'on n’a pas les moyens…

- C'est sous-estimer gravement ton grand-frère.

Il posa sur la table un petit paquet rectangulaire. Intriguée, Marine l'ouvrit, et manqua tomber de sa chaise sous le choc.

- Vaslot, que... Comment as-tu eu…

- En travaillant. Je suis un garçon débrouillard.

Le lieutenant Verlys de la Team Rocket avait tenu parole : il avait transféré sur le maigre compte en banque de Vaslot une somme des plus appréciables, en remerciement pour la « loyauté » dont il avait fait preuve en trahissant Jorgand et en révélant ses « magouilles ». Cinquante-mille Pokédollars. Plus qu'il n'en fallait pour les frais d'inscription de Marine, mais Vaslot avait ajouté quelques milliers de plus dans le paquet pour sa sœur, afin qu'elle n'ait aucun problème d'argent avant un petit moment. Il avait juste gardé de quoi pouvoir voyager et s'installer à Kanto.

- Mais... balbutia Marine, qui n'avait jamais vu autant de billets devant elle. Les dettes de papa…

- Payées, répondit Vaslot. Cette partie de notre vie où nous devions trimer pour le souvenir de ce vieux con est finie, Marine. Tu peux aller t'inscrire à l’École Ranger, et accomplir ton rêve.

L'adolescente resta un moment sans voix.

- Je... je ne sais pas quoi dire, grand-frère. Tu... Ce n'est vraiment pas un rêve ?

- Pince-toi assez fort si tu doutes.

Marine choisit un autre geste : elle se leva pour aller serrer Vaslot dans ses bras. Le jeune homme, qui ne s'attendait pas à ça, fut quelque peu gêné. Même si le frère et la sœur s'entendaient bien, ils ne s'étaient jamais laissés aller à de tels gestes d'affection. Vaslot lui tapota maladroitement le dos avant jusqu'à que Marine décide de s'écarter. Ses grands yeux noisettes étaient brillants de larmes.

- Qu'est-ce que je serai devenue sans toi, Vaslot ? Demanda-t-elle. C'est toi qui t'es occupée de moi quand maman est morte, alors que papa n'en fichait pas une. C'est toi qui m'envoyais l'argent pour me nourrir et payer le loyer. Et maintenant, ça... Je ne pourrai jamais te rembourser tout ce que tu as fait pour moi en une seule vie.

Vaslot sourit, toujours aussi gêné.

- Ne m'idéalise pas trop. Je suis quelqu'un d'égoïste qui pense à moi, aussi. La preuve : c'est que j'ai attendu de te donner les sous pour te le dire. Je... je vais partir, Marine.

- Partir ?

- Oui. Je vais quitter Almia. J'ai trouvé un... travail plus intéressant à Kanto.

Vaslot espérait presque que Marine éclate en sanglot en le suppliant de rester auprès d'elle, mais à sa grande surprise, elle se contenta de hocher la tête avec un sourire.

- C'est bien normal, grand-frère. Tu dois, toi aussi, suivre tes rêves, et enfin vivre pour toi. Et de toute façon, je n'aurai pas pu rester à la maison moi non plus, les élèves Rangers doivent loger à l'école.

- Je te donnerai des nouvelles à chaque fois que je peux, l'assura Vaslot. Et je tâcherai de passer te voir aussi souvent que possible.

- Tu n'as pas à t'inquiéter. L’École Ranger s'occupe toujours de tout pour ses élèves. Je serai nourrie, logée et blanchie pendant deux ans. Et ensuite... je te promets que je deviendrai l'une des plus célèbres Pokemon Rangers du monde !

- J'ai intérêt à bien me tenir alors, plaisanta Vaslot.

Et ce n'était qu'une demi-plaisanterie. S'il travaillait pour la Team Rocket, alors la Fédération Ranger, protectrice des Pokemon et de l'harmonie, deviendrait de facto son ennemie.

- Fais juste gaffe aux garçons qui te tourneront autour, à l’École, ajouta Vaslot. Dis-leur bien que tu as un grand-frère très protecteur qui a pas mal de relations. Et à Kanto, il y a pas mal de gens louches qui seront ravis de buter quelqu'un en échange d'une petite somme.

Marine ne sut pas trop si son frère plaisantait ou non.

- Évite de te frotter à ce milieu là quand même, demanda-t-elle. C'est vrai que Kanto est dangereuse.

- Tu me connais. J’essaie d'éviter les problèmes autant que possible…

Quatre heures plus tard, Vaslot se trouvait sur un bateau en direction de Carmin-sur-Mer, laissant Almia et Marine derrière lui. Oui, Kanto était une terre de danger, de corruption et de trafics en tout genre. Mais tout cela, pour Vaslot Worm, c'était le chemin le plus direct vers le pouvoir et la richesse.


***


Dan aurait menti s'il affirmait que c'était la première fois qu'il se faisait capturer au cours d'une mission. Mais c'était la première fois qu'on l'avait ligoté avec un junkie malodorant qui tentait encore de parler à sa main, et dont la chevelure hirsute et sale devait abriter toute une faune insoupçonnée. Henrich ne semblait même pas réaliser sa situation, à moins qu'il s'en fichait. Les employés de N.W.C les avaient amenés dans un de leur baraquement temporaire, et semblaient réfléchir à ce qu'ils devaient faire d'eux.

- C'est vraiment un Ranger, ce gars, disait l'homme qui lui avait retiré son Capstick. Je ne pense pas que les huiles veulent des problèmes avec la Fédération Ranger. On ferait mieux de les relâcher, et prétendre qu'on ne les a jamais vus.

- On était censé agir en secret ! Protesta une femme. S'ils nous on vu utiliser les Void-Bomb, faut nous en débarrasser ! On leur en fait exploser une dessus, et il ne restera aucune trace d'eux. Alors seulement, on pourra prétendre qu'on ne les a jamais vus.

- Je n'ai pas signé pour tuer des gens. Je ne suis qu'un fichu manutentionnaire. Débrouillez-vous. Moi je veux rien savoir.

Celui qui venait de parler quitta le bloc, avec à sa suite d'autres employés, rendus anxieux par la présente situation. Dan constata avec inquiétude que ceux qui étaient d'avis de le relâcher en faisaient partie.

- Vous croyez que je suis venu enquêter ici sans que personne ne soit au courant ? Leur demanda Dan. Nous faire disparaître ne vous sauvera pas. Ça vous fera juste encore plus de questions auxquelles vous devrez répondre.

Un scientifique haussa les épaules.

- Nous, on ne répond à rien ni de rien. On fait ce que nos supérieurs nous disent de faire.

- Peut-être devriez-vous les contacter alors ? Je doute que d'honorables cadres de N.W.C soient pour l'usage du meurtre.

Plusieurs des employés ricanèrent, mi-amusés mi-ironiques.

- C'est que vous ne les connaissez pas bien…

Henrich choisit ce moment pour intervenir, après plusieurs marmonnements intelligibles et vides de sens.

- Faite l'amouuuur, pas la guerre, mes frères et sœurs. Sortez-vous de cet engrenage du capital et de l'argent pour vivre sainement dans la félicitéééééé.

Plusieurs personnes haussèrent les sourcils, semblant considérer, sans doute avec raison, que leur mode de vie était bien plus sain que ce gars défoncé.

- Alors, on fait comme ça ? Proposa un homme avec une arme. On les ramène dehors, on active une Void-Bomb à côté d'eux, et on n'en parle plus ?

La majorité des employés semblèrent approuver, quand un téléphone dans le bloc sonna. Celui qui semblait diriger ce détachement alla répondre.

- Ici Makyer ? Oui... Oh, mes respects, monsieur le directeur ! Oui... euh... oui effet, mais comment... Ah. Je... je vois. Oui, ce sera fait, monsieur.

L'homme lâcha le téléphone, perplexe et inquiet.

- C'était le directeur Stylord des ressources humaines, expliqua-t-il aux autres. Il semble déjà au courant qu'on a attrapé ces deux là, et apparemment, un Pokemon Spectre sachant parler va venir s'emparer du junkie. Le Ranger, il faut nous en débarrasser nous-mêmes.

Dan ne comprenait pas trop ce qui était en train de se passer. Un Pokemon Spectre sachant parler va venir s'emparer d'Henrich ? Pourquoi diable ? Et surtout pourquoi lui ? Les employés de N.W.C n'y virent pas plus clair.

- C'est quoi cette histoire ?

- Aucune idée. Je ne fais que répéter ce que le directeur a dit. On doit céder le chevelu défoncé à ce Pokemon qui va arriver, et traiter ce dernier avec grand respect.

- D'où qu'un Pokemon pourrait parler, déjà ? Et que fabrique les huiles avec lui ? Comment savent-ils qu'on a attrapé ces deux gus alors que ça fait que dix minutes ?!

- J'en sais rien, je te dis, s'agaça le chef. Tu crois qu'on me fait des confidences ? J’obéis et je me la ferme, c'est tout !

Les employés de N.W.C sortirent poursuivre leur discussion dehors. Un seul resta juste devant l'entrée du bloc pour surveiller les deux détenus. Dan en profita pour demander à Henrich ligoté derrière lui :

- Un Pokemon bossant pour N.W.C et sachant causer va venir vous chercher apparemment, alors que moi, il se contentera de mon cadavre. Vous savez quelque chose ?

- Hemmmmm... Ce doit être Fantasssssstux, man. Je n'ai pas très envie d'le voir, tu voiiiiis ?

- Non, je ne vois pas. Qui êtes-vous bon sang ? Et que savez-vous sur N.W.C ?

- Aie pitié, mon frère. Je sors à peine d'un mauvais trip aux champis chelouuuuus. Si j’essayais de t'expliquer tout ça, tu comprendrais rien.

- Je comprends déjà pas grand-chose. Enfin si, une chose : que je dois me tirer avant l'arrivée de ce Pokemon Spectre, ou je suis mort.

- J'crois qu'il vaut mieux être mort qu'entre les mains de Fantastuuuuuux, tu vois ? Mais j'comprends, man. Il est temps d'mettre les voiiiiiles.

- Sauf qu'on est un peu ligoté, et qu'ils m'ont pris mon Capstick. Je ne peux ni capturer de Pokemon, ni envoyer un appel à l'aide.

- J'en ai un, de Pokemoooon, signala Henrich. Ces serviteurs du grand capitalisme m'ont pas fouillé attentivement. Ils ont oublié un endroit préciiiiiis, tu vois ? Dis, mon frère, tu peux me mettre la main au cuuuuuuul ?

Dan cru avoir mal entendu, ce qui n'aurait pas été impossible avec la diction lente et embrumée du junkie.

- Pardon ?!

- On est attaché les mains par derrière. En te contorsionnant un peu, tu peux arriver à faire rentrer au moins tes doigts dans mon pantalooooonnn.

- Votre proposition m'honore, mais je crains de ne pas être de ce bord-là répliqua Dan. Et même si je l'étais, je ne pense pas que ce soit ni le moment ni l'endroit.

- Man, j'parle de pécho la Pokeball que j'ai planquée dans mon calebiffffff.

- Et qu'est-ce qu'une Pokeball foutrait là-dedans ?!

- Bah, j'sais plus trop, tu vois ? Tu sais, les champignons quoi... En tout cas, elle est là, j'la sens.

Dan était partagé entre l'accablement et le dégoût. Aucun Pokemon ne méritait ça... et mettre ses doigts sous les sous-vêtements d'Henrich donnait des frissons à Dan. Mais valait sans doute mieux ça que de finir comme les cadres de N.W.C l'avaient prévu. En prenant un peu appui sur ses pieds, il se souleva autant qu'il put de la chaise où il était ligoté, et chercha à tâtons avec ses mains par derrière. Une minute peu agréable plus tard, il parvint à bloquer la petite boule sous deux de ses doigts et la sortir. Elle roula sur le sol, et ne réagit qu'à la voix d'Henrich.

- T'vas encore m'engueuler, mon frère, mais j'ai besoin d'toi.

La Pokeball s'immobilisa puis s'ouvrit avec le flash lumineux habituel. Un flash qui ne manqua pas d'alerter le garde à l'entrée. Mais avant qu'il n'ait pu pousser le moindre cri, il disparut d'un coup. Dan regarda le Pokemon qui venait de sortir, et qui avait probablement téléporté le garde. Il avait la vague forme d'un oiseau, mais aucun plumage, seulement un corps écailleux de couleur mauve. Sa tête était sur-allongée vers l'arrière au terme d'un assez long coup, qui contrastait avec les deux petits bras sur son corps.

Ses ailes, largement plus grandes que ses autres membres, étaient plates et avaient un aspect presque insectoïde. Niveau taille, il devait faire dans les un mètre cinquante de haut, et vu sa stature semblait capable de servir de monture à un humain. Dan lui trouva un look de Togekiss qui aurait subit une espèce de croissance accélérée et un peu distordue. Mais à l'inverse de Togekiss, ce Pokemon là ne respirait certainement pas la joie et la paix. Il dévisagea son dresseur, et ouvrit la bouche. Dan sursauta quand il entendit une voix revêche en sortir.

- Je le savais... Le professeur a été dingue de te confier cette mission, Henrich ! Tu n'en rates décidément pas une !

- Maaaaiiiiiisss, protesta Henrich. Peace mon frère, quoi. Je me débrouillais très bien jusqu'à que ce man en uniforme n'arrrriiiiiiive.

- Tu te débrouillais bien à quoi ? À consommer des substances qui te rendaient encore plus débile que tu ne l'es en temps normal ? Pourquoi les autres m'ont collé à un humain comme toi hein ? Je préférerai même faire équipe avec le vieux Bigoutet, même s'il oublie ce qu'il a fait il y a une heure !

Après tout ce qui s'était passé, la dernière chose à laquelle s'attendait Dan était de voir un Pokemon bizarre faire la leçon à Henrich en plein territoire ennemi.

- Excusez-moi de vous couper, mais vous êtes...?

Ce n'était pas dans les habitudes de Dan de vouvoyer un Pokemon, mais celui-ci, en plus de parler, paraissait être du genre de ceux qu'il ne valait mieux pas contrarier. Et pourtant, Dan réussit à le faire.

- Toi d'abord, l'humain, répliqua le Pokemon. C'est aux êtres inférieurs de se présenter en premier.

- Êtres inférie...

Le Pokemon Ranger s'arrêta à temps. En dépit de sa fierté blessée, il n'avait des choses plus importantes à faire que se disputer avec cette chose mal fagotée.

- Dan Sybel, Top Ranger, répondit-il de mauvaise grâce. Vous êtes euh... le Pokemon d'Henrich ?

- Ne m'insulte pas davantage ! J'ai la malchance de travailler avec lui, mais cet imbécile deviendra mon humain avant que moi, je sois son Pokemon.

Henrich se tourna autant qu'il put pour faire un sourire d'excuse à Dan.

- Excuse mon frère Togesplit, man. Il est toujours un peu mal luuuuuuné quoi.

- Togesplit ? Répéta Dan, perplexe.

- Ouais... C'est un peu le jumeau maléfique de Togekiss, tu voiiiiiis ? Enfin, si tu ne vois pas, c'est pas grave, on a pas trooooooop l'temps d'expliquer là. Mon frère, Fantastux arrive. Si tu veux pas le croiiiiiiiser, faut qu'on se grouille.

- Manquerait plus que lui pour parfaire cette journée très mal commencée avec vos sales tronches d'humains ahuris, pesta le dénommé Togesplit.

Les yeux du Pokemon parlant brillèrent en violet, et aussitôt, Dan sentit la pression des cordes qui le retenaient s'évanouir. Les cordes en question n'avaient pas disparu, mais elles avaient doublé de taille et de volume, desserrant donc leur prise sur les prisonniers, qui purent se détacher.

- C'était quoi ça ? S'étonna Dan en reprenant son Capstick sur un table.

- Le Talent de Togesplit, man, répondit Henrich. Il peut rétrécir ou faire grandir tout ce qu'il veut, êtres vivants ou simples objets quoi. Donc, fais gaffe où tu marches, tu risquerais d'écraser le garde de toute à l'heure.

Dan comprit par cette phrase que Togesplit n'avait pas téléporté l'employé de N.W.C, mais qu'il l'avait rendu minuscule.

- C'est dingue comme pouvoir ça ! Murmura-t-il, stupéfait.

- Ça a ses limites, fit Togesplit. Je ne peux m'en servir que sur une certaine masse et sur un certain nombre de choses à la fois, et ça ne dure pas éternellement. Commence pas à te faire des films sur les façons de m'exploiter pour gagner de l'argent.

- Je pensais pas à ça, se défendit Dan.

- Tous les humains pensent à ça.

Dan échangea un regard avec Henrich en fronçant les sourcils, et ce dernier haussa les épaules, l'air de dire : « Cherche pas à comprendre ». Le Pokemon Ranger chassa l'étrange Pokemon de son esprit et souleva un peu le rabat du bloc, pour avoir une vue des forces en présence au dehors.

- Ça aurait pu aller si y'avait eu des Pokemon sauvages alentour, que je puisse capturer, mais là... grommela-t-il. À moins que Togesplit puisse rétrécir tout le monde dehors.

- Trois ou quatre humains, grand max, répondit le Pokemon.

- Suffiiiiiit de rétrécir ceux qui portent des armes, signala Henrich.

Dan le regarda bizarrement, comme étonné qu'il ait pu avoir une bonne idée. Le junkie chevelu prit également l'une des boules noires qui se trouvaient dans le bloc, ces choses que les employés de N.W.C avaient appelées Void-Bomb.

- Et on peut faire diversion avec ça, troooooop oui.

- Holà holà ! L'arrêta Dan. Vous savez comment ça marche, ces trucs-là Vu leur nom, mieux vaut ne pas se tromper.

- J'l'ai ai vues faire man, t'innnnnnquiète. Y'a un minuteur, et un simple bouton d'activation. Ça pète comme une grenade, genre cinq secondes plus tard, si on fout pas le minuteur. Et ça a une portée de trois-quatre mètres de diamètres.

- Ok, mais c'est moi qui balance hein ?

Dan avait une bonne précision du fait de ses entraînements au Capstick, et surtout, il n’avait pas confiance à Henrich pour manipuler quoi que ce soit de dangereux. Avec prudence, il régla la Void-Bomb a deux minutes, et quand le bip s’enclencha, signe que le compte à rebours avait commencé, les deux humains et leur compagnon Pokemon s'élancèrent au dehors. Leur sortie soudaine alerta bien sûr les employés, et les rares d'entre eux qui portaient une arme la levèrent immédiatement. C'est alors que Togesplit utilisa son pouvoir, pour miniaturiser leurs porteurs. La petite vingtaine d'employés étaient déjà sonnés, mais Dan en rajouta une couche en faisant tomber la caisse de Void-Bomb. Tandis qu'une dizaine de ces choses se mirent à rouler un peu partout, il montra clairement celle qu'il portait.

- Celle-ci va exploser dans moins de deux minutes les gars.

Et il la lança parmi les autres par terre.

- Si y'a quelqu'un de courageux parmi vous, peut-être veut-il essayer de la retrouver dans le tas et de la désactiver avant qu'elle ne pète ? Sinon, je vous conseille de vous tenir à distance. Les Pokemon Ranger évitent toujours de faire des victimes.

Personne ne tenta de trouver la bombe active parmi les autres. Au contraire, tout le monde fila en courant comme s'ils avaient le diable aux fesses. Aux regards que lui lancèrent Henrich et Togesplit, Dan fut soudain prit d'un doute.

- Euh... Vous m'aviez bien dit que ces trucs avaient une portée que de trois ou quatre mètres de diamètres seulement, hein ?

- Sûr man, confirma Henrich. Mais... t'avais pas dit que t'allais la balancer sur les autres. Du coup ça riiiiiiiiissssque peut-être de... d'être bien plus puissant quoi.

Dan n'en demanda pas plus, et se mit lui aussi à courir aussi vite qu'il put. Henrich monta sur Togesplit qui s'envola au-dessus de la cime des arbres. Dan ne lui en voulut pas de ne pas le prendre aussi ; Togesplit n'aurait pas pu soulever deux humains adultes. Dès que Dan pénétra dans la forêt elle-même, il activa son Capstick en catastrophe, repéra bien vite un essaim de Dardargnan qui butinaient tranquillement sur un arbre. Il battit alors son propre record de capture pour en attraper une dizaine en vingt secondes seulement, et leur ordonna de le soulever et de l'amener le plus loin et haut possible.

L'explosion se produisit une dizaine de secondes après. Et oui, ce ne fut pas trois ou quatre mètres, mais bien une zone de cent mètres de diamètre qui fut enveloppée d'un espèce de dôme noir et immatériel, et ce jusqu'au sommet des arbres. Quand le dôme disparut, il n'y avait plus rien. Ce fut une explosion totalement silencieuse, mais définitive. Dan, de la hauteur où il était, contempla avec ébahissement et horreur la zone en cercle. Plus aucun arbre, aucune verdure, aucune vie ; juste un cratère vide. Au-delà de la culpabilité que ça provoqua en lui – c'était lui qui avait malencontreusement provoqué ça et sans doute tué des dizaines de Pokemon – il fut pris de rage à l'encontre de New World Corporation pour avoir conçu de telles horreurs. Et il n'allait pas laisser passer ça. Il se le jura sur son titre de Pokemon Ranger !






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Image de Togesplit :