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La Cendre et la Braise de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 18/05/2019 à 11:14
» Dernière mise à jour le 24/08/2019 à 15:41

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Amitié   Mythologie   Présence d'armes   Suspense

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Chapitre 8 : Celui qui règne seul
δ

Les deux gardes s’interrogent mutuellement du regard, puis reportent à nouveau leur attention sur moi. Finalement, l’un d’eux prend une décision, et l’annonce d’une voix qui se voudrait sans doute un peu plus ferme, un peu moins jeune :

Je dois en référer au capitaine. Ce n’est… pas prévu.

Il n’est guère satisfait de cette prestation, mais se retire sans rien ajouter de plus. L’autre arbore un visage un peu déconfit, à la fois soulagé de ne pas être confronté à son supérieur et un peu mécontent d’être planté à l’entrée par son camarade. Il reprend sa position de parade, le dos droit, la lance plantée dans le sol comme une colonne, le regard fixé dans le vague mais qui surveille quand même, du coin de l’œil, les deux énergumènes qui se sont présenté à lui. Deux, ou un et demi ? J’ai férocement l’impression qu’il se pose la question…

À quoi sert-il de garder ce palais, si c’est pour réduire ainsi ses défenses au moindre imprévu ?

Je ne peux pas répondre directement à Icare, mais nous nous sommes arrangés là-dessus : je n’ai qu’à me concentrer un peu sur ma réponse. Ce n’est pas très compliqué, d’ailleurs ; mais il est bon que nous nous soyons entraînés tard hier soir.

À rien.

Je perçois en retour un sourire amusé, qui va s’intégrer à l’expression plus ou moins neutre du garde. S’il m’avait regardé, lui-même aurait sans doute pu voir un sourire idiot à ce moment-là, puis j’ai réussi à me contrôler. Et nous avons passé quelques minutes immobiles, attendant l’arrivée du responsable de la garde. Dès qu’il passa la porte, le garde raidit complètement sa position, craignant sans doute des remontrances. Mais il n’eut droit qu’à un regard noir, après quoi c’est à moi que Xanthodipe s’intéressa.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’Habitant ?

— C’est compliqué… Si vous m’expliquiez plutôt vos réticences à voir un conseiller du roi entrer au palais en cette compagnie ? Ça irait sans doute plus vite de vous répondre.

— Ne vous prenez trop au sérieux, Dédale. Ça ne vous réussit pas.

L’officier prononça ces mots sur son habituel ton cassant, avec un regard noir en prime. Il avait aussi peu d’effet que d’habitude ; c’est un personnage important, mais à la merci de l’incompétence de ses supérieurs. L’amertume qui en découle en fait un homme violent, souvent plus brutal que nécessaire ; ceci dit, je ne l’ai jamais craint. Il sait très bien que le roi ne lui pardonnerait pas de me bousculer, alors il se contient. Une brute intelligente : les pires soldats qui soient.

Qu’est-ce qui me dit que vous n’allez pas tenter de vous en prendre au roi avec cet Habitant ?

— Le fait que je n’ai aucun contrôle sur lui. Il me suit partout depuis mon dernier voyage dans les Montagnes Blanches pour des raisons que j’ignore ; et vous pensez bien que si j’avais pu le dissuader de venir ici et de me causer toutes ces tracasseries, je l’aurais fait.

— C’est donc un espion à la solde de l’ennemi ?

— Voyons, Xanthodipe. Vous n’êtes tout de même pas sans ignorer qu’il est impossible de dresser un Habitant, sans parler de comprendre les informations qu’il pourrait rapporter sans langage commun ? Ils sont bien trop limités pour cela.

Je sens une certaine désapprobation de la part d’Icare, mais je l’avais prévenu qu’on n’accédait pas aux réunions gouvernementales sans montrer patte blanche. Xanthodipe, quand à lui, médite mon argument. La pensée qu’il est supérieur à un Habitant finit apparemment par le persuader : il nous laisse passer et nous entrons dans l’immense palais royal de Cnossos.

Il m’a fallu près d’un an pour dessiner le corps principal, et aujourd’hui encore, je continue de livrer régulièrement des plans d’extensions. L’édifice, évidemment, n’est pas terminé : Minos aime l’agitation des travaux, et apprécie d’avoir un tel chantier pharaonique auquel employer ses prisonniers de guerre. On ne cesse donc d’ajouter des jardins, des prisons, des entrepôts, des casernes, des sanctuaires … Cet endroit est le centre névralgique absolu de l’île toute entière : c’est d’ici que viennent tous les ordres, ici qu’échouent la plupart des condamnés, ici où tous les esthètes rêvent d’être admis, ici qu’aboutissent toutes les prières… Un lieu de culte, de pouvoir, de contrôle. Un lieu vaste et complexe, qui focalise toutes les tensions. Un lieu à l’image de Minos.

Icare et moi empruntons une longue enfilade de corridors, passons par quelques cours intérieures, longeons des espaces dévolus au traitement des milliers de problèmes du pays, en nous dirigeant vers la tourelle qu’a choisie le roi pour le Conseil d’aujourd’hui. Elle est située sur le bord du palais, du côté de la ville haute ; nous y aurons donc une bonne vue sur la ville basse, encore plus au nord, et au loin, sur la mer. Une bonne vue que personne ne remarquera, sauf sans doute Icare.

Je sais que notre marche dans ce palais labyrinthique doit durer environ un quart d’heure ; les clepsydres placées à intervalles réguliers et surveillées jalousement me l’auraient sans doute confirmé. On peut grâce à elles avoir une idée approximative de l’heure dans tout le palais ; néanmoins, cela ne nous posera pas problème, car j'ai prévu d’arriver avec une demi-heure d’avance. Nous ne sommes pas à quelques minutes près, et c’est heureux, car entre les trois interruptions par des gardes soucieux de vérifier qu’Icare était autorisé à entrer et les nombreuses questions de celui-ci, nous serions probablement arrivés en retard.

***
Antidekoi est engagé dans une dispute homérique avec son homologue Zomrikè quand le roi entre. Il ne dit rien, se contentant de s’avancer vers son trône, à l’extrémité nord de la pièce. Les deux Stratèges se taisent rapidement. Quand le roi sera assis, avec la ville se déployant derrière lui, prolongée par le ciel libre au-dessus de nos têtes, nous pourrons considérer que le Conseil est ouvert. Je détourne mon regard du panorama offert par le sommet sans murs ni toit de la tour ; il n’est plus temps d’admirer, mais de débattre. Sous le Soleil de Crète, au sommet du pays avec notre altitude de quelques longueurs humaines, nous devrons faire bonne figure en face du roi, imperturbable comme toujours. Il aime nous mettre dans ce genre de conditions désagréables, histoire de montrer que nous sommes censés rester les serviteurs de la nation.

Bien… Je vois que vous avez fini vos enfantillages, tous les deux ?

Les cinq Stratèges restent immobiles, sans répondre. Le ton calme du roi n’appelle pas de réponse. Il ne fait que rappeler qu’ils parlent pour leurs cinq homologues éparpillés dans le pays.

Le roi reporte son regard d’acier sur le reste de l’assemblée. Il y a là les cinq Stratèges considérés comme moins inaptes à terre qu’en mer, quelques fonctionnaires du palais assez efficaces et effacés pour être appréciés par Minos, deux ou trois nobles qui sont ici pour devenir les cibles des autres, et moi. Et Icare. En toute logique, je suis donc la prochaine cible du roi. Ça ne rate pas.

Dédale. Cet Habitant devrait-il me faire regretter d’avoir eu confiance en ton génie architectural pour être adapté aux affaires d’État ?

— Je suis bien incapable de vous répondre, roi Minos. Je suis venu à vos ordres en espérant qu’il ne provoquerait rien d’inhabituel, et il me faut admettre que je n’ai aucun contrôle sur lui.

Ce qui est totalement vrai. C’est plus pratique pour le dire avec calme, conviction et assez de contrôle pour marquer le respect dû au roi.

La vérité peut donc aussi être un mensonge ?

— Oui. Dire la vérité de telle sorte que l’autre la comprenne faussement est un mensonge bien pratique.


— Voilà un pari qui pourrait te coûter cher.

Quel concept tordu.

Euh. Répondre au roi. Une improvisation convaincante…

Certes. La vie vaut mieux la peine d’être vécue avec un peu de risques, non ?

Ça, je suis tout à fait d’accord avec ! C’est bien la première fois aujourd’hui que tu dis quelque chose d’intelligent. Et vous êtes censés gérer votre île ?

— Prends garde, reprend le roi avec une platitude déplacée, à ne pas trop abuser de ce genre de condiment.

On n’en est encore qu’aux petites joutes oratoires préliminaires… Mais ça ne devrait pas tarder à commencer.

— Bon.


— C’est aussi un risque, sire.

Difficile d’être à l’aise en pratiquant un exercice pareil. Mais je m’y habituerais bien. Heureusement pour moi, il n’y aura pas plus que ces deux conversations. Ça deviendrait vite intenable…

Comme s’il voulait participer, Icare choisit juste ce moment-là pour cesser de voleter sur place et pour aller se percher sur le rebord de la tour, derrière Minos. L’attention se tourne sur le roi. S’il le prend mal, et je comprends tout à fait qu’on puisse mal prendre le fait qu’un Habitant amené par un sujet vienne se placer à un endroit pareil, c’est moi qui aurait mal. Mais il reste imperturbable, ne s’autorisant qu’un léger sourire, avant de reprendre la parole.

Puisque tous vos regards vont là où ils le doivent, je trouve opportun que nous abordions les sujets sérieux. Vous apprécierez sans doute d’avoir des nouvelles d’Anamorphas. Il vient d’envoyer un Poichigeon depuis Anticythère, où il a réussi à piéger la flotte Athénienne et à lui infliger des pertes importantes. Je pourrais bientôt vous envoyer en Attique, exercer vos compétences.

— Voilà une fort bonne nouvelle, roi Minos. Si je puis me permettre, pourquoi les officiers affectés aux volières ne nous en ont-ils pas avertis ?

— Parce qu’il est arrivé quand j’y étais.

Zomrikè est le moins respectueux des conseillers de Minos, mais également son meilleur Stratège. Ou plutôt le moins mauvais. Le roi le tolère, car il a exacerbé sa méfiance contre tous les autres, le conduisant à s’isoler. Zomrikè constitue ainsi la cible idéale pour les rancœurs des autres, et en protège Minos. Sans pour autant être protégé en retour : les Stratèges du roi sont choisis pour leur capacité à être éjectés sans dommage. Comme tous les autres conseillers. Dont moi.

Pour l’instant, notre propre flotte est occupée à pourchasser celle d’Athènes. Mais dès que la mer en aura été libérée, votre traversée sera envisageable. Cela pourrait prendre un an comme survenir demain ; aussi j’espère que vous avez d’ores et déjà préparé vos tactiques.

— Eh bien. Oui, tout à fait.

— Nous vous écoutons donc. Comment commanderez-vous les combats que je vous enverrai provoquer en Attique ?

— Avec prudence et une bonne préparation, mais sans craindre pour autant de vaincre.

Ils ont beau s’opposer, les Stratèges sont tous à la merci du roi et ils le savent. Ainsi Antidekoi accepte-t-il d’envoyer son éloquence au secours d’un Zomrikè en mauvaise posture. Et pour combler les paroles creuses qu’il annonce pompeusement, il sait pouvoir compter sur Xylème.

Selon les conditions des deux armées et du terrain, nous chercherons en priorité à opérer un encerclement. Néanmoins, peut-être un siège doublé se montrera-t-il préférable, auquel cas il nous faudra des ressources.

Minos lance un regard à son chef des finances. (Il s’agit en fait du troisième adjoint à l’aide de camp du chambellan, mais c’est lui qui sait comment on gère un Trésor.) C’est un regard rapide, presque un simple coup d’œil négligent, par lequel le roi pourrait se défausser de la gestion de ces ressources sur son fonctionnaire… ou, plus probablement, lui signaler que le siège en question n’est pas à prévoir. Il faut dire qu’un siège doublé est souvent une belle erreur tactique. Ça consiste à se faire assiéger en étant en train d’assiéger une ville, pour piéger une armée de secours avec l’armée de secours qu’on a soi-même pris soin d’apporter.

Trop compliqué pour être rentable, ce truc.

— Bien réalisé, ça peut être efficace. Minos ne laissera donc jamais ses Stratèges le faire eux-mêmes…

— C’est quoi ce roi qui fait lui-même tout ce que d’autres sont censés faire en son nom ?

— Tous ceux qui règnent, s’ils ont un rien de jugeote, cherchent l’équilibre qui leur convient entre des subordonnés assez efficaces pour travailler à leur place, et assez faibles pour ne pas être un danger pour leur supérieur.

—Drôle d’idée, que celle de régner. Je n’ai déjà jamais compris cette volonté de s’occuper de ses propres proies chez les Avec-Essence, et elle semble encore plus exacerbée chez les Humains…

— Peut-être, parce que nous n’avons pas de pouvoir sur la Nature, cherchons-nous une forme de compensation dans un pouvoir sur nos semblables ?


Icare réfléchit quelques secondes sur cette idée. Puis il me répond alors que le roi se tourne vers moi et lance, d’un ton de demi-reproche :

La conversation t’intéresse-t-elle seulement, Dédale ? Toi qui es d’habitude si prompt à examiner ce qui est dit ici, même sans en faire part, te voilà dans un état contemplatif ininterrompu depuis tout à l’heure.

Le membre le plus dangereux de cette assemblée, pour le roi, c’est toi. Vous êtes les deux seuls à vous rapprocher, par certains aspects, de prédateurs.

Je devrais répondre au roi. Sur-le-champ. Mais ils ont tous deux raison : je n’ai aucune idée du sujet sur lequel la conversation s’est portée, et mon manque flagrant de stupidité me rend dangereux pour Minos. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis ici : le roi affirmait, quand il m’avait fait entrer dans son Conseil, que le point de vue décalé d’un esthète était parfois chose à considérer, mais en réalité, il entend ainsi me tenir à l’œil lui-même. Il veut sonder ma relation avec le pouvoir, celui que lui seul détient réellement et qu’il voit tout le monde convoiter ; mais cette relation, elle vient de changer. Et je ne peux répondre au roi qu’après un moment de latence, en me brutalisant pour émerger de la contemplation. Je n’ai aucune idée de ce que je vais dire, mais il va être servi : ça viendra du cœur.

Le fait est, roi Minos, que les aspects tactiques me restent étrangers. Je ne peux apporter un avis précis dessus, car ils se ressemblent tous dans mon œil de néophyte. Il est vrai que je n’étais pas très attentif…

J’ai capturé les attentions de toute l’assemblée, à mon grand dam. Mais cet ergotage m’a donné une idée. Je ne l’aime guère ; tant pis, je n’en ai pas d’autre. En gardant un ton à mi-chemin entre la passion et le raisonnement froid et logique, que j’apprécie pour parler de société, je me jette à l’eau.

Je réfléchissais à ce que nous ferons une fois la guerre terminée. Il semble probable que nous triomphons d’Athènes ; mais ensuite ? Cette guerre a commencé parce que la cité s’opposait à l’impôt que nous prélevons sur nos propres colonies ; elle a finement joué, d’ailleurs, en les retournant contre nous. Nous sommes l’oppresseur.

Je n’ai pas besoin des capacités d’Icare pour ressentir la désapprobation des conseillers. Minos, lui, a compris que je n’ai pas fini.

Bien que nous soyons dans notre bon droit, Athènes n’aura effectivement aucun mal à nous présenter comme tels. Où veux-tu en venir ?

— Si nous annexons la cité, nous la renforcerons ; nous unirons durablement toutes ses factions. Aussi longtemps que vous régneriez sur Athènes, vous devriez contenir une rébellion incessante, parfois larvée et parfois sanglante. Cette situation affaiblirait constamment la Crète, drainant le sang de nos soldats sur une terre étrangère… Je me demandais s’il n’était pas plus pratique de simplement vaincre la ville, mais sans même la piller ; l’humilier militairement, montrer notre suprématie sur ses armées, puis retourner gérer nos affaires.

— Et ainsi perdre les richesses qu’il y a à gagner dans ce conflit ? N’as-tu pas d’autres arguments pour étayer cette idée, Dédale ?

Et moi qui espérais m’en tirer… Je suis bel et bien coincé, obligé de dire ce que je pense.

Notre guerre contre Athènes n’est encore qu’un conflit d’intérêts… Si nous la concluons par sa dévastation, nous y ajouterons une volonté de revanche. Ces richesses que la ville met à notre portée s’accompagneraient d’un antagonisme durable, qui saperait nos forces pour plus longtemps qu’une vie Humaine.

— Et quand bien même ? La Crète est une nation ancienne et puissante. Mon royaume existe depuis près d’un millénaire, ma dynastie plonge cinq siècles dans le passé ! Qu’ais-je à craindre d’une seule cité, qui essaie de se passer de son problème récurrent avec les tyrans ?

Ce que tu veux lui dire ne va vraiment pas lui plaire.

— Je sais, mais je n’ai pas le choix.


— Ce qu’il y a à craindre, mon roi, c’est justement la jeunesse de la ville. Notre île est vieille, et les vieilles nations ont tendance à décliner ; en face de nous, c’est un peuple à la vigueur encore intacte qui nous résiste : il tiendra plus longtemps que nous, même en pliant l’échine. Athènes sera un jour notre héritière, la plus puissante nation de Grèce ; nous ne pouvons nous y opposer qu’en écourtant notre propre époque. Nous pouvons essayer de devenir un modèle pour l’avenir, ou nous pouvons sombrer dans une guerre qui détruirait le souvenir de notre civilisation.

Minos me fixe sans rien dire. Je viens de lancer un sacré pavé dans la mare, et tout le Conseil est suspendu aux lèvres du roi, attendant son avis.

Si tu veux le mien, la conversation qu’ils avaient avant est définitivement morte. Ce n’est pas pour me déplaire, elle était d’un ennui mortel.

— Eh bien. J’espère au moins que tu es satisfait de ton aperçu du gouvernement.

— Ah oui, c’est très intéressant cette façon qu’a Minos de manipuler tous ses conseillers. Mais il me restera plein de questions.

— Merci de le confirmer.


Le sourire malicieux qui s’imprime sur le visage du roi ne vient très probablement pas de lui. C’est vraiment perturbant, cette manie d’en coller sur n’importe qui. Mais l’illusion s’estompe rapidement, car Minos a pris sa décision. Ou a fini de tourner sa phrase. On ne peut jamais savoir, avec lui.

Pour ce qui est des points de vue décalés, je crois bien que tu t’es plus surpassé aujourd’hui que n’importe quand avant, Dédale. Et bien qu’il ne me plaise guère de me considérer comme le dépositaire de ma propre dynastie plutôt que son fondateur ; bien que je préfère voir en la Crète un futur empire plutôt qu’un royaume sur le déclin ; bien enfin que je sois hérissé par l’idée que le sort des armes puisse ne pas être le principal décideur de l’avenir des guerres… Malgré tout cela, ton point de vue ne m’apparaît pas idiot. Aussi déplaisant que ce soit, peut-être as-tu raison. Il faudra que je l’examine plus avant, mais je te remercie d’ores et déjà pour lui.

Son ton, entre la contemplation et quelque chose de plus... sombre, n'augure de rien de bon. Il se tourne vers le reste de ses marionnettes, et à ma grande surprise, conclut la séance.

Je suppose que personne n’y avait songé avant ? Il nous faudrait donc tous y réfléchir, avant de pouvoir travailler dessus. Cette nouvelle perspective que nous ne pouvons encore étudier mérite que ce Conseil cesse ici. Nous reprendrons demain, avec je l’espère de nouvelles idées profitables…

J’accueille pour ma part cette annonce avec un certain soulagement. La politique me pesait déjà pas mal, mais maintenant, ça ne va pas s’arranger. Je vais finir par partir faire mon ermite dans une montagne quelconque !

Bonne idée, mais choisis bien ta montagne. Certaines sont plus habitées que d’autres.