Chapitre 4 : Un sommeil difficile
Chapitre 4 : Un sommeil difficile
« Melgana. Pourquoi ? Pourquoi ? »
Le jeune homme à la chevelure blonde se tournait et se retournait dans son lit. C’était officiellement la première nuit qu’il passait au château. Auparavant, avant que l’annonce ne soit faite pour tous et pour toutes, Soklar n’avait pas vraiment réussi à trouver le sommeil dans un lit. Il avait fait un cumul de micro-siestes et cela avait fatalement eu une implication sur son physique. Il avait évité de le montrer mais les maux de tête et le reste avaient été son lot quotidien ces dernières heures.
Là, il était couché dans le lit de la chambre qu’on lui avait attribuée. Et il n’arrivait pas à trouver le sommeil. Il cherchait et recherchait ces quelques heures nécessaires pour son corps mais depuis cet instant où il avait appris la vérité au sujet de Melgana, le sommeil avait décidé de le fuir, comme s’il était ne serait-ce qu’un paria.
« J’y arrive pas, je n’y arrive pas ! Pourquoi ?! »
Il s’était mis à haleter et à respirer plus bruyamment que prévu. En même temps, tout faisait pour l’empêcher de dormir correctement. Finissant par être en sueur dans son lit, il commença à gémir de douleur, une ombre finissant par sortir du sol.
« Ah oui, c’est quand même un sacré vilain cauchemar que voilà, Soklar. »
Une demoiselle masquée aux cheveux noirs. Celle-ci avait pris l’unique chaise dans la pièce de Soklar pour finir par s’asseoir dessus, comme si de rien n’était, Tournée dans le mauvais sens, elle utilisait pourtant la chaise pour positionner ses coudes sur le dos de celle-ci.
« Hihihi ! Je me demandais : Si j’ai voulu t’avoir comme apprenti, était-ce parce que j’ai un intérêt pour les gentils petits garçons ? Que je sais que tu allais souffrir et que j’allais me nourrir plus aisément ? Car je trouvais ça amusant ? Tellement de questions mais je ne possède pas les réponses malheureusement. »
Bien entendu, elle n’attendait pas de réponse de la part de l’adolescent couché dans le lit. Elle commença à fredonner toute seule, un petit air jovial qui n’avait ni queue, ni tête.
« Quand même, je m’attendais à ce que ça soit délicieux mais à ce point… Une âme aussi tourmentée que la tienne ne peut que me ravir. »
« Melgana, Melgana. Ah… Ah… Pourquoi tu es partie ? »
« Oh ! Tu fais l’innocent ? Tu ne sais pas pourquoi ? Je peux aisément répondre à ta place si tu en as envie hein ? Même si j’imagine que cela ne te tente pas le moins du monde. »
« GRANDE SOEUR ! À L’AIDE ! AU SECOURS ! GRANDE SOEUR ! »
Il s’était maintenant mis à crier et à se débattre dans le lit. Aussitôt, derrière son masque, Ebiné haussa un sourcil avant de faire apparaître des mains de couleur noire et violette dans le lit, constituées de ténèbres pour pouvoir « ligoter » Soklar au lit.
« J’imagine qu’il est temps d’arrêter de faire des bêtises et de se mettre au travail hein ? Si je m’étais dit que ça allait se passer comme ça, hahaha ! »
Elle trouvait cela assez amusant en fin de compte. Mais est-ce qu’elle devait réagir maintenant ? Car à l’entendre crier et s’égosiller, d’autres personnes allaient se réveiller non ? Et elle n’avait pas envie que des gens viennent l’importuner alors qu’elle passait un peu de bon temps avec son apprenti !
« Peut-être devrais-je le faire taire chaque soir ? Hmmm, ça ne semble pas être une si mauvaise idée que ça, hahaha ! »
Mais pour l’heure, elle était plutôt là, en train de le regarder, de l’étudier comme un petit animal sauvage qu’elle voulait découvrir et avec qui s’amuser. Elle retira le gant de soie qui recouvrait sa main droite pour venir poser un doigt dont l’ongle pointu s’enfonça à peine dans la chair de la joue de Soklar.
« Si je m’y attendais, tu as la peau encore plus douce que prévu. Comme celle d’un bébé ! Oh, ça donnerait presque envie de l’embrasser ! »
« J’y arriverais pas. J’y arriverais pas ! »
« Hmm ? Tu n’arriveras pas à quoi, Soklar ? Tu peux me le dire ? »
« Tu le sais bien, Melgana ! Je peux pas y arriver ! Ils… Ils avec l’élu ! Ils attendent beaucoup trop ! Je ne vais pas être à la hauteur, je vais pas y arriver ! Je vais étouffer ! »
Pfiou. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il réponde dans son cauchemar. C’est que c’était bien plus présent que prévu hein ? Hmm… Bon, maintenant qu’elle avait retiré le gant, elle pouvait continuer ce qu’elle avait commencé hein ?
Doucement mais sûrement, ses doigts glissèrent de la joue de Soklar pour arriver jusqu’à son front. Se léchant les lèvres sous le masque, elle eut un petit râle de plaisir avant qu’une légère lueur noire ne se forme au bout de ses doigts, presque imperceptible dans la nuit.
« Ahlala, tu vas me devoir tellement de choses, Soklar. Je ne sais pas comment tu vas te faire pardonner mais j’ai le sentiment que ça ne sera jamais assez, hahaha. »
Et qu’elle allait sacrément en profiter, oh que oui ! Bon, c’était pas vraiment délicieux ce qui l’attendait. Est-ce qu’elle pouvait voir dans ses rêves et cauchemars ? Pas encore, elle n’avait pas totalement la capacité de se fondre complètement dans tout ça. Malgré les apparences, elle était la mousquetaire des ténèbres, pas des spectres. Oh, la nuance était là, mais elle existait. Ce qui faisait que malheureusement, ses pouvoirs n’étaient pas aussi développés qu’elle le voudrait dans ce domaine.
« Et donc, il me faudrait toute ta confiance pour que tu te livres à moi dans ton intégralité, mon petit Soklar. Mais ça, on va le travailler longuement, n’est-ce pas ? »
Très longuement. Bon ! Maintenant, elle avait récupéré ce qu’elle désirait hein ? Elle vint extraire ce qui sembla être une petite boule noire du crâne de Soklar avant de l’avaler. Hmm ? Tiens donc, elle ne s’était pas attendue à un tel… goût.
« J’ai la sensation que c’était assez régulier ces cauchemars hein ? Et apprendre la vérité sur Mysvia n’a sûrement pas arrangé les choses, hahaha ! »
Bon, par contre, elle avait encore faim mais elle ne pouvait pas se permettre plus. S’il faisait un sommeil sans rêve, ni cauchemar, il n’aura pas alors la sensation de s’être reposé et autant dire que tout cela sera alors d’une très grande inutilité. Ce qui ne servira pas à grand-chose à bien y réfléchir.
« Hmm hmm hmm ! Je sens que je vais encore veiller sur toi ! En attendant ! »
Et puis bon, le sommeil, c’était pour les faibles hein ? Et Soklar était faible à la base. C’est pourquoi elle le regardait à travers son masque, n’ayant pas quitté sa position sur sa chaise, toute guillerette.
« Si j’avais su qu’avoir un apprenti serait aussi amusant, je crois que je l’aurai écouté y a bien longtemps ! Aaaaah ! Enfin bon, c’est parfait, hahaha ! »
Mais à quoi est-ce qu’il pouvait rêver ? Sans uns confiance quasi-totale de la part de Soklar, elle ne pouvait s’immiscer dans ses rêves. Ou plutôt ses cauchemars d’après ce qu’elle pouvait ressentir en le regardant.
« Bah, tu n’auras qu’à me le raconter demain hein ? »
Elle lui parlait bien qu’elle savait qu’elle n’allait pas obtenir de réponse de la part de Soklar. Encore qu’il avait bien « répondu » à sa phrase pendant qu’il dormait auparavant. Hmmm ? C’était peut-être l’heure des questions-réponses ? Non ! À voir son visage plus ou moins apaisé et soulagé, elle perdait toute l’envie de lui en faire baver. Et puis, elle avait quand même observé un peu les autres mousquetaires avec leurs apprentis. C’était presque une relation… familiale entre les deux. D’ailleurs, les triplés élémentaires qui bossaient pour la fratrie élémentaire, elle avait tenté de pas rire devant l’absurdité de la chose mais dans le fond, c’était pas si mal comme idée.
Ah… Enfin bon, la nuit passa tranquillement, Ebiné ayant gardé ses yeux grands ouverts toute la nuit, finissant par disparaître lorsqu’elle remarqua les mouvements de Soklar dans la matinée. Lorsqu’il se réveilla, la première chose qu’il constata, c’était la chaise non-loin de son lit, le forçant à se frotter les yeux.
« Ah… je pensais l’avoir rangée hier, après le repas. Je devais être trop fatigué pour m’en rendre compte. En parlant de fatigue, pfiou... »
Malgré son quota, il se sentait quand même un peu épuisé. Il ne savait pas du tout à quoi il avait rêvé ou cauchemardé directement cette nuit mais il sentait que ça lui avait un peu tapé dans le crâne et dans le corps.
« Dire qu’auparavant, Melgana venait me les effacer. Je vais finir par regretter ça. En plus, je suis certain que je ne cauchemardai pas sur ça auparavant. »
Mais maintenant, là, cette nuit, il avait pensé à tout ce qui venait de se passer en une semaine et surtout, il s’imaginait les choses horribles qui allaient l’attendre ensuite.
« Enfin bon, je vais me passer un peu d’eau sur le visage et ensuite, tout ira pour le meilleur des mondes, normalement. »
Il chercha à sourire. Cela allait être sa seconde journée concrètement en tant qu’apprenti. Ce qui voulait dire qu’il n’allait plus avoir l’excuse de son arrivée. Il avait peut-être envie de discuter avec les autres apprentis, pour faire connaissance mais bon… Est-ce qu’eux le voudraient ? Il était peut-être pas vraiment bien placé pour ça.
« On verra ce qu’il adviendra de ma personne dans les jours qui suivent. »
Ainsi allait la vie ! Bon ! Un peu d’eau sur le visage et le voilà prêt ! Il allait pouvoir déjeuner avec les autres s’il ne tardait pas trop ! D’ailleurs, à la cantine réservée aux mousquetaires, il y avait les mêmes personnes qu’avant.
« Bonjour à tous et à toutes. J’espère que vous avez bien dormi. Dites-moi, c’est une habitude que de manger avec leurs professeurs pour les apprentis mousquetaires le soir ? »
Hmm ? Qu’est-ce qu’il avait dit ? Pourquoi est-ce qu’ils le regardaient tous avec appréhension et étonnement ? Est-ce qu’il avait dit une bêtise ? Même le petit gaillard à lunettes avait relevé son visage.
« Euh ? Tu plaisantes ? Ce sont pas nos gardes du corps ou nos nourrices hein ? »
« Je veux dire, on a le droit à avoir notre propre vie privée aussi ! Nous sommes peut-être leurs apprentis mais nous ne sommes pas pieds et mains liés à eux non plus. »
« Oh, c’est certain qu’un jour, on ira les remplacer mais d’ici là, y a aucune raison qui t’oblige à manger avec ta professeure. Ouais, surtout que dans ton cas, c’est en plus la folle aux pouvoirs ténébreux. T’es pas gâté, pourquoi tu demandes ça ? »
« Eh bien, euh, hier, disons que j’ai mangé avec elle dans ma chambre car je pensais que c’était ce que je devais faire, d’après ses dires. »
« Oh bordel… Moi, je préfère ne plus me mêler à la conversation. » termina de dire Sysérion avant de replonger dans son petit-déjeuner et son livre.
Hey ! Il était vraiment en train de l’abandonner à son propre sort, c’est ça ? Mais pourquoi est-ce qu’Ebiné avait voulu manger avec lui ? Et surtout lui mentir ? Dès le premier jour, c’était vraiment aberrant !
« Euh ben merci alors. Bon appétit à vous. »
Sa phrase était un peu tremblante alors qu’il allait chercher de quoi se nourrir, se mettant à une table un peu isolée. Dire qu’il avait voulu bien paraître devant les autres et maintenant, il avait l’impression que tout le monde le regardait avec un air désolé au visage.
« Je me suis rendu totalement ridicule… pour ne pas changer. Ça m’apprendra à être trop gentil avec tout le monde. Pourtant, j’avais été mis au courant mais j’ai pas voulu écouter. Je suis vraiment trop naïf dans le fond. »
La journée allait très mal commencer visiblement. Et s’il retombait sur la princesse, il sentait que ça n’allait vraiment pas bien se passer. Qu’est-ce qu’il avait fait pour mériter une telle chose ? Ce n’était pourtant pas… était-ce peut-être une erreur ? Que de rejoindre les mousquetaires en fin de compte ?