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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 13/05/2019 à 15:09
» Dernière mise à jour le 11/06/2019 à 21:13

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 9 : Le secret de Lyco
« La vengeance est plus douce que le miel. » Homère.

***


« Salut, futur moi. J’espère que tu vas bien, et que tu n’as rien de cassé. Tu n’as pas eu trop de mal à revenir ici, au moins ? J’espère que c’est bien toi, et pas un pillard trop malin. Cela dit, vu comme cet endroit est paumé, ça m’étonnerait que quelque d’autre soit venu fouiller ici.

J’ai pas mal de choses qui m’attendent, donc je dois faire vite. Je vais essayer d’être bref, mais je ne te promets rien ! Et surtout, lis bien cette lettre jusqu’au bout. Libre à toi de la brûler ou de la conserver après ; par contre, la boîte, elle, il va falloir la garder précieusement. Sans son contenu, ton combat contre Mervald ne pourra jamais être remporté.

Si tu lis ce message, c’est sans doute parce que tu as été capturé pendant cette fichue opération de Darren, dans la plantation du nord. Et si c’est le cas, tu as sûrement subi un Effacement de la part de Mervald.

Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes en train de nous préparer pour l’attaque de la plantation ; nous sommes venus dans le coin pour récupérer des armes. Là, les autres sont juste au pied de la butte, en train de terminer de préparer la charrette.

C’est une mission risquée. Je sais bien que c’est moi qui l’ai mise au point, et que mes informateurs sont fiables. Mais j’ai entendu des rumeurs, dernièrement ; je suis devenu très réticent vis-à-vis de cette mission. J’ai entendu les rumeurs sur la présence d’un humain doté de pouvoirs dans les rangs du gouverneur. Mais Darren pense que ce n’est qu’une farce, une fausse rumeur.

Il est vrai que ça peut paraître stupide, un humain avec des pouvoirs.

Mais contrairement à eux, je sais que ce n’est pas complètement impossible. La Némélia 1 le prouve bien, non ? Bref, j’ai essayé de le faire changer d’avis, mais rien à faire. Même les autres sont maintenant trop emballé par mon plan. J’aurais peut-être du éviter d’autant chercher à les persuader à me faire confiance sur ce coup…

J’espère sincèrement que ce Mutant n’est qu’une rumeur.

Mais si tu lis ceci, c’est parce que je ne suis pas très optimiste. Je sais de source sûre que Mervald veut me tuer avec sadisme ; et il aime « effacer » les gens qui se rebellent trop contre lui. Leur ôter leurs souvenirs, en faire ses jouets, ou les transformer en bon petits soldats obéissants... ou alors les faire mourir dans d’atroces souffrances, s’il se lasse.

Il y a des chances que si l’opération rate, on soit capturés par les troupes du gouverneur, dans le meilleur des cas. Et il est fort probable que je devienne un Effacé.

Je parie que si tu es là, c’est que tu es parvenu à mettre la main sur un pokémon psy, je me trompe ? Sans doute celui de l’ermite, au nord, dans le Vallon du Silence ? Je ne l’ai jamais vu, mais on a beaucoup entendu parler de lui à la cité des toiles. L’esprit et la mémoire, c’est le domaine parfait pour un xatu, après tout. C’est à partir d’ADN de ce ces bestioles-là que Mervald fabrique ses sérums d’Effacement.

Mais je m’égare.

Si tu as été effacé, que tu parviens à t’échapper — après tout, tu es le Rôdeur ! — et que tu retrouves tes souvenirs, tu n’auras pas besoin de lire cette lettre. Tu te contenteras d’ouvrir cette boîte. Et de faire ce qu’il y a à faire. Si tu n’as pas récupéré toute ta mémoire — j’ai entendu dire que les Effacés ne se souvenaient que des évènements marquants — peut-être penseras-tu à venir là et à lire ceci. Je l’espère.

Et si tu as été effacé, la Némélia 1 a dû perdre de son influence. Il est temps d’y remédier, futur moi.
La boîte contient les deux seules fioles de Némélia 1 que j’ai eu bien du mal à conserver en secret pendant des mois. Même Amelis n’est pas au courant. Bois l’une de ces fioles immédiatement. Tu en auras besoin si tu comptes toujours combattre Mervald. Fais ce que tu veux de l’autre ; je suppose que tu peux maintenant avouer tout à aux pillards et en faire boire à Darren, après tout…

Je te préviens, la Némélia 1 est indolore, mais en buvant la fiole d’une traite, tu risques de ressentir une grande fatigue pendant plusieurs heures. Méfie-toi des maux de tête et des vertiges, ce n’est pas impossible qu’ils te hantent pendant toute une journée.

Tu as sans doute remarqué une troisième fiole, dans la boîte. Il s’agit d’un prototype raté de Némélia 2, que j’ai aussi réussi à voler le jour où j’ai rencontré Darren et les autres. Ne le bois pas, il ne fonctionne sans doute pas. Et je me suis renseigné. C’est une version ratée. Celui qui le boit en souffrira des heures durant avant de succomber.

Garde-la pour Mervald. Quand tu en auras l’occasion, ne le tue pas toi-même. Fais-lui boire sa création. Fais-lui subir ce que des milliers de cobayes ont subis. Il le mérite largement.

Une dernière chose. J’ignore si tu t’en souviens, futur moi, mais n’oublie pas la promesse que tu t’es faite à la mort de ton père.

Ne t’attache plus jamais à personne. Ça ne t’a jamais réussi.

Bon courage,

Toi-même. »




***


Lyco, les mains tremblantes, abaissa la lettre pour poser son regard sur la petite boîte noire qui reposait encore au fond du coffre. Il n’était qu’à peine remis par le contenu plutôt surprenant de la lettre.

C’était étrange, de percevoir les pensées et la mentalité qu’il avait eue, avant d’être dépossédé de ses souvenirs. Il n’avait pas l’impression d’avoir affaire à lui-même, mais bel et bien à quelqu’un d’autre. Cette sensation le rendait indécis.

— C’est fou, souffla Lacrya.

Il sursauta quand la voix de la jeune femme résonna dans la cave obscure. Elle tenait toujours la torche au-dessus d’eux, l’air étonnée.

— Tu… tu avais vraiment deviné que tu te ferais effacer…
— Apparemment…
— Et donc… lâcha-t-elle en baissant les yeux sur la boîte.

Lyco posa la lettre à terre et attrapa cette dernière avec précaution, l’ouvrant sans le moindre effort.

Sur un foulard déchiqueté reposaient en effet trois fioles. Deux d’entre elles contenaient un liquide transparent légèrement brillant, tandis que le produit de la troisième avait une teinte bleutée.

— Tu… tu vas vraiment en boire une tout de suite ? demanda Lacrya. Ce n’est pas dangereux ?
— La lettre parle seulement de fatigue et d’effets secondaires de quelques heures, rétorqua Lyco.

La jeune femme semblait hésiter.

— Oui, mais… maintenant ?
— Je ne sais pas…

Il laissa son regard dériver sur les petites fioles. Dire que de si petits objets, si fragiles, pouvaient lui permettre de lutter contre Mervald ! Mais même si elles lui conféraient des capacités proches d’un Mutant, il ne serait probablement pas capable de rivaliser seul contre un de ceux qui protégeaient le gouverneur.

C’était un avantage de choix, mais pas une arme décisive. Les sept fioles de Némélia 3 que les pillards avaient récupéré à la mort de Molch, elles, pouvaient être décisives, au risque de la vie de sept d’entre eux. En comparaison, le but de ce voyage à Bhataïs lui apparaissait bien dérisoire.

Il ne pouvait pas s’empêcher d’être un peu déçu.

— La Némélia 1 fait effet pendant un an, se rappela Lyco en cherchant dans ses souvenirs les plus vivaces. Il vaudrait mieux en assimiler au plus vite. Même pour le voyage de retour, ça nous permettrait d’aller plus vite à la lisière.
— Ça TE permettrait d’aller plus vite, le corrigea Lacrya.
— Non.

Il leva les yeux vers elle et la regarda avec gravité.

— Tu vas boire la deuxième fiole, Lacrya.
— Quoi ? Non ! Tu avais prévu de la faire boire à Darren.
— C’était seulement une possibilité. Mais le connaissant, il refusera.

Lacrya se tut, surprise. Elle n’eut pas le temps de hausser les sourcils pour poser une question qu’il enchaînait déjà.

— Je voudrais que tu la boives, s’il te plaît, Lacrya. Je tiens à ce que… à ce que tu sois saine et sauve, et… la Némélia 1 m’a déjà sauvé la vie plusieurs fois… je ne craindrais plus que tu sois blessée bêtement par un quelconque ennemi…

Il paraissait soudain gêné, en difficulté pour trouver les mots justes. Lacrya sentit ses joues rosir légèrement à la lueur de la torche. Il ne le faisait pas pour faire d’elle une arme, contrairement à ce que voulait son ancien lui. Il voulait la protéger avec la force que lui confèrerait la Némélia 1. Touchée, et un peu apeurée à l’idée de posséder des capacités proches de celles d’un mutant, elle resta silencieuse quelques secondes.

Lyco saisit une des fioles et la souleva à la lueur des flammes, en évitant soigneusement son regard :

— On n’est pas obligés de le dire aux autres, à notre retour, si ça te dérange, continua-t-il. Et… si tu ne veux pas, je ne vais pas te forcer…
— Non, non. Ça me va, rassura-t-elle brutalement. Je… je veux bien en boire une. Si ça peut te rassurer, et que je peux me montrer utile avec des pouvoirs, même faibles…

Elle se leva, à la fois pour mettre fin à l’ambiance gênante qui était née entre eux et pour étirer ses jambes endolories d’être restées longtemps contre le plancher de la cave.

— Ça ne me dérange pas non plus de le dire aux autres, ajouta-t-elle.

Il hocha la tête. Elle désigna le couloir et le puits de lumière qui se trouvait au fond.

— Si on en boit maintenant, et qu’on s’écroule de fatigue, il vaudrait mieux nous enfermer ?
— Non, pas la peine. Le vieux ne viendra pas jusqu’ici. Ses enfants non plus. Tant pis s’ils découvrent la cave. Et je ne pense pas qu’on va s’écrouler de fatigue. Mais on devrait se poser là quelques heures, une fois qu’on les aura bus, tu ne crois pas ?
— C’est sans doute mieux, oui.

Elle abaissa la torche et montra du doigt le troisième fiole.

— Et elle ? Tu vas vraiment la garder pour Mervald ?
— Aucune idée. Je… je vais la prendre pour l’instant, mais… je crois que je préfère voir le moment venu.

Elle le regarda sortir la Némélia 1 de sa boîte, et refermer cette dernière pour la mettre dans son sac. Il referma le coffre et plia la lettre, qu’il enfila elle aussi dans une des poches de son bagage, après une hésitation perceptible. Il se redressa, les deux fioles à la main.

Lacrya attrapa de sa main libre celle qu’il lui tendait, et croisa le regard du garçon. Elle se souvint brusquement de quelque chose.

— Au fait, Lyco.
— Oui ?
— Cette promesse, à la fin de la lettre. Tu t’en souviens ?
— Oui.

Il marqua une pause, et comprit rapidement que sa réponse méritait à être développée.

— Je m’étais promis de ne m’attacher à personne, pour ne plus souffrir de la perte de ceux qui m’entourent. Je n’avais jamais réussi à la tenir.
— Et… tu comptes le faire ? Arrêter de t’attacher ?

Il secoua la tête.

— Non. C’est trop tard. Et je préfère être entouré que seul, finalement.

Il déboucha sa fiole, et la vida d’un trait en grimaçant. Lacrya l’imita, sentant le liquide couler dans sa gorge avec appréhension. Ça n’avait aucun goût ; c’était comme boire de l’eau, légèrement acide. Elle laissa retomber la fiole au sol, où elle se brisa en mille morceaux.

La torche lui échappa des mains. Son ventre la brûlait. Sa gorge aussi. Elle remarqua que Lyco avait mis genou à terre, lui aussi. Mais il gardait la même expression, déterminée. Il la soutint et la redressa, alors qu’elle grognait à cause de la douleur.

Cependant, alors qu’elle commençait à croire qu’elle avait bu la mauvaise fiole, la douleur s’évapora doucement. Elle sentit aussitôt les symptômes décrits ; un vertige la força à s’asseoir dos au mur, où elle fut rejointe par un Lyco chancelant. Ses paupières devinrent lourdes. La torche continuait de brûler devant eux, au sol.

Le jeune homme tendit le bras, la redressa pour la faire tenir droite auprès d’eux et éviter d’enflammer le plancher. Il dit, en la regardant en coin :

— Tu peux dormir, si tu veux. Je monte la garde.

Il était vrai qu’elle en avait envie. La Némélia 1 lui avait comme rappelé le fait qu’elle avait dormi peu, et de jour, ces derniers temps. Il devait bien être midi, dehors. Elle laissa le sommeil venir, rassurée par la présence bien éveillée de Lyco à sa droite.

Sa tête dodelina un moment, et elle s’assoupit sans avoir conscience que Lyco la tirait vers lui pour lui offrir son épaule.

Le garçon esquissa un sourire en entendant déjà sa respiration régulière ; et il garda les yeux ouverts, intrigué par cette scène vaguement familière. Il fronça les sourcils, et laissa sa mémoire lui revenir…



***


La pénombre qui enveloppait les arbres autour d’eux paraissait étouffer tous les sons. Il faisait frais, et un vent insidieux s’insinuait entre les branches, dans un bruissement doux et discret. Le grincement des lames des insécateurs s’était tu. L’un des mâles avait sans doute remporté le droit de devenir le chef de l’essaim ; le calme était donc revenu dans les sous-bois.

Lyco observait les flammes devant lui, à quelques centimètres de son sac de couchage. Adossé contre un rocher vertical qui se dressait là comme une sentinelle d’une autre époque, il avait la regard vide, et ses pensées s’éparpillaient. L’appréhension l’empêchait encore de trouver le sommeil.

Amelis, enveloppée dans son propre couchage, était allongée à côté de lui, la tête posée contre son bras. Il baissa les yeux sur elle, et se rendit compte d’à quel point sa présence le réconfortait, et l’aidait à tenir le coup. Elle le soulageait souvent de ses doutes et de la pression qu’il portait sur les épaules. Surtout récemment.

Plus personne n’en démordait, de ce plan d’attaque de la plantation. Lyco craignait encore cette histoire loufoque d’humain à pouvoirs. Et si c’était vrai ?

Amelis s’agita près de lui. Elle releva la tête, croisa son regard, et esquissa un sourire à la fois rassuré et intrigué. Il comprit qu’elle se demandait pourquoi il ne dormait toujours pas ; après tout, ils étaient dans une zone plutôt sûre des Forêts, et le campement tout récent des pillards ne se situait qu’à une dizaine de minutes à pied d’ici.

— Tu ne dors pas ? demanda-t-elle dans un murmure.

Il secoua la tête et voulut lui rétorquer de se rendormir, mais elle se redressa pour porter son visage à hauteur du sien. Il se noya dans ses yeux noisette alors qu’elle se mettait à froncer les sourcils.

— Arrête d’y penser, Lyco. On peut le faire, non ? Tu as beau dire que cette attaque est dangereuse, on a encore une semaine pour bien s’y préparer. Et puis, c’était ton idée. Ton plan a l’air très fiable, qu’est-ce qui t’inquiète ?

Il soupira ; elle avait sans doute raison. Il accordait bien trop d’importance à cette rumeur stupide de mutant. Pourquoi y’en aurait-il un précisément dans la plantation qu’ils avaient prévu d’attaquer ? Était-ce seulement possible qu’un mutant existe ?

— Je ne sais pas, répondit-il. Cette histoire de mutant est bizarre, quand même.
— Un mutant, sourit la jeune femme, amusée.

Elle enfouit son visage dans le cou du garçon, qui grimaça quand ses cheveux le chatouillèrent désagréablement.

— Ça peut paraître idiot, mais… peut-être pas tant que ça.
— Tu crois ? dit-elle en se redressant.

Il voyait bien qu’elle n’y croyait absolument pas. C’était normal : elle n’avait pas connaissance du fait qu’il avait bu de la Némélia 1. Un produit qui lui conférait une force et des réflexes surhumains. Pour lui, un mutant, ce n’était pas de la science-fiction.

— Tu n’appréhendes pas plutôt parce que c’est la réussite de cette mission qui te rendra légitime aux yeux de Boralf ?

Il inclina la tête, acceptant la remarque avec fatalisme.

— Il y a aussi de ça. Et pas seulement de Boralf. Je vois bien que certains continuent de douter de moi.
— Ce sera l’occasion de leur prouver que tu es des nôtres, Lyco. Vois les choses de cette façon. Si tu en regardes que les mauvais aspects, tu ne t’en sortiras jamais.
— Tu as raison…

Il laissa la jeune fille l’embrasser et répondit maladroitement à son baiser empli de sincérité. Leur relation ne le mettait plus mal à l’aise, mais il avait encore du mal avec les effusions de ce genre. Montrer ses émotions n’était pas dans ses habitudes, au contraire. Il avait l’impression de dévoiler ses faiblesses au grand jour ; c’était contre-intuitif après la vie qu’il avait subie.

Elle ne tarda pas à reculer, l’air plus grave et sérieuse. Sans doute percevait-elle son trouble.

— Tu sais, Lyco, parfois, il faut prendre des risques pour avancer. Il faut accepter ses doutes, et s’en servir à bon escient. C’est comme ça que je m’en suis sortie. Évite aussi les regrets, ça vaut mieux.

Il la fixa avec intérêt. Elle n’avait pas souvent dévoilé ce visage là lorsqu’ils étaient à deux. La jeune femme intelligente, travailleuse et assidue était réservée pour les pillards. Elle se montrait bien plus sensible et attachante quand ils étaient seuls.

Il comprit qu’elle allait aborder un sujet qu’elle avait toujours cherché à éviter jusque-là. Il savait précisément lequel.

— Tu n’es pas obligée de m’en parler, Amelis. Je sais que tu n’as pas eu une vie facile, et…
— Non, Lyco, j’y tiens. Je t’ai déjà extorqué certains choses, et je me sens mal en sachant que tu ne connais rien de moi. Je veux t’en dire plus, au moins dans les grandes lignes.

Il laissa ses épaules s’affaisser. Elle paraissait déterminée. Inutile d’essayer de l’arrêter.

— Mon père était soldat. Il battait ma mère. Chaque jour. Dès qu’il revenait de ses tours de gardes. C’était devenu notre routine familiale. Ma mère subissait sans rien dire. En fait, elle ne disait jamais rien. Je ne sais même pas si j’ai déjà entendu sa voix. Elle se résignait à son sort, et s’enfonçait dans son mutisme.

Amelis se tint plus droite, évitant le regard du garçon pour baisser les yeux sur le sol. Elle commença à tripoter une mèche de ses longs cheveux châtains.

— Ma mère est morte à cause de lui, un jour. Je ne sais plus quel âge j’avais. Ça remonte à loin… en tout cas, ce jour-là, j’ai explosé. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Peut-être que c’était la douleur de le voir la frapper chaque jour depuis toujours, mon sentiment d’impuissance… en tout cas, le jour où elle est morte, je n’ai pas hésité.

Lyco se tendit, étonné. Il voyait Amelis tourner comme il l’imaginait…

— J’ai pris son épée de soldat, et je l’ai tué. De sang-froid. J’ai ignoré ses cris et ses supplications. Quand j’y repense, j’ai l’impression que c’était quelqu’un d’autre. Je n’ai pas l’impression de l’avoir tué, mais pourtant… c’était bel et bien moi.
— Tu as sûrement bien fait, dit Lyco pour la rassurer. Il s’en serait pris à toi.
— Je sais. Je ne regrette pas, même si ça peut paraître horrible de dire ça… je pense même parfois que c’est la meilleure chose que j’ai faite.

Elle releva soudain la tête vers lui, le faisait presque sursauter.

— Bref, tout ça pour te dire de ne pas te résigner, Lyco. On peut réussir cette attaque, tu l’as dit toi-même plusieurs fois. Ton plan est fait. Ne reste qu’à se rendre à la plantation et le suivre. Et même si on se rate, tu ne devras pas regretter, compris ? On doit parfois tout risquer pour évoluer, tu ne crois pas ?