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Entre Chien et Loup T.1 - Le Royaume du Soleil de Goldenheart



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Informations

» Auteur : Goldenheart - Voir le profil
» Créé le 08/05/2019 à 10:01
» Dernière mise à jour le 26/12/2019 à 18:01

» Mots-clés :   Alola   Conte

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Chapitre II
À sa naissance, le seul sens d’ores et déjà développé chez Koa était son odorat. Aveugle et sourd, avec une perception fragile du toucher, il ne se forgea une image de son environnement que via son flair.

Lorsqu’après deux semaines, ses autres sens s’éveillèrent, Koa découvrit cet environnement imagé sous un tout autre jour. Les odeurs s’associèrent à des sons : il comprit rapidement que les grondements doux mais fermes étaient ceux de sa mère à l’odeur lactée ; ceux un peu plus féroces étaient ceux de son frère, ceux plus discrets et fluets ceux de sa sœur.

Mais le sens auquel il consacra le plus de temps fut la vue. Depuis qu’il avait ouvert les yeux, Koa arpentait chaque jour incessamment ce lieu gris, froid et vaste qu’était la grotte où il avait goûté l’air pour la première fois. Chaque jour, ses petites pattes le portaient partout où ses yeux se posaient, écarquillés au maximum comme si Koa espérait absorber le monde qui l’entourait dans ses prunelles bleu ciel.

Cependant le sens primaire n’avait pas cessé d’être infaillible. Koa perçut donc l’odeur de son frère bien avant de sentir le front de ce dernier front écraser ses côtes dans une charge aussi brusque que violente. Koa jappa, se releva, tentant de repérer l’agresseur. Mais celui-ci avait disparu, hors de portée de ces iris azurés qui fouillaient désespérément les environs.

POUM ! Nouvelle attaque, nouveau choc. Koa sentit le poids de son frère l’écraser tandis qu’ils roulaient tous deux au sol en s’échangeant des coups de patte. Koa couina pitoyablement lorsqu’il sentit des crocs encore peu développés mâchouiller son oreille. Impossible de se libérer : ses pattes ne frappaient que du vide, lorsqu’elles n’étaient pas entravées par celles, plus puissantes, de son frère.

Puis soudain, le poids qui l’étouffait disparut, comme par magie. Koa leva la tête, se contorsionna pour que ses grands yeux lui fournissent une explication quand au départ soudain de son agresseur. Enfin, l’image visuelle d’Aku, son frère, lui parvint. Une boule de poils brun foncé aux iris orageux qui se débattait vainement contre l’étau ferme des mâchoires pourtant délicates de leur mère. Imala à la fourrure immaculée déposa son turbulent petit un peu plus loin, près d’un troisième louveteau.

Si Hae était une petite femelle très calme, elle cachait toutefois une certaine férocité. Aussi lorsque son fougueux frater décida d’essayer ses charges sur elle, elle montra ses petits crocs et gronda de façon aussi menaçante qu’elle put. Son frère, plus massif, l’imita avec un résultat plus marqué. Il ne fallut pas longtemps à la petite femelle pour reculer jusqu’au mur de la grotte.

Si Koa avait été plus courageux, il serait venu au secours de sa sœur. S’il avait été plus compétitif, il aurait profité de l’attention détournée de son frère pour l’attaquer et prendre sa revanche.

Mais Koa n’était ni courageux, ni compétitif. Ce n’était pas non plus un lâche, ni un pacifiste. Il aimait juste découvrir son monde dans son coin, sans qu’on le dérange. Pourquoi chercher querelle, si son frère était plus fort que lui ? Il n’en voyait pas l’intérêt. La seule chose qui exhaltait sa curiosité infantile était son environnement immédiat, et par-dessus tout, celui qui s’étendait au-delà des limites de la grotte. Limite que jamais Koa et ses frère et sœur n’avaient eu le droit de franchir. Celui ou celle qui osait s’y aventurer, par hasard comme par hardiesse, se faisait copieusement gronder, avant d’être ramené tout au fond de la caverne.

Koa n’était pas de nature rebelle. Il n’avait jamais retenté l’expérience une seconde fois. Néanmoins, il avait beau avoir assimilé l’interdit, celui-ci l’attirait inexorablement. Il ne se passait pas un jour sans que ses grands yeux ne soient aimantés par cette ouverture de lumière, d’où provenaient tant de sons et d’odeurs si différentes de celles de la caverne, et qui lui parvenaient de manière diffuse. Cette attirance n’avait fait que croître à mesure que son monde, la grotte, devenait chaque jour un peu plus exigu. Il n’y avait plus un endroit qui ne fût marqué par les cailloux pointus qui ornaient son collier de fourrure.

Mais ce qui attisait chaque jour un peu plus son intérêt pour le monde extérieur était avant tout son père. S’il ne le voyait pas si souvent que cela, son odeur restait très présente ; Koa avait appris à la reconnaître lors des quelques instants passés avec son paternel.

Celui-ci passait le plus clair de ses journées, parfois de ses nuits, dehors à chasser pour Imala. Durant les semaines qui suivirent sa mise à bas, la louve de roche était restée affaiblie, et avait laissé seul compagnon assumer seul la tâche de nourrir le foyer. Tâche à laquelle Hâmama s’était plié sans qu’aucune concertation n’eût été faite entre les deux loups ; il avait agi naturellement, guidé par son instinct de chef de famille. Grâce à lui, Imala avait repris des forces, et toujours eu assez de lait pour nourrir ses protégés. Du moins durant la première lune.

Quand ses yeux furent ouverts, Koa put voir à quoi ressemblait son père. Il était en tous points similaire à Imala, mais d’une couleur différente. Il lui avait tout de suite laissé une forte impression ; son port altier témoignait de la noblesse de son sang, ses cicatrices et son regard acéré étaient la marque de sa force, qu’il avait affûtée au fil des années sur la pierre à aiguiser qu’était l’environnement sauvage de Poni.

Bien entendu, n’ayant jamais quitté la tanière, Koa n’avait aucune idée de la nature de cet environnement qui avait forgé non seulement ses parents, mais également les parents de ses parents, et leurs propres parents avant eux. Mais toute l’expérience accumulée par son géniteur se reflétait dans ses yeux d'un vert profond. On pouvait y lire une sagesse durement acquise, et qui se transmettait de génération en génération. Le caractère à la fois étranger et familier de cette interprétation laissait Koa tout tremblant chaque fois qu’il croisait le regard de son père.

Ce jour-là encore, Koa termina d’arpenter la caverne de long en large en s’arrêtant à bonne distance de la limite à ne pas franchir. Comme à chaque fois, il portait son regard aussi loin qu’il le pouvait, tentant de se donner un aperçu du monde extérieur. Il y avait bien des formes qui se dessinaient, des couleurs qui se peignaient. Mais c’était comme évoluer en plein brouillard. Il n’y avait rien à retirer de sa tentative d’observation : cette autre vie qui s’épanouissait de l’autre côté ne pouvait prendre aucune forme concrète dans son esprit. Elle n’était qu’une vague idée intangible, étrangère.

POUM ! Koa jappa de surprise et de douleur lorsqu’Aku revint offrir à ses flancs un de ces coups de boule dont il avait le secret. Le louveteau bagarreur gonfla sa fourrure blanche, crocs à découvert, défiant son frère de gronder plus fort que lui. Koa l’imita pour la forme ; mais la vérité est qu’il n’était pas très doué pour l’intimidation. Il tint le temps de deux battements de cœur, puis recula ventre à terre. Irrité, Aku lui sauta sur le dos. En sentant les cailloux du collier de son frère lui arracher la peau, Koa bascula sur le côté et se dégagea d’une roulade. Nullement décontenancé, Aku repartit à l’assaut de plus belle, distribuant coups de pattes à son cadet. Quand bien même les deux louveteaux se battaient griffes rentrées, cette bagarre était éprouvante pour Koa. En désespoir de cause, il chargea son frère au moment où celui-ci se dressait sur ses pattes arrière et poussa sur son ventre, tentant de le faire tomber. Aku tint bon, réfrénant au maximum son envie de planter ses griffes dans la fourrure de son frater pour améliorer ses appuis.

Soudain, une odeur familière vint titiller leurs narines. Elle venait de l’extérieur. Le cœur de Koa fit un bond dans sa poitrine : c’était son père qui revenait.

BAM ! Aku profita de l’attention détournée de son frère pour lui faucher les pattes et le plaquer au sol. Le souffle coupé, Koa en oublia presque de se débattre ; le salut maternel se faisait désirer, cette fois-ci !

Mais Imala avait d’autres préoccupations. D’un pas traînant, elle se présenta à l’entrée de la tanière.

Le phénomène qui avait toujours fasciné Koa et renforcé sa curiosité vis-à-vis de l’extérieur se produisit une fois de plus. Son père apparut comme par magie sur le seuil de la grotte. Il avait franchi la limite interdite au plus jeunes. Cela avait toujours intrigué le petit louveteau : comment son père pouvait-il passer au travers de ce mur de lumière ? Lui avait essayé avec les parois grises de la grotte, sans résultat. Il avait alors compris que les murs par où les sons et les odeurs passaient pouvaient être traversés, à l’inverse de ceux qui restaient uniformes et froids. Mais comment cela se produisait-il ? Le mur avait-il une autre consistance ? Pouvait-on le toucher ? Cela faisait-il mal quand on passait au travers ? Tant de questions qui tourmentaient le louveteau de roche chaque fois que son père opérait cette magie devant ses yeux ébahis.

Hâmama adressa un bref regard à ses petits, puis se dirigea vers Imala. Koa le suivit, aussi intimidé qu’impressionné. Le paternel repoussa sans effort Aku, qui s’était précipité sur ses pattes dès son arrivée. Dans sa gueule, une créature que Koa n’avait jamais vu pendait. Avec sa fourrure grise tachetée de brun, et ses longues oreilles – presque aussi longues que son corps – elle ne ressemblait en rien à Koa ou un membre de sa famille. Quoi que fût cette chose, elle dégageait un fumet troublant, intriguant. Koa s’approcha afin de saisir entièrement ce moment si inattendu et nouveau.

Imala se jeta avec une voracité que Koa ne lui connaissait pas sur l’offrande. En trois coups de crocs, la bête inconnue avait été dévorée. Du bout du museau, son compagnon effleura les flancs amaigris de la louve.

Sous les regards curieux de son frère et sa sœur, Aku renifla avec circonspection les os laissés à l’abandon. Quand il en tâta un de la patte, l’os ricocha jusqu’à atterrir entre les pattes de Koa, qui recula. Quelle était cette chose inerte qui pouvait bouger quand on la touchait ? Une pierre ? Comme celles que l’on trouvait parfois dans la grotte ? Cela ne ressemblait à rien de tel. La curiosité l’emportant sur la surprise, Koa effectua le même geste que son frère. L’os partit moins loin, mais rebondit sur le sol avec un bruit et une manière bien différente de ceux d’une pierre bien ronde et lisse. Manifestement amusé par cette petite chose, Aku se jeta sur elle, et l’envoya valser à coups de patte. Dès lors que l’os volait vers lui, Koa le réceptionnait tant bien que mal, et le renvoyait à son frère, ravi d’avoir trouvé un jeu non violent à partager avec lui.
Sous le regard attentif de leur père, les deux louveteaux se renvoyèrent l’os tour à tour, usant de techniques toujours plus élaborées afin de l’envoyer le plus haut ou le plus loin possible. Visiblement peu intéressée par le manège de ses frères, Hae bâilla à s’en décrocher la mâchoire. Ses oreilles tombantes se dressèrent soudain lorsque son ventre émit un petit gargouillis. La petite femelle gémit et tourna ses yeux humides vers sa mère. Après une brève hésitation, elle s’approcha à pas prudents, le museau en avant afin de sentir l’odeur du lait qui saurait apaiser sa faim.

CLAC ! Les mâchoires d’Imala claquèrent à bonne distance de la truffe d’Hae, mais le geste à lui seul suffit à effrayer la petite louve, qui recula queue entre les pattes.

Le jeu était amusant, cependant la faim revenait sans cesse tirailler Koa. Aku devait en être au même point, puisqu’il passa petit à petit plus de temps à mâchouiller l’os qu’à le renvoyer. Koa le délaissa donc pour s’approcher de leur mère, couinant faiblement afin de réclamer du lait. Mais comme avec Hae, Imala le repoussa en grondant férocement. Koa gémit mais se retira docilement. Cela faisait maintenant quelque temps que ce petit manège se répétait – peu après que lui et sa fratrie aient ouvert les yeux, pour être exact. Il ne comprenait pas pourquoi leur mère refusait de les nourrir. Elle qui avait toujours été aux petits soins pour eux… Toutefois il ne pouvait pas – et ne voulait pas – s’opposer à sa décision.

Aku, le champion de la portée, avait lui aussi essayé de quémander le lait nourricier – il s’était fait remballer tout aussi férocement. Chaque fois que la lumière déclinait, les petits allaient se coucher la faim au ventre. Koa en avait fini par se demander si la soudaine réticence de leur mère était liée à la disparition de l’odeur lactée qui l’accompagnait d’ordinaire toujours.

Tout à coup, Imala se redressa, le souffle court. Les louveteaux tournèrent immédiatement toute leur attention vers elle, conscient que quelque chose d’inhabituel se passait. Un spasme secoua le corps d’Imala, qui recracha brusquement les morceaux de son repas précédent. La scène laissa les petits tant stupéfaits qu’alertes.

La louve s’ébroua et, du museau, désigna les bouts de viande en grondant doucement. Koa ne comprit pas. Que voulait-elle qu’il fasse avec ces choses gluantes qui sentaient bizarre ?

De nouveau, Aku fut le premier à s’avancer. Il renifla la mixture étrange, fronça le museau, renifla encore. Enfin, il se décida à gober l’un des morceaux. Il le mastiqua à peine, manquant par-là même de s’étouffer. Sans s’émouvoir de ce premier essai maladroit, il réitéra l’expérience avec un autre morceau, plus gros, qu’il prit cette fois le temps de déchiqueter à l’aide de ses jeunes – bien trop jeunes – canines. Comprenant que ces choses ne représentaient aucun danger, et par-dessus tout qu’elles remplissaient le même rôle que le lait maternel, Hae s’empressa de rejoindre son frère. Elle happa les morceaux qui étaient à sa portée et les mastiqua, d’abord avec enthousiasme, puis avec difficulté. Soudain elle cracha violemment, et régurgita presque tout ce qu’elle avait dans la gueule. La langue pendante et la bave aux babines, elle réessaya toutefois. La petite louve parvint cette fois à avaler quelques bouchées, mais ne cessait de tousser et de cracher. L’une de ses dents se cassa, trop fragile.

Koa les regarda faire sans bouger, médusé. Voyant qu’il ne suivait pas l’exemple de ses frère et sœur, Imala se plaça devant son plus jeune fils et rendit un autre morceau de viande prémâché. Koa hésita. Était-il vraiment censé manger cette chose ? Lui, il aurait bien préféré du lait…

En désespoir de cause, Koa retenta une approche du côté des mamelles nourricières. Il se fit généreusement gronder, de manière plus menaçante que tout à l’heure. Le petit louveteau se tapit au sol en gémissant de plus belle. Plus conciliant, son père le poussa du museau vers sa nouvelle pitance.

Koa n’avait plus le choix. Ainsi le commandait son estomac suppliant de se sustenter, qu’importe avec quoi. Le louveteau tendit donc le museau jusqu’à la viande, et en prit un petit bout. La texture était vraiment… particulière. Rien à voir avec le lait chaud, sans consistance, qui coulait tout seul au fond de sa gorge. La viande, telle qu’il goûtait pour la première fois, était compacte, se heurtait à ses crocs. Instinctivement, ceux-ci se mirent à lacérer le morceau, diffusant dans son palais une saveur qu’il jugea écœurante, bien trop prononcée pour un louveteau d’à peine une lune. Il réussit néanmoins à avaler le tout ; il eut l’impression qu’une pierre lui tombait au fond de l’estomac. Sa faim étant loin d’être apaisée par ce maigre repas, il s’apprêtait à recommencer quand un éclair de fourrure brune bondit juste sous son museau et lui chipa le reste de sa pitance. Choqué, Koa recula en jappant. La viande qu’il venait de perdre ne lui paraissait plus si rebutante, tout d’un coup.

Trop tard : Aku avait déjà tout englouti. Koa gémit et jappa d’indignation. Insensible à son malheur, son frère se lécha les babines. De son côté, Hae s’était recroquevillée sur elle-même, pantelante. Son museau et sa fourrure étaient constellées de sang et de bouts de viscères mâchouillés.
Le ventre de Koa grognait toujours, mais impossible de dire s’il s’agissait de la faim ou de la réaction de son estomac à ce nouveau type de nourriture. Quoiqu’il en soit, le louveteau se sentait un peu nauséeux. À l’instar de son frère, il se lécha les babines et les crocs, sans parvenir à effacer ce goût salé et métallique qui persistait sur sa langue.

Imala se leva soudain, et s’en traversa le mur de lumière, vers l’extérieur. Avant de le traverser, toutefois, elle agita les oreilles à l’intention de sa progéniture. Comme aucun des trois petits ne bougeait, Hâmama les poussa du museau, indiquant la limite interdite.

Qui, Koa le comprit, ne l’était plus.

Hâmama sortit à son tour, ce qui acheva les louveteaux de se décider. Ou tout du moins, Aku put se décider. Bombant le poitrail, il emboîta le pas à son père. À la fois terrorisé et excité, Koa le suivit de près. Toujours essoufflée, Hae parvint néanmoins à se dresser sur ses pattes et à les rejoindre. Les trois louveteaux s’approchèrent de la limite interdite, tout fébriles. Un courant d’air frais passa sur leur museau. Koa recula d’un pas, surpris. L’extérieur semblait bien plus froid que leur chaleureuse tanière…

Là encore, ce fut Aku qui fit le premier pas. Ses frère et sœur le suivaient à la trace, n’osant mettre la patte de l’autre côté du seuil que lorsque l’aîné eut traversé le mur invisible sans encombre. Hae fut la deuxième à s’élancer au-dehors. Koa, lui, hésitait encore. Le monde extérieur, celui qui l’attirait tant, se présentait enfin à lui. Cette réalité le laissait tout tremblant. Le ventre noué, il n’arrivait pas à se faire obéir de ses pattes ; elles refusaient tout bonnement d’aller plus loin. Cela frustra le petit loup ; tant d’odeurs lui parvenaient, tant de sons ! Il n’avait qu’à faire un pas de plus, et…

FIOUUU ! Koa aboya quand son frère passa à toute allure à côté de lui. Aku allait et venait d’un côté et de l’autre de l’entrée de la tanière en courant comme un fou, jappant joyeusement à qui voulait l’entendre. Koa ne l’avait jamais vu si heureux. En tout cas, une chose était désormais sûre : le mur invisible ne faisait absolument aucun mal à ceux qui le traversaient. C’était à se demander pourquoi Imala n’avait jamais autorisé les louveteaux à le franchir jusque maintenant…

BOUM ! Avant de comprendre ce qu’il se passait, Koa se retrouva cul par-dessus tête, le museau dans la poussière. Aku jappait avec toujours autant d’entrain, l’exhortant à se relever afin de reprendre le combat interrompu un peu plus tôt. Koa dérapa, cherchant par tous les moyens à éviter cette boule de poils furieuse qui s’en prenait à elle alors que la dernière chose dont il avait envie en cet instant, c’était de jouer à la bagarre.

Il fallut pourtant cette incitation de la part de son frère pour permettre à Koa de faire ses premiers pas dans le monde extérieur – le monde de Poni. L’émerveillement dissipa toute trace d’appréhension. C’était bien au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer. Des formes inconnues s’exposaient devant ses yeux, des odeurs nouvelles heurtaient ses narines, des myriades de sons parvenaient à ses oreilles. Le louveteau ne savait plus où donner de la tête.

Le parfum familier et rassurant de sa mère l’enveloppa soudain. Gentiment, Imala poussa son fils du museau afin de l’inciter à avancer vers… Que pouvait bien être cette chose longiligne et sinueuse qui brillait sur le sol ? Intrigué, Koa s’en approcha. Une odeur de fraîcheur émanait de cette chose transparente. Lorsqu’il la tâta du bout de la patte, Koa lâcha un cri stupéfait ; c’était froid ! Et mouillé… Le louveteau recula, ne sachant comment approcher cette bizarrerie.
Imala se plaça au milieu de ses petits, plongea le museau dans la chose transparente, et but goulûment. Aku tenta de l’imiter, quoiqu’un peu gauchement : il éclaboussa plus les autres qu’il ne fit rentrer le liquide dans sa gueule.

Un liquide… Comme le lait ? Koa suivit l’exemple de sa mère, et lapa le liquide transparent. Ça n’avait pas vraiment de goût… Mais sa fraîcheur faisait du bien. En plus, elle atténuait le goût horrible qui persistait dans son palais.

Comme Aku préférait visiblement s’attaquer au liquide plutôt que de le boire, Koa choisit de retourner auprès de leur mère, là où il aurait le moins de chances de finir trempé. Hae s’y trouvait déjà, les yeux mi-clos comme si elle dormait. Koa, lui, n’avait pas sommeil. Revigoré par l’eau fraîche, il avait plutôt envie d’explorer un peu ce nouvel environnement.

Mais cette soif d’aventure n’effaçait en rien son côté craintif. Aussi Koa débuta-t-il son expédition, sans s’éloigner plus loin qu’une longueur de queue d’Imala. Tandis qu’il tournait en rond en reniflant chaque caillou un peu suspect, chaque racine qui traînait sur le sol, un mouvement à la périphérie de sa vision capta son attention. Hâmama repartait. Koa n’osait pas le suivre, pas alors qu’il découvrait à peine son nouveau terrain de jeu. Mais peut-être que plus tard, à présent que les louveteaux étaient autorisés à sortir de la grotte, ils pourraient accompagner leurs parents au-delà des alentours de celle-ci ?

Un détail dans la démarche de son père fit tiquer Koa un instant. L’une de ses pattes restait raide, ce qui le faisait boiter légèrement. Puis Hâmama disparut derrière les arbres, et Koa reprit son inspection, oubliant bien vite cette vision.