Chapitre 1 : Quitter cet endroit
Dixième signe : Abandonnés
Chapitre 1 : Quitter cet endroit
« Pouvez-vous répéter ce que vous venez de nous dire ? »
« Nous ne savons pas où se trouve Waram et Sarine. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux de l’incident, il n’y avait plus aucune trace d’eux. »
« Vous voulez donc dire par là que vous avez envoyé vos hommes dans un endroit où vous saviez qu’il y avait un traître obéissant à l’Antre de la Terre parmi vous pour emmener ses compères … et vous ne savez pas ce qui est arrivé à Waram et Sarine ?! »
« Je ne veux pas me répéter si cela est inutile mais oui… Je suis vraiment désolée de... »
« Vous pouvez l’être ! » hurla Raon, serrant le poing tout en le faisant flamber. Il était rare que l’adolescent s’emporte mais sur le coup, sa colère était partagée bien que Xalex posa une main sur son poing, gémissant un peu de douleur. La flamme disparu du poing alors que Raon s’excusait envers son amie masquée.
« Et maintenant, nous savons aussi que Sanphinoa et Karry ont quitté ce bâtiment en apprenant au sujet de Waram. »
« Mes hommes vont la retrouver. Elle ne doit pas être si loin que ça. Ne vous inquiétez pas les enfants, je suis certaine que... »
« Certaine de quoi ? » demanda Qalanos d’une voix lente bien que tranchante, coupant court aux propos de la cheffe de Rédemption et Destinée. « Aussi certaine de la sécurité de Waram ? Aussi certaine que vos employés étaient efficaces en Sibérie ? Vous êtes certaine de beaucoup de choses mais à chaque fois, vous vous êtes trompée lourdement. »
« Ce n’est pas cela que je veux dire, c’est... »
« Vous n’avez pas pris au sérieux le fait que l’Antre de la Terre voulait absolument Waram. Vous n’avez pas pris au sérieux les sentiments de Sanphinoa envers Waram. Pour vous, nous n’étions que des adolescents que vous pouviez manipuler avec de belles promesses mais vous pensiez que l’on était trop stupides pour comprendre ? Waram savait parfaitement que ça ne serait pas aussi simple que ça et pourtant, il a accepté votre mission. Il l’a fait car depuis qu’il a connu Sanphinoa, il a totalement changé. Il l’aimait même s’il ne voulait pas l’avouer ! Et vous, ce que vous avez fait, c’est JOUER AVEC LEURS SENTIMENTS ET LES PIETINER ! Ne cherchez aucune excuse dans vos paroles ! »
« Qalanos, s’il te plaît, pas toi aussi. » chuchota Xalex bien qu’elle ne semblait pas vouloir l’arrêter contrairement à Raon.
« Vous êtes cheffe d’une foutue organisation planétaire mais vous êtes incapable de protéger vos membres ! C’est à se demander comment vous avez fait pour survivre jusqu’à maintenant ! Et comment est-ce que vous pouvez vous prétendre être une femme-chevalier pokémon ! Vous pouvez être une adulte, ça ne changera rien au fait que vous n’avez pas la mentalité qu’il vous faut ! Vraiment, l’école de Gliros était bien mieux pour nous ! »
« Je crois que j’en ai assez en fin de compte. »
Raon avait fini par soupirer, ses épaules s’affaissant en même temps que ses yeux se baissaient en direction du sol. Il ne cherchait même plus à regarder Sygéréla et les autres qui étaient arrivés en entendant les cris.
« On va s’en aller. Au final, vous prétendiez que nous serions plus en sécurité, que nous causerions moins de tort en étant avec vous, dans Rédemption et Destinée. Mais au final, vous avez simplement pensé à votre petite personne et à votre organisation foireuse remplie de célébrités. Vous n’avez jamais considéré nos personnes autrement que des objets inutiles qui accompagnaient Sanphinoa. Soyez heureuse, on va partir. »
« Mais non ! Vous pouvez rester ! L’Antre de la Terre risque de... »
« Nous ne sommes plus en sécurité avec vous. Nous étions bien mieux à l’extérieur, avec juste nos pokémons et entre nous. Waram pouvait dire ce qu’il voulait, nous étions bien, tous ensemble, dans notre coin. Nous n’embêtions personne et surtout, nous n’avions pas à croire en ces paroles d’adultes irresponsables. »
« Raon a tout dit. Même si je ne m’attendais pas ce genre de discours de sa part. Où est-ce que trouve notre ours Timber ? » demanda Qalanos, Xalex étant restée parfaitement muette depuis quelques minutes. L’adolescent porteur de l’armure-pokémon du Yanma tourna son visage à gauche et à droite jusqu’à ce qu’un employé finisse par dire :
« Votre… Votre ours est dans la chambre où se trouvait votre compagnon. Il est en train de grogner mais ça ne semble pas agressif. »
« On va devoir lui expliquer pour Waram et Sanphinoa. Raon ? » demanda Qalanos une nouvelle fois, se tournant vers l’adolescent aux cheveux de feu, celui-ci triturant sa mèche centrale avant de marmonner :
« J’en ai pas vraiment envie mais… en même temps, si je ne le fais pas, personne va le faire. Il vaut mieux que ça soit que personne. »
Il se répétait cela mais le ton dans sa voix laissait paraître une pointe de tristesse. Partant devant avant les autres, accompagné d’Istiti, l’adolescent se dirigea vers la chambre où normalement Waram dormait. À l’intérieur, Timber était assis devant le lit, sa grosse masse duveteuse observant le lit en poussant un petit grognement.
« Timber ? Nous allons devoir nous en aller. On ne veut plus rester ici. Même si nous savons que tu étais surtout là à cause de Waram, est-ce que tu veux venir avec nous ? Nous allons tenter de retrouver Sanphinoa. »
L’ours émit un nouveau grognement comme pour tenter de répondre à Raon. Pourtant, celui-ci ne pouvait pas comprendre ce que Timber « disait ». Mais en même temps, l’ours, quant à lui, avait visiblement saisi les paroles de Raon, finissant par se lever.
« Tant mieux que tu nous accompagnes. Tant que nous ne trouvons pas le corps de Waram, il faut croire au moins un peu… encore… qu’il est vivant. »
Nouveau grognement de la part de l’ours, qui semblait vouloir penser la même chose de son côté. Tant mieux s’ils étaient sur la même longueur d’onde, tous les deux.
Il retrouva Xalex et Qalanos, regardant les deux adolescents pour leur signaler qu’ils pouvaient partir. Bien entendu, il ne prétendait pas être le chef du groupe maintenant que Waram n’était plus là mais… voilà.
« Attendez, on ne peut rien faire pour vous empêcher de partir ? »
« Je suis désolé, messire Rikmon. Vous vous doutez que nous savons que vous ne pensiez pas à mal mais… avec tous les évènements qui se sont passés, nous préférons couper tous les ponts avec Rédemption et Destinée. »
« Sygéréla va avoir du mal à s’en remettre… Elle n’est pas habituée à ce que tout se passe aussi mal depuis qu’elle est devenue une femme-chevalier. »
« Eh bien, il va falloir qu’elle apprenne l’échec. Je voulais savoir, même si nous sommes un peu coupés de l’extérieur, nous sommes quand même au courant de l’actualité mais... »
« Sygéréla est bien qui vous pensez. D’habitude, elle ne porte pas ce masque là sur scène mais un autre. Cacher son visage est sa marque de fabrique. »
« D’accord. Dites-lui juste au revoir de notre part. Peut-être pas adieu. Je ne crois pas que ça soit jusque là, ce qui est plutôt une bonne nouvelle, j’imagine. »
« Oui. Elle ne veut pas le montrer mais elle a été drôlement affectée. Vous savez, la jeune Sanphinoa est promis à un très bel avenir. »
« Était. Son avenir était aux côtés de Waram. Malgré le comportement de Waram, ce qu’il disait et ses actions, il tenait vraiment à elle. Je pense qu’ils avaient prévu de continuer à être ensemble après toute cette histoire. »
« Je le sais bien mais retrouvez-là, s’il vous plaît. Je suis très mal placé, non, nous le sommes tous, dans Rédemption et Destinée mais... »
« Si seulement Sygéréla réagissait de la même façon que vous. »
« Raon, nous devrions y aller avant que tu ne te décides à changer d’avis. »
« C’est vrai, désolé, Qalanos. Au revoir, messire Rikmon. »
Il avait quand même formulé les politesses nécessaires à tout cela, s’inclinant respectueusement devant l’homme un peu ventripotent. Dire qu’il avait une quarantaine d’années, c’était peut-être ça le poids des années. Il était bien plus sage qu’il ne le paraissait. D’ailleurs, lui-même, si Rédemption et Destinée était une organisation réunissant de célèbres artistes, qu’est-ce que… cet homme devait avoir comme talent ?
« Raon ! Il faut y aller, hihihi ! » s’exclama son armure pokémon alors que l’adolescent passait une main sur le crâne métallique d’Istiti pour lui signaler que oui.
C’était un beau bâtiment qu’ils laissaient derrière eux. Il fallait avouer qu’en même temps, beaucoup rêveraient d’y rester mais ce beaucoup, ils n’en faisaient pas partie. Ils marchèrent pendant des heures, évitant de se reposer et de proposer une pause.
Ils voulaient mettre un maximum de distance avec Rédemption et Destinée, pour être certains de ne pas fléchir et de ne pas abandonner cette idée, de revenir en arrière et de faire comme si de rien n’était. Sanphinoa n’était plus avec eux, Waram non plus et… un vide s’était installé. Il n’y avait plus aucun cri, plus aucun rire, plus aucune moquerie. Il n’y avait plus rien de tout ça et finalement, Raon murmura :
« Bon sang, sans eux, c’est vraiment pas pareil. »
« Si on peut éviter d’en parler, Raon. Je pourrais t’en remercier grandement. »
« Qalanos, si on n’en parle pas, ça veut dire que l’on va nier la vérité. Il vaut mieux en parler, pour qu’on garde cette idée qu’ils vont bien et... »
« Raon, tu sais aussi bien que moi que nous avons eu de la chance de survivre à plusieurs confrontations avec l’Antre de la Terre, non ? »
« Je le sais très bien mais… tant qu’on n’a pas trouvé son corps, je veux y croire. »
« Nous n’avons aucune nouvelle de Sarine non plus, Qalanos. Donc qui sait, peut-être qu’avec un peu de chance, nous pourrions avoir des informations ? »
« Ah… Il faut que vous descendiez de votre nuage, tous les deux. Ce n’est pas possible et vous le savez aussi bien que moi. »
« Si seulement c’était aussi simple que ça. On préfère quand même avoir un peu d’espoir. »
Xalex ne cherchait pas à se mêler à la conversation, ce n’était pas le bon moment pour cela. Surtout qu’elle savait que Qalanos comme Raon ne se disputaient pas, ils cherchaient juste à converser, quittes à se répéter. Timber, de son côté, marchait à quatre pattes, continuant son chemin, tout droit, l’air de rien.
« Jusqu’où est-ce que tu veux aller, Timber ? Tu sais, ce n’est pas une bonne chose. »
Ce n’est pas une bonne chose en quoi ? Elle n’en savait trop rien. Elle ne voyait même pas où ils devaient se rendre. Elle était juste là, suivant Timber. En fait, c’était même l’ours qui les guidait. Lui, il semblait savoir où se rendre. Mais maintenant, ce n’était qu’une impression. L’ours n’avait sûrement aucune idée de l’endroit où il emmenait le groupe.
« Je tiens à vous signaler que nous nous dirigeons vers une forêt. »
« Oh ? Et pourquoi ça ? Pourquoi est-ce que tu nous y emmènes, Xalex ? »
« Je n’ai pas décidé cela. Je tiens à vous signaler que depuis le début, c’est Timber qui nous guide. Je ne fais que le suivre. Et vous ne faites que me suivre. À partir de là, la boucle est bouclée, les garçons. Enfin bon, on aura peut-être de quoi se faire un abri. »
« Se faire un abri ? Hmm, avec des branches et tout le reste. C’est vrai que si nous utilisons correctement ce que nous possédons, ça devrait aller, oui. »
Ils ne devaient pas oublier qu’ils étaient des chevaliers-pokémon. En conséquence, pour chasser et se nourrir, cela ne devrait pas poser trop de soucis. De même pour tenter de faire un abri de fortune, ils possédaient aussi des pouvoirs pour ça hein ?
Oh, bien entendu, Waram se serait plaint et tout le reste, mais il aurait été le premier à se servir de l’ours comme d’une couverture. Et Sanphinoa serait alors venue dans ses bras pour avoir plus chaud, comme excuse habituelle de sa part.
« MAIS ZUT ! IL FAUT QUE J’ARRÊTE ! »
Raon avait donné un violent coup de tête contre un arbre, brisant un peu l’écorce de ce dernier avant de se mettre à saigner légèrement du front. Chevalier-pokémon ou non, ce genre de stupidités de sa part ne pouvait que le blesser.
« Qu’est-ce qui t’a pris, Raon ? Tu es devenu fou ou quoi ? »
« Non, non, c’est juste que la moindre scène que j’ai en tête, je n’arrête pas de penser à Waram et Sanphinoa et ça m’énerve ! Je n’arrive pas à croire que ça serait aussi différent sans eux, ça m’énerve et ça m’énerve ! »
« Ce n’est pas une raison pour te faire du mal ! » s’exclama Xalex, arrivant à sa hauteur, le forçant à s’éloigner de l’arbre.
Cela ne faisait même pas une journée et tout était déjà en train de dégénérer. Elle avait presque envie de pleurer sous son masque mais se retenait. Ce n’était ni le moment, ni le lieu pour se laisser aller. Pourtant, Raon remarquait bien que quelque chose clochait chez elle et commença à bredouiller quelques excuses :
« Désolé, Xalex, je me suis laissé aller. Je ne devrais pas. Si on commence chacun à réagir de la sorte, on ne va jamais s’en sortir. Ce n’est pas ce que nous désirons. »
Ce n’est pas à elle qu’il fallait dire ça mais à lui-même. C’est lui qu’il devait convaincre dans ses propos. Qalanos se montrait très fort mais elle était certaine que lui aussi avait quelques moments de faiblesse qu’il voulait éviter de montrer.
Une première soirée vint se faire pour le groupe amputé de deux membres. Une première soirée où chacun chercha le sommeil sans réellement le trouver. Même s’il ne s’était pas proposé, l’ours avait laissé les trois adolescents s’installer contre lui, pour qu’ils puissent se tenir chaud mutuellement.
Le lendemain, le réveil fut assez difficile. Chacun avait beaucoup de mal à se lever et nul ne cherchait une explication rationnelle à ce sujet. Raon avait commencé une phrase, signalant qu’il était plus habitué à un réveil plus brutal mais il s’arrêta dans ses propos avant de les terminer. Il continuait à se faire du mal, beaucoup de mal. Cela n’allait pas disparaître en une nuit.
Une autre question alla lui traverser l’esprit : Est-ce que le groupe allait réussir à rester soudé malgré les évènements ? Sans Waram et Sanphinoa, est-ce que les disputes allaient être plus fréquentes ?
Istiti voyait bien à quel point Raon se malmenait l’esprit, n’arrivant pas à faire le vide dans son cerveau. Bien qu’il paraissait pour être le benêt de service, il était en réalité celui avec le plus d’empathie pour autrui. Maintes fois, il avait voulu comprendre Waram, Qalanos et les autres. Maintes fois, il avait échoué. Jusqu’à quand pourra t-il tenir ? Il n’en savait rien.