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Fragments d'Espérance de Clafoutis



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» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 28/04/2019 à 22:54
» Dernière mise à jour le 29/04/2019 à 11:09

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Chapitre 3 : Coopérations
 Le visage chaleureux, Edelweiss distribuait quelques miettes de pâtée à de jeunes enfants. Elle s’efforçait de sourire devant ses protégés, mais intérieurement, elle fulminait. Elle avait commencé à voler les habitants des strates supérieures il y a peu, et à chaque fois c’était la même chose : le butin était désespérément insuffisant. Jamais elle ne pourrait nourrir des dizaines d’enfants affamés avec quelques boîtes de conserve.

— Non ! C’est à moi !
— Et alors ? Qu’est-ce que tu comptes faire ?

Des cris attirent l’attention d’Edelweiss. C’était la scène habituelle, un enfant tentait de voler la nourriture d’un autre.

— Jasmin, Ancolie, les interpella Edelweiss, faites moins de bruit. Vous dérangez les autres.
— Tu l’as entendu ? ricana Ancolie. Tais-toi et file-moi ta bouffe !
— M-Mais…

La force faisait tout dans ce monde de détritus. Celui qui n’avait pas de force mourrait. Beaucoup mourraient. Edelweiss, et chacun des enfants sacrifiés, ne le savait que trop bien. Ici, il n’était pas rare de marcher sur le cadavre de l’un de ses anciens camarades.

— La nourriture appartient à celui qui la mange, déclara Edelweiss. Tu le sais Jasmin, vous le savez tous. Si tu savais que tu ne pouvais pas défendre ta nourriture, il fallait la manger avant de la perdre. Tu es fautif.
— … désolé.

Edelweiss secoua la tête.

— Ne sois désolé que si tu refuses de te lutter.
— Lutter ?
— Je ne parle pas uniquement de violence brute. Dites-moi tous les deux, est-ce que vous aimez ce monde ? Ce monde où il faut lutter sans cesse, ce monde où la mort est partout ?

Edelweiss s’approcha des deux enfants. Bien que la pénombre les empêchait de la voir, la simple aura inébranlable de la plus vieille survivante les intimidait terriblement.

— Ancolie, grâce à ta force, tu as obtenu le repas d’un autre. En retour, tu ne devras pas te plaindre le jour où tu trouveras quelqu’un plus fort que toi. Tu sais ce que cela signifie ? Cela signifie que tu devras passer ta vie à craindre tes semblables. Tu passeras ta vie à te demander si l’un d’entre eux est un danger pour toi. Est-ce réellement ce que tu veux ?
— Je…
— Même moi. Si je le voulais, je pourrais t’éliminer sur le champ et te voler ton butin.
— … !

Edelweiss claqua ses doigts, le bruit qui en résultat fit sursauter les deux enfants.

— Ancolie, ces boîtes de conserves, c’est moi qui les aie ramenées. Je vous les ai données alors que j’aurais pu les garder. Et tu as accepté ce cadeau. Ne penses-tu pas que c’est injuste d’accepter la générosité de quelqu’un, et d’ensuite utiliser ta force sur un autre, plus faible ? Si tu veux réellement vivre dans un monde où la force prédomine, n’accepte pas la gentillesse d’autrui.

Edelweiss était maintenait arrivée au niveau des deux enfants. Elle posa doucement ses mains sur leurs épaules.

— Si nous voulons vraiment nous en sortir, nous devons d’abord sortir de ce monde de force. Il faut coopérer. Nous ne sommes pas ennemis. Nous ne devons pas l’être. Nous devons lutter ensemble. Pour notre avenir à tous.
— Edelweiss…

Toute perturbée, Ancolie rendit brusquement la nourriture à Jasmin, avant de s’enfuir à toutes jambes. Edelweiss la regarda faire avec un demi-sourire. Son petit discours avait bien marché cette fois ; ce n’était pas toujours le cas.
Edelweiss rêvait de créer un groupe soudé, où chacun coopérait pour la survie de tous. Cependant, les enfants sacrifiés n’étaient pas des êtres de coopérations. Ce n’était que logique, il devait avant tout leur survie à leur égoïsme, Edelweiss ne le savait que trop bien. Ici, la gentillesse n’était qu’un mythe.

Mais n’était-ce pas pour cela que tous ces enfants finissaient par mourir aussi jeune, dans l’inférence générale ? Edelweiss s’était rendu compte d’une chose à travers toutes ses années de survie : la plus nourrissante des nourritures était celle du cœur. Tant que le cœur pouvait s’enflammer, le corps ne pouvait pas mourir.
Edelweiss avait passé ses premières années à enflammer son cœur avec son incroyable rage de vie, mais même elle avait fini par arriver à ses limites. On pouvait s’enrager pendant des jours, des mois, des années, mais pas toute sa vie. Et alors que son cœur était sur le point de s’étendre, elle avait rencontré cette petite pleureuse de Primerose. À partir de ce jour-là, son cœur avait découvert un nouveau carburant : la chaleur humaine.

Edelweiss voulait faire découvrir ce carburant aux autres enfants sacrifiés. Elle avait commencé par recueillir les enfants qui acceptaient de la suivre, sans jamais leur forcer la main. Si un enfant refusait et désirait continuer à vivre seul, Edelweiss l’acceptait. Elle mettait un point d’honneur à toujours laisser le choix à autrui. Une coopération forcée ne pourrait jamais fonctionner.
Si l’enfant acceptait de la suivre, Edelweiss lui donnait un nom. Elle lui redonnait une individualité. Grâce à ce nom, il pouvait enfin se dire différent des rats ou cafards qui envahissaient les strates profondes. Et enfin, Edelweiss faisait vivre ensemble les enfants ensemble. Elle les encourageait à communiquer, à partager, à s’entre-aider.

— Ah, je me demande quand est-ce que j’ai décidé de prendre autant de responsabilités…
— Edelweiss ?
— Mh ? Tu es toujours là toi ?

Le petit Jasmin n’avait pas bougé d’un pouce depuis la fuite de son agresseuse. Peut-être qu’il attendait patiemment une occasion pour remercier sa bienfaitrice ? Même les enfants sacrifiés pouvaient être étrangement sincère, parfois.
Edelweiss comprit sa naïve attention et lui ébouriffa affectueusement les cheveux.

— Tu verras, je vous rendrai à tous votre avenir.
— … ?

Jasmin ne comprenait pas exactement ce qu’Edelweiss voulait dire. Mais actuellement, ce n’était pas ce qui l’intéressait. La main d’Edelweiss était froide, comme tout ce qui se trouvait dans les strates profondes. Oui, sa main était froide, et pourtant, elle le réchauffait. Jasmin s’interrogea longtemps sur cette énigme, sans réussir à trouver de véritables réponses.


***

 Les journées à l’église d’Espérance se ressemblaient toutes. Chaque jour, la même messe ; chaque jour, les mêmes plaintes de fidèles ; chaque jour, le même ennui. Parfois, Fiona Mélric enviait la vie trépignante de son frère, mais dès qu’elle se rappelait qu’elle était fondamentalement paresseuse, sa jalousie disparaissait aussitôt.

— Fiona Mélric ! Que faites-vous ici ? Vous devriez être dans votre confessionnal !

Fiona leva les yeux au ciel. Elle ne s’habituerait décidément jamais à la grosse voix du Père Ségide.

— J’y étais mon Père, s’efforça-t-elle de rester polie. Je prenais juste une petite pause.
— Une pause ? Les serviteurs de Lumaes ne prennent jamais de pause ! Notre rôle est de guider en permanence nos fidèles ! Auriez-vous oublié vos obligations, sœur Mélric ?!
— Je suis désolée, mon Père. Cela ne se reproduira plus.

« … pour la journée », rajouta-t-elle dans sa tête. Eric Ségide, loin d’être dupe, servit à Fiona son célèbre regard inquisiteur. Fiona baissa la tête par convenance, tout en abreuvant son supérieur d’insultes silencieuses.

— C’est toujours la même chose avec vous ! Je détourne les yeux une seconde, et vous disparaissez je ne sais-où ! Et puis, je peux savoir pourquoi vous vous isolez dès que vous en avez l’occasion ?
— Hé, pas de questions indiscrètes ! Je vous demande pourquoi vous êtes aussi gros alors qu’on manque tous de nourritures moi ?
— Que… !
— … ah.

Fiona réalisa trop tard ce qu’elle venait de dire. Un petit sourire à la fois gêné, amusé, et fébrile s’esquissa sur son visage.

— Excusez ce moment d’égarement mon Père, s’inclina-t-elle. Mon âme s’est laissé détourné par la détresse, ce qui a malheureusement corrompu mes paroles. En pénitence, je me dévoue à écouter les plaintes des fidèles et à soulager leur fardeau du mieux que je le peux. Sur ce, mon Père, ma mission divine m’attend.

Sans attendre la réponse du Père Ségide, Fiona s’enfuit à une vitesse surprenante malgré sa robe de religieuse. Le Père Ségide la regarda faire, bien trop décontenancé pour tenter de la retenir.

— … petite sotte, c’est ce que vous étiez censée faire depuis le début, finit-il par pester.

Dès qu’elle échappa au champ de vision du Père Ségide, Fiona reprit son souffle. Cette fois-ci, elle avait un peu trop flirter avec le danger. Elle avait beau ne pas aimer Eric Ségide, il restait son supérieur hiérarchique. Si elle dépassait les limites, elle risquerait de tout perdre.

La politique d’Espérance était indexé sur la valeur d’un travailleur. Chaque habitant avait sa propre carte d’identité, où était inscrit son nom, son prénom, son adresse, et son rang. Plus le rang d’une personne était élevé, et plus il recevait d’eaux et de nourritures lors des ravitaillements.

Fiona était de rang or, le second rang le plus élevé. Elle n’était pas la seule, tous les Mélric étaient du même rang, ce qui faisait d’eux l’une des familles ouvrière les plus privilégiés d’Espérance. Cependant, être de rang or ne garantissait pas un revenu fixe. Si un supérieur hiérarchique estimait que l’un de ses subalternes était défaillant, il pouvait demander à un Maître de punir le fautif ; une punition qui se traduisait par une réduction des rations de survie pour toute la famille du fautif.
Cette punition restait exceptionnelle, elle était plus là pour faire peur qu’autre chose. Il ne fallait cependant pas sous-estimer la menace.

Fiona Mélric ne voulait pas être un poids pour sa famille. Tous les Mélric se battaient corps et âme, quitte à sacrifier soi-même pour la survie des autres membres. L’avenir de la famille passait avant tout.

— Bien, j’imagine que ma pause est finie.

Fiona se posa quelques secondes, et passa mentalement en mode religieuse. En un instant, elle changea du tout au tout. Sa posture nonchalante devint noble et droite. Ses yeux avaient échangé leur éclat espiègle contre une paisible lueur sereine. Son sourire malicieux se métamorphosa en l’une de ses mystérieuses expression sainte que l’on ne voyait habituellement qu’en peinture. Fiona Mélric était devenue sœur Mélric.

Le pas doux et royal, sœur Mélric se dirigea vers son confessionnal. Ces isoloirs servaient à l’origine pour les pêcheurs, mais avec le temps, ils sont devenus des lieux où les fidèles pouvaient faire part anonymement de leurs inquiétudes.
Sœur Mélric eut à peine le temps d’ouvrir son confessionnal qu’un fidèle entra déjà de l’autre côté.

— Parlez, mon enfant. Dites-moi ce que vous avez sur le cœur.

Fiona trouvait toujours amusant appeler les fidèles ‘‘mon enfant’’ du haut de ses 23 ans, surtout que les fidèles en question dépassaient souvent la trentaine. Cependant, si Fiona Mélric aimait rire, sœur Mélric, elle, devait rester sereine et impassible en toute circonstance.

— Ma sœur, déclara une voix masculine, j’ai honte de ce que je vais dire mais… je commence à douter.
— Le seigneur Lumaes pardonne toujours à ceux qui veulent se repentir. Vous pouvez vous exprimer sans crainte, mon enfant.
— Merci ma sœur. Alors voilà, ça va bientôt faire trois ans que je travaille dans une serre. Je n’en peux juste plus. Mes journées sont longues et terriblement ennuyantes. Je plante, j’arrose, je soigne, je surveille. Les murs blancs de cette satanée serre me rendent fou. Si seulement j’avais un collègue à qui parler, mais non. On est tout séparé dans des salles différentes, et l’on se croise à peine pour le déjeuner. Et puis même, j’ai l’impression qu’on est qu’une dizaine dans cette fichue serre…





Sœur Mélric écoutait silencieusement les plaintes de l’ouvrier. Ce qu’il disait n’était pas nouveau. À Espérance, les serres étaient les endroits où la main d’œuvre était la plus économisée. La majorité des ouvriers étaient d’abord réquisitionnées dans les lieux absolument vitaux comme la Ferme Pokémon ou la Centrale, puis le reste allait généralement travailler dans diverses usines. Quant à ceux qui travaillaient dans les serres, ils étaient juste les rejetés du troupeau.

— Et s’il n’y avait que ça. Non, le pire, c’est que je me demande si ce que je fais à un sens. À quoi servent les serres, au juste ? Le plus gros de notre nourriture provient des Pokémon ! Je doute que les misérables carottes, radis ou laitues que je cultive aient un réel impact pour Espérance ! Et d’ailleurs, quelqu’un peut me dire où vont mes récoltes ? Je cultive des produits frais, moi ! Alors, pourquoi nos boîtes de conserves ne contiennent que des merdes synthétiques ?

L’ouvrier à bout tapa violemment du pied. Le choc résonna dans tout l’isoloir.

— Je veux bien croire au Mélricisme, mais j’ai l’impression que tout ce que je fais n’a aucun sens. Je commence à penser que je serais bien plus heureux à rester chez moi toute la journée, plutôt que de me torturer à…
— C’est là que vous vous égarez.

Sœur Mélric ne dit rien pendant quelques secondes. Ce soudain silence religieux stoppa net le discours excédé du fidèle. Une fois qu’elle sentit que l’ouvrier était calmé, sœur Mélric reprit.

— Les serres sont foncièrement vitales à Espérance.
— Évidemment, vous n’allez pas dire l’inverse…
— Laissez-moi finir. Je ne vais pas vous mentir, vous avez raison. Les serres sont archaïques et ne produisent pas assez de nourritures. Si les Maîtres décidaient de toutes les fermer aujourd’hui, nous ne ressentirons presque aucun impact. Actuellement, La Ferme Pokémon suffit largement à nos besoins. — Humpf, vous voyez, vous-même vous le…
— Cependant, vous oubliez quelque chose.

La technique de sœur Mélric consistait à laisser les fidèles s’exprimer de tout son saoul au début, avant de reprendre le contrôle de la discussion. Et une fois qu’elle avait le contrôle, elle ne le lâchait plus.

— Mon enfant, d’après vous, combien d’énergie consomme la Ferme Pokémon par jour ?
— J-Je ne sais pas, beaucoup, sûrement…
— C’est exact. La Ferme Pokémon est extrêmement gourmande en énergie. Si vous voulez un ordre d’idée, plus de 80 % de la production d’électricité de la Centrale est redirigé vers la Ferme Pokémon uniquement. Et comparé à cela, combien d’énergie consomment les serres ?
— … très peu.
— C’est exact.

Sœur Mélric laissa un nouveau silence s’installer dans leur conversation. Elle voulait être certaine que le fidèle pesait la signification de cette réponse.

— Il est vrai que la Ferme Pokémon nous suffit, mais elle dépend énormément de la Centrale. Que se passerait-il, d’après vous, si la Centrale venait à avoir un problème ? La Ferme Pokémon ne pourrait plus fonctionner correctement. Elle ne pourra plus nous nourrir. Et vers qui nous nous tournerions dans scénario catastrophe ? Vers vous, dans vos serres.
— Vers… moi ?
— Oui, mon enfant. Vous êtes notre essentielle roue de secours. Vos efforts ne sont pas récompensés au jour le jour et cela vous frustre, je le comprends. Mais comprenez aussi que si nous pouvons être sereins quant à notre avenir, c’est parce que vous – et tant d’autres – vous dévouez à garder en état nos assurances vie. Vous êtes nos indispensables protecteurs invisibles.
— J-Je n’avais jamais vu ça sous cet angle…
— N’ayant jamais honte de votre métier. C’est l’un des plus nobles.
— … je comprends ma sœur.

Sœur Mélric se détendit légèrement. Elle en avait presque terminée. Il restait juste à planter le dernier clou.

— Mon enfant, n’oubliez jamais que si vous travaillez dans une serre, c’est parce que les Maîtres ont décidé que c’était votre rôle de le faire.
— … !
— Nos Maîtres sont les réceptacles de la volonté de Lumaes, le Grand Accordeur. Lui seul sait ce qui est juste et ce qui doit être fait. Si Espérance a survécu plus de 600 ans sans faillir, c’est entièrement grâce à sa sainte guidance. Lorsque vous remettez en question votre place, vous remettez en question la Volonté de Lumaes.
— N-Non, je n’oserais pas !

La voix de sœur Mélric s’adoucit.

— Je le sais, mon enfant. Vous avez juste eu un petit moment d’égarement. Votre âme s’est laissé détourné par la détresse, ce qui a malheureusement corrompu vos pensées. Maintenant, vous avez compris que votre travail est important, n’est-ce pas ? Alors je vous pardonne, au nom de Lumaes.
— M-Merci ma sœur…
— Vous avez un rôle à remplir. Un rôle que Lumaes lui-même a décidé de vous confier. Et qui sait ? Peut-être que si vous continuez à exceller dans votre rôle, un jour, les Maîtres décideront de vous élever parmi eux.
— V-Vous croyez ?
— Bien sûr, je vous ne vous mentirai pas. Souvenez-vous des enseignements du Grand Accordeur : « Ceux qui seront dignes dans les ténèbres me rejoindront dans la lumière. »
— R-Rejoindre la lumière…
— Allez-y maintenant, et soyez fier. Les Maîtres et Lumaes attendent beaucoup de vous. Croyez-moi, vos efforts seront bientôt récompensés.
— Merci ma sœur. V-Vous m’avez ouvert les yeux…

Légèrement perturbé, l’ouvrier salua une dernière fois sœur Mélric et sortit du confessionnal. Fiona Mélric lâcha un soufflement de nez satisfait. Cet homme était un client facile, et très crédule. En vérité, si la Centrale avait un problème suffisamment énorme pour mettre la Ferme Pokémon hors-service, Espérance serait fini. Les serres ne serviraient réellement à rien. Du moins, elle ne servait pas à produire de la nourriture. Elle servait à occuper les éléments gênants.

Il était essentiel pour Espérance que tout le monde travaille. Ce n’était pas uniquement pour entretenir le bunker, mais surtout pour maintenir l’ordre. Un individu qui passait sa vie à travailler n’avait pas le temps de refaire le monde.
Fiona savait que, secrètement, plusieurs personnes ne portaient pas les Maîtres dans leur cœur. Il suffirait de peu pour qu’une tête se démarque et débute une révolution. Or, Espérance n’avait pas besoin de cela. Espérance avait besoin de coopération. Tout le monde devait avancer ensemble, qu’il le veille ou non.

Afin éviter la catastrophe, les Maîtres avaient décidé d’emprisonner tous les résidents d’Espérance dans un inlassable cycle de travail. Mais comment faire travailler tout le monde ? Et surtout, que faire de ceux qui n’avaient aucune compétence particulière ? C’était simple. On inventait de dispensables métiers chronophages et solitaires. C’était ensuite le rôle de l’église de persuader chacun que ces métiers étaient réellement indispensables. Un rôle bien ingrat, si Fiona pouvait donner son avis.

— C’est comme ça, soupira Fiona. Nous n’avons pas le choix. Seule les Maîtres l’ont. Nous, nous devons simplement obéir, pour le bien commun, pour notre avenir.