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Entre Destinée et Fatalité de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 07/04/2019 à 09:08
» Dernière mise à jour le 07/04/2019 à 16:55

» Mots-clés :   Aventure   Guerre   Médiéval   Mythologie   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 4 : Voyage de désagrément
An 1700, 14 août, 15h21, Mont Argenté, Château Royal de Johkania, salle de réunion




Mes chefs militaires, les derniers qu’il me restait, étaient en train de me montrer sur la carte du royaume l’avancée de l’armée rebelle, menée par les Dix Héros qui s’étaient regroupés pour l’assaut final contre mon château. Ils ne parlaient pour rien dire, blêmes de peur, résignés devant les forces en présence qui faisaient le triple des miennes, et ce bien sûr sans compter les Dix Héros qui valaient à eux seul une armée entière. Épuisé et surtout furieux suite à la fuite de ma fille et au vol de ma Johkanroc, je tâchai quand même de m’intéresser un minimum à une stratégie de défense.

- Qu’en est-il de l’unité Lance de Sang ? Demandai-je en désignant des petites figurines sur la carte qui représentaient des hommes et des Pokemon. Ils pourraient prendre l’ennemi à revers au Col du Démon.

- C’est impossible, Votre Majesté, répondit mon Grand Chancelier, accablé. L’unité Lance de Sang ne compte plus que le tiers de son effectif initial. Tout le reste s’est mutiné suite à la trahison de la générale Valrika…

De rage à l’entente de ce nom maudit, je renversai la table et la carte. J’avais fait les frais d’énormément de trahisons ces temps derniers, dont la dernière en date était celle de ma propre fille. Mais la plus dure était bien sûr celle de Valrika, qui fut la plus fidèle de mes généraux, ma pupille, et à laquelle j’avais même fait l’honneur de ma couche ! Sa soif de sang et son esprit acéré m’avaient séduit. Mais elle est allée se réfugier dans le giron d’Iskurdan et de ses rebelles, pour ensuite devenir l’un de ces fameux Dix Héros !

- Ne prononcez plus ce nom… marmonnai-je dangereusement.

- Pardonnez-moi sire, fit l’un de mes généraux, mais je crois qu’il serait bon d’envisager une retraite. Si nous quittons le château avant l’arrivée des rebelles, nous pourrons nous regrouper ensuite à Irisia. Le Prince Kieran est déjà là-bas, et…

- Vous suggérez que je prenne la fuite comme mon lâche de fils ?! Moi ? Le Roi Éternel, Zephren, de la lignée millénaire des Karkast, qui ait régné près de cent-trente ans ! Vous voulez que l’Histoire se souvienne de moi comme le Roi Fuyant ?

- Je… jamais je ne…

J’en avais déjà assez de lui. D’un mouvement précis, je pris par la gorge l’insolent, le plaqua contre le sol et lui enfonça la lame de mon épée dans la bouche pour plus qu’il ne l’utilise. J’englobai ensuite du regard mes autres généraux, qui s’étaient sagement murés dans un silence total.

- Nous nous battrons, ici et nulle part ailleurs, déclarai-je. Tous les fuyards seront exécutés promptement. Iskurdan peut bien me prendre mon royaume, il n’aura pas mon honneur !

Mes hommes s’inclinèrent en signe d’assentiment et se dépêchèrent de filer, plus pour ne plus se retrouver en ma présence que pour préparer les défenses du château.



***


Pour le commun des mortels, devoir aller au château royal de Johkania aurait sûrement été une agréable nouvelle. Surtout pour des mortels coincés pour la quasi-totalité de leur ville dans la petite ville de pied de montagne qu’était Lavanville. Mais pour Palyne Fedoren, ce n’était absolument pas le cas. Casanière comme pas deux, réfractaire au changement et allergique à tout ce qui bousculait ses habitudes, pour Palyne, traverser tout l’est de Johkania pour se rendre au château relevait d’un périple pour aller au bout du monde. Et le pire dans tout ça était qu’elle était obligée de faire équipe avec des gens qu’elle ne pouvait pas encadrer.

Quelques jours auparavant, son maître formateur, Erdraven, l’avait informée qu’elle avait été choisie par le Cercle des Agents pour accomplir une mission capitale avec deux autres adeptes. La réussite de la dite mission pourrait leur permettre une promotion directe au rang convoité d’Agent de la Fatalité. Le Cercle était un groupe restreint des meilleurs Agents autour du Prédicateur. C’était eux qui décidaient de la marche à suivre pour l’organisation en fonction des consignes de leur chef.

La plupart des Agents jouissaient d’une très grande liberté d’action et de mouvement, mais avec le contexte politique tendu depuis la chute de la royauté, le Cercle avait été obligé de resserrer la vis. Toutefois, elle ne s’attendait pas à recevoir une telle mission, et elle n'avait put retenir un juron marmonné dans sa barbe lorsque l’Agent Erekiel Lazinov fit aux trois adeptes un rapport détaillé de ce qu’il attendait.

Ils allaient ni plus ni moins devoir prendre l’ancien château du Roi Zephren pour le compte des Agents. En théorie ce serait sans doute assez simple, mais reste que c’était prendre un grand risque diplomatique vis-à-vis des Gardiens de la Destinée. Certes, Palyne s’en moquait car casser du Gardien était un peu le but dans la vie de chaque Agents, mais tout de même, elle avait conscience du danger.

Erekiel était souvent considéré comme le bras droit du Prédicateur Nukt, et il avait bien précisé que cet ordre venait directement de lui. Elle ne l'avait jamais guère apprécié, avec son teint arrogant et blafard, à vouloir se prendre pour le chef des Agents. Il leur avait expliqué alors qu’ils envoyaient des adeptes car les Gardiens auraient rapidement repéré leurs membres confirmés, tandis que eux passeraient inaperçus.

Toutefois, un autre membre du Cercle devrait les suivre discrètement à distance pour les observer et évaluer leur performance. Ainsi, elle était partie en vadrouille avec deux autres apprentis considérés comme les meilleurs avec elle en direction d’un des lieux les plus tabous de tout le pays. Lieu toutefois considéré comme neutre car personne n’en avait la propriété, vu le symbole lourd qu’il représentait.

À son grand dépit, elle n’avait pas pu voir son frère Rufio avant de partir. Comme souvent, ce dernier était très préoccupé et tenu loin de sa sœur par les autres Agents. Il était depuis un moment au service direct de Lord Despero, le Cinquième Héros, à Safrania, et de fait rentrait rarement à Lavanville. Il était la dernière famille qu’il lui restait, et elle était extrêmement attachée à Rufio, souffrant beaucoup de ne pouvoir le voir que très partiellement ces dernières années. Son frère n’avait été présent que pour lui enseigner l’art propre aux Fedoren de tailler les Ascacomb.

- Hey Iceberg, arrête de rêvasser et prend ta tambouille, c’est prêt !

Elle jeta un regard froid et colérique au sale type qui venait de la sortir de ses pensées. Il s’agissait de Jyren, un fils à papa détestable dont elle prenait plaisir à l’imaginer mourir de multiples façons différentes pour s’aider à trouver le sommeil. Le père de Jyren était un puissant Agent qui avait pistonné son fils du début à la fin et lui donnait nombre de choses qu’un simple adepte ne devait pas avoir. Habillé richement, soigneusement coiffé malgré leurs nombreux jours de voyage, ce type ne pensait qu’à une seule et unique chose : lui-même. Il se voyait déjà succéder à Lord Despero et avait la réputation d’être le meilleur en tout. La réputation seulement. Une réputation qu’il entretenait lui-même avec affection.

Jyren passa un coup de peigne dans sa chevelure brune de jeune premier et offrit un air de dédain à Palyne en guise de réponse. Le voyage avait été horriblement long et dur à cause de lui, car avec Palyne, ils passaient leur temps à se disputer sur tout et sur rien. Sur rien principalement, d’ailleurs. En effet pour arriver jusque-là, ils avaient dû faire un sacré détour. Il n'aurait pas été conseillé pour trois Adeptes de la Fatalité de traverser Safrania, maintenant que Destinal y avait son tout nouveau Saint Monastère.

Il ne fallait pas se le cacher, la situation n’était pas bonne pour les Agents. Les Gardiens les oppressaient et venaient convertir sur leurs terres la population à leur sale religion. En effet, dans l’opinion publique, il était resté gravé dans le marbre l’importance que les visions de l’Oracle avaient eu dans la chute du Roi Éternel. De leur côté, les Agents qui étaient en bonne partie composés d’aristocrates comme Lord Despero, étaient passés pour des profiteurs se greffant au mouvement révolutionnaire pour ne pas tout perdre dans l’affaire.

Depuis que les Gardiens s’étaient installés à Safrania, ils avait isolé les Agents à Lavanville et diminué leur influence aux seules villes de Parmanie et Carmin sur Mer. Autrement dit une misère. Le carrefour que représentait Safrania, maintenant bloqué par cette idiotie de Destinal, avait complètement fermé l’accès au reste de la région, qui tombait de plus en plus sous l’influence de cette maudite religion. Le but de leur mission était donc aussi d’ordre géopolitique : en reprenant le château et en s’y établissant, les Agents pourraient de nouveau atteindre des villes comme Argenta, Jadielle et le Bourg Palette. Voir même lorgner sur des territoires acquis à la cause de Destinal comme Ebenelle ou le Bourg de Geon.

Mais Palyne ne se leurrait pas. La situation n’était guère reluisante pour les Agents de la Fatalité depuis la fin de la guerre. Ils avaient été lésés par le Conseil malgré les efforts de Despero. La seule chose qu’ils avaient pu concrètement obtenir était une main mise sur la réserve naturelle de Parmanie, jadis réservée aux soldats royaux pour les rares Pokemon qui y vivaient. Ils n’avaient pas su anticiper l’implantation de Destinal en plein Safrania, à quelques kilomètres de leur quartier général de Lavanville.

En fait, ils n’avaient surtout pas su anticiper que le conseil céderait ça à Destinal. Alors depuis, chez les Agents, on ne se faisait pas d’idées : tôt ou tard il faudra se battre pour détruire les Gardiens ou mourir écrasé par l’influence grandissante de leur culte. Et depuis l’arrivée du tout nouveau Prédicateur Nukt il y a deux ans, ils ne faisaient que ça : préparer le conflit à venir. La guerre était imminente, malgré les efforts du Conseil des Héros pour la retarder. Et Palyne se faisait une joie à l’idée de devenir un Agent à part entière pour enfin pouvoir tuer des Gardiens le moment venu.

- Franchement, t’es lourd Jyren… Ça vous sert à quoi de vous agresser tout le temps ? Soupira le troisième individu.

- Défend pas Iceberg, Zorander. C’est elle qui a décidé de nous snober, comme toujours. Lord Erekiel nous a pourtant bien sommé de travailler en équipe.

Ce qui pour Palyne était difficile, car il lui faudrait composer avec deux personnes qu’elle n’aimait pas. Certes, elle ne les connaissait pas plus que ça et aurait pu tenter de sociabiliser avec eux, mais c’était un principe. Elle avait décrété qu’elle ne les aimait pas et avait décidé de s’y tenir, aussi simpliste et idiot soit ce jugement. Ainsi, Jyren, l’avait vite affublé du surnom de « Iceberg », car elle se contentait d’être un gros glaçon froid et inutile.

Quant à Zorander, il était connu pour être un tire au flanc notoire et une vraie carpette sans personnalité. De ce qu’elle avait entendu dire, il était presque aussi impopulaire qu’elle, ce qui ne relevait pas d’un mince exploit. En tout cas personne ne l’aimait et Palyne non plus. Pour une fois qu’elle faisait comme tout le monde, ça avait le mérite d’être souligné. Ils étaient certes les trois adeptes les plus en vues pour devenir Agent, mais certainement pas les plus appréciés de leurs pairs. C’était évidement d’autant plus le cas pour Palyne, qu’on jalousait à cause de son nom de Fedoren, une très vieille famille bien connue pour son talent unique de tailler les Ascalines.

- Chiabrena ! Jura Palyne à l’adresse de Jyren. Boucle-là où je te force à bouffer tout le gruau qu’on a en réserve, coprophage de mes deux !

Oui, chiabrena. C’était ce qu’on appelait du « Palyne ». Un tic de langage, un juron personnel qu’elle avait un jour sorti de nulle part pour on ne sait pas quelle raison, et qui de puis lui était resté, devenant sa signature et marque de fabrique. Ceci combiné à son imposant dictionnaire d’insultes imagées faisait d’elle une personne jamais à court de bons mots pour incendier les gens, ce qui était une de ses activités favorites. Loin d’être impressionné, Jyren ricana de son parler de paysan.

- Ouais, énerve-toi Iceberg. En attendant, moi j’ai conçu notre plan d’action pour prendre le château.

- Super, on va encore tous être atterrés par tes idées pourries, répondit Zorander du tac au tac, blasé. Mais bon, j’imagine que c’est là une fatalité, alors soit.

- Écoute plutôt ! Vous faites les larbins à rassembler les gens et moi je vais…

Palyne se concentra sur leur frugal repas du matin, dernière collation avant l’attaque, pendant que Jyren déblatérait un plan qui de toute façon ne l’intéressait pas. Le gruau était une espèce d’infâme bouillie de céréales qui servait de « repas » aux Agents en voyage. Ça se conservait bien, c’était nutritif, mais en contrepartie c’était totalement dégoûtant et immangeable. Seulement ils n’avaient pas de temps à perdre en allant chasser ou carrément faire leur marché comme des touristes. Une fois le repas terminé, elle jeta son bol par terre, se levant d’un air décidé avant de se faire aussitôt interrompre.

- Tu ne ranges jamais rien Iceberg ! Pesta Jyren. Tu me prends vraiment pour ta bonniche ou quoi ?

- J’y peux rien si t’a l’air d’apprécier le rôle, lui répondit-elle de façon cinglante. Vu tes plans, t’es pas qualifié pour autre chose, monsieur le bourge.

- Dit la grande héritière du clan Fedoren ! S’il y a quelqu’un de pistonnée ici, c’est toi.

Palyne pesta et cracha dans son bol avant d’aller bouder. C’était un signe qu’elle était touchée et elle ne supportait pas de laisser le dernier mot à ce gosse. Oui elle avait conscience que son nom lui avait ouvert toutes les portes, mais elle travaillait pour cet héritage, on ne lui donnait pas tout sur un plateau comme lui ! Et de toute façon elle n’avait jamais voulu à la base de cet héritage. Elle aurait préféré un autre nom, n’importe lequel, que celui là. Mais c’était là encore l’œuvre de la Fatalité, et Palyne devait l’accepter.

Jyren avait l’air de vouloir continuer à en découdre, mais il savait que c’était une mauvaise idée. Palyne avait beau être une fille, elle pouvait l’étaler sans problème, et en plus, elle portait un fouet qu’elle savait très bien utiliser, sans compter bien sûr son Ascacomb fraîchement taillée qui ornait son front. Le jeune adepte maugréa dans sa barbe en rangeant le bol de Palyne dans leur barda.

Non, la jeune femme ne rangeait jamais rien, d’ailleurs son atelier de taille était dans un désordre le plus total, que son Tenefix tentait de ranger du mieux qu’il pouvait. Entre les débris cassés sur un coup de sang de Palyne ou simplement les affaires jetées au sol, Coquebert, comme elle l’avait affectueusement surnommé, n’avait pas le temps de s’ennuyer. D’ailleurs, il était officiellement de corvée nettoyage pendant que Palyne effectuait sa mission.

Ils se mirent enfin en route vers le château, prêts à agir. Jyren lui redemanda si elle avait bien compris son rôle, ce à quoi elle avait répondu par un vague « ouais ouais ». Non, elle n’avait rien écouté et ferait à sa manière. Elle avait autre chose à faire que collaborer avec ces deux idiots, autant agir seule. Plus vite ce serait fait, plus vite elle serait rentrée chez elle, avec de la chance promue Agent, et débarrassée de ses partenaires d’infortune. Alors, elle aurait bien plus de liberté pour passer du temps avec son frère.

Sur le chemin, elle se stoppa en remarquant une petite tanière. Elle sourit et s’y dirigea, y trouvant un Farfuret endormi. Ces Pokemon nocturnes dormaient en journée, et ne lui opposerait ainsi aucune résistance. Elle s’empara de sa toute nouvelle Ascacomb qu’elle avait serti sur un diadème et la mit en contact avec le Pokemon. Celui-ci se réveilla pour être aussitôt assommé par le choc, la pierre brillant d’une belle lueur bleutée au même instant. Elle enfila ensuite son diadème, pressée de pouvoir enfin tester sa fabrication. Ses deux confrères adeptes ne dirent rien, mais une jalousie terrible luisait dans leurs yeux. Aucun adepte à part elle était autorisé à posséder une Ascacomb.

Lorsqu’ils arrivèrent en vue du château, au pied de la montagne, ils eurent un petit temps d’arrêt pour admirer l’endroit. Ce n’était pas un lieu commun et il s’en ressentait presque dans l’atmosphère l’importance des événements qui y avaient eu lieu quelques années auparavant. Jadis, l’imposante muraille entourait le château, des tours de gardes à chaque coin renforçant le lieu. Le bâtiment en lui-même était haut d’au moins six étages, et large de presque un kilomètre.

De ce qu’elle en savait, le château avait croit considérablement durant le règne du Roi Éternel. Petit château militaire, il était devenu quasiment un imposant palais fastueux, symbole du riche règne du souverain. Mais surtout de sa mégalomanie sans limite, de l’avis de Palyne. Il était toujours en train d’être agrandit d’ailleurs lorsque la guerre éclata. Le château était à l’abandon et en ruine, ses murailles effondrées en nombre d’endroits, plusieurs tours écroulées, et le bâtiment principal en un sale état.

Était-ce simplement les dégâts du siège ou ceux du combat entre le Roi et les Dix Héros ? Difficile à dire, mais les deux hypothèses étaient probables. D’après les récits, le combat avait été titanesque, et malgré le fait qu’ils s’y soient mis à dix, les Héros avaient souffert. Certains en gardèrent même quelques séquelles. Et pourtant, l’on disait que lors de ce combat, le roi n’avait pu utiliser que 10% de sa puissance habituelle. Sacré bonhomme, que ce Zephren Karkast. Puis après tout, on ne vit généralement pas plus de cent cinquante-ans en étant un humain ordinaire.

Palyne n’avait pas beaucoup connu le règne du Roi - ou du moins ne s’y était-elle jamais intéressée à l’époque - mais elle l’avait toujours trouvé dur et injuste, en plus d’être trop laxiste avec les Gardiens. Pire que laxiste, car ses purges et son autoritarisme avaient renforcé Destinal, le bon peuple de Johkania allant s’y réfugier rapidement pour échapper à la cruauté de Zephren. Toutefois, elle devait bien reconnaître qu’il avait été le garant d’une certaine égalité entre Agents et Gardiens. Même s’il détestait les deux, au moins c’était au même niveau. Pas comme le gouvernement actuel, qui penchait clairement du côté des prêcheurs de Destinal.

La grille qui donnait accès à la cour intérieure était totalement défoncée, et quelques touristes étaient dans l’endroit, mais relativement peu. On préférait en général oublier ce lieu, pour beaucoup qu'un ultime vestige d’un pouvoir royal décadent qui s’était terminé dans la folie. De fait, il n’y avait que quelque gardes sur le site, qui faisaient plus office d’agents d’entretiens que de gardes. L’accès à l’intérieur du château avait été condamné peu après la guerre. Le pavillon au-dessus de la porte avait été détruit de façon à ce qu’il s’écroule pour tout obstruer.

Qui sait ce que renfermait encore le château en son sein ? Certains chasseurs de trésors avaient tenté de s’y aventurer mais avaient vite été stoppé après leur expédition, car arborer ou posséder des objets affiliés à la royauté était un crime désormais. Et surtout ça fichait les jetons. Le souvenir du Roi Éternel continuait de faire frissonner les gens, et pas grand monde n’aurait eu le cran de s’accaparer quoi que ce soit qui lui avait appartenu.

- On fait comme j’ai dit, clama Jyren. On les encercle et…

- On s’en fout, intervint Palyne. On les groupe tous, on leur dit que la place est aux Agents, et ils décampent. Simple et efficace. Des objections ?

Le jeune homme tenta de protester tandis que Zorander semblait s’en contrefoutre, mais Palyne était déjà partie en direction du château. Elle avait repéré l’ancien balcon royal depuis lequel le Roi Éternel effectuait ses annonces et ses allocutions, ce serait le meilleur endroit pour s’adresser aux badauds et leur expliquer la situation. Et puis, même si elle ne l’avouait pas, ça lui donnait très envie de tester cette position royale et même après si possible, explorer le château.

Alors qu’elle s’avançait dans la cour, elle remarqua des dalles enfoncées entourées de barrières de pierres, et couvertes par un dôme de verre. Curieux, le seul lieu qui semblait avoir été aménagé après la guerre. Elle s’approcha et observa ce qui valait un tel traitement aux dalles. Elles étaient tachées entièrement d’un rouge sang prononcé. Et on pouvait voir qu’une lame avait été enfoncée dans la pierre à cet endroit-là. Palyne comprit tout de suite qu’elle faisait face à l’endroit précis où le Roi Éternel avait rendu son dernier souffle. Elle se tenait face au lieu de la mort du Roi, à la même position où s’était tenu le grand Iskurdan des années auparavant, devant son corps démembré. Un garde les avisa tandis qu’ils s’approchaient des grands escaliers intérieurs, et tenta de les arrêter.

- Je suis navré messieurs dame, cette partie n’est pas ouverte au public…

- Arrière, gueux ! Fit Jyren. Nous représentons les Agents de la Fatalité. Va attendre dehors et écoute notre message !

Le garde ouvrit et ferma la bouche comme un poisson hors de l’eau, totalement sous le choc. Quand il vit enfin l’emblème des Agents sur les uniforme des trois adeptes - une espèce de demi-lune noire qui représentait une tête effrayante, censée être celle de Falkarion - le garde ne demanda pas son reste et battit en retraite en toute vitesse. Les gars qui protégeaient le château devaient à peine savoir comment tenir leur épée, et ils n’avaient aucune envie d’en découdre avec des Agents de la Fatalité. Palyne s’y attendait, mais elle trouva quand même cela nul. Quand ils furent sur le balcon royal, avec une vue parfaite sur la cour de dehors, Jyren s’avança et clama :

- Au nom du seigneur Falkarion, les Agents de la Fatalité ont une communication à vous faire ! Entendez notre parole !

L’adepte avait pris le ton le plus solennel et autoritaire qu’il pouvait pour faire obéir les gens, et il semblait fier de voir la crainte qu’il leur inspirait, le bon peuple s’exécutant immédiatement à la demande. Mais ça n’avait bien sûr rien à voir avec lui. Les gens avaient évidemment trop peur des Agents de la Fatalité pour les contrarier dans leur volonté, même s’ils étaient partisans des Gardiens. La plupart du temps, la simple évocation du seigneur Falkarion suffisait à faire trembler les paysans dans leurs guenilles. Stupide. C’était à cause de cette absurde doctrine de Destinal. Ils ne comprenaient pas que Falkarion était synonyme de liberté. Il ne fallait pas avoir peur de la Fatalité.

- Allez venez, prenez place. Ne vous inquiétez pas, on ne mord pas… enfin pas moi en tout cas, tenta Zorander pour rassurer la foule.

Jyren semblait se plaire dans sa position centrale, en voyant de haut les badauds qui s’approchaient craintivement. Palyne ne tenait pas à lui laisser le monopole de la représentativité des Agents. Elle choisit de prendre une position encore plus haute, sur la rambarde de derrière, surélevée par rapport au balcon. Elle commença à grimper, mais sentant derrière elle le regard de tous les touristes, elle stressa et chuta au sol aux pieds de Jyren qui ne manqua pas de s’esclaffer.

- Laisse tomber Iceberg, t’es trop mauvaise. Je m’en charge. Puis t’as un charisme de Magicarpe.

- Chiabrena de coprolupanar d’ostréipyge ! Reste à ta place !

Elle prit son fidèle fouet à sa ceinture, son arme de prédilection. Comment en était-elle venue à l’utiliser ? Un jour en entraînement, elle s’était énervée contre un autre adepte et avait attrapé le premier objet sous ses mains pour essayer de le frapper. C’était son fouet, depuis elle ne le lâchait plus tant elle l’avait trouvé utile pour impressionner l’ennemi et surtout se défouler.

Elle l’envoya s’enrouler autour d’une statue cassée sur le mur puis se hissa avec agilité jusqu’à la rambarde, de décoration cassée à une autre. Elle avait appris à faire ça pour gravir la tour des Agents de l’extérieur et ainsi atteindre des endroits où personne ne la trouverait, pour qu’on lui fiche la paix. Pour le coup, étonné de son agilité, Jyren en resta muet et n’osa pas se plaindre qu’elle lui volait le bon rôle.

Palyne remit son fouet à sa taille puis s’épousseta un peu avant de bien se présenter face à la foule. Elle marqua un temps d’arrêt. Il fallait avouer que c’était impressionnant comme vue et comme sensation, d’ainsi dominer tout ce qui se trouvait en contrebas. Elle voyait ainsi tout Johkania à perte de vue. L’ouest si elle tournait la tête à gauche, et l’est si elle la tournait à droite. Perdue dans ses pensées quelques instants, elle revint à elle puis s’adresse à la foule avec sa verve habituelle.

- Bon, écoutez-moi les pécores ! Nous, Agents de la Fatalité, prenons possession de ce tas de pierre miteux qui a servi de château à ce vieux croûton de dictateur Zephren ! Si vous appréciez que nous recyclions ce lieu en un lieu de culte à la gloire du seigneur Falkarion, merci d’applaudir. Dans le cas contraire, y’en a qui vont risquer d’avoir mal à deux trois endroits sensibles.

La foule parut mitigée entre l’effet de l’annonce et le langage de paysanne mal embouchée de l’Agent qui s’était adressé à elle. Quelqu’un osa protester. Un des gardes, visiblement, qui avait on ne savait où le courage de tirer son épée.

- Vous n’avez pas le droit ! Ce lieu est un monument de l’Histoire de Johkania, et ne saurait vous appartenir ! La Sainte Garde ne vous laissera pas faire !

Palyne mit donc sa menace à exécution. Elle était une femme de parole, après tout. Puisant dans son Ascacomb au front, elle fit rejaillir en elle les pouvoirs qu’elle avait pris à ce Farfuret sauvage. Tendant la main, elle fit apparaître plusieurs morceaux de glaces tranchants. Une attaque Eclats Glace, qu’elle envoya sur le garde. Son armure trop légère ne lui permit pas d’éviter des dommages. Il fut blessé, son armure troué, et écopa de nombreuses entailles ensanglantés, mais rien de mortel. Les maîtres avaient été clairs : pas de grabuge, et surtout pas de morts. Quel pied que de pouvoir piquer leurs capacités à ces Pokemon inutiles ! Au moins, elle, elle trouverait un bon moyen de les employer.

Après avoir constaté de leurs yeux que la jeune adepte de la Fatalité savait faire usage de pouvoirs, la foule de touriste se mit lentement à applaudir, comme Palyne l’avait demandé. Aucun d’entre eux devait savoir que cette attaque provenait d’une Ascacomb ; ils devaient même ignorer ce qu’était qu’une Ascacomb. Ils connaissaient juste la réputation des Agents de la Fatalité, qui usait de pouvoirs occultes, et Palyne venait de leur en fournir la preuve. Personne n’irait protester à présent. Le château était eux. Mission accomplie. Le garde blessé, lui, ne se joignit pas aux applaudissements, et prit la fuite en rampant.

- Bute-le, ordonna Jyren à Palyne.

- Qu’est-ce que tu racontes, imbécile ? On ne fait pas de victime.

- Il va avertir le gouvernement et compromettre notre mission !

- Le Conseil finira par être averti de toute façon. C’est à Lord Despero de leur faire avaler le morceau. On a le château, on attend les prochaines instructions.

- Très bien, mais si ça part en couille, c’est toi qui prendra tes responsabilités devant le Cercle, sale Iceberg !

Palyne lui tira la langue en guise de réponse, excédée, puis se retourna pour observer derrière elle. La porte du balcon donnait sur une salle poussiéreuse mais qui ne laissait que peu de place au doute. C’était avec une certaine curiosité et fascination qu’elle se dirigea vers ce qui fut jadis le plus haut symbole de l’autorité royale : la salle du trône du Roi Éternel. Le trône en lui-même était poussiéreux et en mauvaise état, mais la jeune femme s’y assis quand même. Zephren avait posé son cul royal un paquet de fois ici, en cent-trente ans de règne. Il ne devait certainement pas apprécier, d’où il était maintenant, de voir qu’une adepte des Agents de la Fatalité y avait pris place. Cette idée fit sourire Palyne, qui s’affala sur le trône sans aucune grâce.