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Les Rubans Bleus de Libertina



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Informations

» Auteur : Libertina - Voir le profil
» Créé le 02/04/2019 à 05:32
» Dernière mise à jour le 06/04/2022 à 07:07

» Mots-clés :   Absence d'humains   Amitié   Aventure   Drame   Suspense

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CHAPITRE 1 | Larmes de pluie
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Le ciel était étoilé cette nuit-là. Dans les hautes et glaciales atmosphères, il n’y avait pas âme qui vive, et le silence était assourdissant. On s’y sentait tranquille, paisible et serein. Seul le murmure glacé du vent venait chuchoter à notre oreille. En un rien de temps, les nuages commencèrent à s’accumuler et à déverser sur le monde leur froide pluie, qui, à mesure qu’elle chuta, se métamorphosa en une multitude de glaçons d’où réverbaient des nuances cristallines. Dans cette fulgurante dégringolade, les bruits du monde firent progressivement leur apparition, naissant d’abord en notes isolées, puis grandissant en intensité. Très vite, on put entendre des bruits de pas, des bribes de conversations, des claquements de portes, des éclats de rire, des échauffements d’esprit, et le monde, dans sa plus large totalité, se dévoila sans aucune pudeur. Les innombrables gouttes d’eau poursuivirent leur descente, et l’une d’entre elles, plus scintillante que les autres, se heurta au toit d’une vieille chaumière en bois, puis roula sensuellement le long de celui-ci jusqu’à atteindre son rebord humide, duquel elle commença à se suspendre. Avec une douceur nonchalante, la jolie goutte se détacha du rebord et vint s’éclater contre le sol, aux pieds d’un petit Pokémon sanglotant.

Ses petites pattes recouvertes d’une légère fourrure rouge orientaient le regard vers un pelage plus sombre et plus épais, d’une couleur délicieusement stalactite. Son visage noir et ébouriffé était orné d’une collerette aux nuances d’aile de corbeau et au-dessus de sa tête s’érigeait une petite crête chatoyante semblable à une flamme qui vacille. Ses paupières rougeoyantes comme le crépuscule dissimulaient des yeux d’un bleu profond, similaire à celui d’une hyacinthe tout juste éclose. On pouvait remarquer sur son museau quelques larmes qui glissaient lentement vers son menton, et, si l’on se concentrait davantage, quelques sanglots pouvaient parvenir jusqu’à nos oreilles. De ce Pokémon émanait une bien triste aura, pénétrée à la fois d’un profond sentiment d’injustice et d’un désespoir indescriptible.

Soudain, le grincement d’une porte se fit entendre et rompit la rêverie douloureuse du petit Pokémon. Une délicate créature, aux jambes galbées et à l’allure féminine, sortit de la chaumière et se dirigea avec bienveillance vers l’âme en peine.
D’un ton presque naïf, elle lui dit :

« Zorua ? Est-ce que tout va bien ? »

Le petit Pokémon tourna lentement la tête vers elle, et, après avoir hâtivement frotté ses pattes contre ses yeux pour sécher ses larmes, il lui répondit:

« Ça va, Manternel. J’avais simplement besoin d’être seule ». Puis, d’une voix chancelante, Zorua ajouta : « Tu sais, même avec tous les conseils que tu m’as donnés, ils se sont encore moqué de moi... »

Manternel resta immobile pendant quelques secondes, puis, dans un geste quasi maternel, elle déposa affectueusement sa patte contre la tête du petit Pokémon, en esquissant un bref sourire.

« Ne te laisse pas abattre, ma petite », dit-elle sur un ton encourageant, « je suis certaine qu’un jour, tu réussiras à leur montrer ce que tu vaux réellement ».

Après avoir effectué plusieurs caresses sur le doux pelage de Zorua, Manternel, qui était transie de froid et trempée jusqu’à l’os à cause de la pluie, s’en retourna vers sa petite chaumière et disparut en un rien de temps à l’intérieur. Zorua, par peur de lui imposer davantage son chagrin, ne la suivit pas. Avec ses petites pattes velues, elle sortit un journal aux pages écornées de son petit sac en bandoulière. Elle l'ouvrit délicatement à la première page, sur laquelle était dessinée une magnifique plage ensoleillée. Très vite, de nombreuses gouttes de pluie s'abattirent sur la page abîmée. L'eau claire, qui commençait à imbiber le papier, forçait aussitôt les couleurs à s'interpénétrer, à s'envahir les unes les autres, pour créer de nouvelles nuances. Contemplant cette guerre chromatique, Zorua se murmura à elle-même:

« Je ne me sens pas de rentrer maintenant... peut-être que je devrais aller faire un tour sur cette plage...? »

Elle se mit donc en route vers sa nouvelle destination, et, pendant qu’elle marchait, ses pattes clapotaient contre les flaques d’eau engorgées dans les différents creux du sentier, créant ainsi des vagues d’ondes à la surface de l’eau.

• • •
La plage Onthulling était un endroit à couper le souffle, de jour comme de nuit. Lorsque Zorua commença à marcher sur les grains de sable gelés, la pluie cessa. À mesure qu’elle s’avançait vers l’écume de l’océan, le doux chant des vagues parvenait jusqu’à ses oreilles. Le va-et-vient des vagues créa une eau écumeuse qui venait étreindre le pourtour de ses pattes. Zorua, d’un œil fasciné, observa les rayons de la lune argentés qui recouvraient la surface de l’océan. On aurait dit qu’il portait une robe aux couleurs de l’anthracite. Puis, inclinant sa nuque vers l’arrière, Zorua orienta son regard vers le ciel étoilé. Quelques nuages sombres planaient comme des ombres menaçantes au-dessus d’elle, et absorbaient à leur passage la lumière étincelante des étoiles, avant de la faire réapparaître lentement, comme un ultime caprice. En soupirant, Zorua sortit à nouveau ce journal mouillé par la pluie. Elle l'ouvrit et tourna les pages pendant un temps. Parfois, la brise fraîche les soulevait elle-même, comme pour lui faciliter la tâche. Elle s'interrompit finalement et stabilisa le petit carnet sous ses pattes.

"Je ne sais plus quand tout ça a commencé. Petite, je ne me souviens pas avoir été embêtée par qui que ce soit. J'étais heureuse. Avec Manternel, on passait nos après-midis à cueillir des baies dans la forêt. Ensuite, on rentrait et on les cuisinait. Quand elle n'était pas occupée à faire les courses dans le village d'à côté, on allait toutes les deux à la plage et on y construisait des châteaux de sable. Mes premières années étaient vraiment calmes. Et puis, avec le temps, j'ai commencé à me faire un ami dans le village. Mon meilleur ami, Feunnec. Heureusement qu'il est là aujourd'hui, sinon je serais totalement isolée. C'est lui qui m'aide à tenir, ici. Sans lui, je crois que je n'oserais même pas sortir dehors. En tout cas, je ne sortirais pas sereinement. Par la suite, ces deux Pokémon ont emménagé près de chez moi. C'est bizarre, parce qu'au tout début, ils n'avaient rien contre moi. Je me rappelle même qu'ils me souriaient, parfois. Un jour, alors que j'allais faire une course pour Manternel, ils me sont tombés dessus sans crier gare. Je pensais qu'ils voulaient discuter, moi. Mais non, ils ont commencé à se montrer hostiles à mon égard. Tout ça parce que Manternel n'est pas ma vraie mère."

Zorua prit une grande inspiration en fermant les yeux, puis expira avec soulagement tout l’air contenu dans ses poumons. Cette vague de chaleur au contact du froid environnant devint une brume blanchâtre capiteuse qui se dissipa aussi vite qu’elle se forma. Ses paupières à nouveau ouvertes, Zorua put contempler l’époustouflant paysage qui se présentait à elle. La nature était si belle, si harmonieuse, si sereine, si apaisante. Ce spectacle d'une pure beauté consola immédiatement son chagrin. Plus rien ne lui paraissait difficile dans cet état de plénitude. Elle voulut rester ici, à cet instant précis, toute sa vie.

"J'ai essayé de discuter avec eux, parce que je ne comprenais pas ce qu'ils me reprochaient. Enfin, s'ils me reprochaient vraiment quelque chose. On ne reproche pas à quelqu'un d'être orphelin. Mais je n'ai jamais obtenu de réponse. Ils ont continué à me faire du mal pendant des mois. Dès qu'ils me voyaient, ils m'attaquaient. Au début, j'ai essayé de me défendre. Mais au bout d'un moment, j'ai commencé à me replier sur moi-même, parce que je ne savais plus quoi leur répondre. J'ai fini par les laisser me malmener, sans rien dire, même si c'était difficile à encaisser. J'ai d'ailleurs pensé à quitter le village car je ne supportais plus d'être prise à parti au quotidien. Cependant, Manternel m'a retenue. J'ai écouté ses conseils, entendu ses encouragements, souri à ses compliments. Alors je suis restée, même si ça me condamnait au harcèlement. Feunnec essayait de me défendre tant bien que mal quand il était avec moi, mais malgré ça, rien ne changeait."

Le texte se finit sur ces mots. Une goutte tomba sur la page griffonnée. Zorua leva alors la tête pour inspecter les cieux, mais ces derniers étaient clairs et dégagés. C'était elle qui pleurait. Elle utilisa sa petite patte velue pour sécher ses larmes, en essayant de se convaincre que tout ira mieux. Elle prit ensuite un petit crayon négligemment taillé dans son sac et commença à écrire, le menton tremblant.

"Aujourd'hui, j'en suis au même point. Ils continuent de m'humilier dès qu'ils le peuvent. Ils s'en prennent à moi parce que je ne réagis pas. J'ai peur... mais il faut que ça change. Je ne peux pas rester dans cette situation indéfiniment. Manternel m'a dit que je devais leur montrer ce que je vaux. Je pense qu'elle a raison. Il faut que je leur montre que leur comportement n'est pas acceptable. Ni maintenant ni jamais. C'est décidé. Je le ferai demain. Je me le promets à moi-même. Je suis sûre que mes parents auraient pensé la même chose. J'espère... j'espère que tout ira bien."

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