Chapitre 06 : La Légende du Tonnerre
Deux semaines s’étaient passées depuis le premier combat de Clara. Chaque jour ou presque, sa sœur avait affronté des Dresseurs qu’elle avait battus avec une facilité déconcertante. Elle ne s’était servi que de son premier Pokémon pour se défaire de ceux que lui envoyait son opposant. Élodie était en admiration devant elle : prenant de plus en plus confiance, elle intégrait de mieux en mieux son rôle de Grande Championne.
Mais ce tableau idyllique s’assombrissait de jours en jours par des attaques sur les Dresseurs. Marc n’en était que la première victime, d’autres avaient suivi. La plupart d’entre eux avaient affronté Clara peu de temps avant, mais heureusement pour eux, ils n’étaient pas morts – contrairement à leurs Pokémon. On leur avait néanmoins complètement effacé la mémoire. Hier Dresseurs de Pokémon, aujourd’hui loque humaine. Un slogan pareil n’avait pas bonne presse et pour éviter toute panique généralisée, la police n’avait pas indiqué qu’il s’agissait d’adversaires de Clara, se contentant d’annoncer des attaques.
Élodie se souciait beaucoup de sa sœur. Elle remarquait que ces attaques l’affectaient plus qu’elle n’en disait vraiment. Dans les jours qui avaient suivi la mort de Marc, elle l’avait surprise endormie au bar avec une bouteille de bière à la main, presque vide. D’abord étonnée – sa sœur ne buvait jamais, détestant l’alcool – elle s’en inquiéta plus encore lorsqu’elle s’était aperçue, le jour précédent, que plusieurs bouteilles du bar avaient disparu. Étrangement, elle ne l’avait jamais vue ivre, tiendrait-elle bien l’alcool ?
Mais le pire pour Élodie restait son changement d’attitude avec les autres. D’une humeur massacrante, Clara ne parlait que très peu avec elle, mais surveillait le moindre de ses faits et gestes. Elle avait invité à plusieurs reprises Lucien à venir s’entraîner avec elle, mais elle agissait de la même manière avec lui. Julie n’en était pas en reste et subissait ses foudres à la moindre contrariété.
Ces changements semblaient avoir affecté ses Pokémon également. Elle avait pensé obtenir un peu de soutien auprès de Draco et Démolosse en passant un peu de temps avec eux, mais elle se fut lourdement trompée. Le premier la surveillait en permanence et refusait qu’elle le touchât, tandis que l’autre l’ignorait et l’évitait le plus possible. Xatu, avec lequel elle ne partageait rien de toute façon, s’absentait très souvent, elle n’avait dès lors aucune occasion de passer du temps avec lui. Seul Évoli agissait de manière naturelle et prenait du plaisir à jouer avec elle.
Tout cela pesait énormément sur elle. Le plaisir d’habiter avec sa sœur et d’assister à ses matches était devenu un calvaire jour après jour. Lorsque ses vacances touchèrent enfin à leur terme, un profond soulagement l’avait envahie. Le lendemain, les cours allaient enfin reprendre, elle pourrait s’éloigner quelques temps de sa sœur.
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Au milieu de la nuit, Élodie se réveilla. Elle se leva doucement et discrètement de son lit et alla dans la cuisine pour prendre l’ascenseur. Elle se dirigea ensuite derrière le bureau de Julie et récupéra les affaires qu’elle avait préparées les jours précédents. Elle l’avait fait discrètement quand Clara s’occupait de ses matches. Elle avait assemblé ses affaires dans différents sacs poubelles qu’elle avait cachés dans tout le bâtiment. Avant de se coucher, elle les avait ensuite mis dans deux énormes valises, qu’elle avait traînés à cet endroit. Elle récupéra enfila des vêtements d’hiver par-dessus son pyjama qu’elle avait laissés sur l’une des valises et enfila des chaussettes et baskets chaudes.
Elle regarda ensuite ses valises et soupira de désespoir ; jamais elle ne pourrait les transporter seule jusqu’à la Faculté. Elle appela alors son Gardevoir et son Lippoutou à la rescousse. Elle leur ordonna d’utiliser leurs pouvoirs psychiques pour les déplacer. Fatiguées par leur courte nuit, les deux Pokémon femelles se regardèrent avant de s’exécuter. Elles ne réussirent pas, elles durent alors se servir de Plénitude pour augmenter leur puissance.
Le temps filait à toute vitesse et Élodie avait espéré qu’elle fût partie depuis longtemps avant que sa sœur ne remarquât son manège. Avec difficulté, les deux Pokémon parvinrent à les soulever et atteignirent la porte. Utilisant la clé que lui avait donné sa sœur à son arrivée, elles sortirent toutes les trois.
C’est à ce moment-là que l’ascenseur s’ouvrit et que Clara entra dans la pièce. Malgré la fatigue, elle avait gardé la tête haute et digne qu’elle arborait toujours. Élodie sursauta en entendant la porte et un bruit sourd de sac qui tombe au sol lui apprit que l’interruption avait déconcentré ses Pokémon. Interdite, elle regarda sa sœur accompagnée de son Xatu la rejoindre. Nulle trace de colère sur son visage : elle ne semblait pas le moins du monde surprise de la voir s’en aller. Draco et Démolosse avaient dû rester dans la chambre, puisqu’ils ne l’accompagnaient pas.
- Je vois… tu t’en vas, murmura-t-elle doucement.
- Oui, répondit-elle simplement.
Elle ignorait quoi ajouter. Sa sœur avait été insupportable ces deux dernières semaines. Elle dut comprendre qu’elle lui en voulait, elle n’aborda pas le sujet de son comportement et détourna le regard tristement. Élodie, elle, la regardait toujours, le visage dur. La colère aurait dû l’envahir et exploser pour lui asséner tout ce qu’elle ressentait, mais elle ne pouvait pas. Pour une raison qu’elle ignorait, elle n’arrivait pas à se mettre en colère contre sa sœur.
Pas que contre sa sœur d’ailleurs, depuis toute petite, elle n’avait jamais réussi à s’énerver contre qui que ce soit. Même si la personne en face lui avait fait les pires crasses du monde, elle était restée la plus calme du monde.
- Xatu… aide-la avec ses affaires, fit-elle tout doucement.
Elle allait ouvrir la bouche pour protester, mais elle l’arrêta d’un geste.
- Accepte, s’il te plaît, murmura-t-elle. C’est la moindre des choses après tout ce que j’t’ai fait subir ces deux dernières semaines.
Élodie n’avait aucune envie d’accepter sa proposition. Mais ses Pokémon n’avaient pas la puissance psychique nécessaire pour le faire, elle le savait. Résignée, elle répondit sans se départir de son calme trop habituel :
- D’accord. Mais, il n’est pas question qu’on en reste là. Il faudra que tu t’expliques sur ton comportement, Clara. Je suis ta sœur, pas ton punching-ball quand t’as des problèmes.
Sur ces mots, elle s’en alla, elle laissa ses sacs sur place. Xatu souleva alors ses sacs avec ses pouvoirs psychiques, sans aucun effort et la suivit en volant. Du coin de l’œil, elle remarqua que sa sœur la regardait partir, triste. Ses paroles l’avaient visiblement blessée. Élodie aimait sa sœur, mais l’enfer qu’elle lui avait fait vivre ses deux dernières semaines méritaient qu’elle la remît à sa place. Elle rappela ses Pokémon et sortit de l’arène et se dirigea d’un pas pesant vers la Grotte Retour.
…
De la fenêtre du premier étage, Draco et Démolosse regardèrent la jeune fille s’éloigner, accompagnée de Xatu et de deux valises volantes. Tous deux sortirent et atterrirent souplement au sol. Démolosse renifla l’air et grogna de mécontentement.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda doucement Draco.
- Une odeur étrange, répondit-il en désignant sa provenance. On dirait une personne, mais plusieurs odeurs sont mélangées. Qu’est-ce qu’on fait ?
- Ce qu’on a prévu.
Démolosse acquiesça. Tous deux se séparèrent, l’un suivit Élodie, tandis que l’autre alla vérifier la source de cette odeur.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
À la sortie de la Grotte Retour, la neige avait complètement disparu sous une pluie torrentielle. Un phénomène bien étrange en plein hiver. Le tonnerre grondait et la foudre s’abattait sur le sol à intervalles réguliers.
- Manquait plus que ça… Décidément, c’est pas ma nuit… grommela Élodie.
Elle s’inquiétait plus pour Xatu que pour elle-même ou pour ses affaires. Avant d’être un Pokémon de Type Psy, il restait un oiseau, donc sensible à l’électricité.
Soudainement, la foudre frappa et une silhouette apparut au centre de l’éclair. Elle avait l’apparence d’un animal haut sur patte avec une longue crinière derrière sa tête. Xatu piailla de fureur et se plaça instinctivement devant elle pour la défendre. Elle cligna des yeux et la créature disparu dans un flash. Quelques secondes plus tard, la pluie avait cessé, comme s’il n’avait jamais plu, sauf qu’il n’y avait plus de neige.
- C’était quoi ça ?
Xatu piailla une nouvelle fois. Mais cette fois-ci, ce n’était pas de colère. On aurait dit un rire, comme un « Hu Hu Hu Hu Hu Hu Hu » du plus aigu au plus grave. Élodie le regarda étonnée. Il ne pensait quand même pas avoir fait peur à cette créature ? Elle ne l’avait jamais affronté jusqu’à présent, ni jamais vu se battre. Mais sa force mentale semblait supérieure à celle de ses propres Pokémon Psy.
- Tiens, maintenant que j’y pense, Lucien, Julie, Clara et moi avons tous des Pokémon de Type Psy… murmura-t-elle pour elle-même. C’est drôle comme coïncidence. Peu de Dresseurs aiment entraîner ce genre de Pokémon…
En effet, ils étaient extrêmement difficiles à maîtriser. Bébé, il fallait au Dresseur les entraîner à maîtriser leurs pouvoirs. Et s’ils étaient capturés dans la nature, il était très difficile de se faire accorder leur confiance. Pokémon parmi les plus intelligents, ils remettaient systématiquement en cause les décisions de leurs Dresseurs. Malgré tout ce qui s’était passé entre elle ces deux dernières semaines, Clara l’impressionnait d’avoir réussi à maîtriser un Pokémon aussi puissant que Xatu.
Ils avaient enfin quitté la Grotte Retour désormais. Se téléporter d’ici serait bien plus simple. Il se faisait tard, très tard même. Elle avait besoin de se reposer, alors que les cours reprenaient le lendemain. Elle reporta son attention sur le Pokémon Mystique, il avait repris sa position stoïque, les ailes recourbées sur son torse. Il semblait être en train de méditer.
- Xatu, peux-tu…
Il ne répondit pas.
- XATU ! s’écria-t-elle.
Il rouvrit les yeux brusquement et sursauta avant de se tourner vers elle. Elle avait cru voir un tressaillement l’espace d’un instant, mais le mit sur le compte de la surprise.
« Il devait être en train de… de… méditer, oui c’est ça méditer ! » se dit-elle.
- Xatu, tu peux me téléporter à la Faculté, s’il te plaît ? Je suis épuisée…
Il s’exécuta et l’instant d’après elle se retrouva dans sa chambre avec toutes ses affaires. Le Pokémon Mystique n’était pas avec elle. Ne prenant pas le temps de ranger quoi que ce soit, elle ôta les vêtements qui les protégeaient, elle et son pyjama. Elle s’allongea et s’endormit aussitôt. Son réveil indiquait 4 h 18 du matin.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Élodie… chuchota une voix pressante.
La tête posée sur ses bras, la jeune fille dormait à poing fermé. La fatigue de la nuit l’avait emportée dans un sommeil profond duquel elle n’avait guère envie de sortir. Cette petite voix qu’elle avait entendue comme dans un rêve ne lui donnait guère envie de s’éveiller. Soudain un bruit claqua juste devant sa tête et elle se réveilla en sursaut.
- Puisque notre chère Galano semble tant s’ennuyer, je lui propose de venir faire une démonstration devant toute la classe ! Baker, venez, vous aussi.
Elle releva la tête, embrumée. C’était le premier cours de la matinée et elle s’était rendormie sans s’en rendre compte. L’enseignant, un quarantenaire nommé William Danstorm, l’avait réveillée en jetant violemment un livre sur sa table. Elle secoua la tête pour tenter de se réveiller et se leva.
La classe comportait une trentaine d’élèves dans une salle plutôt petite avec des rangées de tables. L’avant avait plus d’espace et le sol et les murs possédaient un renforcement pour les protéger des attaques Pokémon. Il s’agissait en effet d’un cours de combat tout à fait classique… En apparence seulement. Le Professeur enseignait les combats de manière très théorique et ne laissait que peu de place à la pratique. Celle-ci était réservée en général aux élèves qui ne suivaient pas les cours attentivement.
Car oui, ce professeur était sadique. Il prenait un malin plaisir à rabaisser ses élèves en critiquant systématiquement les actions qu’ils ordonnaient à leurs Pokémon. Cela relevait plus de la punition mentale qu’à un véritable combat Pokémon. Élodie détestait ce prof, comme la majorité des élèves d’ailleurs. Si Throshamp avait paru sévère, il avait appris des choses à ses élèves. Elle enviait sa sœur d’avoir eu un si bon prof avec son très haut niveau de Dressage, alors qu’elle en avait un très mauvais et un niveau plutôt médiocre.
Élodie se leva donc de sa chaise. Sa voisine Lucie, avec qui elle s’entend plutôt bien, lui jeta un regard désolé. Elle avait dû tenter de la réveiller, avant que Danstorm ne s’en chargeât, supposa-t-elle. Ses quelque trois heures de sommeil ne lui avaient pas permis d’être frais et dispo pour la reprise des cours. Elle alla se mettre devant la classe, un autre prénommé Max s’était levé, il semblait tout aussi épuisé qu’elle. Visiblement ils étaient deux à s’être endormis en classe.
D’un pas lent et peu résolu, ils rejoignirent tous deux le devant de la salle. Ils se postèrent l’un en face de l’autre. Max était un jeune homme aux cheveux noirs et courts. Ses yeux noirs trahissaient sa fatigue. Il avait la peau métissée et un petit nez en trompette. Il portait la tenue de la Faculté. Il annonça d’un ton las :
- Mon nom est Max, j’possède quatre Pokémon.
- Je suis Élodie, j’en ai trois à ma ceinture.
Les deux Dresseurs saisirent une Poké Ball et s’apprêtèrent à les lancer, lorsque le Professeur Danstorm les interrompit :
- Max, on ne dit pas « j’possède ». Élodie, tu possèdes des poissons ? Des couteaux ? Des casseroles ?
Élodie et Max acquiescèrent sans discuter et se représentèrent une nouvelle fois. Ils étaient tous deux tellement épuisés qu’ils n’avaient aucune envie de répliquer. En plus d’être sadique, leur enseignant touchait à la misogynie dans ses paroles.
- Ça ne va pas, ça ne va pas ! reprit-il. Vous devez aussi annoncer votre classe de Dresseur, allez, exécution !
Les deux jeunes se regardèrent exaspérés. L’évidence parlait d’elle-même, ils étaient de la Classe « Étudiant ». Et personne n’annonçait son métier avant de commencer un combat, c’était ridicule. Déjà que personne ne se présentait de cette manière, Clara elle-même n’avait pas respecté une seule fois cette « coutume » depuis qu’elle avait débuté sa carrière de Grande Championne. Ne voulant pas écoper d’une punition supplémentaire, ils s’exécutèrent.
- Bien… Commencez !
Élodie avait l’intention d’envoyer son Gardevoir à l’origine. Mais ces interruptions lui avaient permis de prendre le temps de mieux réfléchir. Son Pokémon avait aussi peu dormi que sa maîtresse et elle lui avait demandé de gros efforts pour l’aider avec ses valises. Se servir une nouvelle fois d’elle ne semblait pas une bonne idée.
- Mademoiselle Galano, on n’a pas toute la journée ! l’interrompit dans ses pensées le quarantenaire.
Si sa sœur l’avait eu comme Professeur, elle l’aurait remis à sa place à la première occasion. Élodie n’en doutait pas : elle n’aurait pas supporté cela très longtemps. Mais la jeune fille n’était pas comme elle. Sa nature douce et gentille, à la limite de la candeur, l’empêchait de s’emporter face aux autres, même si elle l’avait voulu. Elle lança alors son Cornèbre.
- Chers élèves, annonça le Professeur comme s’il donnait un discours, voyez l’erreur de votre collègue, elle n’a pas vu quel Pokémon avait envoyé son adversaire et donc a commis une grossière erreur. Ce n’est pas bien, reprenez-vous jeune fille.
Il avait terminé sa phrase d’un grand sourire sadique, alors que la classe se moquait d’elle. Elle se rendit alors compte que dans sa précipitation – due aux interruptions incessantes de son Professeur – elle allait affronter un Pachirisu… avec un type Vol.
Elle se rappela alors l’une des finales de combat double de Clara. Son adversaire avait amené ce même Pokémon, les spectateurs s’étaient ri de lui, avant de se rendre compte que c’était un Pokémon redoutable. Clara avait alors gagné le combat le plus difficile de sa vie en double… On ne devait pas sous-estimer ces petits écureuils blancs et bleus.
- Pachirisu, Onde de Choc ! lança son adversaire, enthousiaste d’avoir l’avantage.
- Esquive et Vibrobscur !
Des bajoues du Pokémon Écurélec sortirent un crépitement d’étincelles bleues, le petit Pokémon sauta en l’air et les frotta jusqu’à faire apparaître un rayon bleu très rapide. Cornèbre n’eut pas le temps de s’envoler avant de se prendre l’attaque de plein fouet.
- On ne peut pas esquiver Onde de Choc ! railla le Prof.
Cornèbre se releva difficilement. Mais courageusement, il fit face à son adversaire.
- Atterrissage, annonça-t-elle doucement.
Le Pokémon Ténèbres posa ses ailes au sol tout doucement. Clara lui avait expliqué à plusieurs occasions que cette attaque permettait de régénérer son Pokémon, tout en lui faisant perdre le type Vol. Idéal pour des combats contre des Types Glace ou Électrique.
- Onde de Choc ! cria Max.
Le choc électrique frappa une nouvelle fois Cornèbre, mais il ne ressentit pas l’attaque cette fois-ci.
- Inutile, inutile !
Ne tenant pas compte des remarques désobligeantes de leur enseignant, le Pokémon Obscurité se releva s’envola. L’écureuil relança une nouvelle fois son Onde de Choc, mais son adversaire était prêt. Ses yeux virèrent au noir lorsqu’en sortit une attaque Ténèbres. Lorsqu’elles se rencontrèrent, celle de Cornèbre pulvérisa l’autre avant de frapper le Pachirisu. Il tomba à la renverse, mais se releva tout de même. Il paraissait un peu épuisé.
- Qui vous a ordonné d’attaquer ? Vous ne contrôlez pas vos Pokémon ?!
L’exaspération se lisait sur le visage de Max. Mais il savait que quiconque lui répondait serait envoyé en retenue pour le reste de la semaine. Sadique et injuste, deux mots qui qualifiaient parfaitement ce Professeur méprisable. Élodie savait que brider ses Pokémon était contreproductif. Ils ne donnaient le meilleur d’eux-mêmes que si leur Dresseur les laissait choisir leurs attaques, comme une sorte de marque de confiance. Elle enviait sa sœur d’avoir un tel niveau de confiance en ses Pokémon qu’elle pouvait littéralement passer tout un combat sans prononcer un mot.
- Pachirisu, Danse Pluie ! s’emporta Max.
- Vibrobscur !
D’une petite danse, le Pokémon Écurélec provoqua une pluie torrentielle et artificielle sur une toute petite partie de la zone de combat – au-dessus du Cornèbre. L’enseignant sembla mécontent du résultat, mais ne pipa mot. Une onde obscure sortit de la bouche de son Pokémon. Tel un filet il s’empara de l’écureuil et l’envoya bouler. Épuisé, il se releva à grande peine.
- Fatal-Foudre ! hurla-t-il.
Soudain, le nuage artificiel qui surplombait son Pokémon s’élargit. Il grandit vite et beaucoup, à tel point qu’il s’étendit à toute la pièce. La pluie qui en sortit noya les affaires des étudiants. Ils se précipitèrent pour les protéger du mieux qu’ils pouvaient. Elle vit sa voisine Lucie tenter de protéger aussi les siennes.
« Cette pluie n’est pas artificielle… » pensa-t-elle. « Elle est naturelle, mais dans une maison ? Comment est-ce possible ? »
Du nuage géant sortit alors la foudre. Mais au lieu de frapper le Cornèbre, elle tomba au pied du Professeur Danstorm. Celui-ci hurla de terreur et bondit en arrière. Personne ne respirait, tous avaient les yeux fixés sur l’éclair. Un autre tomba au même endroit, puis un troisième et encore un quatrième, élargissant le premier. Au milieu de celui-ci apparut alors une créature à quatre pattes. Les yeux – blancs – de la créature s’ouvrirent et se posèrent sur Élodie. Cornèbre vint se placer devant sa maîtresse pour la protéger en cas d’attaque. Mais l'intense lumière s’évanouit au même instant où la créature disparut. Le nuage se dissipa alors aussi vite qu’il était apparu.
« Ku ku ku » croassa son Pokémon.
Il ne semblait pas rire, mais plutôt expirer l’air de soulagement. Décidément, elle vivait une journée bien étrange. Désormais parfaitement réveillée par la tension de cette tempête, elle réalisa alors les similitudes avec sa nuit. La créature dans la foudre était exactement la même. Deux fois en l’espace de quelques heures, ça ne pouvait être une coïncidence.
- BAKER ! C’ÉTAIT QUOI ÇA ?! VOUS AVEZ… VOUS VOULIEZ ME TUER C’EST ÇA ? hurla Danstorm, hors de lui. CHEZ LE DIRECTEUR, TOUT DE SUITE !
Élodie sursauta. Les étudiants ne semblèrent pas surpris. Max n’avait rien à se reprocher, cette Fatal-Foudre n’était pas du fait de son Pokémon. Elle tenta de le faire changer d’avis, mais celui-ci lui répliqua violemment :
- VOUS VOULEZ ALLER CHEZ LE DIRECTEUR VOUS AUSSI ?!
Hors de lui, il quitta la pièce, les laissant en plan. Les étudiants se regardèrent apeurés.
« Clara a de la concurrence chez les tarés d’la colère… » pensa-t-elle.
Max s’approcha d’elle, terrifié. Son Pachirisu était sur son épaule, un peu fatigué, mais lui aussi en état de choc. Cornèbre vint se placer sur la sienne, ses griffes lui rentrèrent gentiment dans la peau, mais elle appréciait ce contact. Le Pokémon Obscurité était très gentil et affectueux avec sa maîtresse. Le jeune homme lui tendit une main tremblante qu’elle saisit sans hésiter.
- Comment t’as fait pour rester calme face à ce malade ? murmura-t-il, encore sous le choc.
- J’ai malheureusement l’habitude… Ma sœur est tout aussi colérique que lui, si c’n’est plus.
- Ah ok… J’ai aussi une grande sœur, mais on s’entend super bien tous les deux…
La jeune fille sourit tristement à sa remarque. En temps normal, il était vrai qu’elle s’entendait à merveille avec sa grande sœur. Que lui arrivait-il ces derniers jours ? Était-elle à nouveau en train de boire de l’alcool, alors qu’elle n’était pas là ? Peut-être qu’après son départ, elle s’était immédiatement dirigée vers le bar pour s’ouvrir une autre bouteille ?
Elle se ressaisit. Elle avait quitté l’arène, parce qu’elle n’en pouvait plus de ses sautes d’humeur. Pourquoi ressasser le passé, désormais ? Sa sœur n’avait qu’à se débrouiller toute seule. Max la regarda interloqué, ne sachant pas trop s’il pouvait l’interrompre dans ses pensées ou non. Il finit par le faire tout de même :
- J’devrais aller voir le Directeur… Danstorm serait capable de me faire renvoyer, si je n’y vais pas tout de suite.
- Tu veux que j’vienne avec toi ? À deux on n’aura aucun mal à le convaincre.
Il acquiesça et la remercia. Il rappela son Pachirisu dans sa Poké Ball. Élodie en fit de même avec son Cornèbre, les Pokémon semblaient encore sous le choc des évènements. Ils quittèrent la salle ensemble, laissant leurs condisciples dans la pièce, encore troublés de la tournure de la situation.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
Élodie et Max durent changer de bâtiment pour rejoindre le bureau du Directeur Smith. La neige tombait fort à l’extérieur et personne ne se préoccupait de la déblayer. Les deux jeunes y pataugèrent un moment. Ces quelques instants lui permirent de remettre un peu d’ordre dans sa tête.
- C’était quoi ces éclairs ? J’ai jamais vu ça de ma vie ! s’exclama le jeune homme, près d'elle.
La jeune fille ne répondit pas tout de suite. Elle non plus n’en avait jamais été témoin, du moins dans un lieu fermé. Pourtant…
- Hey, ça va ? Tu dis rien depuis qu’on a quitté le cours !
Elle sursauta et répondit un peu stressée :
- Si si, ça va… Ma vie est…
Elle s’interrompit. Max semblait sympa, mais elle le connaissait à peine. Pourquoi déballer tous ses problèmes à un presque inconnu ? Il la regardait avec un regard curieur, attendant qu'elle poursuivît.
- Un peu compliquée, acheva-t-elle.
- Bah, ne t’en fais pas. Ca va s’arranger.
Elle s’arrêta un instant et le dévisagea. Elle haussa les épaules et admit qu’il avait raison. Le plus important maintenant était d’expliquer la situation au Directeur. Tous deux continuèrent la traversée de la cour, sans prononcer un mot. Elle sentit alors une sensation étrange et oppressante, comme si quelqu’un la surveillait. Elle s’arrêta, scruta les alentours, Max ne la regardait pas et ne vit personne d’autre. Elle supposa alors qu’il s’agissait de son imagination et poursuivit son chemin.
…
Perché sur le haut d’un toit, Draco regarda la sœur de Clara rejoindre un autre immeuble. Il l’observait ainsi depuis le début de la journée. Il avait failli se faire voir, mais cela importait peu. Il devait épier la jeune fille pour connaître ses faits et gestes.
Lorsque les deux adolescents entrèrent dans le bâtiment, il jeta un œil aux alentours. Il huma l’air pour déceler toute odeur suspecte et s’aperçut alors que, dans l’ombre, quelqu’un d’autre la surveillait. Les deux s’observèrent un instant. Le temps d'un battement de paupières, l’autre avait déjà disparu.
- Rhaa, qu’est-ce que tu fais là, toi ? C’est pas le moment, s’énerva-t-il à haute voix.
Il n’avait guère envie que la jeune fille s’aperçût qu’il la surveillait. Il resta cependant sur son perchoir, attendant qu’elle ressortît du bâtiment.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Monsieur le Directeur, puisque je vous dis que Max n’y est pour rien ! s’emporta Élodie.
- Mademoiselle Galano, asseyez-vous. Reprenons tout depuis le début, s’il vous plaît.
Elle se trouvait dans le bureau de M. Smith. Max lui avait annoncé en sortant que Monsieur Smith voulait lui parler. Elle était entrée en trombe et ne lui avait pas laissé le temps de parler. Elle s’assit à la place désignée et attendit que le Directeur de la Faculté, habillé dans son habituel costume-cravate, s’expliquât. Il croisa les mains et regarda la jeune fille dans les yeux. Après quelques instants il reprit :
- Maximilien Baker aura une retenue, lui informa-t-il calmement.
- Mais c’est injuste... s’insurgea-t-elle, sans crier. Il n’y est absolument pour rien.
- Il a accidentellement lancé une Fatal-Foudre près de son Professeur. Une attaque qui peut être mortel aux êtres humains, nous ne sommes dans un dessin animé jeune fille !
Elle se renfonça dans son siège. La créature dans les éclairs, la puissance de l’attaque qu’un Pachirisu normal ne pourrait pas lancer, comment pouvait-il justifier ça par un simple accident ? Cela dit, il avait raison, un foudroiement était bien souvent mortel.
« Pourtant, Clara n’a pas hésité à me protéger de son propre corps la dernière fois. » se souvint-elle. Pourquoi courir le risque ? Elle a d’importantes responsabilités, maintenant…
Elle se rappela également de la puissance de l’attaque électrique de Draco. Le Dragon l’impressionnait. Alors qu’il paraissait plutôt jeune – son côté joueur le poussait à penser ça – il maîtrisait un nombre impressionnant de capacités et pouvait les utiliser à un très haut niveau. Il pourrait très bien lancer une Fatal-Foudre aussi puissante.
Elle secoua la tête. Non, ça ne pouvait pas être lui. Même s’il était résistant à l’électricité, il ne pourrait pas s'y tenir comme si de rien n’était et la créature avait quatre pattes. Élodie fixa son Directeur qui la regardait avec insistance avant de répondre :
- Il y avait… une créature dans ces éclairs, Monsieur.
- Une créature, dites-vous ? répondit-il intrigué. Pourriez-vous la décrire ?
- Je sais pas vraiment… On aurait dit un grand chat ou un gros chien haut sur patte avec une longue crinière.
Edward Smith resta quelques instants indécis. Il se leva et alla regarder les livres qu’il possédait. Il trouva celui qu’il cherchait et revint s’asseoir. Il l’ouvrit et le posa sur la table à la page qu’il cherchait. Il le tourna vers Élodie et celle-ci put voir un étrange tigre jaune avec des rayures noirs, une queue bleue et une longue crinière violette. Elle ne connaissait pas ce Pokémon, mais elle reconnut en lui la créature qu’elle avait vue à deux reprises aujourd’hui.
- Voici Raikou, annonça-t-il. Il s’agit du chien légendaire – ou le chat légendaire ? Enfin peu importe – de la Foudre. Vous le reconnaissez ?
- Oui en effet… songea-t-elle. Mais qu’est-ce qu’il me voulait ?
- Raikou, Suicune et Entei – les deux autres membres de ce trio – apparaissent rarement aux yeux des êtres humains. Ils les fuient comme la peste en temps normal.
- Mais… Pourquoi ?
Il tourna la page et lui pointa le livre du doigt, une autre photo du Pokémon Légendaire dans un lieu qui ressemblait à une prairie était imprimée sur la page avec une courte légende qu’elle lut :
« Raikou. Pokémon légendaire de la Foudre. Selon la légende, trois Pokémon se sont retrouvés piégés dans une tour enflammée. Lui et ses deux compagnons auraient péri avant de renaître sous leur nouvelle forme par la grâce du Pokémon légendaire Ho-Oh.
Bien que de nombreux scientifiques aient étudié la Tour Cendrée et conclu qu’elle avait brûlé à cause d’un orage, la théorie la plus répandue parmi la population serait que ces trois Pokémon fuient les hommes pour leur responsabilité dans l’incendie. La légende raconte également qu’en cas de conflits à venir, ces trois Pokémon s’approchent de certains humains pour les prévenir de la catastrophe.
Raikou en tant que Pokémon Foudre peut voyager à loisir et facilement à travers les perturbations atmosphériques. Il apparaît très souvent dans des orages aux origines inconnues ou dans des lieux inadéquats. Mais ce n’est pas encore confirmé, seules quelques personnes ont eu la chance de le voir. »
Le texte était court et facile à lire. Élodie reposa le livre, la tête embrouillée. Visiblement, elle avait été la seule à voir ce Raikou, à l’exception peut-être des Pokémon. Qu’est-ce que cela signifiait ? Pour quelle raison s’était-il approché d’elle ? Pourquoi elle ? Pourquoi ne pas aller voir quelqu’un d’autre plus important, comme sa grande sœur ? Était-il venu la prévenir d’une catastrophe ? Et si oui laquelle ? Mais pourquoi intervenir deux fois, alors ?
Le Directeur l’observait, elle en était certaine. Il avait tout de suite reconnu l’identité du Pokémon légendaire. Cela la surprenait un peu, mais il avait l’air de s’y connaître beaucoup dans les légendes. Après tout, en quoi serait-il étrange qu’un homme de son rang s’y connût en la matière ?
- Qu’en dites-vous ? lui demanda-t-il.
- Je sais pas trop. Je comprends pas… pourquoi moi ? Personne d’autre semble l’avoir vu en classe.
- Je vois… sourit-il.
Il pianota quelques instants sur son bureau, laissa un temps convenu pour permettre un changement de sujet avant de reprendre :
- Si je vous ai également fait venir, c’est pour vous parler d’autre chose. Vous n’êtes pas sans savoir que Clara a échoué à son examen pratique il y a quelques semaines.
- Je suis au courant… soupira-t-elle, feignant de ne pas être surprise.
Elle n’avait aucune envie de parler de sa sœur et en réalité, elle ne le savait même pas. Elle voulait simplement ne pas parler d’elle.
- Bien. Nous lui avions accordé un examen de rattrapage lors de son premier match en tant que Grande Championne. Mais l’expert que nous avions envoyé sur place a été formel : son attitude en tant que Dresseur est inacceptable. Elle est donc recalée.
- Quoi ? s’écria-t-elle. Elle n’obtiendra pas son diplôme ?
- Elle peut repasser l’année si elle le souhaite, dit-il avec un petit sourire.
Qu’est-ce que ça voulait dire ? Pourquoi lui en parler à elle et non à sa sœur qui devrait être la première informée en toute logique ? Espérait-il qu’ainsi elle subît sa colère à sa place ? Elle doutait fortement que sa sœur voulût repasser l’année. Son travail à l’arène allait lui prendre beaucoup trop de temps pour qu’elle pût se permettre d’étudier.
- Mais enfin, vous auriez dû la convoquer elle !
- Je vous remercie de lui passer le message. Vous pouvez partir.
Il lui montra la porte du doigt et la congédia. Elle s’apprêtait à lui répondre de s’en charger lui-même, comme lui incombait son rôle après tout, mais soudain un coup de tonnerre à l’extérieur les firent sursauter tous les deux.
Ils se précipitèrent à la fenêtre pour voir ce qu’il se passait. Élodie en avait déjà une petite idée, mais elle souhaitait en avoir le cœur net. La pluie tombait fort dehors, une véritable tempête. La neige fondait à vue d’œil. Un petit torrent s’était déjà formé dans la cour et emportait toute l’eau à l’extérieur du campus. Une fois que toute la neige eût disparu, la pluie cessa et le courant disparut peu à peu.
Quelques minutes passèrent et le tonnerre gronda encore une fois. Un éclair tomba du ciel. De manière surnaturelle, il ne disparut pas. Au lieu de cela, il se fraya un chemin sur le sol dans un sens précis. Il disparut et un autre apparut. Peu de temps après, un nombre incalculable d’autres firent leur apparition. Tous exécutèrent un motif comme le premier avant de complètement disparaître.
- Qu’est-ce que… s’exclama-t-elle.
- Regardez ! lança le Directeur. Il y a des mots :
Elle regarda attentivement. Sur le béton du parc, les traces de brûlures formaient des lettres de grande taille. Le tout formait une phrase dont Élodie ne comprit pas le sens. Ils avaient été écrits dans une langue qu’elle ne connaissait pas. Elle la déchiffra et put lire les mots suivants :
« A Secret makes a woman woman »
Remarquant son regard ahuri, Smith récita la phrase à haute voix avant de traduire :
« Un secret fait d’une femme, une femme. »
- C’est ça le message que voulait me transmettre Raikou ? J’y comprends rien du tout.
- Vous devriez peut-être en parler à votre sœur, elle saura peut-être de quoi il s’agit.
- C’est une bouse en anglais, tout comme moi, répondit-elle.
Elle supposa alors qu’il s’agissait d’un conseil, cultiver le secret, faire attention à ce qu’elle disait. Elle mit tout de suite de côté une blague féministe (ou antiféministe), le stratagème lui semblait beaucoup trop compliqué pour qu’il fût vraisemblable. Raikou voulait vraiment lui dire quelque chose.
Toujours songeuse, elle quitta le bureau après avoir serré la main du Directeur.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
Le ciel brillait de mille étoiles. L’orage avait frappé dur pendant quelques minutes en fin de matinée et Draco avait préféré s’abriter. Il s’était même endormi dans son abri – à cause de sa nuit passer à veiller. Ce faisant, il avait perdu Élodie et ne l’avait pas vue sortir du bâtiment.
Au vu de l’heure tardive, il pensa alors qu’elle devait être rentrée chez elle. Il survola le campus au cas où. Il s’aperçut alors des mots gravés au feu dans le béton. Il comprit instantanément les mots écrits. Il vola rejoindre le bâtiment abritant le Foyer étudiants, supposant qu’elle devait s’y trouver.
Soudain un autre nuage noir – unique – attira son attention plus loin. Il était au-dessus du Foyer étudiant. Un instant plus tard, un éclair traversa le ciel étoilé et traversa le toit suivi d’un hurlement strident. Son visage se durcit alors qu’il se mettait en colère :
- Raikou ! ragea-t-il.
Il se précipita alors vers le nuage noir…
…
Allongée sur son lit, Élodie contempla le plafond de sa chambre. Les cours avaient fini depuis longtemps maintenant, alors que la nuit était tombée. La jeune fille avait pris le temps de mettre de l’ordre dans ses affaires, notamment de mettre des draps sur son lit – ce qu’elle n’avait pas fait le jour d'avant.
Elle avait également rangé ses vêtements dans les armoires et s’était déjà préparée pour dormir. Cette longue journée avait été riche en évènements, d’autant que sa presque nuit blanche la condamnait à prendre une long repos pour être parfaitement réveillée le lendemain. Pas question de dormir une nouvelle fois en cours, s'était-elle jurée.
Elle avait quitté sa sœur la nuit précédente, était tombée à deux reprises sur un Pokémon Légendaire taré qui lui voulait Arceus seul sait quoi, l’avait vu tracer un message en anglais et s’était fait envoyer chez le Directeur pour que celui-ci lui apprenne que sa sœur n’obtiendrait pas son Diplôme. Pour une rentrée, c’était vraiment une mauvaise journée.
- Et depuis quand un Pokémon sait écrire déjà ? s’exclama-t-elle. Et pourquoi en anglais ?
- SILENCE, Y A DES GENS QUI DORMENT PUTAIN ! hurla une voix dans la chambre d’à côté.
- Oups, désolée… murmura-t-elle.
Il était vrai que les murs avaient des oreilles. Un simple bavardage s’entendait immédiatement, tellement ils étaient peu épais. Elle respira à fond et se calma. Elle avait sa chambre pour elle seule désormais, Clara ayant déménagé. Elle ne pourrait pas justifier de parler à haute voix dans sa chambre.
Un coup de tonnerre retentit soudainement. Élodie sursauta et se leva. En jetant un œil par la fenêtre, elle constata qu’il ne pleuvait pas à l’extérieur.
- Encore, mais qu’est-ce qui s’passe aujourd’hui ? chuchota-t-elle.
Sans crier gare, un éclair traversa le plafond et frappa le sol, sans causer le moindre dommage. Au lieu de cela, au centre de l’impact, un étrange tigre jaune rayé d’éclairs noirs apparut devant elle. Majestueux avec sa longue crinière violette, et son museau en forme de nuage noir, les yeux rouges du Pokémon étincelèrent. Élodie sauta du lit en poussant un hurlement tonitruant, alors que Raikou se tenait devant elle.
Un grand coup dans le mur la fit sursauter une fois de plus, l’instant d’après son voisin lui hurla :
- SILENCE PUTAIN !
« Un éclair traverse le plafond, un Pokémon apparaît au milieu de sa chambre et tout ce que l’autre a trouvé à dire c’est de réclamer le silence ? C’est beau la camaraderie entre étudiants. » songea-t-elle.
Elle reporta son attention sur le Pokémon Foudre et murmura le plus doucement possible :
- Mais qu’est-ce que tu veux à la fin ? Tu apparais devant moi à trois reprises et tu me laisses un message auquel j’comprends rien.
Elle se rassit sur son lit et secoua la tête. À quoi bon lui poser des questions pareilles ? Pokémon et humain ne pouvaient communiquer, si le Pokémon Légendaire pouvait très certainement la comprendre, l’inverse n’était certainement pas vrai.
Le Raikou s’approcha d’elle, le regard amusé. De manière surprenante, il vint frotter son museau contre elle. Élodie resta interdite devant cette marque d’affection. Elle se détendit avec de lui caresser le dos. Il se coucha à ses pieds et se pressa contre ses jambes, tels un chat qui réclame des caresses.
S’agirait-il d’une manière pour lui d’indiquer qu’il venait en ami ? Attendait-il quelque chose d’elle ? Toutes ces manifestations de sa présence durant la journée signifiaient-elles qu’il voulait qu’elle le capturât ?
Elle s’éloigna un peu du Raikou avant de sortir deux Poké Ball de son sac de cours. L’une contenait son Gardevoir et l’autre était vide. Elle jeta en l’air la première et la jeune femelle Psy aux allures de fille aux cheveux verts, une longue robe blanche et des yeux rouges apparut à ses côtés. Elle regarda son Dresseur avec un regard ensommeillé. La fatigue se lisait sur son visage, elle ne semblait pas ravie de se battre après la nuit dernière quelque peu mouvementée.
Raikou dévisagea la jeune fille et secoua la tête. Il ne bougea pas. Il n’avait visiblement pas envie de se battre. Ça l’arrangeait bien, elle n’avait pas envie de mettre sa chambre à sac pour le combat et capturer un Pokémon Légendaire sans combattre, qui le refuserait ?
Elle prit alors son autre Poké Ball, vide, qu’elle lança avec une précision d’expert… Ou pas. Ces objets étaient réglés depuis très longtemps pour qu’elles fussent attirées vers le Pokémon que l’on souhaitait capturer, très pratique quand le Dresseur ne savait pas viser – ce qui était le cas d’Élodie.
Lorsque la boule rouge et blanche frappa le Pokémon Foudre, un bruit caractéristique que la jeune fille identifia facilement s’entendit. Mais au même moment, la porte de sa chambre s’ouvrit à la volée. Une violente aura de colère emplit la pièce, en se retournant, elle aperçut dans la pénombre un long serpent qu’elle reconnut immédiatement.
- Draco ? s’étonna-t-elle. Que fais-tu ici ?
Un bruit de tonnerre s’en suivit, alors que Raikou disparaissait en un éclair. Élodie se retourna vivement, surprise. Elle alla récupérer la Poké Ball tombée au sol et rappela son Gardevoir. Elle les remit toutes les deux dans son sac avant de se tourner enfin vers le Dragon resté à l’entrée.
Celui-ci s’était calmé dès que le tigre de foudre eut disparu. Inquiet, il s’approcha d’elle et se frotta à elle. Il lui laboura le visage de sa langue râpeuse, heureux qu’elle allât bien. Élodie tomba sur les fesses sous le poids du Pokémon et se protégea le visage de ses avant-bras. Draco était bien gentil, mais sa langue amicale était douloureuse pour toute cible ne possédant ni écailles ni poils.
Une fois qu’il eût cessé, elle prit son long corps dans ses bras, posa sa tête contre son cou et ferma les yeux, heureuse de le voir. Oubliant toute la frustration des deux dernières semaines. Elle avait compris que le Dragon était venu à sa rescousse quand il avait vu qu’elle était en danger. Elle ignorait pourquoi il était là, mais elle y vit une bonne occasion de se rapprocher de lui. Timidement, puis avec plus d’assurance ensuite, elle lui caressa le corps, joyeuse de le voir.
Ils restèrent ainsi quelques secondes de plus avant de se séparer. Élodie repensa alors à l’instant où Draco était arrivé. La seule fois où Raikou était apparu devant elle en personne, personne ne se trouvait près d’elle et il avait disparu dès l’instant où le Dragon était entré dans la chambre. Pourquoi ? Qu’est-ce que tout cela signifiait ?
Un autre fait étrange apportait d’autres questions. Lorsque sa Poké Ball toucha le corps du Pokémon Légendaire, un son fort caractéristique s’était fait entendre et il n’était pas entré à l’intérieur. Il n’y avait qu’une seule réponse possible à cet évènement :
Raikou appartenait déjà à un Dresseur.
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Edward Smith reporta encore un instant son regard sur les mots avant de retourner s’asseoir à son bureau. La phrase ne lui disait rien à lui non plus. Mais il avait plus urgent à régler. Il prit son téléphone du bureau et appela :
- Allo ? Edward Smith à l’appareil. Oui, c’est au sujet de Clara Galano. Oui… oui… brillante Dresseuse, elle tient de son père après tout.
Son visage s’assombrit avant de déclarer :
- Transmettez de ma part à votre agent infiltré : sa demande a été exécutée, Clara Galano n’a plus d’autre choix que de rester Championne.
Dans un murmure, comme s’il se résignait à dire le mot qu’il ne voulait pas dire, comme si cela lui arrachait la langue de le dire :
- Patron.
À SUIVRE