L'Archange de MissDibule

Le cercueil noir de la nuit emprisonnait funestement la chatoyante lune, clou après clou, étoile après étoile. Le linceul sombre et oppressant tomba alors sur le village terrifié par cette nuit sans lune pour éclairer cette pénétrante noirceur. La bourgade tremblait, frissonnait, et peinait à s’endormir ; les ténèbres paralysaient aussi bien le corps que l’esprit. Dans chaque minuscule crypte, chacun se confinait dans ses draps immaculés, mortifié par l’atmosphère morbide et les ombres mouvantes.

Poussée par le ciel qui la surplombait lourdement, une sombre force invisible pressait sa main de fer sur le petit village. La mort elle-même semblait menacer de sa faux la moindre âme vagabonde.

L’assourdissant silence semblait presque rassurant ; car le moindre son provoquait un soubresaut de l’âme elle-même. Nul n’aurait osé esquisser ne serait-ce que l’ombre d’un mouvement afin d’éprouver cette nuit d’encre. L’inquiétant noir de la nuit laissa pourtant bientôt place au serein sommeil noir des paupières salvatrices. La chaleur du feu chassa le froid mordant ; et sa lumière éloigna les ténébreuses ombres nocturnes. Les démons, repoussés par l’ardeur du foyer, s’en retournèrent alors vers les cieux.

Au crépuscule, à l’aube de l’aurore nouvelle, les cieux furent soudain déchirés d’un éclair surnaturel. Une aura luminescente transcenda les étoiles et s’éleva majestueusement dans l’éther telle une scintillante comète. Elle survola le village sans s’arrêter, et parvint jusqu’au lac, non loin du hameau. Elle se figea quelques instants, suspendue dans les airs au-dessus des eaux noires et troubles. Puis commença sa lente descente : lentement mais inexorablement, la silhouette se rapprochait de la rive fangeuse du lac sombre, jusqu’à en éprouver parfaitement toute l’impureté.

Désormais posée au sol, la présence contemplait les eaux agitées par les vents, illuminée d’un puissant halo vert fluorescent.

Un ange passa.

Le temps semblait figé. Le vent avait cessé. Les vaguelettes avaient laissé place à une placide étendue obscure. Pas le moindre bruit ne se faisait entendre.

Elle était enfin arrivée : l’heure de la nuit où les ténèbres engloutissent le temps lui-même.

Il était temps.

L’émanation laissa alors choir son âme à l’aura vert émeraude dans l’infâme fange et s’abandonna aux mortifères eaux noires du lac. Comme aspirée par le gouffre béant, elle s’enfonça presque aussitôt au cœur du lac. Le moindre mouvement la projetait vers l’abîme. Ce fut uniquement lorsqu’elle toucha le fond que la prisonnière des abysses comprit – trop tard – que c’était la fin.

Sa fin.