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Les Apôtres d'Erubin de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 17/03/2019 à 00:03
» Dernière mise à jour le 17/03/2019 à 00:03

» Mots-clés :   Amitié   Aventure   Drame   Mythologie   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 1 : La justice et le crime
Le Scarabrute ne quittait pas Dan des yeux. Il avait le regard du Pokemon typique en train de se demander si l’humain devant lui était comestible. D’ordinaire, les Pokemon sauvages se méfiaient des dresseurs de Pokemon. Ils savaient ce qu’ils étaient et ce qu’ils faisaient. Mais Dan, lui, n’était pas un dresseur, comme pouvait en témoigner son absence de Pokeball. En revanche, il avait autre chose : un Capstick. Le Scarabrute semblait ignorer ce que c’était. Dan ne pouvait pas trop lui en vouloir : il y avait peu de Pokemon Rangers dans la région Kanto.

Dan visa, et déploya son disque de capture, un appareil ressemblant à une toupie qui sortit à toute vitesse de son Capstick. Maintenant, il s’agissait pour Dan de ne pas lâcher le Scarabrute jusqu’à qu’il soit capturé. Pour cela, il devait faire tourner le disque de capture tout autour du Pokemon, jusqu’à que le Capstick émette un signal qui privera alors le Pokemon de tous ses sentiments agressifs, et le rendra docile. Telle était la capture pour les Pokemon Rangers.

Dan fit tourner le disque de capture tout autour du Scarabrute, le contrôlant à distance avec son Capstick. Le nombre de tours à effectuer avec dépendaient du Pokemon en question. Plus il était fort ou enragé, plus la capture prenait du temps. Le Scarabrute se défendit, tentant de détruire le disque de capture avec ses bras. Mais Dan n’était pas Top Ranger pour rien. Il était un maître des captures.

Quand il comprit qu’il n’arriverait pas à détruire la toupie autour de lui, le Scarabrute s’en prit au Pokemon Ranger. Avec son corps entraîné, Dan sauta en arrière pour éviter son attaque ses mandibules crochues, tout en continuant de faire tourner son Capstick. Le Scarabrute n’eut pas le temps de lancer une autre attaque. La capture fut achevée, et le Pokemon se détendit, acceptant Dan comme son nouveau maître. Le jeune homme rappela le disque de capture à lui et prit sa pose de victoire.

- Capture réussie ! Clama-t-il.

Il n’y avait personne à côté de lui pour l’entendre, mais Dan avait gardé l’habitude de cette phrase à chaque fin de capture. Une vieille manie depuis l’école Ranger. Et puis, généralement, ça impressionnait les gens, surtout les filles. Dan s’approcha du Scarabrute et lui tapota la tête.

- Alors mon vieux, il s’est passé quoi au juste ? Tu t’es réveillé du mauvais poil ?

Ce matin, Dan avait été appelé au Parc Safari de Parmanie par le gardien. Un Scarabrute du parc, pris de folie, avait attaqué plusieurs Pokemon et quelques visiteurs. Dans ces cas-là on appelait toujours les Pokemon Rangers. Dépendant de la Fédération Ranger, une organisation assez récente basée à Almia, les Pokemon Rangers avaient pour tâche de résoudre n’importe quel problème ayant trait aux Pokemon. Mais comme Kanto était une région comprenant énormément de dresseurs, qui pouvaient eux aussi intervenir, il n’y avait pas beaucoup de Pokemon Rangers sur place. De ce que Dan en savait, ils devaient être six en tout seulement à Kanto. Et Dan, en tant que Top Ranger, était le plus gradé.

Après étude, il apparut que le Scarabrute était blessé au dos. Il y avait une empreinte de morsure. Sans doute un autre Pokemon l’avait-il mordu, et le Scarabrute avait été pris de frénésie. C’était des choses courantes. On n’aurait pas fait venir un Pokemon Ranger pour ça, mais le Parc Safari était une chose à part. C’était la principale attraction de la ville, et le gardien n’avait voulu prendre aucun risque. Et puis bon, ça ne lui coûtait rien non plus. Les clients ne payaient jamais les Pokemon Rangers. Ces derniers étaient rémunérés par la Fédération Ranger tous les mois.

- Holà, un petit bobo hein ? On va arranger ça.

Dan tira un spray spécial blessure pour Pokemon de sa sacoche. En tant que Pokemon Ranger, il était formé et équipé pour prodiguer les premiers soins sur les Pokemon autant que sur les humains. Le Scarabrute, encore sous le coup de la capture, se laissa faire. Il y avait une légère différence entre une capture à la Pokeball et une capture au Capstick. Une Pokeball créait un lien de maître à serviteur ; elle était la preuve de la domination du dresseur sur le Pokemon qu’il avait capturé. Il n’y avait rien de tel dans une capture au Capstick. Il s’agissait seulement de transmettre au Pokemon des liens de confiance de la part du Pokemon Ranger. Un Pokemon capturé par Pokeball pouvait toujours se rebeller contre son dresseur. Ce n’était pas possible avec un Capstick.

Une fois le Scarabrute soigné et calmé, Dan le relâcha. Encore une différence entre les dresseurs : un Pokemon Ranger relâchait toujours le Pokemon une fois qu’il en avait terminé. Il y avait bien certains Rangers qui gardaient constamment avec eux un partenaire Pokemon, mais Dan n’en faisait pas partie. Non pas qu’il n’aurait pas apprécié la présence d’un ami Pokemon à ses côtés, mais parce qu’il préférait donner son amour à tous les Pokemon, et pas exclusivement à un seul.

Être Pokemon Ranger avait été son rêve depuis que la Fédération Ranger avait été fondée, il y a douze ans. Dan n’avait cessé de s’entraîner et d’étudier dans ce but. Bien qu’étant natif de Kanto, il est allé vivre trois ans dans la région Almia pour étudier dans la première et toute récente école des Rangers. Il avait ensuite passé une autre année à Almia en tant que Ranger confirmé, jusqu’à devenir Top Ranger et pouvoir choisir lui-même le lieu d’exercice de son travail, à savoir Kanto, sa région natale. Il n’avait que dix-neuf ans, mais savait sa vie déjà toute tracée. Il resterait Pokemon Ranger à Kanto jusqu’à que ses os ne puissent plus le porter. Tel avait été son rêve.

Dan sorti du Parc Safari en faisant un rapport au gardien, qui le remercia plus que de raison. Les remerciements des gens étaient pour un Pokemon Ranger une bien meilleure récompense que l’argent que la Fédération leur versait. Le gardien lui proposa d’aller boire un verre avec lui au bistro le plus proche. Ce n’était pas encore l’heure d’ouverture pour les visiteurs du parc, et le pauvre homme s’ennuyait. De nature empathique, Dan accepta volontiers.

- Alors comme ça, fit le gardien en lui tendant un verre de la meilleure bière de Parmanie, vous êtes le Top Ranger de Kanto ? Une chance de vous avoir eu vous.

- Bah, les autres Rangers auraient parfaitement fait l’affaire aussi, fit modestement Dan. C’est juste que j’étais de passage dans le coin.

- C’est quoi la différence au juste, entre un Ranger et un Top Ranger ?

- C’est juste un titre qui est décerné aux douze meilleurs Rangers, en fonction de leur habilité à la capture. Je suis le dernier arrivé. Les quatre qui bossent en permanence à la Fédération Ranger, à Almia, sont dix fois plus doués que moi. Eux, ils partent à travers le monde que sur des missions méga sérieuses, style catastrophe naturelle ou terrorisme. On a rarement de ça, à Kanto. C’est plutôt calme ici. La Team Rocket n’aime pas qu’on empiète sur ses plates-bandes.

- À qui le dites-vous ! S’exclama le gardien. Ces sagouins ont tenté plusieurs fois de m’acheter pour qu’ils aient une entrée facile au Parc Safari, afin sans doute de capturer tous les Pokemon qu’ils voulaient. Vous ne pouvez pas nous débarrasser de ces gens là, vous les Rangers ?

- C’est pas dans nos attributions, je le crains. On ne s’occupe que des problèmes liés aux Pokemon. Mais nous ne sommes pas flics. C’est au gouvernement d’agir.

Le gardien fit un geste méprisant de la main.

- On risque d’attendre longtemps, avec les Dignitaires. Heureusement, on a notre bon Conseil des 4 qui veille au grain et tient la Team Rocket à carreau.

Dan acquiesça. C’était vrai que la Team Rocket était un problème. C’était une organisation clandestine qui a été créé il y a un peu moins de trente ans, et que dirigeait une femme énigmatique que les Rockets eux-mêmes nommaient Madame Boss. Quand Dan était encore enfant, la Team Rocket n’était alors un regroupement de dresseurs de Pokemon idéalistes, qu’on aurait pu qualifier de « cool ». Mais avec le temps, ce groupe s’était transformé, commettant peu à peu des actes extrêmes voire criminels. Dan détestait le crime. Il méprisait tous ceux qui contrevenaient à la loi et qui corrompaient les braves gens. S’il n’avait pas tant aimé les Pokemon, il serait sûrement entré dans la police à la place de la Fédération Ranger.

Il laissa le gardien du parc lui payer une autre bière avant de filer. Un Pokemon Ranger pouvait avoir une mission d’un moment à l’autre, et valait mieux qu’il reste sobre pour pouvoir réussir ses captures. Mais après avoir patrouillé une heure ou deux dans les rues de Parmanie, il ne s’était dégoté aucun autre boulot. Ce n’était pas un mal bien sûr. Au contraire : si un Pokemon Ranger n’avait aucune mission, c’était que tout allait bien.

Mais Dan n’aimait pas rester inactif. Il avait vu, à Almia, certains Rangers de gardes dans des endroits quasi désert passer leur journée à jouer aux cartes. Ce n’était pas pour lui. Dan aurait pu rester dans son village natal de Surocal, avec ses parents et son jeune frère David, mais il ne s’y passait tellement rien qu’il aurait fini par déprimer. Aussi préférait-il patrouiller de ville en ville, parfois en forêt ou en montagne. Il allait finir par connaître la région Kanto par cœur.

- Dan ? Dan Sybel ?

Un homme l’avait appelé par son nom, et ils étaient peu à Kanto ceux qui pouvaient faire ça. L’individu se tenait à la sortie d’une pharmacie pour Pokemon, pourtant dans ses mains plusieurs paquets. Dan le reconnu aussitôt. C’était un homme dans la quarantaine, les cheveux châtains, et qui portaient une blouse blanche. Dan sourit en allant à sa rencontre.

- Samuel ! Fit-il en lui serrant la main. Vous êtes bien loin du Bourg-Palette. Qu’est-ce qui vous amène à Parmanie ?

- Le travail, répondit le dénommé Samuel en montrant ses paquets. Le professeur Erable m’a chargé de venir chercher des potions expérimentales pour Pokemon qu’on ne fabrique qu’ici. Et toi ?

- Le travail aussi. Un Scarabrute un peu furax qui a causé une belle frayeur au Parc Safari.

Samuel Chen était un scientifique en Pokemologie, et le premier assistant du célèbre professeur Erable de Bourg-Palette. Il avait été aussi un puissant dresseur il y a quelques années, jusqu’à devenir le Maître Pokemon de Kanto. Mais il s’était retiré du dressage pour se consacrer exclusivement à la recherche, laissant la place de Maître vacant, sous la protection du Conseil des 4. Dan l’avait rencontré il y a quelque mois, au cours d’une mission confiée par le professeur Erable visant à étudier un Tauros chromatique. Dan avait dû capturer le Tauros pour laisser Chen l’examiner. Un sacré Pokemon, ce Tauros chromatique ! Dan avait dû faire bien plus de cercles que d’habitude, et la bestiole avait bien failli embrocher ce pauvre Samuel.

- Alors, quoi de neuf dans votre charmant petit village ? Demanda Dan. Le professeur va bien ?

- Oui. En fait…

Chen hésita, puis dit :

- Le professeur Erable est confronté à un problème qui nécessitera peut-être l’intervention de la Fédération Ranger. Il avait dans l’idée de la contacter bientôt. Puisque tu es là, peut-être pourrais-tu apporter ton expertise de Top Ranger.

- C’est toujours un plaisir d’aider le professeur Erable.

Dan était sincère. Il admirait cet homme, qui avait fait énormément de choses. Pour les Pokemon, oui, mais pas seulement. Il avait à lui seul résolu pas mal de conflit dans le monde. En plus d’être un chercheur de renom, il était aussi un ambassadeur de la paix. De plus, le professeur Erable avait été un des maîtres penseurs du professeur Pressand, l’inventeur du Capstick des Pokemon Rangers.

- Quel est le problème ? Demanda Dan.

- Un gros, j’en ai peur. Apparemment, on voudrait priver Kanto de sa Forêt de Jade…


***


- Ver de terre ! Amène-toi ici !

Ayant passé deux ans de sa vie à s’entendre nommer ainsi, le jeune Vaslot ne put ignorer à qui Jorgand s’adressait. Il se leva, posa sa gamelle et s’avança à travers la planque jusqu’au bureau de Jorgand. Au passage, les autres membres de la bande ricanèrent et lui firent des croche-pattes. Quelqu’un lui envoya même un gruau de la pâtée dégueulasse qu’ils mangeaient sur la tête. C’était toujours comme ça. Vaslot n’avait que seize ans, et était le dernier arrivé dans cette bande. Il serait le bizut jusqu’à qu’un nouveau n’arrive, et peut-être encore après. Tâchant de rester impassible, comme d’habitude, Vaslot se présenta devant Jorgand avec tout le respect dont il était capable.

- Oui chef ?

Jorgand était le chef de la bande de brigands à laquelle Vaslot appartenait. Un type aussi sale que la planque dans laquelle ils vivaient. Il avait les yeux jaunes vitreux, des cheveux gras en désordre et une haleine constamment avinée. Son fidèle complice Judokrak, un Pokemon combat volumineux à la peau rouge, qui faisait office de garde du corps, se tenait à côté de lui, regardant Vaslot d’un œil mauvais.

- Dis-moi, Ver de terre, commença Jorgand, c’est quoi ce boulot salopé Au Palais des Milles Fleurs, hier soir, hein ? Tu devais juste prendre le pognon à l’accueil. Ce n’est rien de très compliqué, même pour toi, hein ? Et pourtant, tu es revenu quasiment les mains vides, forcé d’abandonner ton butin parce que les flics sont arrivés. Qu’est-ce que t’a pris autant de temps ?

Avant que Vaslot n’ai pu répondre, Jorgand continua :

- Oh, t’as pas besoin de me le dire. Tu n’as pas résisté à l’envie de culbuter une pute ou deux hein ? Mais ce bordel, tu devais le dévaliser, pas y prendre ton petit plaisir. Ouais, je sais, Midshaw m’a tout raconté.

Vaslot se tourna vers Midshaw, un des plus anciens de la bande. L’injustice était si flagrante que Vaslot en aurait hurlé. C’était ce crétin de Midshaw, et non pas lui, qui avait perdu du temps à violenter des prostituées de la maison close. Et voilà qu’il mettait ça sur le dos de Vaslot ? Le regard que Midshaw lança à l’adolescent était clair : tu parles, et je te tue après. Vaslot se força au calme. Il savait que Midshaw en était capable, et ce n’était sûrement pas Jorgand qui en ferai toute une histoire.

- Je suis désolé, chef, dit Vaslot, s’excusant pour une faute qu’il n’avait pas commis. Ça ne se reproduira plus.

Jorgand soupira, et fit signe à son Judokrak. Le Pokemon plaqua alors violement Vaslot contre le bureau, sous les rires des autres voleurs.

- Ahhhh, Ver de terre… Pourquoi je te garde encore, hein ? Tu sais combien de dettes ton vieux m’a laissé en crevant ? J’aurai dû te vendre pour me rembourser, toi et ta sœur. J’ai été trop généreux. Tu ne m’as jamais respecté, tout comme lui.

Judokrak aplatissait le visage de Vaslot sur la table au fur et à mesure que Jorgand parlait. Vaslot lui était plein de haine. Pas tellement pour Jorgand, qui le traitait toujours comme ça, mais pour son père. C’était lui qui était responsable de la situation. Son loser de père, qui avait travaillé pour cette pseudo-mafia de Bonport, aux ordres de la Team Rocket. Le père de Vaslot avait foiré un coup avant de se faire tuer par quelqu’un d’une bande rivale, ce qui avait couté pas mal d’argent à Jorgand.

Total, Vaslot était désormais forcé de travailler pour la bande à Jorgand pour nettoyer cette dette. S’il ne le faisait pas, Jorgand serait capable de le retrouver où qu’il aille et de le faire payer. S’il n’y avait que lui, Vaslot aurait bien tenté de fuir. Mais son crétin de père avait aussi laissé sa fille de quatorze ans. Vaslot était forcé de travailler, car sa petite sœur dépendait entièrement de lui à présent. C’était pour elle, Marine, qu’il subissait chaque jour les maltraitances de la bande et les violences de Jorgand. Le chef avait promis à Vaslot de capturer Marine et de la vendre comme prostituée si Vaslot ne payait pas la dette de son père.

- Je devrai te tuer maintenant, continua Jorgand. Ça me soulagerait vraiment, tu comprends ? Puis j’irai chercher ta jolie petite sœur. Elle se révèlera sans doute un meilleur investissement que toi, tu ne penses pas ?

Tous les autres éclatèrent de rire. Vaslot serra les dents, le visage toujours plaqué contre la table.

- Je paierai la dette de mon père, promit Vaslot. Je la paierai, et plus encore !

- Tu dis ça à chaque fois, mais qu’est-ce que tu m’as rapporté depuis deux ans au juste ? T’es aussi inutile que le ver de terre que tu es !

Jorgand l’avait toujours appelé Ver de terre. C’était là la faute à son nom de famille. Le nom de Vaslot était Worm. Qui voulait justement dire « ver de terre » en unysien. Jorgand soupira à nouveau, puis fit signe à son Pokemon de le relâcher, ce qu’il fit en l’envoyant voler sur le mur d’en face.

- Va nettoyer le garage, Ver de terre, ordonna Jorgand. C’est une mission à la mesure de tes talents, je crois.

En silence, Vaslot sorti de la pièce, les maudissant tous, mais maudissant encore plus son destin. Vaslot était un garçon intelligent, capable de beaucoup de choses, mais il était coincé avec cette bande de déchet, des malfrats de petite semaine qui devaient reverser 60% de leurs bénéfices à la Team Rocket chaque mois. Depuis deux ans que Vaslot travaillait dans le monde souterrain et criminel de la mafia d’Almia, il avait appris bien des choses.

Par exemple, Jorgand n’était qu’une petite pointure. Il aimait faire croire qu’il était un personnage important, sa bande de voleurs n’était rien comparé aux vrais pontes de la mafia. La Team Rocket était au sommet, certes, mais il y avait plein de branches qui s’entrecroisaient, et beaucoup d’organisation parallèle et parfois en conflit l’une avec l’autre. Vaslot avait bien étudié ce paysage-là les ramifications qui liaient les différents groupes hors-la-loi de Bonport, la ville la plus gangrenée par la mafia de tout Almia.

La mafia était un moyen de gagner beaucoup d’argent. En dépit de ce que disait Jorgand, Vaslot était un garçon très capable. Il savait qu’il pourrait faire son petit bonhomme de chemin dans le monde clandestin, servir une bande bien plus importante que celle de Jorgand. Mais il ne pourrait pas le faire tant que la dette de son père ne serait pas intégralement payé à Jorgand. Et en deux ans, hélas, il n’avait pas beaucoup avancé. Jorgand retenait tellement d’argent pour son logement, sa nourriture et les bêtises imaginaires qu’il reprochait à Vaslot que ce dernier n’avait même plus grand-chose à envoyer à sa sœur chaque mois. Et pourtant, il devait pas moins de 85.000 Pokédollars à Jorgand.

Mais il trouverait le moyen de réunir une telle somme. Il se l’était promit, quitte à tenter d’aller braquer une banque. Il n’allait certainement pas rester pourrir chez ces pouilleux de voleurs, et il devait assurer l’avenir de sa sœur. Marine était restée à Bourg-Chicore, au sud de la région. Elle vivait de l’argent que Vaslot lui envoyait. C’était assez pour qu’elle puisse survivre, mais pas assez pour qu’elle puisse réaliser son rêve : intégrer l’École Ranger. Leur mère était morte dans un accident il y a dix ans, et leur père n’avait jamais rien fait pour elle. Vaslot comptait bien permettre à sa sœur, la seule famille qui lui restait, de mener la vie qu’elle voulait mener.

En attendant, comme Jorgand l’avait ordonné, il alla nettoyer et ranger le garage. Une tâche des plus ardues, étant donné le désordre et la saleté qui y régnaient. De façon générale, aucun des membres de la bande n’était trop regardant sur la propreté. Vaslot lui-même avait appris à s’y habituer. Il ramassa les outils éparpillés et tenta de les remettre à leur place d’origine, pour si peu qu’il y en avait une. Il balaya le sol, et se mit à laver le vieux cabriolet de Jorgand. En lavant les vitres, il vit qu’il y avait un dossier posait sur la banquette, coté passager. Et la porte n’était pas fermée.

Vaslot hésita. S’il se faisait prendre en train de fouiner dans les documents du chef, il était un homme mort. Mais d’un autre côté, il avait appris quelque chose d’important durant ces années de vie criminelle : la connaissance était une puissante forme de pouvoir. Le souvenir de l’injustice de Jorgand poussa Vaslot à faire preuve de témérité. Il ouvrit rapidement la porte et pris le dossier, qu’il feuilleta avidement. C’était une liste de contacts et de clients. L’organisation au-dessus en faisait parvenir à toutes les bandes qu’elle contrôlait, et ces dernières y choisissaient leurs missions.

Il y avait là les trucs habituels : vol de bijoux, braquage d’épicerie, trafic de drogue, prostitution… Mais quelque chose retint l’attention de Vaslot. Un nom de la liste était raturé, avec à côté la mention, sans doute ajoutée par Jorgand : TROP DANGEREUX. Vaslot savait que son chef était une petite nature. Dès qu’il pensait qu’une mission comportait un risque pour lui, il y renonçait. Et pourtant, c’était ce genre de boulot qui rapportait le plus.

Vaslot lit rapidement l’intitulé de la demande, qui émanait d’un certain Mr Adreover Stylord, directeur des ressources humaines de New World Corporation. Ça, c’était peu courant. New World Corporation était une entreprise connue dans le monde entier, et très puissante. Qu’un de ses cadres fasse une demande à la mafia d’Almia était surprenant.

Mais la raison était vite évidente. La mission était de s’introduire au siège d’une ONG écologiste, le Vert de la Planète, basée à Véterville, pour y poser un colis. La nature du colis n’était pas indiqué. Vaslot imaginait sans mal qu’il devait s’agir d’un échange qui devait rester discret, genre gros dessous de table. C’était chose courante qu’une grande entreprise ait des liens plus ou moins secrets avec des organisations et associations.

Vaslot n’hésita pas bien longtemps. Puisque Jorgand ne voulait pas de la mission, Vaslot allait la prendre. Jorgand n’en saurait rien. D’ailleurs, Vaslot ne voyait pas pourquoi le chef avait rayé cette demande. Ça ne semblait pas si compliqué, et New World Corporation devait bien payer. Le jeune homme nota l’adresse de contact de ce Mr Adreover Stylord. Une fausse, sans nul doute. Un homme de sa position ne pouvait pas courir le risque que de petits criminels sachent où il habite. Mais là-bas, il y aura sûrement un moyen de le contacter. Comme Vaslot serait tout seul, il n’aurait pas besoin de partager la somme. Avec un peu de chance, il pourrait rembourser d’un seul coup sa dette.


***


Le Conseil d’Administration de New World Corporation était en pleine réunion extraordinaire. New World Corporation, en abrégé N.W.C, était une société récente mais en pleine expansion. Son domaine : les technologies et l’infrastructure. N.W.C bâtissait des immeubles, des hôtels, des centres commerciaux, voire des villes entières. Elle était devenue en peu de temps la patronne du bâtiment dans tout Johkan, et commençait à s’implanter ailleurs. Elle avait son siège social à Volucité, la mégalopole qui servait de capitale à la région Unys. NWC avait quelques liens avec le gouvernement, des liens qu’elle utilisait pour accroître sa réputation et son profit. Mais dans le même temps, la société avait aussi des liens avec le milieu clandestin, à savoir la Team Rocket et toute la mafia qui en découlait.

Le Conseil d’Administration était composé de six membres, dont le PDG, monsieur Kabora. Les cinq autres étaient respectivement le directeur de la recherche et du développement, le directeur des services, le directeur des ressources humaines, le directeur des investissements et le directeur de la communication. Tous n'étaient que des hommes, la plupart assez jeunes, à part le PDG Kabora, qui devait atteindre la soixantaine. Il avait les cheveux gris qui lui tombaient sur les épaules, et une courte barbe argenté en pointe. Ce fut lui qui ouvra la réunion.

- Mes chers collègues, notre réunion exceptionnelle peut commencer. Comme vous le savez tous, notre société a pour ambition de s’implanter partout où elle peut, et cela à n’importe quel prix. Humains ou Pokemon ; tous doivent dégager de là où nous voulons nous mettre. Tel est notre credo, et tel est notre puissance. Notre prochaine cible se trouve à Kanto. Cette immense forêt regorgeant de ressources au nord de Jadielle. Nous l’avons achetée aux Dignitaires. Nous allons la raser totalement et bâtir ensuite ce qui sera une nouvelle ville-usine entièrement automatisée, qui fera notre gloire et notre richesse.

Le PDG Kabora se leva, englobant ses cinq collègues du regard.

- New World Corporation porte notre idéal dans son nom : un nouveau monde. Rendons grâce à notre seigneur et maître de nous faire bénéficier des richesses de la corruption qu’il engrange. Rendons-lui grâce en apportant encore plus de corruption. Ce sera un nouveau monde que nous créerons. Un monde à notre image. Un monde à son image. Un monde sans Pokemon qui le pollue, sans morale qui nous enchaîne. Notre maître nous l’a enseigné : ce monde se nomme Venamia, et il est à notre portée. Loué soit notre seigneur Horrorscor !

Les cinq autres administrateurs répétèrent cette dernière phrase avec force d’émotion et de fanatisme dans la voix.

- Loué soit notre seigneur Horrorscor !