Chapitre 27 : La demande de Charlotte
- Tu la connais ?
- Pas le moins du monde, affirma Tsubasa à voix basse en reportant son attention sur son écran d'ordinateur avant que la nouvelle venue ne la remarque. N'attire pas l'attention sur nous histoire qu'elle s'en aille sans nous voir.
La jeune fille n'aurait jamais pensé que quelqu'un viendrait la chercher directement au sein de l'université. Seuls Stella, Dennis et madame Victoria connaissaient la véritable identité d'Axerola. Qui pouvait donc bien être cette femme à l'accoutrement de haute-qualité qui se tenait à l'entrée et scrutait chaque personne une à une pour la retrouver ? Une chose était certaine, cette personne ne lui était pas familière du tout, il s'agissait de sa première rencontre avec elle.
Tsubasa commençait déjà à imaginer le pire. Est-ce que l'inconnue était une employée du Codélia Network Industries ? Un membre du Cercle des Proxys ? Maintenant qu'elle y pensait, la première hypothèse était très plausible. Le grand frère de Dennis travaillait pour l'entreprise qui gérait le réseau. Et s'il avait dévoilé son identité pour aider son aîné ? Même si elle n'appréciait pas d'agir ainsi, elle ne traitait pas son camarade de la meilleure des façons depuis la finale du Festival Numérique.
Même sans la regarder, elle pouvait sentir que la demoiselle à sa recherche ne quittait pas la porte d'entrée. Tous les autres étudiants qui se trouvaient dans la pièce, que ce soit pour se divertir, préparer une présentation orale ou avancer dans un quelconque devoir d'informatique, avaient le regard tourné vers elle. Par élimination, elle ne mit donc pas longtemps à localiser Tsubasa, ce qui se confirma lorsqu'une élève de sa classe qui se trouvait dans la même rangée la pointa discrètement du doigt.
- Cette coiffure en double-couettes ne peut tromper personne, songea Charlotte, se rappelant de l'apparence de Tsubasa lors de sa rencontre IRL avec Victoria Viltrust.
Comprenant qu'elle était prise au piège, la jeune fille ferma machinalement toutes les fenêtres de son ordinateur pour ne pas dévoiler ce qu'elle était en train de faire. Elle souffla à Cyby sur un ton quasiment inaudible de la mettre définitivement en veilleuse pour ne pas révéler sa présence. Les pires idées commencèrent à envahir son esprit comme la possibilité que cette personne puisse être armée et souhaite la liquider pour récupérer l'intelligence artificielle.
- Madame Tsubasa Albiki ? demanda-t-elle une fois à sa portée. J'ai fait le déplacement pour vous rencontrer, serait-il possible de m'accorder un peu de votre temps ?
- Est-ce que j'ai le choix ? soupira la concernée, sachant pertinemment que les regards étaient tournés vers eux en ce moment.
- Bien sûr, je peux prendre rendez-vous si vous me donnez un créneau de libre, assura Charlotte avec un grand sourire, sans même que l'ironie ne soit perceptible.
- Laissez tomber, marmonna Tsubasa, éteignant l'ordinateur et attrapant son sac. Je ne sais pas ce que vous me voulez mais je suppose que c'est de l'ordre privé. Il vaudrait mieux aller ailleurs pour ça.
Suivie de près par l'inconnue, Tsubasa quitta la salle pour retourner dans le couloir. La personne l'accompagnant retira son haut-de-forme pour se fondre un peu plus dans la masse, même si sa robe ne pouvait pas tromper les passants. La jeune hackeuse avait beau l'observer, elle n'avait aucune idée de qui elle pouvait bien être. Le timing était bien trop précis pour que cela n'ait aucun rapport avec ses affaires personnelles.
Ni Tsubasa ni Cyby ne prononcèrent le moindre mot alors que les deux femmes marchaient dans le couloir, attendant d'atteindre la plus importante concentration d'étudiants où le brouhaha ambiant leur permettrait de converser sans qu'une oreille indiscrète ne les surprenne. Tsubasa souhaitait en terminer rapidement avec cette histoire pour s'assurer que cela n'aurait aucune incidence sur sa guérilla personnelle contre le Cercle des Proxys.
- Je peux savoir qui vous êtes ? demanda-t-elle alors, brisant le silence.
- C'est vrai que je ne me suis pas encore présentée, admit son interlocutrice, toujours l'air malicieux. Je m'appelle Marie-Anne Charlotte Geneviève Linday de Fravière. Nul besoin de te présenter en retour, je sais très bien qui tu es. Et je ne parle pas nécessairement de Tsubasa Albiki si tu vois ce que je veux dire.
Linday. Même si Tsubasa ne s'intéressait pas vraiment à ce genre de choses, elle savait qu'il s'agissait d'une famille aristocratique disposant d'une grande puissance financière à travers Ebravia. Mais pourquoi donc l'un des membres de ce clan viendrait en personne dans son université pour faire sa rencontre ? Perdue, elle en arriva à la conclusion que les Linday devaient avoir une part des actions du Codélia Network Industries et qu'elle agissait pour leur compte.
Ces derniers mots furent amplement suffisants pour que Tsubasa confirme que les objectifs de cette femme concernaient les événements actuels du Réseau Codélia, même si elle n'en avait jamais douté. Son cœur battait toutefois bien plus vite qu'à l'ordinaire. Comment avait-elle pu s'y prendre pour faire le lien entre une simple étudiante de cet établissement et la fameuse Axerola qui avait mis à mal le Festival Numérique ? Tsubasa s'était pourtant occupée elle-même de supprimer les données compromettantes de son profil.
En dehors de sa tenue vestimentaire, rien ne laissait supposer dans son apparence physique que la demoiselle Linday appartenait à une haute classe sociale. Elle ne portait pas de bijoux à valeurs astronomiques ni de nombreuses couches de maquillage. Elle ressemblait même un peu à Tsubasa, partageant la même chevelure brune et une silhouette aux contours similaires. De par son âge, elle aurait facilement pu être confondue pour une étudiante.
- Vous êtes là pour parler affaires alors ? Comment avez-vous fait pour me retrouver ?
- Une chose à la fois, s'il te plaît Tsubasa. Oui je sais que tu es la grande « justicière virtuelle » dont tous les médias autour du Codélia ne font que parler en ce moment. Mais je sais aussi que tu as une alliée donc peut-être que nous devrions rejoindre madame Viltrust pour parler plus librement. Elle donne des cours en ce moment ?
La situation se compliquait toujours plus à chaque phrase prononcée par cette Marie-Anne. Non seulement elle savait qui était réellement Axerola mais en plus, elle pouvait affirmer aisément l'implication de Victoria dans l'histoire. Selon le camp dans lequel elle avait décidé de se ranger, cette aristocrate pouvait démanteler non sans mal toute l'opération mise en place par le professeur et son élève et leur attirer de graves ennuis. Si elle comptait ignorer cette femme, c'était à présent exclu.
- Elle ne me plaît pas cette Linday... chuchota Cyby.
- Mets-la en veilleuse, pesta Tsubasa entre ses dents.
- Oh tiens, ne serait-ce pas là CE-01 ? questionna Charlotte, joignant ses mains et approchant son visage de l'écran de la Codéwatch de la jeune fille. J'avoue encore ignorer pas mal de choses à ton sujet mais je ferai de mon mieux pour combler ces petites lacunes. En attendant, j'espère bien m'entendre avec toi.
Cyby s'apprêtait à répondre par une remarque sarcastique mais préféra se taire en croisant le regard de Tsubasa. Malgré leurs différends, ils semblaient au moins s'être mis d'accord sur une chose. Cette Linday était problématique. Si elle lui annonçait maintenant être alliée avec le Cercle des Proxys ou le CNI et qu'elle venait simplement pour faire pression, elle ne saurait pas comment réagir. Il fallait à tout prix mettre madame Victoria au courant le plus vite possible.
- Seriez-vous hackeuse Marie-Anne Char...lotte ? demanda Tsubasa tandis qu'elles atteignaient les escaliers au fond du couloir. Vous êtes parvenue à contourner mon profil d'une manière ou d'une autre, non ?
- Je t'en prie, mon nom complet est trop formel et trop long, tu peux m'appeler Charlotte. Et pour répondre à ta question, non. Je n'y connais absolument rien en informatique. Tout ce que je sais, c'est que la signature digitale figure sur les profils mais alors l'extraire pour l'analyser, c'est au-delà de mes compétences. Il y a des moyens plus conventionnels.
- J'ai peur de ne pas comprendre…
- J'en parlerai plus en détail quand nous aurons rejoins madame Viltrust. Certes, c'est toi que je cherchais mais vu que vous travaillez en alliance, je préfère m'adresser à vous deux en même temps.
***
- On a encore deux heures avant l'amphithéâtre de physique de l'après-midi. Donc je te propose que nous commencions par une mise en bouche de ton entraînement dès maintenant, annonça calmement Aya de son ton morne.
- Tu es vraiment certaine que cela ne te dérange pas ?
Dennis cherchait toujours à assimiler toutes les révélations qui venaient de lui tomber dessus les unes après les autres. La première, et pas des moindres, était celle concernant le pseudonyme d'Aya Milani au sein du Réseau Codélia. Le jeune homme n'aurait jamais pu deviner que depuis le début des cours à l'université, il se trouvait dans la même classe que la fameuse Elkira. Lui qui éprouvait presque une vénération pour les dresseurs d'élite de la plate-forme se sentait mal à l'aise en sa compagnie à présent.
Le reste concernait cette femme qui était entrée en contact avec Aya pendant leur conversation. Marie-Anne, le quatrième et plus jeune enfant du défunt chancelier Linday. Dennis ne pouvait pas savoir quelle relation sa camarade déléguée entretenait avec l'aristocrate et n'osait pas vraiment lui poser la question pour le découvrir. En revanche, le fait qu'elle semble opérer comme cyber-chasseuse et en avait après Tsubasa ne présageait rien de bon.
Après un passage à la cafétéria de l'université, où Aya avait refusé de se prendre à manger, Dennis et elle avaient rejoint l'une des salles spéciales de l'établissement réservées au Réseau Codélia. Les étudiants pouvaient s'y rendre et prendre place dans l'un des nombreux fauteuils pour rejoindre la dimension virtuelle sans prendre de risques en laissant leurs corps derrière eux. Cette pièce serait le point de départ d'un entraînement intensif pour Dennis.
- Je suis un peu nerveux, avoua le garçon, ses yeux posés sur la Codéwatch accrochée à son poignet. A vrai dire, je ne me connecte pas souvent sur le Réseau Codélia. Et certainement pas en compagnie d'une dresseuse aussi forte et haut placée.
- Tu n'as pas à avoir peur, je serai là pour te guider, assura Aya en jetant un coup d’œil autour d'elle dans la pièce. Par contre, évite de faire des allusions à Elkira. Si j'ai fait le choix de te révéler qui j'étais, je ne tiens pas non plus à le dévoiler publiquement.
- Bien entendu, tu peux compter sur moi !
- Nous allons nous connecter sur la cité Codélienne et participer à l'événement hebdomadaire. En faisant des combats, tu gagneras des points en plus de t'entraîner et tu pourras t'acheter une planche personnalisée pour la Haute-Vitesse. Et pourquoi pas des éléments pour ton avatar si l'envie t'en prend. Je vais légèrement altérer le mien. Si des utilisateurs viennent à ma rencontre pour des autographes toutes les cinq minutes, nous n'allons pas nous en sortir.
Dennis n'avait jamais douté que les stars de la dimension numérique utilisaient la tactique du changement d'avatar pour se faire discrets en dehors des compétitions. S'il fallait généralement débourser de l'argent pour acheter des pièces, il était toujours possible d'en gagner par le biais des événements organisés. Cette tactique ne changeait pas le pseudonyme qui apparaissait sur le profil mais quand Dennis lui en fit la remarque, Aya lui révéla que cela ne poserait aucun problème.
Se rappelant d'un détail qui avait failli lui échapper avec tout ce qui venait de passer, le garçon décida de montrer le programme mystérieux reçu la veille à Aya pour qu'elle puisse lui dire ce qu'elle en pense. La fille aux cheveux noirs de jais n'avait pas à rougir de Tsubasa concernant ses capacités en informatique, terminant toujours tous les exercices avec la même aisance que cette dernière. Aya posa son regard sur l'écran de téléphone de Dennis pendant une bonne minute le temps d'analyser la structure du code.
- C'est un programme étrange... dit-elle. En tout cas, je peux t'assurer que ça ne renvoie aucune erreur. Visiblement, ça a l'air de permettre de stocker quelque chose que tu peux récupérer sur le flux du circuit Haute-Vitesse. Je serai bien incapable de te dire quoi, en revanche.
- Tu as au moins pu me dire précisément à quoi ça sert, ce n'était pas indiqué dans les commentaires. Je t'en remercie. Je testerai ça pour en avoir le cœur net.
- Il est un peu bizarre le code. Il me donne l'impression que deux personnes avec des approches différentes se sont penchées dessus…
***
- Le week-end de la semaine prochaine, ça te va ?
- Je ne pense pas qu'elle ait quoi que ce soit de prévu ce jour-là, ce sera parfait ! assura Victoria.
Le professeur d'informatique concluait sa discussion téléphonique avec son ancien camarade de classe, contente d'avoir réussi à le solliciter pour une future entrevue avec Tsubasa. Elle ne comptait pas le déranger davantage, histoire que Takeru puisse se concentrer pleinement sur ses concours qui arrivaient dans quelques jours. Si tout se passait bien pour lui, le garçon pourrait lui aussi poursuivre une carrière dans l'enseignement, tout comme sa meilleure amie.
Éteignant son téléphone, Victoria reporta son attention sur son écran d'ordinateur. Elle devait encore donner un cours dans l'après-midi mais elle disposait d'un peu de temps libre pour se pencher sur le programme de stockage des Cybéri-attaques qui serait bientôt finalisé. Comme elle ne pourrait pas savoir quand le Cercle des Proxys frapperait pour récupérer Cyby, elle se devait de compléter le code le plus rapidement possible.
L'étape suivante serait de tester si l'acquisition de ces nouvelles facultés se faisait correctement. Bien sûr, Tsubasa ne pourrait pas s'en occuper mais Victoria disposait encore de la carte de l'anonymat. Personne ne savait encore que Deltaziroh avait formé une alliance avec Axerola, cela lui laisserait une marge de manœuvre. Elle savait toutefois qu'elle devrait se montrer prudente et ne pas attirer l'attention. Si un Proxy surveillait le réseau et se rendait compte de l'existence du programme, la situation se compliquerait.
- Madame Victoria, il faut absolument que je vous parle ! s'exclama la brunette, ouvrant la porte de la salle de cours avec fracas, prenant la jeune femme blonde complètement par surprise.
- Et bien Tsubasa, qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Victoria, perplexe, levant les yeux de son écran pour les poser sur son élève alors que cette dernière reprenait son souffle.
- C'est à propos de…
- … de moi, je suppose ? compléta Charlotte d'une voix amusée en apparaissant sur le seuil à son tour.
La cyber-chasseuse entra alors dans la pièce en refermant la porte derrière elle. Son chapeau toujours dans sa main, elle le déposa sur l'un des sièges où les étudiants s'asseyaient pour faire face à leurs ordinateurs. Décontenancée, Victoria attendit qu'elle ait pris place comme une simple élève afin qu'elle puisse se présenter. Une femme en robe blanche qui se baladait dans l'Université Vermillion, ce n'était pas commun. Victoria avait de plus l'impression de l'avoir déjà vu auparavant.
La nouvelle venue dissipa rapidement le mystère concernant son identité alors que Tsubasa rejoignait son professeur, le visage crispé. Si Victoria regardait de moins en moins la télévision, elle ne tarda pas à reconnaître la fameuse Marie-Anne de la famille Linday, même si elle avait donné le prénom de Charlotte. Toujours tout sourire, la demoiselle ne tarda pas à se rendre à l'essentiel. La raison de sa venue dans un établissement où elle n'avait pas sa place.
- Je souhaitais vous parler, Axerola et Deltaziroh. Et comme ce serait irrespectueux de me présenter à vos domiciles, surtout quand madame Viltrust n'en a même pas un de listé, j'ai préféré passer par la case université. Là où une étudie et l'autre enseigne.
- Mais comment... balbutia Victoria avec effroi, sa réaction étant très similaire à celle de Tsubasa auparavant.
- Comment j'ai pu découvrir vos identités respectives ? compléta Charlotte, les yeux brillants. C'est assez simple en réalité. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, je ne me suis pas préoccupée de vos profils ou je ne sais quoi, l'informatique et moi ne sommes pas bons amis. Disons que j'étais dans le coin le soir de la première finale du Festival Numérique. Quand Axerola et Unknown, ou plutôt Deltaziroh, ont décidé d'organiser une rencontre IRL.
Le stress que Tsubasa ressentait depuis sa première entrevue avec la demoiselle s'estompait au fur et à mesure qu'elle poursuivait ses explications. Ainsi donc, Axerola avait attiré l'attention du Codélia Network Industries avant les événements du Festival Numérique et Charlotte, en bonne cyber-chasseuse, avait reçu la mission d'enquêter sur elle. Et le soir d'activité d'Unknown, elle avait touché le gros lot, recevant la récompense pour ses efforts deux jours plus tard en apprenant les véritables identités des deux filles.
L'appréhension laissait sa place à la frustration quand la brunette réalisa que c'était entièrement de sa faute si elle et son institutrice en étaient arrivées là. Cette Linday avait dû faire preuve d'une extrême discrétion pour ne pas se faire prendre pendant une telle filature ce soir-là. Mais vu qu'elle affirmait être une cyber-chasseuse, ce genre d'opérations délicates devaient faire partie de son quotidien. Pensant être prudente jusqu'ici, Tsubasa songea qu'elle allait devoir redoubler encore plus d'attention par la suite.
- C'est bien beau tout ça mais cela ne nous dit pas ce que vous venez faire ici, intervint-elle.
- Patience, madame la « justicière virtuelle ». J'allais justement y venir. Même si le Codélia Network Industries garde précieusement ses secrets, j'ai tout de même pu glaner quelques vagues infos ci-et-là sur CE-01. Mais comme vous l'avez avec vous, je me doute que vous en savez autant que moi, si ce n'est davantage. C'est la curiosité qui m'amène, pour être honnête.
- Nous n'avons pas vraiment de raisons de vous faire confiance madame Linday, soupira Victoria. D'autant plus que vous avez des rapports étroits avec le CNI, qui sont également des adversaires dans cette affaire tant que nous n'en aurons pas fini avec le Cercle des Proxys.
- C'est vrai, je l'admets.
Charlotte sortit alors un dépliant de son sac à main qu'elle tendit à Tsubasa, qui y jeta un coup d’œil bref sans savoir à quoi s'attendre. Il s'agissait de la présentation d'une entreprise de robotique appelée Phoenix System, spécialisée dans l'industrie de robots ménagers et des technologies avancées. La jeune hackeuse n'en avait pas vraiment entendu parler jusqu'ici mais elle ne s'était pas penchée sur ce domaine qui ne le passionnait pas au même titre que l'informatique.
La cyber-chasseuse ajouta qu'elles n'avaient pas de soucis à se faire concernant ses connaissances personnelles. Si elle ne pouvait nier l'existence de ses rapports étroits avec le CNI, elle ne révélait jamais des véritables identités et refusait même les missions à ce sujet. Elle n'avait pas l'intention de vendre Axerola ou Deltaziroh à la société ou aux Proxys, préférant rester neutre dans ce conflit qui prenait forme. Elle demeurait toujours curieuse de voir jusqu'où ce duo atypique pourrait aller.
- Je connais un peu Phoenix System, révéla Victoria, songeuse. J'étais intéressée par l'idée d'acheter un robot qui pourrait me faire le ménage dans mon véhicule, ce qui pourrait me faire gagner du temps. Mais les prix m'ont très vite refroidie, hélas…
La plus jeune fille du chancelier Linday leur expliqua alors que Phoenix System était une des nombreuses entreprises qui furent autrefois financées grâce à sa famille. Son directeur, un ancien ami de son père, était à présent devenu son principal allié et confident lors de ses affaires. En tant que cyber-chasseuse sans le moindre talent en informatique, elle nécessitait le soutien de quelqu'un qui disposait d'une certaine expérience en la matière.
Mister Phoenix avait très rapidement montré son intérêt vis-à-vis de cette mystérieuse intelligence artificielle qui errait sur le Réseau Codélia. Même avec les progrès technologiques actuels, une IA qui disposait d'une logique proche des humains restait encore un rêve pour tous. Il souhaitait la voir de plus près, ce qui était une autre raison qui poussait Charlotte à passer par l'Université Vermillion. Grâce aux découvertes de son amie, Mister Phoenix avait peut-être la chance de réaliser son rêve du moment.
- C'est donc Cyby qui vous intéresse, comprit Victoria en s'appuyant sur son fauteuil.
- Cyby ? Oh je vois que vous lui avez donné un petit nom. Comme c'est mignon. Cyby est une diminution de Cybéria, je suppose ?
- Avec le recul, je commence à bien l'apprécier cette fille... intervint le concerné.
- Tu m'en vois ravie, chère intelligence artificielle. Sache que tu t'entendrais très bien avec ce cher Phoenix. Ces temps-ci, il me parle de toi en permanence et meurt tellement d'envie de te voir en chair et... bref, de te voir. Du coup, est-ce que vous accepteriez de m'accompagner jusqu'à Phoenix System ? demanda-t-elle en s'adressant aux deux filles. Je ne vous en tiendrai pas rigueur si vous refusez mais je pense que dans votre situation, il est préférable de s'entourer d'alliés.
Tsubasa ne savait pas quoi répondre, jugeant que son professeur serait plus à même de prendre la meilleure des décisions. Mais si elle devait se fier à son propre instinct, décliner la proposition serait préférable. Elle ne parvenait pas à faire entièrement confiance à cette femme, d'autant plus quand on prenait en compte sa profession. Dans sa situation actuelle, elle ne pouvait pas se permettre de l'accorder à n'importe qui.
Victoria croisa les bras en s'enfonçant dans son siège, pensive. Contrairement à son élève, elle n'avait pas d'apriori particulier concernant la demoiselle Linday. En tout cas, la femme blonde était bien d'accord sur le dernier point qu'elle soulevait, se faire inutilement des ennemis maintenant serait stupide. Même si Charlotte leur certifiait qu'elle n'allait pas les vendre à leurs adversaires, il valait tout de même mieux éviter de prendre des risques.
- Nous ne vous céderons pas Cyby. Du moins pas tant que nous n'aurons pas réglé nos propres affaires, déclara-t-elle sereinement. Mais rien ne nous empêche d'aller rendre une petite visite à ce Mister Phoenix pour qu'il puisse au moins l'observer de plus près. Par contre, il y a quelque chose que j'aimerais savoir.
- Je vous écoute, madame Viltrust.
- En échange de cette rencontre avec Phoenix, votre société ne pourrait pas me céder gratuitement un robot capable de corriger des copies de contrôle ?
- Je crains que vous risquiez de perdre votre emploi si vous laissez une machine faire le travail à votre place, madame Viltrust, répondit Charlotte en retenant un rire.