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Une Légende s'éveille... de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 02/03/2019 à 18:19
» Dernière mise à jour le 03/05/2019 à 17:11

» Mots-clés :   Hoenn   Mythologie   Organisation criminelle   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 9 : Survivre
Nous sommes toujours sans nouvelles de l’ Essex, ce baleinier affrété par la Ligue pour sécuriser nos eaux, depuis la tempête au cours de laquelle le contrôle maritime de la Région a perdu le contact avec lui, il y a deux semaines. Le Maître se veut rassurant, assurant que si cette expédition doit échouer une autre partira, qui serait d’ailleurs déjà en cours de préparation dans nos chantiers navals. Cependant, les reporters que nous y avons envoyés n’ont pu y noter aucune activité.

Max reposa le journal et but une gorgée du café serré qui l’attendait, posé sur la table. Il ne parvenait pas à trouver rassurants ces communiqués officiels. Depuis que l’Essex était… injoignable, le seul réconfort qu’il avait trouvé était un entrefilet paru quelques jours plus tôt, qui se voulait explicitement le moins rassurant possible.

Depuis plusieurs jours maintenant, aucune attaque de récolteur n’a été recensée. Il est cependant bien trop tôt pour crier victoire comme le font certains enthousiastes. Oui, il est possible que le Maître des Flots ait quitté nos eaux ; mais de récents rapports incitent à en douter.

L’un des cours qu’il avait suivi, quand il était encore sur les bancs de l’université, apprenait à lire entre les lignes des journaux en fonction de la situation politique du moment. Son œil averti reconnaissait donc une implication du gouvernement dans la rédaction afin d’éviter un excès d’enthousiasme. Il voulut prendre une autre gorgée de café, mais se rendit compte que sa tasse était vide.

Ah, je vois que t’as soif, Max ! Je te remets quelque chose ?

– Oh, ton café est très bon, Bill. Mais non merci… Tiens, mets-moi plutôt ce machin qu’Arthur te prenait toujours.

– Ça arrive !

Le tenancier du Café du port retourna dans son antre, pour préparer sa mixture. Max avait agi par impulsion. Il savait très bien que l’alcool ne lui faisait pas du bien. Mais c’était sans importance. Plus rien ne lui semblait avoir d’importance dans le monde. Pas parce que soudainement, il avait dû admettre l’existence de Pokémons divins, mais simplement parce qu’il se sentait seul. Lui, le rat de bibliothèque solitaire par excellence ! Tous les gens qu’il connaissait et appréciait étaient… partis. Il ne lui restait guère que Kelvin, qui était à peu près aussi solitaire. Belle société.

Et voilà ! Fais gaffe en le buvant, par contre. La première fois, c’est raide !

– Merci, je serai prudent.

Bill le laissa seul. Max laissa son regard dériver, vers le port, vers la rade d’où le meilleur ami qu’il ait jamais eu s’en était allé. Pour ne plus revenir. Il leva son verre.

À ta santé, Arthur… Où que tu sois, c’est sans doute mieux que cette Région morte.

Il avala prudemment quelques gouttes du liquide douteux. Ce qui lui rappela la fois où il s’était brûlé la langue en faisant un barbecue, à cause d’une braise qui volait. Il aspira une grande goulée d’air.

Le temps que ses nerfs gustatifs arrêtent d’essayer de l’électrocuter, un nouveau navire était apparu, en approche de la rade. Max se dit que le temps de finir son verre, ce navire serait peut-être amarré quelque part.

Il avait tort. Arrivé à la moitié, il pouvait déjà en discerner les contours assez précisément. Il avait cependant des doutes sur ce qu’il voyait. L’alcool embrumait sûrement ses sens, embrouillait sa perception, ou…

Non ; autour de lui, les gens devaient voir la même chose, car ils regardaient tous vers le navire. Si on pouvait appeler ça un navire. Il posa son verre. Les conversations qui agitaient la terrasse du café se flétrirent et moururent. Le port tout entier se laissa peu à peu gagner par le silence.

Max se leva et se dirigea vers le quai, tout proche. Il ne fut pas le seul ; bientôt, les rambardes en fer grouillaient de monde. Si l’Essex avait compté rentrer au port discrètement, c’était raté.

Il était dans un état pitoyable. Selon toute vraisemblance, la quille qui le rendait si lourd n’était plus là : le navire gisait sur le flanc, laissant les badauds contempler sa coque externe éventrée. Celle-ci s’épanouissait autour de lui comme une fleur, et sa partie immergée devait être pleine d’eau.

La coque médiane n’était pas intacte, elle non plus. La quille y avait laissé des marques en s’arrachant ; cela avait dû être violent. Le centre était enfoncé, l’acier plié comme du carton. À l’arrière, une hélice de fortune battait les flots ; elle était reliée aux moteurs par des câbles qui passaient au travers d’ouvertures pratiquées dans la coque, et son axe était fixé à celle-ci par des soudures visibles, bâclées.

Les restes du navire qui avait quitté le port pour la gloire un mois et demi plus tôt faisaient penser au Radeau de la Moyade. Dans la lenteur de leur déplacement, il y avait cependant une forme de dignité, que n’avait pas la peinture.

L’Essex rentrait au port. Mutilé, déchiqueté même, mais majestueux dans sa déchéance. Il rentrait abattu, mais pas vaincu. Son apparence ravagée était la meilleure bannière possible pour sa gloire. À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire ; et le baleinier affichait sur lui, presque fièrement, les cicatrices des périls auxquels il avait survécu.

***

Rien n’avait changé. Ici, rien ne changeait jamais. On s’affairait et on montrait qu’on n’avait pas de temps à consacrer à qui que ce soit, mais on n’avait rien à faire. On passait dans les couloirs rapidement, comme si l’on était important, mais toujours en évitant de sembler pressé, d’apparaître dans une posture fâcheuse.

Les apparences avant tout. On signifiait son mépris à ses égaux, son dédain à ses inférieurs, et sa propre supériorité à ceux auxquels on devait des comptes. Même le mobilier vous faisait sentir à quel point il vous était supérieur.

Toujours ces parquets cirés, ces meubles en bois laqués, ces costumes proprets, ces éclairages tamisés, ces mille personnes qui toutes arboraient le même visage. Jamais rien de vivant, jamais une trace d’humanité ou de compassion, jamais l’innocence d’un Pokémon joueur, guère que des plantes et des robots qui vous ravalaient plus bas que terre.

Arthur détestait cet endroit. Mais le Maître de la Ligue l’avait convoqué. Il pouvait difficilement refuser ce qui était censé être un honneur, gracieusement accordé pour le succès de son expédition. Un tel malentendu le laissait encore plus révulsé.

On l’introduisit auprès du plus puissant dresseur de la Région. Le valet s’inclina avec obséquiosité, ressortit du bureau et ferma silencieusement la porte derrière lui. Arthur n’avait pas l’intention d’être le premier à parler : ce serait un aveu de… Il ne savait même pas vraiment ce qu’il ne voulait pas inspirer à son interlocuteur. Orgueil mal placé, triomphe, morgue insupportable… Il examina le mobilier. Un bureau taillé dans le granite, qui devait être capable de ruiner le parquet en chêne si on le déplaçait maladroitement. Une fenêtre, ouverte sur le bras de mer qui séparait la Ligue de Hoenn, mais pour l’instant, fermée. Des étagères, partout, qui exposaient sous verre des roches banales. Est-ce qu’on pouvait vraiment faire comprendre leur médiocrité et leur ignorance aux visiteurs avec des étagères ?

Loin de moi l’idée de vous offenser, mais je vous trouve bien songeur pour quelqu’un qui revient en sa Région natale ainsi que vous le faites.

Le Maître s’était donc lassé de le voir contempler ses expositions…

Ainsi que je le fais, hein ? Non. Les foules se sont enthousiasmées trop vite, Monsieur.

– Vraiment ? Il est pourtant indéniable que votre expédition revient victorieuse. S’est-on trompé en vous imputant la fin de la terreur qui décimait nos navires, et en en posant la date à il y a deux semaines, après que vous devîntes impossible à contacter, lorsqu’on a vu votre navire rentrer au port malgré un état qui trahissait, non seulement votre héroïsme face à un rude combat, mais encore l’incapacité de votre adversaire à vous porter un coup de grâce, laquelle ne peut participer que de sa défaite ?

– … Je ne pense pas avoir saisi tous les termes de votre dernière phrase. J’en comprends l’essentiel cependant : vous croyez que parce que notre navire n’a pas encore coulé, K… le Maître des Flots, est vaincu ? Non.

– Vous résumez, sinon la lettre de ma pensée, du moins l’esprit. Bien, exposez-moi donc les raisons qui vous font vous voir comme revenant d’un échec.

– Sept morts.

– Allons, ne croyez pas que cela arrêtera la liesse. Leur mémoire sera célébrée, ils deviendront les nouveaux héros de la Région.

– Ben voyons. Vous voyez peut-être beaucoup d’avantages à l’apparition de tels héros sous votre règne, mais ça ne change rien pour eux – non, laissez-moi finir – et ça ne vous aidera en rien quand le Maître des Flots reviendra.

– Quand il… Je vous demande pardon ?

– Nous ne l’avons pas vaincu, Rochard. Un jour ou l’autre, il reviendra, et des héros n’y changeront rien. Un baleinier seul, c’était presque du suicide ! Prenez ça comme une recommandation : vous avez de très bons chantiers navals, dirigés par des gens compétents, et vu le désastre que nous risquons tous, vous n’avez vraiment pas intérêt à les mettre à la rue.

***

Tu lui as dit quoi ?

– Eh bien, je me suis senti une dette morale vis-à-vis des gens qui ont réparé l’Essex. Pour le résultat qu’on connaît, d’ailleurs…

En disant ces mots, Arthur ne put s’empêcher de porter son regard vers l’épave, qui était amarrée à quelques quais de là. Elle serait désossée et recyclée, mais aucune mesure n’avait encore été prise.

Il ne naviguera plus jamais. Trop d’avaries, dont les plus graves ne tiennent pas à la coque. Matthieu était triste, mais à côté, il a jamais été fan du transport d’algues. Du coup, il laisse couler. Nan, c’est vraiment le sort de ces pauvres gars-là qui m’a attristé, sur le coup. Ils ont donné le meilleur d’eux pour rénover le bateau de fond en comble, et un mois plus tard, on casse tout. Sur le coup ça m’a semblé juste de leur assurer un avenir.

– C’est noble de ta part, Arthur.

– Merci.

– Et voilà, un secret de la maison !

Bill venait d’arriver avec la commande d’Arthur. Prendre un cocktail au Café du port lui avait semblé la meilleure chose à faire à son retour. Avec la convocation officielle, survenue avant même que qui que ce soit n’ait débarqué de l’Essex, ça n’avait pas été possible. Mais maintenant, il était assis là, devant la rade, avec son verre et une histoire à raconter. Presque une journée normale.

Merci Bill !

– Comment diable fais-tu pour supporter ça ?

– Ha ha ha ! Vous n’avez pas apprécié mon cocktail, tout à l’heure ?

– Si, mais ça arrache.

– J’y crois pas ! Tu lui as commandé ça ? Avec ta résistance à l’alcool ? Max, les évènements des deux semaines passées ont déteint sur ta santé mentale.

Bill s’éloigna en riant toujours à gorge déployée, mais entre les deux amis, la boutade tomba à plat. Bien sûr qu’ils pouvaient tous les deux douter de leur santé mentale.

Bref. Je… Je regrette un peu de t’avoir envoyé boulé y’a trois semaines, au fait.

– C’est pas grave, Arthur. On était tous sous tension, et j’ai moi aussi été plus brusque que nécessaire. Mais dis-moi, que s’est-il passé ensuite ?

Arthur prit une gorgée du tord-boyaux de Bill, puis se lança. Il raconta la poursuite anxieuse, l’attente avant la bataille. La stupeur quand Kyogre avait disparu, pour réapparaître un peu après. L’armée qui les avait encerclés. Le défi lancé par le dieu, auquel ils avaient répondu. Le combat, âpre, sans merci, sans espoir. Il trembla en se rappelant la vague monstrueuse, mais aussi en évoquant, tout au long de son récit, les marques de l’intelligence du Titan. C’était peut-être ça, le plus effrayant. Pas sa puissance, ni sa capacité à se faire obéir des autres Pokémons. On considérait généralement que l’Humain était la seule créature intelligente de la planète, que les Pokémons n’avaient que des consciences embryonnaires.

Pas Kyogre. Lui pouvait égaler le cerveau humain. C’était une force de la nature, et il était capable de se diriger sur un adversaire, choisi par la logique – ou par une forme de compassion envers les Pokémons exploités, peut-être. Il conjuguait la dangerosité d’une catastrophe naturelle et d’un stratège. Arthur en parla pendant assez longtemps à Max. Il avait besoin de dire ces réflexions qu’il avait mûries. Kyogre avait choisi l’Humanité comme cible, volontairement. Il pouvait le refaire.

Max posa une main compatissante sur son bras. Lui aussi comprenait les implications de leur aventure. Peut-être y réagissait-il différemment, mais cela n’avait pas d’importance. Ils pouvaient tous deux partager leur fardeau, la peur de devoir disputer le monde à une entité divine.

Où en étais-je, déjà ?

– Tu n’avais plus de balls, et Kyogre se colle au navire.

– Merci. Après ça, il a plongé. J’ai été plutôt soulagé, jusqu’à ce qu’il flanque une grande Tête de Fer à la coque. J’ai à peine eu le temps de sauter loin du navire qu’on retombait déjà. T’aurais pas aimé, avec ton mal de mer.

– Le simple fait d’être englouti sous cinquante mètres d’eau me semble déjà inhumain.

– … C’est pas loin. J’avais sauté assez loin de l’Essex pour ne pas souffrir des remous provoqués par son propre plongeon, mais ça non plus ça n’a pas été très marrant. Quand je suis remonté à la surface, le premier truc que j’ai vu, c’était Kyogre.

Il avait pas anticipé la masse de la quille. Du coup, il avait un énorme hématome sur le front. J’appelle pas ça un bleu parce que Kyogre tout entier est bleu, et que ça tirait franchement sur le violet. Et à l’entendre, ça faisait mal. Par la suite, il est reparti. Sur le rafiot, on a d’abord pensé qu’il reviendrait nous terminer, mais il n’est jamais réapparu. À l’heure qu’il est, il est probablement en train de se reposer dans son antre, où que ce soit.

Sur le coup, c’était pas ma préoccupation principale. J’étais surtout intéressé par ma propre survie, et dans une flotte à dix degrés et dans mon état, c’était pas gagné. Je parcours l’horizon du regard, et qu’est-ce que je vois ? Ça.

Il fit un signe de tête vers la carcasse de l’Essex.

J’étais du mauvais côté, évidemment. Il a fallu que je le contourne pour accéder au pont, qui était plutôt en bon état. J’ai trouvé un panneau, et je suis entré. Après, j’ai dû m’évanouir dans un coin.

Je me suis réveillé le lendemain, à l’infirmerie. Et j’étais pas tout seul. Bien sûr, avec le bateau tout sauf droit, les lits n’étaient pas alignés. Les gens valides s’étaient débrouillés pour faire tenir une dizaine de lits à peu près droits, en se servant des irrégularités des parois. C’était plutôt sinistre, alors quand j’ai pu tenir debout, je me suis dépêché de me barrer.

C’est marrant comme il suffit d’un rien pour perdre tout ses repères. Les couloirs étaient complètement méconnaissables, et ça tanguait, ça tanguait ! Quand j’ai réussi à atteindre la timonerie, j’y ai trouvé un Séraphin en pleine forme, qui cachait ses contusions sous un bandeau démesuré. Il m’a envoyé vers la salle commune, en me disant que les autres y passaient leur temps.

Je me suis fait expliquer la situation, évidemment. Quand tu te réveille dans un environnement pareil, tu te crois dans un rêve. On avait perdu la quille, les trois quart des équipements étaient hors-service, et il devait n’y avoir que quelques valides. Notamment Matthieu et Sarah – au fait. Quand tu la verras… pas un mot sur son œil au beurre noir.

Ils échangèrent un regard amusé. Connaissant le caractère de Sarah, ça semblait une bonne idée de se taire.

Quand la vague nous a heurtés, y’a que moi qui ai été assez fou pour ne pas tomber à l’eau. Les autres… Aquali s’était assez régénéré pour essayer de les aider à regagner la surface. Sept sbires sont morts quand même.

Ils laissèrent planer entre eux un moment de silence. C’étaient des gens qui les avaient suivis, qui avaient cru en eux et en leurs projets fous à tous les deux… Et ils les avaient conduits à la tombe la plus obscure et la plus anonyme qui soit. L’océan.

Arthur énuméra leurs sept noms, l’un après l’autre. Se souvenir d’eux était bien la seule chose qu’il pouvait faire. Puis il reprit son récit.

Pour le reste… C’est assez simple. Les Pokémons qui étaient tombés à l’eau sont rentrés ; les plus costauds tirant ceux qui ne pouvaient pas nager. Les gens qui étaient à l’intérieur du bateau ont surtout été affectés par la Tête de Fer. La vague n’a rien inondé – c’était un sacré bon bateau. Quand Kyogre a cogné dedans, par contre… Ça a été un peu pareil qu’avec la surpression que j’avais provoquée une semaine plus tôt. On s’est mangé des panneaux en fer, mais on s’en tire avec un bel hématome. Nous aussi.

Le retour à la côte a été compliqué. On a passé plusieurs jours à bricoler l’hélice pour qu’elle soit à nouveau à l’eau. Et pendant ce temps, pour ne pas dériver encore plus au large, des groupes se relayaient sur les canots de sauvetage. On les avait attachés au bateau, et ils le tiraient à la rame.

Une fois l’hélice installée, on a pu reprendre une vitesse normale. Mais pour garder le bon cap, on a dû conserver les rameurs. Le navire les traînait derrière lui, et ils pagayaient perpendiculairement à lui pour le dévier. On a fini par pouvoir ranger les canots en approchant de la côte. Et tu nous a vus entrer dans Nénucrique.

Les deux gros coups de bol qu’on a eu, dans tout ça, c’est la quille, et la quille. On a eu une veine de pendus que Kyogre se fasse mal sur la quille, et encore plus de veine qu’elle coule. Quand il nous a frappés, il a ravagé la coque externe, mais elle était pas totalement ouverte. C’est la quille qui l’a éventrée. En retombant dans l’eau, l’Essex allait très vite ; en l’eau, ça l’a freiné brutalement. Les supports de la quille ont cédé et elle a continué sur sa lancée.

Si ça n’avait pas été le cas… On aurait eu des voies d’eau dans toute la partie immergée. On aurait rien pu faire.

Il saisit son verre et le leva.

À nous. À la chance, aux bleus, aux morts, à l’Aquali de Noémie, et au bateau le plus solide que j’aie jamais vu !

– T’es sûr que j’ai le droit de trinquer avec une tasse de café ?

Mais Arthur avait déjà vidé son verre. Fataliste, Max finit sa tasse et interpella Bill, pour l’addition.

Quoi, t’as pas envie d’une autre ?

– Il y a un sujet dont on n’a pas parlé, Arthur.

– …Oui. Pas ici, en effet.

Après avoir payé, ils se levèrent et partirent vers le repaire de la Team.

***

S’il a dit vrai… on aura des pertes. Sévères.

– Quoi, ne suffira-t-il pas d’en finir avec le monstre ?

– Si. Mais c’est ce qui coûtera.

– Explique-moi donc cela, Damien.

– Il nous faut une nouvelle flotte. Pour cela, on va devoir reprendre les techniciens qu’on a licenciés il y a un mois.

– Quel gâchis.

– Si elle doit résister à ce qu’a affronté la Première Flotte, et sans doute pire, au vu du baleinier, on devra allouer des crédits à l’Armée pour concevoir des vaisseaux entièrement nouveaux.

– Mais le temps, le temps ! Tout ceci prendra déjà un temps incommensurable ! Et nous n’en disposons pas. Teach était surpris que le monstre n’ait pas attaqué de nouveau avant qu’il ne soit rentré au port.

– Certes. On peut gagner sur les délais en trichant avec les plans, en commençant à construire des navires sans savoir comment on les continuera. Mais ça risque de ne pas suffire. Il nous faudra des délais plus longs.

– Comment les obtenir ?

– J’ai bien peur qu’il ne nous faille… faire stopper purement et simplement la production d’AVs.

– Notre économie ne s’en remettra jamais.

– Non. Quand tout ça sera terminé, il restera encore à reconstruire Hoenn. De fond en comble. Toutes les petites facilités que nous avons introduites dans le système seront révoquées. Une époque s’achève : peut-être nos héritiers seront-ils aussi aisés que nous, un jour, mais nous… Nous devrons devenir des Hoennais moyens.