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Une Légende s'éveille... de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 23/02/2019 à 10:29
» Dernière mise à jour le 23/02/2019 à 20:03

» Mots-clés :   Hoenn   Mythologie   Organisation criminelle   Présence de personnages du jeu vidéo

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Chapitre 8 : Le chasseur et la proie
Vingt-sept jours avaient passé, insidieusement, depuis le départ de l’Essex du port de Nénucrique. Arthur pouvait très bien les compter : un pour atteindre les zones de récolte d’algues au Sud de Hoenn, puis onze à patrouiller avant qu’ils ne puissent intercepter leur premier récolteur attaqué. Ou presque. Ensuite, cinq jours de plus avant de trouver les survivants, trois jours avant de les céder à un autre navire, et sept jours passés à poursuivre Kyogre.

Cela faisait-il vraiment déjà sept jours que Max leur avait appris la vraie nature de leur proie, et qu’il l’avait envoyé promener, non sans avoir au passage dévoilé le but de la Team à Matthieu ? Il lui semblait que c’était la veille. Mais non : sept jours, pas un de moins, qui avaient à peine suffi à vaincre l’incrédulité du capitaine en entendant les plans de Max. Sept jours ; et maintenant, ils étaient arrivés.

Devant lui, il n’y avait rien ; rien que quelques embruns surgis de nulle part et un brouillard plus dense que jamais. Kyogre les avait aveuglés tout au long du trajet, ce qui ne les avait pas gênés (les systèmes de navigations, le radar et les satellites de géolocalisation rendaient la vue superflue), mais avait pesé sur leurs pensées. Impossible d’ignorer la supériorité de leur adversaire. Arthur avait d’ailleurs informé l’équipage des révélations de Max, en édulcorant le désespoir de leur situation.

En dessous de lui, il y avait la dizaine de mètres de l’étrave en titane, dont sept étaient immergés. Et au-delà de cette insignifiance, huit kilomètres d’eau. A vingt kilomètres à la ronde, le monde se résumait à quelques milliers de kilomètres cube d’eau. Ils étaient dans le territoire de leur ennemi. Pour une fois, sa position à la proue n’apporta aucun réconfort à Arthur.

Il n’y avait rien, nulle part ; mais ils étaient arrivés. Arthur tourna le dos au brouillard et marcha vers la timonerie : les autres auraient sûrement quelques mots à dire avant que Kyogre ne daigne apparaître.

***

T’es là, toi ? Pas trop tôt, on pensait devoir envoyer quelqu’un te chercher.

– Je m’y attendais un peu, Sarah. Que s’est-il passé, pour te mettre d’aussi mauvaise humeur ?

– Il se passe que Kyogre a disparu de mon écran, rien que ça.

La stupeur cloua Arthur sur place ; et il lui fallut un moment avant de saisir toutes les implications de ce nouveau problème. Si Kyogre pouvait se rendre indétectable pour le sonar, alors il savait que l’Essex pouvait le suivre, même sans le voir ; donc le brouillard de ces derniers jours était bien une intimidation. De même, si le Pokémon avait conduits les humains jusqu’à cet endroit avant de disparaître, il avait anticipé qu’ils le suivraient, et qu’une fois qu’il aurait disparu, ils n’iraient pas voir ailleurs ; ce qui glaça Arthur quand il y pensa. Leur adversaire connaissait leurs motivations. Kyogre savait que l’Essex était là pour l’affronter, et il avait l’intention de combattre. Mais il signifiait clairement que le lieu et l’heure de ce combat seraient choisis par lui... Pas étonnant que Sarah soit aussi furieuse... Matthieu prit la parole.

Bon, je résume la situation. Le sonar ne montre rien à des kilomètres à la ronde. Kyogre le brouille, et on n’a aucune idée de la façon dont il s’y prend. Sarah est d’avis de passer outre, et d’émettre à pleine puissance ; je pense que c’est le plus sûr moyen de l’énerver et de faire rappliquer tous les Pokémons de la zone.

– Qui rappliqueront de toute façon dès que Kyogre les appellera ! Sommes-nous des foutus morveux, pour avoir peur d’un peu de brouillard ? Tout ça, c’est littéralement de la poudre aux yeux ! Kyogre veut nous faire peur, alors qu’il est beaucoup plus puissant que nous ! Il y a quelque chose de louche là-dessous et je veux savoir quoi.

Arthur ne surenchérit pas sur Sarah. Son attention était tournée ailleurs.

Alors, on fait quoi ?

Il s’approcha de la baie vitrée.

Réponds, tête de mule !

Arthur était désormais au bord de la vitre, et regardait à l’extérieur. Les deux autres firent de même.

Le brouillard… Il se dissipe.

Par-delà le verre, l’horizon semblait s’éloigner. Très vite. Le brouillard se levait de façon aussi anormale qu’il était tombé, sept jours plus tôt. Bientôt, le champ de vision depuis la timonerie porta à plus d’un kilomètre. Puis à deux. Le sonar se mit à biper furieusement.
Sarah se précipita dessus. Puis elle annonça, d’une voix blanche :

Des Pokémons… Il y en a des milliers, tout autour du navire… Et… droit devant, à quelques mètres sous la surface, c’est …

– Oui, je le vois. Kyogre. Le seul Pokémon au monde à pouvoir assombrir une telle surface d’eau rien qu’en flottant dessous !

La boutade de Matthieu tomba à plat. Contre la véritable armée qui se laissait apercevoir à l’horizon, la quinzaine de Pokémons présents à bord de l’Essex ne pèserait pas grand-chose. Pendant un instant, Arthur envisagea que Kyogre ait compris leur stratégie depuis la première ball qu’il avait lancée, et qu’il ait donc amené tous ces Pokémons pour les déborder. Qu’il ait prévu d’assaillir l’Essex en force, tout en attirant les balls vers lui. Puis Arthur écarta cette pensée quand il se rendit compte que si ses Pokémons restaient immobiles, Kyogre, lui, bougeait.

Il se rapprocha à quelques centaines de mètres de distance, avant d’obliquer. Vers tribord. Arthur le suivit du regard, anxieusement. Avait-il compromis totalement toute l’expédition en lançant cette ball ?

Quel salaud, commença Sarah. Quel foutu salaud ! Il est en train de faire le tour du navire, pour nous narguer…

D’un coup, un espoir fou envahit Arthur. Était-ce possible ?

Sarah. Lance une impulsion sonar.

– Pardon ?

– Vous vouliez que je résolve votre dilemme, je le résous. Éclaire Kyogre à pleine puissance.

– Mais, ce n’est plus nécessaire ! Il a arrêté de nous brouiller et…

– Au contraire. C’est maintenant que ça va être nécessaire. Il a presque fini son tour… Sarah, lance cette foutue impulsion !

Elle le fixa encore une seconde, surprise qu’il ait crié, puis pianota une commande sur son panneau de contrôle.

Ping !

La puissance de l’émission fit trembler tout l’Essex. Des échos de l’impulsion planèrent pendant plusieurs secondes, alors que les vibrations se propageaient de la coque à l’eau alentour.

Kyogre s’arrêta. Il remonta à la surface.

Ça a marché…

– Qu’est-ce qui a marché, Arthur ? Qu’est-ce qu’on a fait ?

– Exactement ce que tu avais déconseillé, Matthieu. Il nous a défiés… et on vient de répondre. Maintenant, c’est lui contre nous – il ne va pas engager ses Pokémons.

En entendant ces mots, Sarah se rua sur la commande de l’interphone.

Debout là-dedans ! Et tous à vos postes, Kyogre nous attaque ! EXÉCUTION !

Arthur et Matthieu obéirent aussi, et bientôt l’Essex ne résonnait plus des échos de l’impulsion mais de ceux de l’équipage courant dans les couloirs et sur le pont.

***

À peine libéré, Scalproie comprit la situation et commença à se booster avec Danse-Lame. Métamorph sortit de sa propre ball un instant après ; son dresseur lui ordonna immédiatement d’imiter Scalproie. Quand Magnézone émergea à son tour, il les trouva en train de préparer leur attaque ; il reporta son regard vers l’eau. Kyogre approchait.

Richard se jeta à l’eau dès qu’Arthur le libéra. Dès que Léviator l’eut rejoint, ils foncèrent vers Kyogre, tandis qu’une première Fatal-Foudre volait au-dessus de leurs têtes. Aquali les suivit, en restant en retrait : son rôle était de les soigner. Froussardine plongea profondément avant d’invoquer son Banc : sous cette forme, c’était lui qui aurait la plus large mâchoire, et il allait tenter de s’en prendre au ventre de Kyogre. Kaimorse, lui, entreprit de faire le tour du Titan en tirant des Lasers-Glace. S’il parvenait à geler assez Kyogre pour réduire sa capacité de manœuvre, il aurait compensé sa propre lenteur et pourrait se rapprocher pour employer Blizzard, à bout portant.

Deux Éco-Sphères frappèrent Kyogre, tandis qu’une seconde Fatal-Foudre le manquait mais électrisait l’eau autour de lui, infligeant une partie de ses dommages. Élekable, Majaspic et Phyllali avaient été relâchés.

Békipan vola au ras de l’eau pour se rapprocher de Kyogre, non sans lancer un petit jet d’eau au passage sur la tête de Richard, qui claqua des dents en retour pour saluer son adversaire devenu allié. Lakmécygne dépassa le groupe de Pokémons aquatiques un peu plus en hauteur ; il préparait le combo qu’il avait travaillé pendant près d’un mois. Nostenfer enfin vola très au-dessus des flots : il s’était entraîné à créer dans l’eau des échos de Pokémons imaginaires avec ses ultrasons, et il était temps de voir si Kyogre pouvait se laisser berner.

Ce dernier était en train de rugir vers le ciel. Répondant à son appel, des nuages d’orage s’amassèrent au-dessus de lui. Une pluie fine se mit à tomber, et à gagner progressivement en intensité.

Sur l’Essex, Arthur chargea une première ball dans l’un des trois lance-harpon modifiés qu’il avait trouvé dans la cale du baleinier et bricolé pendant toute la semaine. Deux sbires armèrent les autres, puis tous attendirent. Quand Kyogre menacerait de déborder leurs Pokémons, ils commenceraient à tirer, toujours dans le même ordre pour ne pas gâcher de balls. Et si Kyogre persistait à se libérer à la vitesse qui avait été la sienne une semaine plus tôt, cinq sbires par lance-harpon ne seraient pas de trop pour recharger.

Kyogre n’avait pas l’intention de laisser les humains commencer le combat à leur avantage. Il leva son immense tête entièrement hors de l’eau et lança un jet d’eau surpuissant vers le ciel. La manœuvre lui fit recevoir un Laser-Glace entre la bouche et le ventre, mais celui-ci ne l’empêcha pas de replonger sa tête sous l’eau. Il faudrait du temps avant que Kaimorse ne puisse lui infliger ses Blizzards.

Alors que l’attaque Giclédo commençait à retomber, Kyogre avala une grande goulée d’eau, et releva à nouveau la tête. Le courant provoqué attira Richard à Kyogre ; le Sharpedo commença à mordre frénétiquement ses nageoires. Ignorant royalement les Fatal-Foudres qui s’abattirent de chaque côté de sa tête, et sans prêter attention à Richard, le Maître des Flots lâcha un Hydrocanon d’une dizaine de mètres de diamètre sur l’Essex.

Les deux flux d’eau croisés balayèrent le pont du baleinier ; les sbires s’accrochèrent au bastingage juste à temps pour ne pas être précipités à l’eau.

Youhou ! Remets-moi ça, grosse baleine, ça décoiffe un max !

Deux sbires regardèrent Arthur d’un air scandalisé. Avant que Kyogre n’ait pu recommencer, cependant, Lakmécygne lui tomba dessus, le bec en avant.

C’était un Rapace à trop courte portée pour infliger des dégâts ; si Lakmécygne avait dû absorber le recul, il aurait vite été épuisé. Le but était de planter son bec le plus loin possible dans la peau épaisse de Kyogre.

Celui-ci ne sembla pas sentir l’Ultralaser que l’oiseau lança ; mais il leva une nageoire immense et entreprit de le déloger de son crâne. Épuisé par l’attaque, Lakmécygne ne put pas l’éviter ; Kyogre le faucha et le précipita dans l’eau, quelques mètres devant lui.

Léviator arriva enfin au niveau de Kyogre ; voyant Lakmécygne abattu, il passa la tête sous lui et commença à le tirer vers le navire. Pendant un instant, ils semblèrent avoir leurs chances : Kyogre levait sa seconde nageoire, celle que harcelait Richard. Une plaie béante en marquait la base ; puis Kyogre l’abattit sur le requin-torpille, et celui-ci coula.

Aquali se précipita vers lui plutôt que vers Léviator ; bien lui en prit, car Kyogre avait retourné son attention vers celui-ci. Il lança une Fatal-Foudre.

Horrifié, Matthieu regarda son Pokémon et Lakmécygne se prendre la décharge de plein fouet. Leur double-type Eau/Vol les y rendait cruellement vulnérables ; et vu sa puissance, Kyogre pouvait très bien les avoir tués. Matthieu rappela les deux Pokémons, et vérifia les indicateurs de statut ; vivants. Heyscold ne démissionnerait donc pas pour protester. Le capitaine courut vers Azumarill, resté sur le pont, pour qu’il les soigne.

Scalproie et Métamorph ayant enfin fini leur danse, ils sautèrent sur Magnézone. Ce dernier tremblait légèrement sous le coup de l’indignation ; il lança une Fatal-Foudre qui propulsa les deux Pokémons Acier sur le crâne de Kyogre. Tandis qu’ils commençaient à tailler dans sa chair avec leurs bras aiguisés par les Danses-Lame, une forme violette s’abattit à quelques mètres d’eux.

Nostenfer n’ayant pas réussi à détourner Kyogre des Pokémons qui l’attaquaient, il avait décidé de passer lui aussi à l’attaque, et venait d’effectuer Rapace. Mais contrairement à Lakmécygne, il ne s’était pas soucié des dégâts de recul. Et il avait visé l’œil du Titan.

Kyogre rugit. Il tourna vivement sur lui-même, cherchant la cause de sa souffrance, mais les Lasers-Glace qu’il lança sur Nostenfer manquaient de précision. Ce dernier lança un cri en direction de Békipan, qui prépara un Vent arrière. Le temps qu’il l’ait lancé, Nostenfer avait utilisé son Onde Folie sur Kyogre.

L’objectif de Nostenfer n’avait pas changé : attirer à lui l’attention de Kyogre pour laisser le champ libre aux autres Pokémons, plus efficaces en attaque. Il lui fallait maintenant esquiver un véritable déferlement de Lasers-Glace, de Fatal-Foudre et d’Hydrocanons, dont chacun pouvait l’abattre ; mais le Vent arrière jouait pour lui, et pendant tout le temps où il servit de cible à Kyogre, celui-ci ne prêtait pas attention à ses blessures qui s’accumulaient.

Richard, soigné par Aquali, avait repris ses morsures frénétiques, aidé par Froussardine. Scalproie et Métamorph s’en prenaient désormais aux ailerons dorsaux de Kyogre. Depuis l’Essex, Magnézone, Élekable, Majaspic et Phyllali bombardaient toujours Kyogre d’attaques à distance. Et Kaimorse s’était enfin approché pour déchaîner son Blizzard.

Soudain, Kyogre cessa d’attaquer Nostenfer. Il avait repris ses esprits. Kaimorse prit aussitôt la fuite, mais Kyogre n’avait pas l’intention de s’en prendre à lui. Il sembla s’aplatir, comme si son dos se tordait, et sa queue émergea de l’eau derrière lui. Il l’abattit violemment sur Scalproie et Métamorph, qui s’écroulèrent. Leurs corps bardés de lames avaient cependant laissés des sillons écarlates dans les lanières qui formaient la queue du Titan.

Magnézone utilisa ses aimants pour ramener les deux Pokémons Acier sur le pont de l’Essex, mais Kyogre n’avait pas l’intention de s’acharner sur eux. Il se tourna vers Kaimorse, qui fuyait toujours, et se lança à sa poursuite, entraînant dans son sillage Richard et Froussardine ; ce dernier, plus lent, se laissa distancer.

Kaimorse n’avait aucune chance de s’échapper. Il utilisa son Laser-Glace pour geler l’eau autour de lui, modifiant le terrain à son avantage, mais il n’avait pas créé un iceberg particulièrement grand lorsque Kyogre arriva sur lui. De sa position légèrement surélevée, au sommet du bloc de glace, il entreprit à nouveau de harceler Kyogre avec Blizzard. Mais le Maître des Flots pouvait lui aussi modifier le terrain.

Il libéra une Ébullition très large sur l’iceberg de Kaimorse, transformant le Blizzard en crachin et grignotant rapidement le territoire du Pokémon Glace. En quelques secondes, celui-ci avait été mis hors de combat. Aquali se précipita sur lui, mais Kyogre le vit venir. Il avait apparemment compris quel rôle jouait l’évolition.

Avant qu’Aquali n’ait pu atteindre Kaimorse, Kyogre lui barra la route, puis le tacla de toute sa masse. Pour résister à l’impact, le soigneur attitré des combattants aquatiques dut accomplir ce tour dont seule son espèce était capable, et se dissoudre dans l’eau alentour.

C’était exactement l’erreur attendue par Kyogre. Il libéra une Onde de Choc dans l’eau. Une attaque faible, mais terriblement dangereuse pour Aquali, car elle électriserait chacun des atomes qui le constituaient et risquait de compromettre leur cohésion relative, le laissant incapable de se reformer avant un bon moment ; et lancée par Kyogre, aucune attaque ne pouvait vraiment être qualifiée de faible.

Il n’y avait plus rien à faire pour Aquali. Il parviendrait à se reformer, mais d’ici là, les Pokémons aquatiques, qui étaient en première ligne contre Kyogre, n’auraient plus droit au moindre répit.

Sur l’Essex, Azumarill avait fini de soigner Scalproie et Métamorph ; Magnézone les lança à nouveau vers Kyogre. Ce dernier ne leur prêta aucune attention quand ils atterrirent sur son dos ; il avait identifié Azumarill comme l’autre soigneur des humains, et donc comme sa nouvelle cible à abattre. Il lança vers lui une nouvelle Onde de choc, avec une précision effroyable pour les sbires qui furent frôlés par la vague d’énergie.

Satisfait d’avoir éliminé tous les Pokémons de soin des humains, il plongea, à la fois pour déstabiliser les deux Scalproie sur son dos, pour attaquer Richard et Froussardine et pour se protéger un instant des attaques à distance qui jaillissaient du pont de l’Essex et des deux Pokémons volants qui continuaient de le harceler.

Une telle situation avait été envisagée : Froussardine devait attirer à lui l’attention de Kyogre tandis que Richard remontait à la surface pour se mettre à l’écart ; à la suite de quoi Froussardine dissiperait son Banc, laissant Kyogre incapable de savoir quel poisson pourchasser.

Mais le Titan infligea ce qui semblait être une attaque Toxic à la sardine, puis ignora royalement ses morsures et pourchassa Richard. Leurs vitesses étaient équivalentes, mais les Sharpedos étaient des sprinters, alors que Kyogre semblait immunisé à la fatigue. Depuis l’Essex, Arthur vit son requin-torpille rattrapé et sur le point d’être mordu à son tour ; il était si proche de Kyogre que les quatre Pokémons sur le pont de l’Essex risquaient de le toucher s’ils tiraient, malgré la distance plus courte que jamais. Arthur tenta donc de le rappeler ; Kyogre s’y attendait et s’interposa entre la ball et Richard, avant de foudroyer ce dernier à bout portant.

Par cette manœuvre, cependant, il avait exposé à l’Essex son dos déjà lacéré par Scalproie et Métamorph, et il protégeait Richard ; Magnézone, Majaspic et Phyllali en profitèrent pour l’attaquer tandis qu’Élekable lui sautait dessus et lui assénait un Poing-Éclair.

Le Titan réagit en balayant l’Essex avec une nouvelle Giclédo. Elle était moins forte que la précédente, mais elle projeta par-dessus bord les trois attaquants à distance qui étaient restés sur le pont du baleinier.

Kyogre régla son compte à Élekable avec un nouveau coup de nageoire sur sa propre tête, puis passa en dessous de l’Essex pour aller abattre les Pokémons qu’il venait de déloger. Il acheva les deux Plante de deux autres Lasers-Glace ; Magnézone, moins assommé grâce à son type Acier, était entré en lévitation au dessus de l’eau. Il tira une nouvelle Fatal-Foudre sur le Titan ; mais celui-ci riposta avec Ébullition.

En moins d’une minute, il venait d’éliminer la moitié des Pokémons amenés par les humains. Il ne restait plus que Békipan, Nostenfer, Scalproie et Métamorph (qui avait abandonné la forme de Scalproie et copié Nostenfer), et aucun n’était particulièrement apte à le combattre. Nostenfer et surtout Békipan manquaient de puissance, et Scalproie ne pouvait rien faire dans l’eau.

Mais l’objectif n’était pas de vaincre Kyogre, se rappela Arthur. Il ordonna de rappeler Scalproie, tandis que Nostenfer, Békipan et Métamorph prenaient de l’altitude pour offrir de moins bonnes cibles à Kyogre, et s’éloignaient pour l’entraîner loin du navire.

Le Vent arrière invoqué par Békipan prit fin ; l’oiseau entreprit donc d’en lancer un nouveau. Avant qu’il n’ait terminé cependant, Kyogre était arrivé sous les trois Pokémon qui volaient en cercles ; il lança vers le ciel sa propre attaque. Un Vent Glace.

L’air se refroidit brusquement autour de Békipan ; il ne put pas finir son Vent arrière, et en quelques secondes il était recouvert d’une épaisse couche de givre, et commençait à tomber. Nostenfer et Métamorph plongèrent après lui pour le soutenir, mais Kyogre redirigea son Vent Glace vers eux. L’attaque était plus large que les Lasers-Glace qu’il avait utilisés précédemment ; sans Vent Arrière pour les soutenir, les deux chauves-souris furent incapables d’esquiver.

Au cours de sa propre chute, Métamorph tenta de se transformer de mémoire en un Pokémon Feu qu’il avait combattu un jour, pour faire fondre le givre ; mais le Vent Glace ne s’arrêtait pas, et le Pokémon multiforme fut bientôt piégé sous son apparence basique, celle d’un blob de gelée violette.

Arthur serra les mains sur son lance-harpon. Les Pokémons des humains étaient tous vaincus ; désormais, le seul moyen de garder Kyogre éloigné du navire était de l’enfermer dans des balls.

C’est parti...

Il tira. La sphère rouge et blanche vola jusqu’à Kyogre. À nouveau, le Pokémon immense dut se laisser aspirer par l’objet minuscule ; à nouveau, il s’en échappa avec fracas. Mais pour s’en prendre aux trois oiseaux, il s’était éloigné de l’Essex : à deux kilomètres de distance, la vague provoquée par sa libération n’aurait aucun impact sur le baleinier.

Allez-y, mitraillez-le ! On a vu à quelle vitesse il sort et combien de temps la ball met pour l’atteindre ; en…

C’était déjà son tour de tirer : il tira, puis reprit sa phrase comme si de rien n’était.

…Ayant un timing correct, on pourra l’empêcher d’avancer !

Il fallait tirer à nouveau. Maintenir Kyogre enfermé nécessiterait de maintenir une cadence infernale. Mais à chaque tir, dix mains se tendaient pour aider à recharger. Pour l’instant, le Titan était bloqué loin du navire.

Les tirs succédèrent aux tirs, inlassablement. Arthur sentait ses bras le fatiguer, mais il persévérait. Tirer – viser, appuyer sur la queue de détente, vaincre la résistance qu’elle opposait – recharger – tendre la main, saisir une ball, l’insérer à l’arrière du lance-harpon – attendre – il ne fallait jamais cesser de compter, à un rythme régulier ; Kyogre se libérait en une demi-seconde : il n’y en avait donc qu’une et demie entre deux tirs, pour chacun des trois tireurs. Et tirer encore, et recommencer sans cesse.

Le Maître des Flots semblait furieux d’avoir été immobilisé ainsi alors qu’il venait de vaincre tous les Pokémons qui défendaient l’Essex. Il rugissait. Par intermittence, dans les rares moments où il n’était pas dans une ball. Le ciel, noir de nuages, et la mer noire d’encre qui le reflétait, réagissaient à ce rugissement. L’eau et l’air semblaient se rider, se déformer sous le pouvoir de Kyogre. Il tentait d’attaquer ; mais chaque fois qu’il sortait d’une ball, une autre l’empêchait de poursuivre son rugissement.

Pourtant, Arthur devinait – confusément, son esprit étant presque entièrement occupé à compter – que Kyogre tenait compte de l’intermittence que les balls imposaient dans son attaque. Que tôt ou tard, ils devraient la subir.

Mais pour le moment, la mer restait inoffensive. Arthur continuait donc de tirer. Implacablement. Il n’y avait rien d’autre à faire. Il ne pouvait même pas encourager ses troupes. Pas en comptant. Plusieurs minutes passèrent ainsi, et il commençait à s’inquiéter du stock de balls du navire. Mais il ne pouvait pas demander combien il en…

Soudain, le monde que voyait Arthur perdit tout son sens. Kyogre avait disparu, et l’horizon n’existait plus. Le ciel était devenu une autre mer. Non… ce n’était pas le ciel, mais… une vague ?

Oh, zut.

C’était… immense. Indescriptible. Si colossal qu’on n’en discernait ni le sommet ni les extrémités. D’où diable cette vague monstrueuse venait-elle ? Un instant plus tôt, il n’y avait rien ! Il attrapa la lanière d’une besace de balls lâchée par un sbire, et lança son autre main vers le bastingage.

Accrochez-vous, on va avaler un sacré paquet de mer !

Il n’eut pas le temps d’en dire plus : l’Essex était déjà englouti. Arthur sentit le poids terrible d’une cinquantaine de mètres d’eau s’abattant sur ses épaules, et la violence du courant qui portait la vague, qui essayait furieusement de l’entraîner avec lui.

Il lutta de toute la force de ses bras épuisés, en apnée, une main toujours agrippée au solide bastingage en acier trempé et l’autre main encore serrée autour du lance-harpon et de la besace. Il résista pendant un temps interminable, ses poumons en feu, écrasés par l’eau et réclamant de l’air, ses oreilles bourdonnant furieusement sous la pression, toute sa tête lui faisant aussi mal qu’après une cuite, et ses bras protestant contre le traitement qu’il leur infligeait.

La pression horrible sembla baisser. Il se força à ouvrir les yeux. Qu’il ait les paupières fermées ou non, à une telle profondeur, ça ne changeait rien. Tout d’abord, il ne vit rien. L’épaisseur de l’eau qui le séparait de la surface bloquait toute la lumière : il faisait noir comme dans un four. Pourtant, l’Essex remontait vers la surface. Sa flottabilité naturelle l’entraînait vers le haut. Arthur se força à tenir, à rester accroché au bastingage.

Enfin, il vit de la lumière. Le navire n’était plus qu’à une bonne dizaine de mètres de l’air libre. Mais cette courte distance fut la plus longue de sa vie. À chaque instant il avait l’impression qu’il allait céder, que son bras sans force allait lâcher le barreau d’acier qui le maintenait ancré dans le monde, ou que ses poumons lui désobéiraient et inspireraient, avaleraient de l’eau et le condamneraient à la noyade. Il s’agrippa de toutes ses forces à la vie et au navire.

Et l’Essex émergea des flots.

Tout n’était pas fini, cependant. Kyogre devait encore rôder, attendant de voir s’il avait définitivement vaincu les humains qui avaient osé le défier. Arthur ne lâcha pas le bastingage. Il savait que s’il se laissait glisser au sol, il ne se relèverait pas. Il resta à peu près debout, et regarda autour de lui. Le navire était sorti de la vague géante sur son arrière, dans la partie qui retombait. Il retombait avec elle, dévalant sa pente abrupte. Devant lui, à bonne distance, la tête du Maitre des Flots pointait hors de l’eau. Et derrière lui, sur le pont de l’Essex, il n’y avait plus personne. Il était seul avec le Titan.

Si, commença-t-il d’une voix rauque, brisée. Si tu crois, foutu monstre marin, que t’as gagné…

Il saisit une ball dans la besace. Il n’y en avait plus beaucoup. Il osa enfin lâcher le bastingage, pour s’occuper de son lance-harpon.

C’est raté… Je reste debout, et j’ai encore des balls…

Armer. Viser. Kyogre plongea son regard dans le sien. Une lueur d’intelligence indéniable y pétillait.

J’ai pas dit mon dernier mot ! Viens là, Maître des Flots, essaye encore ! Tu pourras te déchaîner tant que tu voudras, tu ne me décrocheras pas de ce bateau !

Il tira ; sans attendre, il attrapa une autre ball. Ses bras n’avaient plus aucune force, aucune vitesse ; mais hors de question d’abandonner. Kyogre, quant à lui, semblait vouloir le faire mentir : à peine sorti de sa prison rouge et blanche, il était déjà en train d’invoquer une nouvelle attaque.

Une colonne de foudre s’abattit sur le baleinier ; mais elle se répandit dans l’eau, inoffensive pour Arthur. Il tira de nouveau.

Retourne réviser ta physique, ahuri ! Le métal du navire attire ta foudre à lui ; moi, j’en suis protégé !

Ce n’était peut-être pas très malin d’invectiver Kyogre ainsi. Arthur s’en foutait ; il n’était que trop conscient de sa cadence de tir, bien trop basse pour empêcher le Titan d’attaquer. Au moins, en hurlant sa hargne au monstre, il ne sentait pas son propre épuisement.

Une nouvelle vague surgit de nulle part ; minuscule comparée à la première, mais aussi soudaine. Une attaque Surf.

Je sais pas où t’as trouvé la CS pour tes tsunamis, Kyogre, mais ça va pas suffire avec moi ! Ça fait des années que je surfe dès que j’ai du temps libre ; avec une planche comme ce bateau, tu vas juste me faire prendre mon pied ! Youhou !

Son adversaire comprenait-il ce qu’il disait ? Quoi qu’il en soit, il riposta à cette bravade par un autre rugissement. Il commença à nager vers le navire.

Arthur tenta d’accélérer sa cadence. Si Kyogre se rapprochait trop, tirer deviendrait dangereux.

Allez, c’est ça, viens par là ! Rapproche-toi un peu et tu vas voir de quel bois je me chauffe !

Le Titan était déjà trop près. La vague produite par sa sortie d’une ball déséquilibra Arthur. Le temps d’être à nouveau stable sur ces pieds, il contemplait l’œil de Kyogre. Ce dernier s’était à nouveau posté tout près du baleinier, comme il l’avait fait une semaine plus tôt.

Qu’est-ce que tu cherche à faire, à me regarder dans les yeux, hein ? Tu sais comment ça s’est fini la dernière fois !

Au diable les conséquences. Il plongea la main dans sa besace. Elle était vide. Tant pis.

Ha ! On dirait que t’as pas non plus entièrement perdu, gros lard.

Pendant un instant, il aurait juré voir une étincelle de malice dans l’œil qui lui faisait face. Puis Kyogre plongea.

Quoi, c’est tout ? Je m’attendais à mieux !

Comme pour lui répondre, un choc colossal ébranla le navire. Arthur s’effondra sur le bastingage. Il lui fallut deux bonnes secondes pour comprendre. Le Titan avait donné un coup de tête dans l’Essex. Le lourd navire était déjà à l’apogée de son vol. Il retomba, toujours parfaitement horizontal grâce à sa quille. Instinctivement, Arthur sauta. Vers la mer, le plus loin possible du baleinier.

Il plongea dans une eau tourmentée. Le mouvement rapide de Kyogre, sa propre chute, et maintenant celle de l’Essex avaient généré de nombreux courants contradictoires. Pendant un moment, il resta suspendu entre deux eaux sans comprendre ce qu’il voyait. Une sorte de masse sombre qui s’enfonçait dans l’abysse. Puis il put regagner la surface.

La première chose qu’il vit, ce fut Kyogre. Le Titan avait sorti la tête de l’eau et poussait un long gémissement, empli de souffrance. Une balafre violacée colorait son front. Arthur ne chercha pas à comprendre, il se retourna ; il lui fallut un moment pour reconnaître ce qu’il voyait.

Car c’était impossible.