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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 21/02/2019 à 22:11
» Dernière mise à jour le 04/04/2019 à 14:36

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 37 : Sur la piste du Condamné
« Et à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ? » Baudelaire.



***


La crevasse s’élargissait enfin ; les rayons du soleil parvenaient désormais à atteindre le fond du ravin, diffractant ses doux rayons sur les roches grises et poreuses qui avaient pleinement pris possession des lieux.

Une traînée noire, à la manière d’une brûlure, serpentait au sol, et s’éloignait dans la crevasse. La chose qui avait laissé une telle trace était passée là récemment ; la traînée semblait frémir, et dégageait de la chaleur, à la manière d’une lave charbonneuse. Parfois, des bulles se formaient sur la trace, comme si cet étrange liquide était en ébullition permanente. Une légère odeur de décomposition et de brûlé flottait dans l’air.

Deux hommes suivaient la trace en silence.

Concentrés et prudents.

Le premier, large d’épaules, et de grande taille, était doté d’une épaisse touffe de cheveux bruns sur le crâne et rasé sur les côtés, et un regard qui sondait les alentours avec méfiance. Une cicatrice impressionnante barrait son cou. Il avançait un peu courbé, et s’amusait à régulièrement faire craquer les jointures de ses doigts. Sa fine armure matelassée lui conférait un air plus imposant encore, et ses énormes chaussures de marche rendaient chacun de ses pas un peu trop raide. Il n’était pas fait pour la discrétion malgré ses efforts apparents.

Le second, avec un air renfrogné presque négligé, était enveloppé dans une ample cape de voyage d’un beige pâle qui allait bien avec ses cheveux clairs. Plus chétif que son partenaire, avec un teint plus clair et des yeux d’un bleu électrique, il observait les traces avec attention, en les suivant de près. Il portait de minuscules boucles d’oreilles qui accrochaient de temps en temps un rayon de soleil. Son pas, léger et fluide, était sans conteste plus adaptée pour la traque que son compagnon de chasse.

Dans un silence que seul le vent interrompait, ils marchaient dans les Crevasses de l’Oubli, sans eau, sans sac, sans rien d’autre qu’eux-mêmes et la compagnie sauvage des éléments.

Parfois, un caillou dégringolait du sommet du ravin, faisant sursauter brièvement le voyageur aux yeux bleu électrique. Des hululements résonnaient régulièrement, lointains mais parfaitement audibles grâce à l’écho porté par le vent d’ouest.

— Garûnd, lâcha soudain le blond.
— Ouais ?
— Regarde.

La trace noire arrêtait de serpenter pour former une petite flaque au sol… avant de repartir comme d’ordinaire, loin devant eux.

— Il a fait une pause, commenta Garûnd. Tu crois qu’on le tient ? C’est récent ?
— Je pense que oui.
— Comment ça, tu « penses » que oui ? À quoi tu sers, Zak, si t’es pas foutu de me prouver que tu sais traquer cette chose ?
— Désolé, monsieur gros bras, mais je suis spécialiste de la foudre, pas de la traque.

Les deux voyageurs, sans plus se disputer, reprirent leur route. Ils se connaissaient bien, et cette altercation n’était qu’une de leurs éternelles querelles amicales. Ça relevait plus de la taquinerie pour se détendre que d’une véritable mésentente. Bien que Garûnd sache se montrer particulièrement agaçant quand il s’y mettait…

Zak observa la trace se frayer un passage dans un petit ravin adjacent. L’entrée, étroite, n’avait visiblement pas posé de problème pour la chose qu’ils suivaient à la trace ; le canyon semblait presque avoir explosé sur son passage. Un trou large de trois mètres avait été creusé pour faciliter l’entrée.

— Il grossit encore, commenta Garûnd avec gravité.
— Oui, répondit son partenaire. C’est mauvais signe pour nous.
— On doit vraiment capturer cette chose ?
— Si possible.

Zak s’avança et constata et la traînée noire et bouillonnante frémissait au sol, dans la crevasse étroite qui s’étirait face à eux. Il tressaillit.

— Je crois qu’on n’aura pas le choix, Garûnd. On doit agir au plus vite.
— Ah ouais ?
— La trace est plus épaisse. Il récupère.
– Merde…
— On va devoir en finir avec lui. Il n’est sûrement plus capturable.
— T’as raison. Ça devient trop dangereux. On va buter ce monstre, et vite. Allez !

Garûnd passa dans l’ouverture sans hésiter plus longtemps. Zak jeta un coup d’œil méfiant aux alentours, et lui emboîta vivement le pas.

Ils disparurent dans le ravin.



***


— Putain, j’y crois pas ! s’exclama le Mutant Combat. Pourquoi on n’arrive pas à le rattraper ? Je croyais que la traînée ne restait derrière lui que quelques heures avant de disparaître !

Zak, anxieux, souffla :

— Moi aussi. Peut-être qu’à cause de sa puissance qui augmente, elle reste plus longtemps…
— Et donc ? rétorqua Garûnd. On a encore du retard, alors ?
— Sûrement.
— Dans quelle merde on s’est fourré… j’te jure.

Zak, assis en tailleur près du feu, passa une main dans ses cheveux avant de regarder les flammes d’un air songeur. Au-delà du halo de lumière qu’elles prodiguaient, Garûnd se tenait debout sur un rocher, observant la pénombre environnante avec un air agacé.

— Sérieusement, quelle idée de conserver une arme ratée dans l’Arène tout ce temps ! grogna Garûnd. C’était évident qu’il finirait par nous filer entre les doigts. À quoi pensait le maître ?
— Il voulait expérimenter sur lui encore une fois, tu le sais très bien. Le maître est comme ça.
— Stupide. Ses expériences hasardeuses commencent à me passer au-dessus…

En d’autres circonstances, Zak lui aurait fait remarquer de ne pas se montrer insultant envers le gouverneur ; mais là, personne ne pouvait les entendre se plaindre de leur maître. Et malgré ce qu’il en disait, Zak était de l’avis de Garûnd. Mervald faisait trop de cachotteries dans leur dos.

Les transformer en Mutants avaient peut-être changé leur vie, leur avait donné la chance de pouvoir se prouver qu’ils avaient encore de la valeur, mais était-il nécessaire d’aller aussi loin ? Son but était-il vraiment si louable que ça ?

Soudain, dans le silence nocturne, résonna un lointain rugissement.

Monstrueux.

La roche du ravin trembla et des pierres roulèrent dans la crevasse où il se tenaient ; Zak se releva d’un bond, stupéfait. Le feu craqua sinistrement, alors que le ravin vibrait, puis, lentement… se figea.

Le rugissement se tut.

Un silence de mort lui répondit.

Garûnd sauta à terre et soupira :

— Aucune idée de la distance qui nous sépare de lui. Un cri assez fort pour causer un petit séisme… pas de doute, il est plus puissant qu’avant.
— Et impossible de savoir si on le rattrape ou s’il s’éloigne, commenta Zak.

Il remarqua soudain que la traînée noire qui passait à moins de deux mètres de leur feu s’atténuait à vue d’œil ; une légère brume s’en élevait, comme de la vapeur. Le liquide refroidissait et disparaissait peu à peu. Zak et Garûnd le virent en même temps.

— Molch avait bien dit que cette chose noire et dégueulasse était une espèce de… de catalyseur ou je ne sais quoi ? demanda Garûnd après un court silence.
— Oui… s’il rassemble ça, ça veut dire qu’il… qu’il accumule des forces. Sous la forme qu’on lui connaît, en tout cas…
— Donc il est probablement arrêté quelque part… et le seul moyen qu’on a de le traquer disparaît sous nos yeux ? lâcha le Mutant Combat à mi-voix.
— Voilà.

Les deux compagnons, sans hésiter plus longtemps, se jetèrent sur les traces du Condamné, qui commençaient à lentement se volatiliser. Perdre de vue la traînée pouvait leur coûter très cher.

Dans l’obscurité complète, les deux compagnons se mirent à courir à une vitesse surhumaine, tandis que leurs yeux se mettaient à luire d’une lueur étrange, parfaitement à l’aise dans le noir.

Impensable pour eux de laisser le Condamné évoluer.



***


— Alors, Molch, des nouvelles ? Où est Karyl Braun ? Toujours disparu ?
Je l’ignore, maître. Je ne le détecte toujours pas.
— Comment est-ce possible ? Si tu as des théories, dis-moi tout. J’en ai assez d’attendre des nouvelles qui ne viennent jamais.

Le gouverneur Mervald, étendu dans une large baignoire de cuivre, laissait son corps se reposer dans le liquide presque bouillant. Un serviteur versa une huile spéciale dans l’eau chaude et s’éloigna à petits pas pressés, disparaissant vite à la vue du souverain.

Ce dernier, qui pour une fois avait laissé ses cheveux blonds décoiffés, observait distraitement un des murs de la grande salle de bain. Son regard courait sur des gravures sur bois sans vraiment y faire attention. Une légère vapeur envahissait les arcades de marbre jusqu’au plafond ; au loin, derrière un large paravent, on entendait des serviteurs s’affairer à préparer vêtements et confiseries dans le cas où le gouverneur aurait besoin de quelque chose. Le carrelage ruisselant grinçait à chacun de leurs pas de l’autre côté du lin.

Après quelques secondes de silence, Mervald entendit enfin Molch reprendre la conversation télépathique.

La raison la plus logique serait que Karyl Braun est mort. Mais il y a une chance pour que… quelqu’un doté d’un pokémon de Type Psy lui ait retiré la marque.
— La marque ? Tu parles de cette chose qui te permet de le détecter et de lui parler à distance ?
Oui, maître. Je vous en ai déjà parlé, c’est une sorte de lien mental qui…
— Oui, d’accord, coupa sèchement Mervald. J’ai beaucoup de choses à penser, alors épargne-moi les détails. Il y a donc une possibilité pour qu’il soit vivant ?
Oui, maître. Mais le connaissant, il serait étonnant qu’il ait pensé à effacer la marque de lui-même. Je suppose donc qu’il est mort. Peut-être tué par le Rôdeur.

Mervald se redressa dans sa baignoire, tentant de juguler la colère qui montait en lui. Il prit une grand inspiration pour se calmer.

— Tu es en train de dire que la Némélia 3 la plus au point qu’on ait jamais eu n’a pas suffi à maintenir cet imbécile de Karyl en vie ? Un simple sabre aurait eu raison de lui ?
Je vous rappelle, maître, que le Rôdeur possède des pouvoirs liés à la Némélia 1. Il est possible pour lui de…
— Non ! Les effets ont certainement disparu. On a bien vu que sa force diminuait dans l’Arène, Molch. Le Rôdeur est devenu incapable de tuer Karyl.

Mervald soupira et appela un serviteur. Une femme d’une vingtaine d’années, au teint hâlé et au visage apeuré, accourut près de lui.

— Du vin, grogna-t-il sans même la regarder.

Elle s’éclipsa derrière le paravent et en revint avec une tablette qu’elle posa près de la baignoire. Elle remplit une coupe de liquide rouge et odorant, et que le gouverneur saisit sans plus de remerciements. La servante s’éloigna discrètement.

— Donc Lyco court toujours, lâcha mentalement Mervald, plus pour lui que pour Molch.

Ce dernier resta silencieux. Le gouverneur but une gorgée de vin d’un air distrait, puis demanda :

— Et tes expériences ?
Toujours la même chose, maître. J’aurais des nouvelles plus précises d’ici un ou deux mois selon l’état des cobayes. Mais je suis optimiste : la Némélia 3 fonctionne plutôt bien. J’ai aussi quelques échantillons de Némélia 4, mais rien de probant pour l’instant. Je travaille encore sur les prototypes.
— Bien, bien. Des nouvelles de Garûnd et Zak ?

Le gouverneur devait bien avouer se sentir en danger, sans l’un d’eux dans son palais ou dans l’Arène. Il n’avait que des soldats armés de fusils ou d’épées pour le protéger ; la défense de Méranéa était au plus bas, ces temps-ci.

Ils sont dans les Crevasses de l’Oubli. Le Condamné se renforce, et ils peinent à le rattraper. Ils pensent qu’ils vont être forcés de le tuer.
— Hm, vraiment ? Bah, tant pis. Qu’ils fassent ce qu’ils estiment le mieux. Si le Condamné est incontrôlable, il ne me sert à rien. Bon, j’ai à faire.
Bien, maître.

Un léger frémissement parcourut le corps du gouverneur ; c’était le signe que Molch avait mis fin à la télépathie.

Mervald sirota son vin du bout des lèvres tout en se disant que les nouvelles n’étaient pas très bonnes, pour une fois. Mais son projet était presque mûr ; dans moins d’un an, tout serait prêt. Il ne serait plus un simple gouverneur régnant sur une région desséchée et mourante ; il serait puissant, enfin. Et riche.

Il commençait à en avoir assez, de ce faux-marbre, de ce vin amer, des vieux générateurs qui sautaient chaque semaine, et de ses habits aux coutures colorées d’or. Même l’Arène le lassait de plus en plus. Ce public de sauvages, ces prisonniers sales, ces terres presque infertiles. Il voulait un véritable pays à ses pieds, un royaume, un empire ou une république, peu importait ! Il lui fallait plus de divertissement, plus de pouvoirs, plus de changements.

Les expériences de Molch leur offriraient un avenir meilleur, il en était persuadé.



***


L’ambiance devint tout de suite plus tendue.

Il faisait noir, mais les nuages épars permettaient à la voûte étoilée et au croissant de lune de légèrement éclairer les environs. Le paysage, un vallon creusé au fond d’un large puits de roche naturel, dégageait quelque chose de spectral.

Des silhouettes rocheuses et effilées poussaient ici comme des arbres sans feuillage ; leur forme fantomatique projetait de grandes ombres sur le sol fissuré recouvert de gravier. Les parois du canyon, désormais éloignées de chaque côté du gouffre sans fin, et plus basses, donnaient l’impression d’une créature endormie, ramassée sur elle-même. Mais prête à leur sauter dessus et à les griffer de ses longs doigts d’anthracite.

Garûnd et Zak restèrent figés à l’entrée du gouffre, sur le qui-vive. Leurs yeux brillants dans la pénombre furetaient partout à la recherche de la traînée sombre du Condamné. Malgré leur vitesse et leur vision nocturne presque égale à celle d’un pokémon, ils avaient été semés. Pourtant, au fond d’eux, ils sentaient que c’était le bon endroit. Le Condamné était juste là, quelque part, parmi les ombres formées par cette forêt de pierre brute.

Leur instinct le leur hurlait depuis leur arrivée.

Zak se rendit compte que ses bras tremblaient légèrement, et sentit une goutte de sueur perler à son front. Garûnd, s’il ne montrait pas de signe de peur, était étrangement silencieux. Il ne paradait plus, ni ne lâchait de quelconque remarque taquine. Non, lui aussi, il était nerveux.

Sans même se concerter, les deux amis avancèrent à pas lents. Zak s’éloigna sur la droite du gouffre, Garûnd sur la gauche. Aussi silencieux que des farfurets en chasse, ils longèrent chacun un des murs de roche de la vallée, sans cesser de regarder tout autour d’eux.

Zak s’abrita derrière une colonne de granit ; il venait d’entendre comme un sourd grondement. Il resta figé pendant une poignée de secondes, puis se rendit compte qu’il n’y avait aucun bruit ; peut-être avait-il halluciné à cause du stress. Il reprit sa ronde sans un mot, mais plus prudent que jamais.

Un bruissement le figea de nouveau.

Il se tourna vers le centre du gouffre, par-delà quelques troncs de pierre. Là-bas, il y faisait sombre. C’était une ombre épaisse qui semblait s’accumuler au milieu de la zone.

Une ombre épaisse… ou alors, le Condamné.

La forme se soulevait et s’abaissait avec lenteur, mais régularité. La chose, d’une noirceur impénétrable, respirait. Une respiration endormie. Zak s’avança à pas lents ; il accentua son regard et aperçut les mouvements de Garûnd face à lui, de l’autre côté du gouffre. Ils avaient tous les deux vu le Condamné. L’attaquer en même temps de chaque côté semblait être la solution optimale.

Pourtant, le Condamné arrêta soudain de respirer alors qu’ils étaient encore loin de lui. Un grognement bestial retentit, sec et bref. Zak et Garûnd s’immobilisèrent au même instant.

Leur cœur s’emballa dans leur poitrine.

Leur instinct leur hurla de faire demi-tour.

Comme s’il connaissait déjà cette créature et savait que les humains n’avaient aucune chance face à elle.

Zak dut faire une monumental effort de volonté pour rester sur place. Il sentait presque la puissance du Condamné devant lui, comme si sa force et sa haine étaient palpables dans l’air autour d’eux.

La silhouette massive de noirceur se dressa au centre du gouffre. Zak étouffa un cri d’effroi dans sa gorge. Le Condamné avait grandi. La dernière fois, il était de taille humaine, bien que sa silhouette fût toujours enveloppée d’une ombre dense et agitée, qui ne permettait jamais de le discerner clairement.

Mais là, il avait pris du muscle, c’était évident. Pendant un instant, Zak aperçut deux bras musculeux, aussi épais que les piliers de pierre qui les entouraient. Des jambes noueuses, puissantes, un torse large et des épaules solides. Pour une hauteur qui devait frôler les cinq mètres.

Mais avant de pouvoir le distinguer plus clairement, l’ombre qui le composait se délita et entoura son corps d’une sorte de fumée entre le liquide et le gaz. Le plasma sombre l’enveloppa, et il devînt ce qu’il avait toujours été aux yeux de Zak, dans les profondeurs de l’Arène : un cauchemar vivant, impossible à voir de ses propres yeux, un véritable monstre sans nom et sans visage. L’horreur-même.

Une machine à tuer, à la volonté instable et aux pouvoirs terrifiants. Mais là, Zak était incapable de le paralyser. Il était trop grand, et sûrement trop puissant.

Le Mutant Électrique s’en voulut soudain d’avoir eu cet instant de relâchement, quelques semaines plus tôt. C’était de sa faute à lui, si cette… cette chose était en liberté. Si elle avait réussi à quitter sa cellule sous l’Arène.

Une secousse fit trembler le sol. Le Condamné pivota droit sur lui. Zak sentit les poils de sa nuque se dresser, et des frissons d’appréhension parcoururent son corps.

Soudain, un trou béant s’ouvrit dans la silhouette brumeuse du Condamné. Une bouche énorme, garnie de crocs blancs et luisants, s’épanouit sur des abysses insondables. Et alors, un rugissement explosa dans le gouffre.

Zak sentit ses tympans lui vriller le cerveau. Le sol se mit à rugit en écho, à trembler. Une colonne de pierre s’effondra en soulevant un nuage de poussière. Zak trébucha en arrière et heurta le sol violemment. Il sentit un filet de sang couler à l’arrière de son crâne, mais pas de douleur. Il savait qu’il ne tarderait pas à sentir les effets de l’adrénaline redescendre ; la panique le gagna.

Soudain, Garûnd surgit de l’obscurité et projeta son poing entouré de lumières droit sur le Condamné. Ce dernier lâcha une espèce de glapissement qui interrompit son cri de rage ; il recula de quelques mètres sous la puissance de l’impact. L’ombre qui l’enveloppait se hérissa, comme prise de vie, et le transformant en bête intimidante recouverte de piquants aiguisés.

Deux yeux rouges luirent dans la masse informe de plasma. Des yeux fous, pleins de rage et de sang.

Garûnd ricana :

— Allez, Zak, bouge-toi ! Il fait le beau mais il a pris cher. On peut encore le tuer, ce monstre !

Le concerné se releva d’un bond en époussetant ses vêtements. Il enveloppa son corps d’électricité ; la pénombre recula et le Condamné aussi. Il n’aimait ni la lumière ni les attaques de Type Combat ; c’était bien parce qu’il était de Type Ténèbres que Mervald avait mis au point la Némélia 3 électrique et combat pour les deux amis. Ils avaient un avantage sur le Condamné… mais jusqu’à quel point ?

À quel point le Condamné avait-il grandi depuis sa fuite de l’Arène ? Était-il déjà assez puissant pour faire fi des avantages de type ?

Une onde de choc émana du corps du Condamné. Garûnd et Zak évitèrent la Vibrobscur d’un bond ; les colonnes de pierre autour d’eux furent proprement coupées en deux et dégringolèrent autour d’eux, provoquant éboulements et soulèvements de poussière.

Toussant et crachotant, Zak et Garûnd s’éloignèrent à l’aveuglette. Le Condamné était sans conteste plus puissant qu’avant, et visiblement plus malin. Ou alors, était-ce par hasard qu’il avait provoqué ce chaos au fond du gouffre ?

Zak se retourna et tendit les mains en avant.

— Garûnd, j’attaque devant !
— Vas-y !

La voix du Mutant Combat retentit plus loin à sa droite. Zak fit jaillir les Fatal-Foudre de ses doigts. Les éclairs rugirent et crépitèrent ; la poussière se dispersa et le Condamné, probablement touché, lâcha un grognement rauque.

Soudain, Zak sentit quelque chose à sa cheville. En abaissant les yeux, il remarque que la traînée noire s’était avancée vers lui en profitant du bazar ambiant. Accrochée à sa cheville, elle semblait s’agripper de toutes ses forces. Zak sentit la chaleur du liquide se répandre sur son mollet.

Un juron de Garûnd indiqua au Mutant Électrique que son compagnon était dans le même cas que lui.

— Il essaie de nous absorber ! s’alarma Zak.
— Je vois bien, ouais ! répliqua Garûnd.

L’étau se resserra autour de la cheville de Zak. Il tendit les mains sur son propre corps et se prépara mentalement à s’envoyer la plus grosse décharge de sa vie.