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Métal Hurlant de Flageolaid



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» Auteur : Flageolaid - Voir le profil
» Créé le 03/02/2019 à 09:30
» Dernière mise à jour le 03/02/2019 à 09:30

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Médiéval   Mythologie   Présence d'armes

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Épisode 1
D'un battement d'ailes nerveux, Zaro s'extirpe de la mêlée en devenir et gagne aisément une des grosses poutres poussiéreuses qui soutiennent le toit de cette auberge. Le pokémon n'y a pas encore posé ses pattes qu'un craquement, suivi d'un cri de douleur, retentissent dans la pièce. Le sonistrel n'accorde pas un regard à la scène qui se déroule en bas. Il en a vu d'autres, fort similaires, et sait par avance comment se finira la rixe. Aussi préfère-t-il scruter les environs.

Le plafond de la salle à manger est assez haut. Deux chaînes légèrement oxydées y sont vissées pour supporter les lustres grossiers qui éclairent la pièce. Une partie des combles reste néanmoins dans l'ombre. Zaro distingue quelques mimigals curieux, quittant leur toile pour observer d'où vient ce vacarme soudain. À croire qu'il s'agit de la première bagarre qui éclate dans ce relais pour voyageurs.

Au bout d'une courte minute, les insultes et les coups cessent soudainement. Les rares personnes présentes à cette heure dans la grande salle préfèrent détourner le regard, pour le plonger dans leurs chopes. Même le patron de l'établissement, un homme barbu et massif à peine réveillé, ne dit rien. Pourtant, il est connu pour sa grande gueule dès lors qu'il s'agit de défendre la prospérité de ses affaires. Ceci dit, il a appris à ne pas s'attirer les foudres de ses clients quand ceux-ci sont capables de terrasser à mains nues cinq individus armés.

C'est une femme trapue à la peau cuivrée qui a vaincu ce groupe de mercenaires. Ils l'ont sûrement prise pour une prostituée, avec toutes ces filles qui tapinent par ici. Ce n'est pas un hasard si les clients se font toujours aussi nombreux, ils savent qu'ils seront choyés. Mais à cette heure, les catins dorment. De là à demander ce genre de faveur à une guerrière dont les bras musclés ne trompent pas quant à son métier, il faut être suicidaire.

Zaro revient se poser sur l'épaule de cette femme étrange d'une vingtaine d'années, nommée Kainis. Ses yeux sombres, légèrement bridés, lui donnent un air impitoyable, accentué par le rictus de ses lèvres charnues. Elle ressemble à un homme avec ses cheveux roux coupés courts et son physique anguleux. À part les protections métalliques qui couvrent ses avant-bras et ses tibias, elle ne porte qu'une tunique de cuir sans manches, soutenue par une ceinture large à laquelle pendent deux glaives courts dans leurs fourreaux.

Sans un regard pour les cinq mercenaires qui gisent au sol, le visage en sang dans la sciure de bois imbibée d'alcool, Kainis se dirige d'un pas souple et assuré en direction du comptoir d'où le propriétaire surveille son auberge. Celui-ci ne peut s'empêcher de fixer l'épaule gauche de la guerrière androgyne sur laquelle une croix ansée a été marquée au fer rouge. À défaut d'être cultivé, l'homme entend beaucoup d'histoires de voyageurs. On lui a un jour raconté que les bâtards du roi de Sicane sont des combattants exceptionnels, entraînés depuis leur plus tendre enfance pour protéger la famille royale. On les reconnaîtrait à une croix ansée gravée dans leur chair.

Kainis parcourt la salle à moitié vide du regard, sans s'arrêter sur les mines sombres des poivrots encore éveillés, puis tire de sa ceinture une petite bourse en cuir et la tend au patron du relais. D'une voix posée, imitant le parler local, elle annonce :

« J'ai besoin de renseignements, chef.
– À quel sujet mam'zelle ? marmonne le barbu en détournant les yeux.
– Des bandits qui enlèvent des enfants.
– Pas de ça chez moi, mam'zelle.
– Oh ? Mais tu as entendu des choses, pas vrai chef ? demande-t-elle en faisant tinter les pièces dans la bourse.
– Hum, 'paraît que des bourrinos tirent des cages vers l'ouest.
– Des cages ?
– Sur roues. On arrête pas le progrès.
– Et que contiennent ces cages ?
– Qui sait ?
– Hum... Merci, chef. »

Sur ces mots, Kainis jette la bourse sur le comptoir et gagne la sortie à grands pas, ignorant une fois de plus les cinq hommes qu'elle vient d'assommer. L'air frisquet du matin chasse les émanations persistantes d'alcool et d'urine. Une fois dehors, Zaro quitte son épaule pour se dégourdir enfin les ailes. En quelques battements, il gagne assez d'altitude pour survoler la grosse bâtisse de pierres grises qu'est l'auberge. Le bâtiment semble assez ancien, il ne servait sûrement pas de relais pour voyageur à sa construction, encore que l’appellation "bordel avec vente d'alcool" conviendrait mieux pour désigner l'activité principale de l'établissement. Zaro tourne plusieurs fois autour de l'édifice, isolé au centre d'une plaine, avant d'amorcer sa descente en direction de l'étable en bois récemment construite, qui jouxte l'auberge.

Le sonistrel pénètre à l'intérieur à la suite de Kainis. Une forte odeur de crottin et de fourrage en émane, provoquant une grimace chez la jeune femme. Même la pire écurie de Sicane est mieux entretenue, mais au moins les pokémons qui logent ici sont bien nourris. La guerrière parcourt les boxes du regard à la recherche de sa fidèle Cylia. La plupart des montures sont des haydaims, créatures assez communes dans la région, quoiqu'on y trouve d'autres spécimens plus insolites, comme une rhinocorne ou deux mammochons.

Cylia se redresse en sentant l'odeur familière de Kainis et passe sa tête au-dessus de la porte de son box. En trois enjambées, la jeune guerrière vient se placer face à sa fidèle monture, avant de lui gratter affectueusement la fourrure beige et hirsute sous son museau. L'arcanine répond avec un jappement réjoui. Malgré l'étroitesse et la puanteur des lieux, Cylia semble reposée. Tant mieux, il lui faudra toutes ses forces pour rattraper ces ravisseurs d'enfants.

Puisque nul palefrenier ne daigne s'occuper d'elle – sans doute dorment-ils tous – Kainis pousse le loquet de bois du box, récupère l'harnachement de Cylia, jeté au sol par un valet d'écurie peu consciencieux, et quitte enfin cette étable puante suivie de ses deux pokémons. Une fois à l'extérieur, elle inspire une grande bouffée d'air frais, se jurant de ne plus jamais fréquenter les auberges hors de Sicane. Qu'espérait-elle, de toute façon, de la part de ces barbares guidés par l'avidité et le stupre ?

Il ne faut pas plus de cinq minutes à la guerrière pour installer le harnais de maintien sur sa monture. À la vitesse de course d'un arcanin, il vaut mieux être bien attaché pour ne pas perdre le contrôle. Une fois prête, Cylia s'assoit pour laisser Kainis et Zaro prendre place sur son dos. La première s'assoit sur la selle, le second dont un panier accroché derrière la nuque de la monture. Puis la folle chevauchée débute. Ni l'arcanine, ni la jeune femme ne se lassent de traverser d'immense plaines à la vitesse du vent. Malgré l'urgence de la mission qui lui a été confiée, Kainis sait profiter des plaisirs simples qui s'offrent à elle.

La guerrière rousse décide de suivre le conseil de l'aubergiste et foncer vers l'ouest, quitte à dévier de la route pavée. Dans son dos les premiers rayons du soleil dardent timidement au-delà de l'horizon, faisant luire la rosée imbibant l'herbe de la plaine. Au devant, la nuit noire étend encore son voile, tout juste illuminée par cette étrange lueur verte qui sillonne le ciel depuis la dernière lune. Ce n'était qu'un point à peine discernable, puis une virgule, une étoile filante verdâtre figée sur la voûte céleste, grossissant de jour en jour. Vu du sol, elle fait à présent le tiers de la lune, mais peut-être ce corps céleste est-il plus gros encore ?

Cette comète d'émeraude dégage quelque chose de menaçant. Les conteurs et les vieilles femmes affirment qu'il s'agit d'un mauvais présage, du signe d'une catastrophe à venir. Kainis est trop pragmatique pour croire à ces racontars. Les miracles et les fables ne l'intéressent pas. Sa foi se limite à un respect cérémonial envers Heatran, le Protecteur de Sicane. Pour le reste, elle préfère les faits tangibles. À ce titre, elle a remarqué que les pokémons sauvages se montraient plus agressifs depuis l'apparition de cette lumière verte, mais n'importe quel phénomène rend les pokémons nerveux.



À une demi-lieue de là, un banal village de campagne se lève dans la quiétude matinale, anormalement privée du chant quotidien du galifeu. La douzaine de chaumières brunes est agglutinée autour d'un puits commun, à moitié dissimulée par quelques grands hêtres qui offrent une ombre appréciable au plus chaud de l'été et un refuge contre le vent le reste de l'année.

Le vieil Orlik, premier debout, sort de sa masure en boitillant. Il s'empare de sa bêche en bois d'un geste las, avant de se diriger vers sa parcelle de terre. Assez vite, il remarque un camp installé non loin du village, près du ravin, d'où lui parviennent des hennissements de bourrinos. Il aimerait bien posséder une bête de cette taille pour labourer son champ. Peu pressé, il s'arrête quelques secondes pour observer les silhouettes massives de ces pokémons, puis reprend son chemin, après un crachat blanchâtre et malodorant.

Alors qu'il s'approche de sa parcelle baignant dans la lumière orangée du matin, une vision d'horreur le fait frémir. La tête du galifeu gît dans les hautes herbes entourant le village, séparée du reste de son corps. Épouvanté, le vieil homme en lâche sa bêche. À cet instant, un être de feu à l'aspect vaguement humain le dépasse en tournoyant. Les yeux écarquillés, il observe la figure flamboyante se diriger vers le village, rejointe par un autre diablotin du même acabit. Tant de frayeurs ont raison du pauvre qui inspire à pleins poumons pour hurler, mais rend son dernier soupir avant que le moindre cri ne jaillisse de sa gorge ; une lame traîtresse lui a perforé le cœur.

D'autres effigies enflammées s'approchent du hameau en valsant. L'une d'elles se jette bientôt sur la première chaumière, qui s'embrase instantanément. On entend brièvement les cris des malheureux brûlés vifs à l'intérieur, ce qui alerte le reste du village. En quelques instants, tous les habitants se ruent dehors et remarquent avec effroi trois menaçants danseurs de feu qui les narguent. C'est alors la panique. Les hommes se mettent à jurer, les femmes à hurler, les enfants à pleurer. Chacun prend la fuite, seul ou en famille, poursuivi par ces démons virevoltants.

Parmi la foule qui braille, une mère et ses deux enfants tentent de s'échapper en filant derrière les buissons qui bordent leur masure, légèrement excentrée par rapport au reste du village. Par chance, les figures de feu ne s'aventurent pas de ce côté-ci. Ils avancent en silence, accroupis, cachés par la végétation, priant pour ne pas attirer l'attention de ces terribles créatures. Trop occupée à surveiller leurs arrières, la mère ne voit pas arriver les deux hommes et le mackogneur qui surgissent devant eux. Sa fille pousse un cri de surprise. Elle n'a que le temps de se retourner qu'un des hommes la pourfend de son épée aussi noire que la nuit.

Le mackogneur se saisit du garçon et l'autre homme de la fille. Les deux enfants essaient de se débattre, mais l'assassin de leur mère leur brise une cheville à chacun d'un coup de botte féroce. Puis il réajuste son turban et jette un regard amusé à l'incendie qui s'étend dans le village. Son comparse l'interroge :

« Dewitt, on fait quoi de la gamine ? Elle nous sert à rien.
– Au contraire, rétorque-t-il d'une voix suave, elle peut nous être utile. Ces idiots qui vénèrent un glaçon nous demanderont encore un droit de passage.
– On a déjà du surplus.
– Mais nous sommes pressés. Il vaut mieux ne pas s'éterniser en négociations avec ces gens. On leur donnera la fille en plus. »

Sur cet échange, les brigands quittent le village, le mackogneur emportant les deux enfants sous ses bras musculeux. Les habitants du hameau ne les remarquent pas, trop affairés qu'ils sont à fuir à les danseurs de feu.



Cylia remarque une odeur de brûlé bien avant que le village, dissimulé derrière une butte boisée, ne soit visible aux yeux de Kainis. Une colonne de fumée grise s'élève bientôt derrière la colline, attirant l'attention de la guerrière. Après un bref tapotement derrière l'oreille, l'arcanine dévie légèrement de sa trajectoire pour se rapprocher du feu. Les cris des villageois ne tardent pas à leur parvenir, rappelant à Kainis une scène survenue deux jours plus tôt à Eduna, la capitale de Sicane. Son visage se renfrogne. Aurait-elle enfin retrouvé ces brigands ?

C'est avec une impatience à peine contenue que l'androgyne rousse voit se découper un village en flammes et quelques silhouettes sombres fuir l'incendie, tandis que l'arcanine file dans leur direction. Kainis serre les poings et les dents. Blotti contre son ventre, Zaro semble lui aussi pris d'un élan de nervosité. Et quand Cylia freine enfin à hauteur d'une fille maigrichonne d'une quinzaine d'années, Kainis l'attrape par le bras et aboie :

« Que se passe-t-il ? Allez, parle !
– C'est... c'est horrible, pleuniche la fillette apeurée. Ces choses, elles...
– Quelles choses ?
– Du feu... qui bouge, qui...
– Des Danse-flammes ! rugit la guerrière en la lâchant. Cylia, fonce ! »

Cette fois, elle en est sûre, elle a retrouvé les ravisseurs du prince. Ils usent de la même tactique que lors de leur rapt à Sicane, détourner l'attention avec ces diables de feu, tandis qu'ils enlèvent leur cible. Mais pour quelle raison iraient-il sévir dans un hameau misérable alors qu'ils détiennent un fils de roi ? Kainis ne perd de temps à réfléchir à ces futilités. Sa mission est de ramener son demi-frère, le prince Lucil, au palais. Les motivations des brigands ne l'intéressent pas.

En quelques foulées, Cylia pénètre dans le village en feu, puis le dépasse. Les Danse-flammes ont toutes disparu dans l'incendie qui dévore la moitié des chaumières. Plus loin, trois silhouettes s'éloignent, dirigeant leurs pas vers un camp d'où proviennent des hennissements de bourrinos. En plissant les yeux, Kainis distingue les fameuses cages évoquées par l'aubergiste. Elle ne doute pas un instant que Lucil est retenu captif dans l'une d'elles.

Une poignée de secondes suffisent à l'arcanine pour traverser le morceau de plaine les séparant du campement des bandits, installé près du ravin. Surpris, les ravisseurs se pressent d'enfermer leurs dernières prises dans l'une des deux cages et d'atteler les bourrinos. Dans leurs rangs, un roussil mauve agite son bâton au bout duquel naît une Danse-flamme. C'est donc lui qui les invoque, note Kainis en envoyant Zaro combattre le danseur de feu. D'un vif battement d'ailes, le sonistrel projette une lame de vent courbe qui tranche la créature enflammée en deux.

Voyant son invocation périr devant ses yeux, le roussil sombre décide d'engager personnellement le combat contre Zaro. De son côté, Kainis bondit sur un des bandits et l'empale de ses deux glaives, tandis que Cylia continue sa course en direction des cages. Difformes, forgées dans un métal rougeâtre, ces prisons sur roues sont à peine assez larges pour pouvoir y entasser tous les gamins enlevés. L'arcanine tente d'en arracher les barreaux de ses crocs enflammés, mais deux brigands armés de matraques l'en dissuadent.

Pour sa part, Kainis préfère nettoyer la place avant de s'essayer à un sauvetage. Elle dénombre une vingtaine d'adversaires humains, ainsi qu'une dizaine de pokémons. Même avec l'avantage du nombre, ces gredins ne peuvent rien contre elle. On l'a entraîné à combattre depuis son plus jeune âge, elle sait gérer plusieurs ennemis de façon à ce qu'ils se gênent entre eux. Elle esquive avec souplesse, pare avec brio, réplique avec force. Sa lame a déjà eu raison de deux hommes et d'une grahyèna. Elle s'apprête à ajouter une nouvelle victime à son tableau de chasse, quand une lame, sombre comme l'obsidienne, bloque ses deux glaives.

« Laissez-la moi, je m'occupe d'elle. »

Ce nouvel adversaire est un homme de haute stature d'une quarantaine d'années, au teint basané et au nez aquilin, portant une épaisse barbe grisonnante. Coiffé d'un turban rouge qui cache sa chevelure, il ressemble à un pirate. Cela ne fait aucune différence pour Kainis qui l'attaque farouchement. Mais à sa grande surprise, le bretteur au turban repousse son assaut sans effort. La guerrière jure et repart à l'offensive, visant à la fois à droite et à gauche. La lame noire de son adversaire bloque un des glaives, puis se met à onduler telle un séviper, faussant l'équilibre de la jeune femme. La pointe de son arme déchire la tunique ample de l'homme au turban qui, lui, parvient à la blesser à la cuisse.

Kainis se mord la lèvre inférieure jusqu'au sang. C'est bien la première fois qu'une petite estafilade de ce genre se montre aussi douloureuse. La bâtarde androgyne a l'impression qu'on lui a entaillé la chair avec une lame chauffée à blanc. Sa blessure la brûle jusqu'à l'os, comme si sa cuisse était transpercée d'aiguilles empoisonnées. Face à elle, son adversaire se délecte de sa souffrance avec un sourire moqueur.

« Dewitt, débarrasse-toi de cette furie en vitesse ! braille une voix rauque et dépourvue d'humanité.
– Oh, pour une fois que je m'amuse un peu, patron ! rétorque le bretteur au turban. De toute façon, cette pauvre idiote n'importunera pas vos plans bien longtemps ! »

Le temps de reprendre son souffle, Kainis détaille du regard celui qui semble être le chef. Chauve, dépourvu de sourcils, les yeux tombants, il n'a pas une tête de bandit. La jeune femme lui trouve un air de prêtre, que ses joues creuses et son teint de cadavre rendent sinistre. Kainis compte garder le chef de ces malfrats en vie afin qu'il soit puni à Sicane pour son outrage. En attendant, elle rugit en fondant à nouveau sur son adversaire.

À quelques mètres d'elle, ses compagnons luttent aussi contre les ravisseurs. Cylia contient trois d'entre eux avec difficulté, tout en s'appliquant à briser la cage retenant le prince Lucil, que l'arcanine a reconnu parmi les autres enfants. En revanche, Zaro se débrouille beaucoup moins bien face au roussil mauve. Le pyromancien pokémon submerge le pauvre sonistrel sous un flot de flammes incessant, quand il ne le martèle pas de son bâton magique.

Depuis sa prison sur roues, serré contre quatre autres enfants, Lucil regarde le combat acharné avec appréhension. La violence le dégoûte profondément et sa demi-sœur l'effraie depuis son plus jeune âge. Pourquoi faut-il que ce soit elle qui vienne le sauver ? L'enfant se surprend à espérer que Kainis soit mise en déroute afin que d'autres combattants de Sicane le délivrent à sa place. Mais il regrette bien vite cette indigne pensée.

Pour le moment, Dewitt se contente de parade et de réplique, il n'attaque pas vraiment, ce qui irrite profondément Kainis. Toutefois, la guerrière est trop expérimentée pour se laisser aller à la colère. Face à un tel adversaire, elle doit garder la tête froide, surtout en combattant au bord d'un ravin. Le moindre faux-pas peut la perdre. La rousse feinte de son glaive gauche pour frapper du droit, mais la lame noire ondule à nouveau, jusqu'à enlacer l'arme de Kainis. D'un geste puissant, Dewitt arrache le glaive des mains de la jeune femme. L'instant d'après, son épée sombre est à nouveau droite et rigide.

« Le Fer Dansant... une arme surprenante, n'est-ce pas ? commente Dewitt. Dire qu'il m'a suffi de me pencher et de le ramasser, pour le dérober à un vieil ivrogne cuvant dans la fange.
– La ferme et bats-toi ! crie Kainis en tentant une estocade.
– Laisse-moi te raconter mon histoire préférée, poursuit le bandit d'une voix sensuelle. En des temps reculés vivait un scalproie nommé Tranchenuit, doté d'un insatiable appétit guerrier. Ce pokémon, pourvu d'une force colossale, parcourait le monde à la recherche d'ennemis redoutables à terrasser, ne laissant que ruine et désolation sur son chemin.
– Par les cornes d'Heatran, tu vas la boucler ?
– Ha ! Sa folie meurtrière en vint bientôt à faire trembler Arceus qui, depuis son trône dans le ciel, foudroya Tranchenuit. Ce fut sans gloire que le scalproie sanglant rendit son dernier soupir. Un jour, un forgeron qui passait par là vit sa dépouille et décida d'en prélever le métal nécessaire pour forger une épée. Une fois son ouvrage terminé, le forgeron découvrit avec horreur que l'arme créée était capable de se mouvoir. Comprends-tu, Sicanienne ? Le Fer Dansant est vivant, animé par la soif de sang insatiable de Tranchenuit. Cette lame rend son manieur invincible à l'escrime.
– Tu parles trop, raaah ! »

Trop confiant, Dewitt ne voit arriver le coup qui lui entaille l'épaule gauche. De douleur, il baisse momentanément sa garde, permettant à Kainis de l'effleurer au niveau de la gorge. Fou de rage, le barbu l'attaque au visage. Par chance, le Fer Dansant manque l'œil gauche de la guerrière de peu, mais lui dessine une large balafre qui se met à saigner abondamment. A demi aveuglée, Kainis opte pour une posture défensive, mais d'un geste rageur, son adversaire brise son glaive. À croire que le Fer Dansant ne fait pas qu'onduler, il peut également trancher le métal sans difficulté.

Dewitt tente par deux fois d'occire la guerrière de Sicane, qui l'évite au dernier moment, malgré sa vision réduite et l'impression que sa joue est en train de brûler vive. Toutefois ses pas la mènent au bord du ravin, sans qu'elle n'en ait conscience. L'homme au turban se permet un petit ricanement de haine lorsque, d'un violent coup de pied dans le ventre, il précipite Kainis dans le vide.