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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 25/12/2018 à 23:18
» Dernière mise à jour le 01/01/2020 à 15:09

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 03 : Des problèmes en perspective
Si la Faculté de Rivamar était grande, notamment grâce à sa renommée, elle n’était rien en comparaison du Foyer des Étudiants. Pour accueillir les quelque mille personnes (élèves comme professeurs), il fallait énormément de place. Peu de chambres étaient individuelles. La plupart comportaient au moins deux personnes.

Le Foyer se trouvait à quelques centaines de mètres de la Faculté et il comptait plusieurs immeubles juxtaposés les uns à côté des autres. Un étudiant arrivé récemment ne s’y retrouverait pas aisément et pourrait mettre des heures à trouver sa chambre. Il est vrai que l’organisation des lieux aurait gagné à être améliorée.

Chaque Dernière Année et les volontaires parmi les Deuxième Année étaient chargés d’aider un Première Année. Ils étaient en quelque sorte leurs « parrains ». Beaucoup d’entre eux, afin de créer de nouveaux liens d’amitié, se mettaient même dans la même chambre que leur filleul. Parfois cela marchait, d’autres fois non.

Cela avait très bien marché dans le cas de Lucien. Depuis le mois de septembre, il cohabitait avec Marc, son filleul. Bien qu’ils ne se connussent pas avant le début des cours de celui-ci, ils s’étaient rapidement liés d’amitié. S’il était très bon dans les cours théoriques et donnait souvent des coups de main à son filleul, ce n’était pas le cas en ce qui concernaient les combats.

Ils étaient présentement dans leur chambre. Petite, il n’y avait la place que pour un bureau chacun, leurs lits et une salle de bain commune. Elle était garnie de nombreux posters et photos de différents Pokémon. Lucien avait fait un véritable temple aux Pokémon Spectre, Ténèbres et Psy. Ses draps avaient une image d’Ectoplasma. Il avait plusieurs photos avec ses Pokémon (Lugulabre, Ectoplasma, Alakazam, Ténéfix et Pifeuil) et lui-même. C’était déjà un adulte de vingt-deux ans, blond aux yeux bruns. Il portait des lunettes.

Marc, un jeune adolescent de presque 16 ans, quant à lui, avait un lit aux couleurs de Dracolosse, son Pokémon préféré. Il avait également les photos de différents Pokémon de tous les types. Il avait les cheveux noirs et les yeux tout aussi noirs. Il avait un piercing au nez et une boucle à la lèvre. Les deux venaient de s’habiller dans des tenues décontractées – c’étaient désormais les vacance.

- Tu es obligé de t’habiller en noir comme un vampire dès que les cours sont finis ? plaisanta Lucien.
- Que veux-tu, c’est mon style ! répondit Marc en riant. Toi t’es bien habillé comme un intello fils à papa…

Le jeune homme s'était effectivement habillé d'une chemise blanche et une cravate bleue, blanc, rouge. Il venait en effet d’une famille riche et influente de France et il avait été éduqué comme tel. Aussi étrange qu’il pût paraître, les deux mondes cohabitaient ensemble. Bien que des Pokémon restassent trouvables dans les autres régions du monde, les véritables tournois et autres compétitions ne se faisaient qu’ici, dans les régions Pokémon. Lucien était venu à Rivamar pour étudier de manière plus approfondie les Pokémon, car c’était une véritable passion pour lui. Mais il n’était guère doué dans les combats Pokémon, ce qui n’était pas du tout le cas de son colocataire.

Marc et Clara ne se s’étaient pour ainsi dire jamais rencontrés. Cela ne l’empêcha pas de mettre un gigantesque poster d’elle au plafond juste au-dessus de son lit avec son nom complet, Clara Lucile Galano, inscrit dessus. Elle était habillée de la tenue de Dresseur de la Faculté. Était-ce du fétichisme d’un fan ? Ou l’amour d’un jeune homme obsédé par une fille ?

Quand il le vit l’installer deux mois et demi auparavant, Lucien s’était posé la question. Mais ce n’était pas ça. Marc avait vaincu le Conseil des 4 de Kalos l’année précédente et il voulait entrer au Parlement du Monde Pokémon ; c’était son objectif, son ambition. Il avait de grandes idées pour le futur du Monde Pokémon, malgré son âge.

À l’époque de sa victoire, il n’y avait pas de Champion. Il pensait son accession dès lors acquise. Mais la loi prévoyait justement que personne ne pouvait y entrer, même s’il n’y avait pas de Champion. Ce n’était que partie remise, il s’était inscrit à la Faculté de Rivamar entre autres pour ses cours de politique. C’était pour cela qu’il l’avait mise en poster, pour que chaque nuit et chaque matin il ne perdît pas de vue son objectif.

- Hé Marc, es-tu prêt pour demain ? s’exclama Lucien.
- Parfaitement prêt. J’te remercie énormément de m’avoir filé l’identité de ses Pokémon. Ça va être du gâteau. Qui aurait cru qu’elle serait de notre Faculté ?

En effet, Lucien, qui était dans la même année que Clara, connaissait ses Pokémon pour l’avoir vue se battre de nombreuses fois. Mais les connaître ne servirait à rien sans une bonne stratégie. Clara était très forte, elle l’avait encore prouvé hier en vainquant son Ectoplasma avec un jeune Évoli.

- J’comprends pas comment tu as fait pour perdre contre elle hier. Moi j’l’aurais rétamé en moins de deux sa bestiole.
- Ne la sous-estime pas, répliqua-t-il. Évoli est certes jeune, mais son Draco et son Démolosse sont très forts. Je te rappelle que personne de notre promotion n’a jamais réussi à les battre en deux ans et demi.
- Pfff, c’est parce qu’personne n’a vraiment essayé. J’voudrais bien la voir contre mes Pokémon.
- Et que feras-tu si tu tombes sur son quatrième Pokémon ? Personne ne l’a vu.
- Du bluff. Elle prétend en avoir quatre, pourquoi elle s’en sert pas alors ? Soit il est super faible soit il n’existe pas.

Lucien soupira. Marc était beaucoup trop sûr de lui. Il avait bien envie de venir voir son match du lendemain, mais il ne savait pas s’il le pourrait. Le premier match de l’Ultime Champion était toujours médiatisé. Il n’y aura peut-être aucune place. En fait, il avait plus envie d’aller voir le match de Clara, plutôt que le match de Marc. Il avait vraiment envie de savoir comment elle se battait vraiment. Il savait comment se battait son colocataire, mais malgré trois ans d’étude en commun, il ignorait tout de son style de combat réel.

- Dernière chose, évite surtout de la mettre en colère.
- À c’que tu m’en as dit, ça pourrait être une bonne idée en fait…

« Encore un coup tordu à la Marc, super… » soupira-t-il.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Draco… ne serait pas responsable de la mort du Roucarnage ? murmura Élodie.
- La mort… ? s’exclama Clara, surprise. Il est mort ?!

Les deux sœurs se trouvaient toujours dans la gigantesque arène et rediscutaient des évènements de la nuit. Démolosse et Draco s’étaient éloignés et se parlaient également.

- La mort de ce Roucarnage va me causer des problèmes, Démolosse, soupira Draco tristement.
- La patronne sait que tu n’as rien fait, ne t’en fais pas pour ça ! lui répondit le chien. Mais je sais pas comment elle s’en est rendu compte.
- La fatigue… je ne pense pas avoir besoin de te rappeler le fonctionnement de cette attaque, n’est-ce pas ?

Démolosse grogna d’approbation. Non, il n’avait pas besoin de le lui rappeler : son corps et son esprit s’en souvenaient encore très bien. Draco poursuivit :

- Le corps du lanceur de l’attaque subit un violent contre-coup qui l’épuise fortement. Clara le sait, c’est une fille intelligente.
- Pas plus que nous, plaisanta Démolosse.

Le dragon sourit à sa remarque. Il était vrai que tous les deux l’étaient également. Mais l’intelligence ne faisait pas tout. Il avait agi d’instinct quand il empêcha son ami d’aller prévenir sa maîtresse, ce qui aurait peut-être permis de sauver le Roucarnage. Draco voyait Démolosse comme son ami. Il savait que lui le considérait plus comme un rival et qu’il n’osait pas admettre son amitié. Il lui avait pardonné de l’avoir attaqué après qu’il lui ait expliqué ce qu’il lui était passé par la tête.

- Draco… j’ignore quels problèmes vont te causer la mort de ce Pokémon sauvage, mais j’serai là pour t’aider à les résoudre. Hésite pas à me demander.
- Je te remercie… mais je ne pense pas que tu sois en mesure de m’aider, malheureusement. Je dois régler ça… seul.

Draco restait toujours aussi énigmatique... Démolosse ne connaissait à vrai dire pas grand-chose de lui. Il savait qu’il avait été capturé au Lac Courage et que c’est suite à sa capture que leur patronne avait changé radicalement sa manière de les entraîner, Draco et lui. En tout cas, il ne l’avait jamais vue le faire avec Xatu et Évoli était beaucoup trop jeune. Les deux jetèrent un œil aux deux sœurs qui étaient toujours en pleine conversation :

- Je vois… C’est comme ça qu’elle fonctionne… C’est d’une violence incroyable, murmura Élodie
- Malheureusement. Mais nous avons un problème plus urgent. Draco n’est pas responsable de l’attaque, il était en pleine forme. Et il n’y avait personne d’autre sur place.
- En fait si… quelque chose se trouvait dans l’arbre juste au-dessus duquel Démolosse s’est planqué. Je pensais que c’était un Pokémon dérangé par le bruit, mais quand j’ai regardé un peu avant de partir me coucher, il avait complètement disparu.
- Étrange en effet. Tu n’as pas vu à quoi il ressemblait ?
- Je ne voyais que ses yeux et on aurait dit qu’ils avaient une toute petite lueur rouge et il ne faisait que peu de bruit.

Ça n’allait pas les avancer. Il y avait beaucoup de Pokémon qui pouvaient correspondre à cette caractéristique, surtout dans le noir. Sans indication de taille ou de corpulence, il serait impossible de retrouver la trace de ce Pokémon.

- Dans son état, il aurait eu beaucoup de difficultés à partir discrètement. Tu n’aurais pas entendu un bruit par hasard ? reprit Clara.
- Oui… comme une détonation.
- Attends… il se serait téléporté ? s’exclama-t-elle. Ça n’a aucun putain de sens.
- En effet, vu comment tu me l’as décrite, aucun Pokémon sachant se servir de Téléport n’aurait pu le faire.

Elles étaient face à une impasse. Trop peu d’indices étaient à leur disposition pour enquêter et aucune preuve à donner à la police.

- Je suis dans une sacrée merde, putain. Si j’n’avais pas pété un câble hier soir, j’aurais pu éviter cette enquête de police…

En effet, la police de Rivamar était en train d’effectuer des recherches dans la forêt depuis les premières heures de l’aube. Ils n’étaient pas encore venus la déranger, mais elle savait que ça ne saurait tarder.

- Ça fait cinq ans maintenant… et tu n’arrives toujours pas à te contrôler, se désola sa sœur.
- Tant que j’arrive à la contenir ou que quelqu’un me stoppe à temps – comme tu l’as fait hier – il n’y a pas de problème. Si elle sort d’un coup, il n’y a plus rien à faire et je deviens complètement incontrôlable. Je suis désolée Élo… J’sais bien que tu t’inquiètes pour moi.
- Tu devrais t’excuser auprès de Draco… et peut-être consulter un psychiatre.

Clara soupira… Il était vrai qu’elle avait souvent penser à consulter. Elle avait passé quelques années avec une psychologue qui lui avait appris à canaliser sa colère, du moins en partie. Mais jamais elle n’a réussi à empêcher le genre qu’elle eut durant la nuit : incontrôlable, tempêtueuse, destructrice pourrait-on même dire. Une colère qui n’aide pas, elle ne fait que détruire. Draco avait été bien courageux de la supporter alors qu’il se savait innocent.

Son Pokémon la respectait, il l’aimait même beaucoup et c’était réciproque. Il avait accepté de s’en tenir à ce qu’elle exigeait de lui et, en cinq ans, jamais il ne la déçut. Certes, c’était un Pokémon qui voyait le combat comme un jeu et un passe-temps, il n’avait pas la même ambition que son Démolosse d’être le meilleur, juste de s’amuser, parfois aux dépens de ses adversaires… et de Clara elle-même. Mais ça ne l’empêchait pas d’être un Pokémon redoutable sur le terrain.

- On a un autre problème, prévint Élodie.
- Tu veux parler de la fausse secrétaire d’hier soir ? répliqua-t-elle.
- Je veux parler de l’étrange comportement de la fausse secrétaire d’hier soir.
- Comment ça ? s’étonna-t-elle, incrédule.

Elle respira profondément et expliqua l’étrange changement d’attitude de l’Infirmière Joëlle. Comme si tout d’un coup, une autre l’avait remplacée. Elle mit cela en parallèle avec la fausse secrétaire au comportement étrangement similaire.

- Il se passe quelque chose de très bizarre, résuma-t-elle.
- Oui et je n’ai pas la moindre idée de ce dont il s’agit, répondit Clara.

Elle regarda sa Pokémontre et constata qu’il était plus de 10 h 45. Si elle voulait passer à l’école, elle devait partir.

- Élo, je peux compter sur toi, pour Démolosse ?
- Oui tu peux compter sur moi. Prends Xatu avec toi, je vais garder Gardevoir avec moi pour réceptionner tes affaires.
- Tu veux quek’chose ?
- Des affaires pour deux semaines et ce sera parfait, répondit-elle en souriant.

Finalement, elle restait pour les deux semaines à suivre. Heureusement, avec tous ces évènements étranges, elle en aurait bien besoin. Elles se prirent dans les bras en signe d’aurevoir et elles se quittèrent. Clara laissa Draco et Démolosse aux soins de sa sœur et s’en alla…

- Démolosse, tu sais ce que tu as à faire, n’est-ce pas ? demanda Draco d’un ton parfaitement calme.

Celui-ci grogna d’approbation et fit remarquer à son ami :

- Tu pourrais lui faire un peu plus confiance, tu sais ? Elle peut se défendre toute seule.

Draco roucoula – c’était sa manière de rire – en entendant sa remarque et suivit discrètement leur Dresseur.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Julie était au guichet d’accueil devant son ordinateur. Depuis la fin du petit-déjeuner avec sa patronne et la petite sœur de celle-ci, elle avait passé une bonne partie du temps à préparer les documents pour effectuer le changement de Champion. Outre les différents documents officiels à signer et à faire signer au Champion, il y avait notamment toute la correspondance pour informer les différentes structures de l’Etat Pokémon, les Régions, les Centres Pokémon, les fournisseurs, etc., comme quoi il y avait un tout nouveau champion.

C’était un travail de longue haleine que de réunir toutes les informations nécessaires, d’autant que Julie venait de commencer. Âgée de vingt ans, il s’agissait de son premier emploi depuis la fin de ses études, à l’exception peut-être de son stage – rémunéré – de 39 semaines à Londres où elle en profita pour perfectionner son anglais.

Elle avait vu une petite annonce quelques semaines auparavant que la Ligue recherchait une secrétaire pour l’Ultime Championne avec des compétences linguistiques, particulièrement en anglais – langue que ne parlait pas Clara – et ayant un diplôme d’arbitre. Ayant effectué ses études à la Faculté d’Illumis, elle avait également pris des cours de combat et passé un diplôme pour devenir arbitre, toujours utile si on veut postuler pour une arène Pokémon.

Dans ses autres tâches, elle était également chargée de la comptabilité de l’arène. Elle aurait préféré qu’elle soit dévolue à quelqu’un d’autre, mais cela faisait partie de son cahier des charges. Comme si elle n’avait pas déjà assez de travail, entre l’arbitrage, la correspondance, la préparation du terrain, l’accueil des Challengers et du public, l’organisation des matches, la prise de rendez-vous… Pour un premier jour, elle était servie.

Peu avant 11 heures, Clara sortit de l’arène. La jeune fille lui paraissait sympathique. Elles avaient eu un bon courant toutes les deux dès leur première rencontre. C’est toujours un plus lorsque patron et employé se rencontrent pour la première fois. Un bon feeling dès le départ et tout se passerait bien. Certes, elle avait trois ans de plus qu’elle, mais elle avait gardé son âme d’enfant et l’insouciance de la jeunesse.

Sa patronne passa devant elle sans la regarder. Elle ne devait même pas l’avoir remarquée. Elle sortit un papier de sa poche et tapota sur sa Pokémontre. Elle l’approcha de sa bouche…

« Sûrement le téléphone dont elle parlait au petit-déjeuner. » songea-t-elle.

Elle reprit son travail tranquillement, continuant à préparer sa correspondance. Soudain, un éclat de voix la stoppa dans son travail.

- Comment ça, il est prêt, mais vous ne pouvez pas me l’envoyer ? rugit sa patronne.

Julie sauta en l’air en l’entendant parler de cette manière à son interlocuteur. Clara, pourtant si calme lors du petit-déjeuner et lorsqu’elle l’avait accueillie, était maintenant en colère. Elle la ressentait d’ici alors qu’elle n’était pas à côté d’elle.

- Je me contrefous que ce soit dangereux ou non. Je vous ai envoyé toutes les accréditations nécessaires et même des documents signés de la main du Maître. Alors me faites pas chier, putain de merde.

Du Maître ? Parlait-elle de Cynthia ou de quelqu’un d’autre ? Elle savait que pour pouvoir prétendre entrer au parlement, les dresseurs n’étaient pas obligés d’affronter celui de leur région (ils n’avaient pas tous le même niveau). De ce fait, elle se demandait laquelle était la plus forte entre sa patronne et celui de Sinnoh. Clara l’interrompit dans ses pensées en haussant encore plus le ton :

- Si demain matin, il n’est pas dans la boîte aux lettres de l’arène, je vais devoir annuler et repousser TOUS les matches jusqu’à que ma commande soit arrivée et ce sera à VOUS d’aller expliquer POURQUOI à la LIGUE !

Elle s’interrompit une seconde, son interlocuteur était en train de lui répondre.

- MAIS PUTAIN DE MERDE, J’VEUX PAS LE SAVOIR ! hurla-t-elle à s’époumoner. DÉMERDEZ-VOUS OU J’VOUS ATTAQUE EN JUSTICE !

Et Clara lui raccrocha au nez. De toute sa vie, Julie n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi colérique. Elle devrait éviter de l’énerver à tout prix, la voir comme cela la suffisait, inutile qu’elle en fût la cible. Fulminante, Clara sortit de l’arène. La jeune secrétaire s’apprêtait à reprendre le travail quand elle entraperçut une ombre bleue filer à l’extérieur de l’arène.

- Décidément, ma patronne et ses Pokémon sont pleins de surprises, plaisanta-t-elle.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Il était plus de 14 heures quand Clara arriva au Foyer étudiant. Elle avait en effet pris le temps manger quelque chose en ville avant de venir. Elle avait décidé de venir à pied, plutôt que par téléportation. Elle ignorait à quel point elle pourrait être occupée ces prochains jours, elle préféra donc profiter de ce temps à sa disposition pour marcher. En effet, 6 jours sur 7 et toutes les semaines jusqu’à fin mars étaient agendés en matches – un par jour, pour le moment. La Ligue avait accepté de lui laisser une journée de repos par semaine.

Elle avait revêtu son manteau bleu foncé par-dessus ses habits de Dresseur pour se protéger du froid. Elle était toujours habillée de cette manière, elle n’aimait pas les habits plus classiques et préférait porter sa tenue de « travail ». Tous ses vêtements avaient été faits sur mesure pour convenir à sa morphologie et permettre une grande souplesse dans ses mouvements.

Alors non, elle ne roulait pas sur l’or, loin de là, elle ne vivait que de ses économies et des Dresseurs qu’elle affrontait. Mais ses parents, eux, étaient plutôt riches et avaient souhaité lui offrir des vêtements sur mesure. Elle avait toujours trouvé ça étrange de leur part, vu qu’à l’époque de son départ définitif de la maison – à 12 ans – elle grandissait toujours.

Aujourd’hui, ce n’était plus le cas, elle avait atteint sa taille définitive – 1 m 68 – depuis quelques mois. On pouvait dire que ses parents aimaient jeter l’argent par les fenêtres. D’autant plus que, faits très étranges, ils n’accordaient pas une telle importance aux vêtements de sa petite sœur et de son frère aîné et surtout, les vêtements qu’ils lui envoyaient étaient toujours à sa taille.

Le Foyer d’Étudiants était particulièrement grand, devant accueillir approximativement 1000 personnes, du fait de la réputation de la Faculté de Rivamar. Il était très facile de s’y perdre lorsqu’on ne le connaissait pas. Malheureusement pour elle, sa marraine en première année en eut assez d’elle au bout de deux jours et était partie. Elle s’était retrouvée toute seule dans un immense lieu qu’elle ne connaissait pas, à devoir comprendre les fonctionnements du Foyer et de l’École. En résumé, elle avait appris sur le tas.

De ce fait, elle refusa lors de sa Deuxième Année de parrainer une Premier Année, ignorant comment elle aurait dû s’y prendre. Pour sa dernière année, y étant obligée, elle prit en charge sa petite sœur qui commençait sa première année. N’ayant pas réussi à se faire d’amis durant ses deux premières années, elle n’avait guère envie de s’occuper d’une inconnue dont elle avait douté qu’elle eût supporté son sale caractère.

Aussi étrange que cela pût paraître, cela n’avait pas dérangé sa petite sœur. Les deux filles ne s’étaient pas revues physiquement depuis plus de quatre ans – elles avaient correspondu par courriels et par lettres. Elle préférait retrouver sa grande sœur et passer du temps avec elle, plutôt que d’aller avec une inconnue dont rien ne garantissait que tout se passerait bien.

Clara repensa à ce qu’il s’était passé cette nuit. Elle s’était mise injustement en colère contre son Pokémon et elle s’en voulait pour ça. C’était totalement immérité, il n’avait rien fait. Il s’était trouvé là au mauvais endroit, au mauvais moment…

- Merde, mais qu’est-ce que tu foutais là Draco… Qu’est-ce qui t’a pris de sortir à une heure pareille, franchement.

Si seulement elle pouvait le comprendre, lui le pouvait quand elle lui parlait. Elle n’en doutait pas : il était très intelligent, tout comme son Démolosse. Tout serait plus simple ; elle n’aurait qu’à lui poser la question, comme elle l’aurait fait avec un vieil ami…

- Hé Draco ! Qu’est-ce que t’as fait de beau hier soir ? lui aurait-elle demandé.
- Je suis allé casser du Roucarnage, j’avais besoin de me détendre, lui aurait-il répondu en plaisantant.

Elle sourit à cette pensée. On ne plaisantait pas avec ce genre de chose, mais lui, qui prenait tout pour un jeu et un amusement, aurait bien été capable de lui sortir une phrase pareille. Mais malheureusement, ça ne suffisait pas à éclaircir ses pensées sombres.

L’après-midi de son arrivée, elle avait senti une présence qui l’observait et la suivait dans la Grotte Retour. Une femme étrange se présentant comme sa secrétaire l’avait ensuite envoyée paître. Un Pokémon s’était fait attaquer par un autre et celui-ci s’était par la suite téléporté autre part. Elle avait ensuite accusé son propre Pokémon des faits et l’avait copieusement passé à tabac… verbalement.

« Difficile de faire pire comme première journée, pensa-t-elle.

Était-ce de la paranoïa d’imaginer que quelque chose d’étrange se tramait derrière son dos ? Peut-être. Elle n’avait même pas encore vraiment commencé à travailler à l’arène que le doute l’assaillait déjà. Heureusement, sa petite sœur était là. À l’exception de ses quatre Pokémon, c’était la personne en qui elle faisait le plus confiance au monde.

Clara regarda aux alentours avant d’entrer dans le bâtiment où se trouvait son studio. Elle se sentait observée depuis qu’elle avait quitté l’arène. Elle ne vit personne. Soit c’était son imagination, soit la personne se cachait bien…

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Draco suivait Clara depuis qu’elle avait quitté l’arène. Ce n’était pas une histoire de confiance, mais il devait s’assurer de sa protection. Les temps étaient dangereux, les Dresseurs se faisaient attaquer, il se sentait obligé de garder un œil sur elle.

Il soupira. Il aurait très bien pu laisser ça à ses autres compagnons. Après tout, elle n’était pas partie toute seule… mais les évènements de la nuit l’y avaient poussé. Même avec toutes ces protections que le Dragon avait repérées – bouclier anti-téléportation, alarme d’urgence et fermeture de l’arène – il n’était pas tranquille.

Clara avait eu les moyens de se protéger auparavant, mais elle avait été obligée de demander des travaux spéciaux à Pokémontre SA, la laissant désarmée pour l’instant. Aucun humain n’était au courant – du moins à sa connaissance – et parmi les Pokémon, seuls Démolosse et lui-même savaient de quoi il retournait. Alors pour l’instant, les deux se relayaient depuis un mois pour assurer sa sécurité.

La nuit avait été très pénible pour lui. Entendant du bruit aux alentours de 3 h 30 du matin, il avait décidé de sortir – en ouvrant une fenêtre fermée – pour voir ce qu’il se tramait. Lorsqu’il fut arrivé, il ne put que constater ce qu’il s’était passé. Le Roucarnage gisait déjà grièvement blessé. Il savait qui se cachait derrière ça. Il n’avait pas le moindre doute : c’était une vengeance. On avait voulu lui faire passer un message :

« Draco prends garde, tu es le prochain. »

Il ne pouvait le croire, son passé l’avait rattrapé. Il n’avait pas voulu que Clara fût mêlée à ses problèmes ; c’était son Dresseur, elle n’avait rien à voir avec toute cette histoire. C’était pour cette raison qu’il avait attaqué Démolosse : l’empêcher d’aller la prévenir.

Il avait pris le blâme pour toute cette histoire et subi sa colère. Il ne lui en voulait pas, il eût agi de la même façon, s’il eut été à sa place. Cette attaque pouvait tuer, il le savait. Le Roucarnage était mort par sa faute.

« Démolosse… j’aurais dû t’écouter… soupira-t-il.

Draco était perché sur l’un des toits du Foyer d’étudiants. À force de se perdre dans ses pensées, il s’oublia et avait laissé partir Clara loin devant. Elle était déjà entrée dans le bâtiment depuis un bon moment maintenant… Sauf qu’il ne savait pas dans quelle chambre elle se trouvait.

En effet, si tous les quatre dormaient avec leur patronne à l’air libre, elle les remettait la plupart du temps dans leur Poké Ball respective avant de partir. Démolosse devait savoir où se trouvait sa chambre, puisqu’ils partaient souvent se promener. Et il avait un autre avantage : il pouvait la retrouver à l’odorat. Normalement l’odorat des Draco est aussi développé que celui des chiens. Mais à force de s’entraîner avec le Pokémon Ténèbres, il perdit peu à peu ses facultés olfactives pour pister.

Ça ne le dérangeait pas outre mesure, il avait conservé un odorat plus développé que l’homme qui lui permettait entre autres de ressentir les évènements récents (ceci en se concentrant et en y mettant beaucoup d’énergies). C’était une capacité épuisante et qui n’était pas du tout efficace pour suivre quelqu’un. En résumé, il avait perdu Clara et il n’était pas en mesure de la retrouver aisément.

Il s’envola et entra dans le Foyer par la porte qu’elle avait empruntée. La salle était petite et comportait une petite salle d’attente ainsi qu’un accueil, probablement réservé aux visiteurs. Un escalier était à gauche de l’accueil, un ascenseur à droite. Il y avait également deux couloirs menant aux chambres du rez-de-chaussée.

Ne sachant guère où aller et aucun Pokémon ne se trouvant dans la pièce, il arpenta les corridors, espérant tomber sur une porte ouverte menant à Clara. Quelques personnes s’y trouvaient :

- Eh Julien ! T’as vu l’Draco qui se promène ? s’exclama l’un d’eux.
- C’est bizarre, qu’est-ce qu’il fout ici ? On l’capture ?

Le prénommé Julien lui lança une Poké Ball, vif comme l’éclair, il se retourna pour l’attraper avec la base de sa corne et s’en servit pour jongler avec. Ça l’amusait, mais il avait surtout envie de faire comprendre que ce n’était pas un Pokémon sauvage et qu’il cherchait son Dresseur. Les deux gaillards se rirent de lui.

- Vous voulez pas m’aider ? Tant pis pour vous.

Il savait qu’ils ne comprenaient pas ce qu’il leur avait dit, mais il décida de leur montrer ce qu’il savait faire. En temps normal, les cornes des Draco sont un peu pointues, résistantes et pouvaient être dangereuses. Mais ce n’est pas le cas de la sienne : elle était très pointue, plus longue de cinq bons centimètres et également beaucoup plus résistante. Un coup de corne de sa part peut faire très mal, il pouvait aisément percer la peau d’un Tauros avec.

Quand la Poké Ball retomba, au lieu de la relancer en l’air avec la base, il se projeta en avant pour la transpercer avec la pointe. Elle atterrit au sol en plusieurs morceaux. Les deux compères crièrent de surprise, plusieurs étudiants sortirent de leur chambre pour voir ce qu’il se passait.

« Merde, Clara n’est pas là. » pensa-t-il ennuyé.

Il s’apprêta à faire demi-tour pour monter à l’étage supérieur quand quelqu’un lui parla :

- Eh toi ! Tu es le Draco de Clara, n’est-ce pas ?

Il se retourna et aperçut un jeune homme habillé d’une chemise blanche et d’une cravate bleue, blanc et rouge. Il approuva de la tête et s’approcha de lui. Avec un peu de chance, il pourrait l’amener à sa chambre…

- Hé Marc ! reprit-il. Viens voir.

Le prénommé Marc apparut à côté du jeune homme bien habillé. Il était vêtu de noir, avec des yeux et des cheveux de même couleur. Il avait un piercing au nez et une boucle pendait à sa lèvre inférieure. Il sourit et jeta une Poké Ball en l’air. Un Dragon en sortit. Il était de couleur orange et plus petit que lui par la taille, mais il était musclé et possédait des membres et des ailes, contrairement à lui. C’était son évolution…

- Dracolosse, je te présente ton adversaire de demain ! proclama-t-il avec un grand sourire.

Alors ce mec serait le premier adversaire de Clara ? Intéressant, il paraissait sûr de lui. Draco eut un petit sourire amusé en repensant au lendemain. S’il avait été plutôt contre l’idée de devenir le Pokémon d’un Champion à l’origine, Démolosse l’avait convaincu que ce serait une nouvelle expérience. Ce ne serait que le prolongement des championnats de double. Il avait peur d’avoir une reconnaissance mondiale, mais il s’était souvenu que les matches de Clara n’était jamais filmé. Il n’y avait aucun risque qu’on le vît à la télévision ou sur le Pokénet.

Les deux Dragons se faisaient face. Il n’y avait aucune animosité entre eux. Le combat se déroulerait entre leurs Dresseurs et chacun savait que l’autre ne lui ferait pas de cadeau. C’était normal, c’était toujours ainsi. Le serpent bleu se présenta :

- Salut à toi, ô grand Dracolosse ! Je suis Draco, Pokémon de la Grande Championne.
- Salut à toi, ô grand Draco ! répondit-il. Je suis Dracolosse, Pokémon d’un futur membre du Gouvernement Pokémon.

Il était de coutume dans leur espèce qu’ils se présentassent ainsi. C’était des Pokémon sages et fiers qui préféraient le pacifisme à la guerre. Les combats pouvaient être d’une grande violence, alors ses ancêtres avaient créé des règles. La présentation en était une.

- Accepterais-tu que nous commencions notre combat de demain par la coutume ? suggéra le Dracolosse.

Il était coutumier que les deux Pokémon lançassent chacun leur tour une attaque à son adversaire pour lui montrer un aperçu de sa puissance. Le moins fort des deux se soumettaient à l’autre. Cela évitait des conflits sanglants entre deux membres de la même espèce. On ne retrouvait cette coutume que chez le type Dragon néanmoins. Cela étant dit, lorsqu’ils appartinssent à un Dresseur, cette phase n’était qu’une introduction au combat. Draco n’hésita pas à lui répondre :

- J’accepte avec plaisir.
- J’espère que tu ne me décevras pas. Ce serait dommage de gagner trop facilement.

Draco sourit à sa remarque. Alors certes, il affrontait un Dracolosse et il s’agissait de son évolution. Mais lui qui avait vaincu le Méga-Gardevoir de Dianthéa en combat d’exhibition, il savait qu’il n’était pas un Pokémon facile à battre. Son adversaire ne s’attendrait pas à la moitié de ce qu’il lui préparait, il en était certain.

- Bon assez parlé baston, je cherche mon Dresseur. Tu sais où est Clara ?
- Désolé pour toi mon pote, mais j’sais pas dans quelle chambre elle est… répondit-il compatissant.

Draco ressentit de la déception à sa réponse. Mais le type qui l’avait reconnu devrait le savoir… ou au moins pourrait le renseigner. Mais comment lui faire comprendre qu’il avait besoin de son aide ? L’absence de moyen de communication entre humains et Pokémon était vraiment handicapante. Si un Dresseur pouvait leur exprimer ce qu’il voulait oralement et être compris, ce n’était pas le cas de la plupart d’entre eux. Peu avaient appris le langage des humains et quelques rares Pokémon de type Psy possédaient la capacité de communiquer par télépathie. Du coup, demander son chemin à quelqu’un incapable de vous comprendre, c’est comme si un humain parlait à une porte.

Le couloir avait fini par se remplir de personnes intriguées par ce qu’il se passait. Le propriétaire du Dracolosse et un étudiant, celui qui l’avait reconnu, discutaient toujours. Draco prit l’initiative de s’approcher de lui et prit un regard triste pour essayer de lui faire comprendre qu’il était perdu. Marc le remarqua et donna un coup de coude à son ami :

- Dis donc Lucien, qu’est-ce qu’arrive à c’Pokémon ?
- Bizarre, il semble triste, répondit le prénommé Lucien avec une grimace.

Il se massa le bras qu’avait frappé son colocataire. Il avait dû avoir avoir la main lourde. Il prit le temps de réfléchir et regarda autour de lui, puis tapa dans ses mains, tout le monde sursauta en l’entendant. Il se pencha en avant pour parler au Draco et posa sa main gauche sur sa joue pour la lui caresser :

- Tu cherches Clara, n’est-ce pas ?

Il approuva de la tête, quelqu’un avait enfin compris ! Il siffla de contentement. Il aimait bien qu’on le touchât à cet endroit.

- Je vais t’emmener à sa chambre, ne t’en fais pas. Marc, je te dis à plus tard.
- Tchô mec.

Celui-ci rentra dans leur chambre et son « nouvel ami » fit demi-tour pour rejoindre les escaliers quand une voix féminine se fit entendre dans le corridor :

- C’est quoi tout c’bruit ici ? On vous entend depuis le deuxième !

Draco se retourna et tomba nez à nez avec Clara. Il lui sauta dessus pour exprimer sa joie, celle-ci, surprise, tomba à la renverse sous les rires des étudiants. Elle s’esclaffa à son tour de cette mésaventure et Draco lui fit un sourire joyeux.

- Mais qu’est-ce tu fais là, mon grand ? s’étonna-t-elle.
- Il te cherche depuis un bon moment, l’informa Lucien.

Elle câlina gentiment son Pokémon qui le lui rendit par des coups de langue râpeuse au visage. Ce n’était pas très agréable, mais Draco s’appliquait avec tellement de gentillesse que Clara ne s’en offusquait pas. Elle se releva en s’appuyant sur son Pokémon, les autres s’éparpillèrent, tandis que Lucien quitta Marc pour la rejoindre.

- Tu es en train de déménager, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il.
- Oui, j’me sers de Xatu pour téléporter mes affaires à l’arène. J’ai presque fini…
- Désolé que l’on t’ait dérangée.

Lucien parlait de manière polie et évitait les erreurs. La plupart des gens se trompaient dans la formulation de leurs phrases, les coupaient ou conjuguaient mal leurs verbes, mais ce n’était pas son cas. Son apparence de fils à papa premier de la classe appuyait sur ce point. Clara parla soudain à sa Pokémontre :

- Élodie ? Oui, c’est bon. En fait c’est Draco qui a rameuté tout le rez-de-chaussée.
- …
- Oui, c’est ça, il est ici avec moi. Mais j’sais pas c’qu’il faisait là par contre. Je remonte.
- …
- Oui, à plus tard, j’te rappelle, bisous.

Elle poussa un profond bâillement et s’étira les bras. Elle était encore un peu fatiguée de sa mauvaise nuit. Ils commencèrent à gravir les marches, quand Lucien lui parla :

- Est-ce que tu manques de sommeil ?

Et soudain, sans crier gare, Lucien se retrouva la tête contre le mur des escaliers et quelqu’un lui faisait une clé de bras. Draco qui était déjà au palier supérieur se retourna, surpris par le bruit :

- C’est quoi ton problème, mec ? s’exclama Clara, qui le tenait fermement. J’t’ai rien demandé.

Cela n’en avait pas l’air, mais Clara était une fille musclée qui s’entraînait aux arts martiaux. Après son agression cinq ans auparavant, son père avait jugé bon qu’on lui enseignât de l’auto-défense. Cela eût été inefficace contre plusieurs hommes armés de pistolets, mais pouvoir se protéger contre de potentiels agresseurs lui paraissait très utile. Lucien en fit l’amère expérience.

Draco n’était guère surpris. La peur qu’elle inspirait à ses Pokémon n’était pas due qu’à sa colère, elle venait aussi du fait qu’elle savait se défendre. Sinon, Démolosse ou lui-même n’auraient qu’à lui envoyer une attaque à la figure pour la remettre à sa place. Après tout, ils étaient des Pokémon n’est-ce pas ? Eh bien non, ça ne marchait pas comme ça.

- Clara, lâche-moi s’il te plaît. Je souhaitais juste discuter.

Son Pokémon s’approcha d’elle et fit un oui de la tête pour lui indiquer que tout irait bien. Clara le relâcha lentement toujours suspicieuse. Après un court instant elle relâcha son corps et souffla profondément. Elle regarda Lucien calmement et parla :

- Excuse-moi de t’avoir plaqué contre le mur. J’n’ai pas l’habitude qu’un mec me parle aussi familièrement. Et tu avais raison, j’ai mal dormi cette nuit.

Lucien aurait pu partir dès qu’elle l’eut relâché. Mais cette fille l’intriguait. Elle n’avait pour ainsi dire aucun ami. Du moins, aucun étudiant ne semblait l’être. Elle était colérique, prompte à répondre avec violence à un simple propos déplacé. Pourtant, elle pouvait faire preuve de gentillesse et paraître sincère dans ses excuses. Son amour pour ses Pokémon semblait évident. En somme, une personnalité à faire fuir les autres… humains du moins.

Ses compétences en combat semblaient évidemment hors norme, autrement jamais elle n’aurait pu prétendre au titre de Championne Ultime. Sa défaite d’hier lui avait laissé un goût amer. Elle lui avait dit qu’il aurait pu gagner, mais il ne s’en était pas donné les moyens. Son erreur dès le début lui a très clairement coûté le match.

Il avait envie de la voir se battre à son niveau réel, celui où elle ne retient pas ses coups pour donner une chance à son adversaire. Il voulait comprendre comment un très bon Dresseur gagnait. Il souhaitait savoir comment un Pokémon pouvait ne pas trembler face à son évolution qu’il affronterait le lendemain. Draco semblait si sûr de lui qu’il en était impressionné.

- Je t’ai surprise avec une question familière malvenue, ce serait plutôt à moi de m’excuser.

Ils reprirent leur montée. Clara s’était détendue à présent. Soudain un appel eut lieu dans le haut-parleur :

- Mademoiselle Clara Galano est attendue au bureau du Directeur… immédiatement.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Le bureau du Directeur de la Faculté de Rivamar pouvait sembler petit, mais il contenait énormément de choses. Déjà, les murs de gauche et de droite ne se composaient que de bibliothèques et étagères contenant des centaines d’ouvrages de littérature, sur l’enseignement, sur la gestion des Professeurs, des étudiants, de leurs parents, etc. On y trouvait également des romans policiers, des livres de médecine… Un ouvrage s’appelait « Moi Directeur, je… » et était posé bien en vue sur le bureau.

« Le Directeur actuel doit en être l’auteur, vu que son nom y est inscrit. » pensa Clara.

Elle avait déjà eu l’occasion de fouiller dans les étagères et avait même déniché un livre, plutôt bien caché, appelé « Un Directeur ne devrait pas dire ça. ». Elle riait sous cape à chaque fois qu’elle s’en rappelait.

Le mur en face de l’entrée n’était composé que d’une grande fenêtre et de quelques photos encadrées représentant le directeur. Souvent seul, il était parfois accompagné de trois autres personnes âgées, l’un d’eux avait un physique de catcheur, un autre ressemblait à un illusionniste et la dernière affichait un grand sourire charmeur. En tournant la tête on pouvait voir la porte donnant sur le couloir, mais également un grand portrait du donateur principal de l’école… Un homme que Clara connaissait très bien : Xavier Galano, son propre père.

Clara était assise sur l’une des deux chaises en osier devant le bureau du même bois. Derrière se trouvait le fauteuil noir du Directeur, il semblait très confortable et était particulièrement adapté pour une longue journée à travailler assis. Un ordinateur portable était disposé. Le journal du Jour – Le Rivamarien – se voyait également. Le titre indiquait : « Mort suspecte d’un Pokémon à l’Arène Ultime ! »

Au sol était étendu un grand tapis représentant un Artikodin. Il avait dû être tissé par Jacquard Tapis, le tapissier de Balnéaria. Son père en avait aussi commandé un quelques années auparavant. Draco était sorti de sa Poké Ball et jouait sur le tapis en faisant de petits bonds, comme le chat voulant attraper une souris. Elle en avait eu assez d’attendre, alors elle l’avait sorti pour qu’il lui tînt compagnie.

« Vous lui donnez un tapis et il a de quoi s’amuser. » plaisanta Clara pour elle-même.

Cela faisait une bonne heure maintenant qu’elle avait été appelée… Draco l’avait transportée par la voie des airs pour aller plus vite. Elle ignorait si Lucien avait décidé de la rejoindre ou non. Après tout, ils avaient dû interrompre leur conversation. Elle lui devait bien de la continuer, après qu’elle l’ait violemment projeté contre le mur.

- Bordel, heureusement que j’avais presque terminé de déménager mes affaires. Fais chier d’être bloquée ici. J’ai d’autres choses à faire putain.

Elle jurait à intervalles réguliers depuis une bonne demi-heure. On l’avait faite entrer, mais le Directeur n’était toujours pas arrivé.

- À quoi ça sert de me dire de venir immédiatement, si le Directeur n’est même pas là. Fais putain de chier à la fin ! En plus Xatu est toujours dans la chambre, il doit se demander où j’suis passée…

Elle ne s’inquiétait pas trop pour lui. Si besoin était, elle pouvait prendre ses dernières affaires dans un petit sac et rentrer à pied. Il pouvait très bien rentrer à l’arène s’il en avait marre de l’attendre. Ce qui l’énervait par contre, c’était une convocation urgente, sans savoir de quoi il s’agissait. Clara en plus d’être colérique était impatiente… un vrai Chimpenfeu en colère, en somme.

Elle regardait sa montre pour la quinze millième fois – il était 16 heures passées – quand la porte s’ouvrit enfin. Le Directeur sauta en arrière quand Draco bondit plus loin qu’avant et atterrit juste devant ses pieds.

- Rappelez, s’iiiillll vous plaît, votre Pokémon, jeune fille, déclara le Directeur en accentuant fortement le « s’il ».

Clara soupira. Il était enfin là. Elle avait toutefois oublié que le Directeur avait peur de son Pokémon. Bien qu’il lui sauvât la vie un jour, il avait associé cet évènement à son Pokémon et depuis il en avait peur… ou alors, c’est juste qu’il le détestait. En fait, ce n’était guère important, elle ne se souvenait plus si elle avait imaginé une raison quelconque ou si c’était la réalité. Elle rappela son Pokémon dans sa Poké Ball.

- Bien Clara. Le Professeur Throshamp et moi-même avons à discuter avec vous de votre examen de pratique d’hier.

Évidemment, Tropchiant était là… ou plutôt Throshamp. Elle se leva pour serrer la main des deux nouveaux arrivants. Le Professeur tenta de lui écraser la main, mais elle le lui rendit bien. Tous deux étaient habillés dans un costard-cravate intégral noir avec une cravate bleue, pour le Directeur, et violette pour le Professeur.

« Chouette ambiance… » pensa-t-elle. « Entre le Professeur qui me déteste et le Directeur qui déteste mon Draco et qui ne me supporte pas, j’suis parti pour un sale quart d’heure… »

Si seulement elle avait pris Démolosse avec elle. Draco avec son côté joueur n’était pas très intimidant pour le Directeur, mais son chien pouvait changer d’attitude en un instant, comme elle, et il était très dangereux. Le Directeur le savait, tout comme son Professeur. Mais il n’était pas aussi colérique qu’elle.

Tandis que le Directeur s’assoyait à son bureau et posait ses clés sur le bureau, le Professeur Throshamp s’installa sur la dernière place chaise disponible à côté d’elle. Il ne la regardait pas.

- Malheureusement, reprit le Directeur qui n’avait pas du tout l’air désolé, nous avons décidé de vous donner une note insuffisante à votre examen pratique.

Voilà encore autre chose, mais en quoi était-ce nécessaire de la convoquer au bureau du Directeur ? Elle avait révisé à fonds ses examens écrits et oraux, ne les avait-elle pas réussis haut la main et ainsi compensés sa mauvaise note à la pratique ? Seulement… elle oubliait un détail…

- Du fait que vous ayez choisi une branche axée sur les combats Pokémon, je vous rappelle que l’écrit et l’oral ne compte que pour un tiers de la note. La pratique, elle, compte pour les deux tiers.

« Eh merde, fais chier… » jura-t-elle dans sa tête.

Elle avait échoué à son examen final et n’obtiendrait jamais son diplôme… À moins qu’elle ne réussît ceux de rattrapages… qui auraient lieu en août.

- Votre attitude inacceptable face à votre adversaire, les risques inconsidérés que vous avez pris pour votre Pokémon et surtout le fait qu’on ne vous entende pas lui donner clairement des ordres vous a fait perdre beaucoup de points, Mademoiselle.
- Sérieusement ? J’ai toujours entraîné mes Pokémon de cette manière : à ce qu’il puisse être indépendant de moi durant les combats. Et vous m’ôtez des points pour ça ? Ça ne vous avait pas dérangé les deux années précédentes, j’vous rappelle. Quant à mon adversaire, lui avez-vous ne serait-ce que posé la question avant de me sortir ça ? J’me souviens pas l’avoir entendu dire qu’il s’était senti insulté.

Clara commençait à fulminer de rage, mais elle devait se contenir. Soudain, une ombre vêtue d’un manteau brun passa rapidement sa tête encapuchonnée derrière la fenêtre, le bas de son corps resta invisible. Sautant sur ses pieds, Clara se précipita à la fenêtre pour voir de quoi il s’agissait… Mais la créature avait déjà disparu. Impossible de dire s’il s’agissait d’un homme, d’une femme ou d’un Pokémon.

« Je deviens parano ou quoi ? Personne ne pourrait se tenir au deuxième étage comme ça. C’est impossible ! » songea-t-elle.

- Rasseyez-vous Clara, demanda calmement le Directeur.

Le Directeur ne posa pas de questions du pourquoi elle s’était levée, étrange. Son Professeur la regarda une seconde et mit sa main à sa bouche moustachue pour réfléchir. Il l’avait également vue, elle en était sûre. Si elle avait le temps, elle pourrait lui poser des questions à la sortie. Il se passait vraiment des choses étranges ici.

Elle se rassit et croisa les bras. Elle réfléchissait. Si elle voulait obtenir son diplôme, elle devrait repasser un examen pratique et le meilleur moyen c’était…

- Monsieur le Directeur, j’ai une proposition à vous faire.
- Je vous écoute, Mademoiselle.
- Venez assister à mon premier match de demain et il fera office d’examen de rattrapage.

Le directeur, un homme âgé avec de courts cheveux gris et une barbe de trois jours de même couleur, avec des lunettes carrées, se leva. Il se tourna vers la fenêtre et réfléchit à sa proposition. Le Professeur Throshamp, lui, ne l’avait visiblement pas écoutée et était perdu dans ses réflexions. Il avait le regard dans le vague et positionné sur la fenêtre. Il revint à sa place et griffonna quelque chose sur un bout de papier.

- Très bien Clara, déclara-t-il. J’accepte votre proposition. Seulement, si vous échouez demain, vous devrez refaire votre dernière année.
- Je vous remercie Monsieur le Directeur.
- Vous pouvez partir, Clara.

Elle se leva pour partir et resta debout un instant, hésitant à demander un peu de temps à son Professeur. Celui-ci l’en empêcha :

- M. Smith, puis-je rester quelques instants seul dans votre bureau ? J’ai quelque chose à vérifier rapidement sur mon compte, ce ne sera pas long.

Les Professeurs avaient un accès à leur compte du travail sur tous les ordinateurs, y compris sur celui du Directeur. Celui-ci se leva donc pour raccompagner la jeune étudiante. Se doutant qu’elle ne pourrait pas lui parler de l’ombre à la fenêtre, elle décida de partir. M. Smith partit de son côté chercher un café.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Lorsque Clara retourna à sa chambre, Lucien l’attendait devant la porte en chêne sur laquelle était inscrit le numéro 29. Le jeune homme était sur un son téléphone portable, des écouteurs dans les oreilles. Il était appuyé contre le mur.

- Tu sais, la porte était ouverte, tu pouvais entrer, l’informa gentiment Clara.
- Après l’épisode de l’escalier, je n’avais pas très envie de me retrouver avec la corde au cou, lui répondit-il avec un sourire.

Sa petite blague morbide esquissa un sourire à Clara avant qu’elle n’éclatât de rire. Lucien fut surpris, mais l’accompagna quelques secondes plus tard. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas ri à cause d’un garçon autre que son grand frère.

Elle rentra dans sa chambre, constata que Xatu n’était plus là – comme elle l’avait supposé –, prit ses dernières affaires et les rangea dans un petit sac à dos. Son côté de la chambre était désormais vide. Elle avait laissé des photos d’elle et de sa sœur accrochées au mur. Elle avait ôté ses draps et les avait envoyés à l’arène. Des posters de Pikachu et de Gardevoir étaient accrochés à plusieurs endroits de la pièce – ils appartenaient à sa petite sœur. On aurait même dit qu’elle avait consacré un culte à Pikachu, tellement son lit ressemblait à un autel pour ce Pokémon.

Du fait qu'il avait recommencé à neiger, elle mit son manteau par-dessus son sac à dos pour le protéger du froid et de tenir plus chaud. Cela rendrait son dos anormalement arrondi. Elle sortit ensuite de sa chambre, Lucien l’attendait dehors.

- Bon, j’m'en vais. Ça fait des heures que j'suis là et j’ai pas envie de rentrer à pas d’heure.
- Je te raccompagne un petit bout ? proposa le jeune homme.

Elle soupira. Comment lui expliquer gentiment, sans s’énerver, mais fermement qu’elle n’avait aucune envie d’avoir un garçon dans les pattes ? Que ce fût en tant qu’ami et encore moins en tant que petit-ami. Pas de meilleure humeur que lorsqu’elle était dans le bureau du Directeur et n’ayant pas la patience de l’expliquer calmement, elle décida d’être franche et claire, ses yeux verts scintillèrent avant qu’ils ne devinssent sauvages :

- Je ne sais pas si tu as envie de passer du temps avec moi pour mes beaux yeux ou pour être mon amie ou je n’sais quoi, mais j’ai aucune envie d’avoir un garçon dans les pattes qui veut me protéger ou je n’sais quelle autre connerie. J’ai déjà un pot de colle, j’ai pas besoin d’en avoir deux.

Elle faisait référence à son Draco qui l’avait suivie jusqu’ici. Son attention l’avait touchée, mais il exagérait. Au moins, elle avait eu un peu de compagnie dans le bureau du directeur…

- Tu pouvais être claire, sans être insultante, tu sais ? répondit le jeune homme attristé.

Oups, elle avait été beaucoup trop loin dans ses propos. Elle le regretta immédiatement. Lucien avait été gentil avec elle – notamment en l’attendant, alors que rien ne l’y obligeait – et comment l’a-t-elle remercié ? En le plaquant contre un mur et en lui sortant des propos désobligeants derrière. C’était vraiment pas sa journée aujourd’hui…

- J’suis désolée… murmura-t-elle. Sincèrement.
- Tu t’es déjà excusée, trouve autre chose, Clara.

Elle réfléchit un instant puis reprit, sa réponse était évidente :

- Pour me faire pardonner, je t’offre deux choses : un entraînement avec moi et la possibilité de venir voir mon match de demain. Qu’en dis-tu ?
- Avec plaisir ! lança-t-il avec joie et un sourire radieux sur le visage. À quelle heure ?
- À 11 h 30. Viens un peu en avance, ajouta-t-elle.

Clara partit le sourire aux lèvres, contente d'avoir trouvé un moyen de se faire pardonner ses bêtises de la journée.














Lucien la regarda partir. Son sourire se transforma alors en rictus satisfait.


*_*_*_*_*_*_*_*_*
Clara était sur le dos de son Pokémon. Elle pesait 60 kg, mais elle était aussi légère qu’une plume pour lui. En descendant du bus au Centre Pokémon de Rivamar, elle s’était rendue compte que la ville était fortement animée en ce début de soirée. Elle aurait pris plus de temps à quitter la ville en bus que sur son Pokémon. Ça ne dérangeait pas Draco de la transporter ; il aimait ressentir leur proximité.

Du fait qu’il neigeait, elle transportait son sac à dos sous son manteau, par mesure de précaution. Malgré son type Dragon, Draco n’était pas dérangé outre mesure par le froid et la neige. Lui comme elle – et Démolosse – s’étaient entraînés dans les pires conditions atmosphériques possibles avec des températures allant de -30°C à plus de 50°C. Les capacités du Dragon à changer la météo se furent montrées très utiles en ce sens.

Sur la place principale de Rivamar, de nombreux combats de rue se déroulaient au même moment, plusieurs cercles de spectateurs s’étaient formés, certains plus grands que d’autres. Il était désormais près de 20 heures, Clara ayant décidé de manger au Centre Pokémon. Ils rentraient à l’arène.

Ce fut à ce moment-là que Draco fit une embardée qui fit tomber Clara sur les fesses. C’était douloureux, mais ce n’était pas le moment de réfléchir à ça : son Pokémon avait eu une attitude étrange, elle devait réagir.

- Draco, qu’est-ce qui se passe ?

Son Pokémon tremblait. Ce n’était pas de froid, elle en était certaine, mais il tremblait tout de même. Quelque chose ou quelqu’un avait dû lui faire peur. Elle posa sa main sur son corps pour le calmer, elle le câlina et le chouchouta jusqu’à qu’il se sentît mieux. Elle le rappela alors dans sa Poké Ball et fit demi-tour pour prendre le bus, elle n’avait pas envie de marcher plus que nécessaire.




Elle traversa la foule. Elle se rendait devant le Centre Pokémon. Elle aperçut un instant un combat entre deux enfants, un Typhlosion contre un Torterra – simple combat entre rivaux, songea-t-elle. D’autres combats avaient lieu sur toute la place et même dans les rues adjacentes. Elle s’apprêtait à poursuivre son chemin quand elle entendit quelqu’un parler près d’elle :

- Et toi, comment elle s’appelle déjà… Claire… non Clara Galano !

Elle se retourna un peu surprise. Quelqu’un l’avait appelée. On l’avait reconnue… Quoi de plus normal après tout, elle était passée dans le quotidien Le Rivamarien où des journalistes l’avaient interviewée lorsqu’on l’eut nommée Grande Championne. On l’avait même photographiée. De plus, elle s’était fait une renommée mondiale en remportant quatre années de suite les Championnats du Monde de Doubles, où, encore une fois, elle passa dans les journaux.

Le Dresseur qui l’avait hélée semblait avoir la quarantaine, il portait un bonnet et des gants pour se protéger du froid, ainsi qu’un manteau d’hiver et un pantalon de ski et des boots de Snowboard. Il aurait manqué cet objet précis pour que Clara crût que la personne revenait du ski.

- C’est bien vous, n’est-ce pas ? Vous êtes Clara Galano, la nouvelle Grande Championne ?

Des chuchotements parcoururent l’assistance, certains la pointaient du doigt pour attirer l’attention d’autres personnes. Quelques combats se stoppèrent même quelques instants pour que les participants pussent l’apercevoir. Décidément, elle était devenue une vraie célébrité avant même de commencer son travail.

- Oui, c’est bien moi. Je suis en effet Clara, la nouvelle Championne, se présenta-t-elle officiellement en levant les bras à la ronde.

Contrairement à son interlocuteur, elle s’était contentée de son manteau, elle ne portait ni gants, ni bonnet. Elle allait continuer son chemin, quand le snowboardeur s’approcha d’elle :

- Que diriez-vous d’un petit combat ?
- Vous savez, j’ai une arène, Monsieur… ?
- David Trégeant. Mais appelez-moi David. En fait c’est un peu devenu une tradition ici, le nouveau Champion se plie toujours à un combat d’exhibition dans la rue. Vos deux prédécesseurs l’ont fait, qu’en dites-vous ?

Le prénommé David portait quelques Poké Ball à la ceinture. Sa réflexion intriguait fortement Clara. Après tout pourquoi pas ? Qu’est-ce qui lui empêchait de combattre en-dehors de l’arène ? Et puis, peut-être que ça lui permettrait d’enfin se mettre dans son rôle de Championne ?

- Avez-vous fait un voyage initiatique ? s’intéressa-t-elle.
- J’en ai fait un il y a vingt-cinq ans et aujourd’hui, je suis membre du Parlement Pokémon, mais je m’entraîne toujours.

Intéressant, un adversaire qui n’avait pas besoin de passer la voir pour accéder au Parlement. Un sourire carnassier s’étira sur son visage ; elle était prête à combattre.

- J’accepte votre défi ! annonça-t-elle avec emphase en levant les bras à la ronde.

Les personnes présentes s’écartèrent en cercle pour leur laisser de la place. Il y avait beaucoup de curieux, il allait être difficile de faire un combat long sans risquer de toucher les personnes présentes… L’homme en face d’elle possédait quatre Poké Balls à sa ceinture. Clara n’avait guère le choix, elle allait se battre avec Draco.

- Je vous propose un combat 1vs1, qu’en dites-vous ? proposa David.
- Comme vous voudrez, accepta-t-elle avec un sourire amusé.

Les deux Dresseurs se faisaient face, David semblait sûr de lui, il devait avoir de l’expérience au combat. Il envoya en premier son Pokémon :

- Mysdibule, à toi de jouer !

Le Pokémon Trompeur se présenta devant elle. C’était un petit Pokémon jaune avec un air mignon sur le visage, mais possédant une énorme mâchoire comme corne. Mais, il lui sembla étrange, sa gueule normalement grise était rosée et ses yeux étaient rouges.

- Un chromatique ? Intéressant, jugea-t-elle. Mais voici mon Pokémon !

Elle envoya sa Poké Ball en l’air et son Draco en sortit, il parut surpris. Il ne se devait pas s’attendre à ressortir si vite. Il toisa son adversaire. Elle fit de même et l’analysa. Il était de type Fée et Acier et le Pokémon pouvait Méga-évoluer, il serait alors extrêmement difficile de le vaincre. Elle n’était pas avantagée dans ce combat…

- Mysdibule, Luminocanon ! lança-t-il avec force de conviction.

Quand on ignorait quelle est la force de l’adversaire, il était vrai qu’il valait mieux commencer par une attaque à distance. Seulement… il aurait dû lancer une attaque Fée. Le Pokémon chargea un puissant rayon grisâtre dans sa gueule géante. Elle fut projetée en direction du Dragon adverse.

- Attaque Lance-Flammes, s’exclama-t-elle.

La perle au cou de Draco vira à l’orange, comme une flamme, lorsqu’il chargea son attaque Feu et qu’il la fit partir vers son adversaire. Les deux rayons se frappèrent, mais le Lance-Flammes gagna rapidement du terrain sur le Luminocanon. La raison était très simple : si un Pokémon est faible et résistant à certains types, les attaques suivent le même principe. Acier contre Feu, c’est le Feu qui gagne.

Le Mysdibule mit fin à sa propre attaque et préféra se jeter à terrer pour esquiver l’attaque de son adversaire, se rendant compte qu’il ne gagnerait pas l’épreuve de force. Le temps qu’il se relevât fut de trop, son adversaire était déjà sur lui.

- Queue de Fer !
- Attaque Crocs Feu !

Alors que Draco allait le frapper au côté avec sa queue qui s'était illuminée. Elle était renforcée à l’acier, le Mysdibule l’attrapa avec sa gueule enflammée géante. Le Dragon hurla de douleur, il ne s’attendait pas à une telle réaction. Clara paraissait surprise aussi, mais resta calme. Elle ordonna alors à son Pokémon :

- Draco, débarrasse-toi de lui.

Avec une force surprenante et sous les regards impressionnés du public et la bouche grande ouverte de son adversaire, il souleva son adversaire dont l’énorme mâchoire était toujours accrochée à sa queue. Il se mit à la verticale la tête en bas ; il était parfaitement perpendiculaire par rapport au sol. Le Dragon se servit alors de son corps comme balancier pour le taper contre le sol dans tous les sens jusqu’à ce qu’il lâchât prise. Il finit par le faire, n’ayant pas d’autres choix dans la position où il était.

Les deux Pokémon commençaient à fatiguer et Clara avait envie d’en finir rapidement avec ce combat, mais préféra laisser son adversaire attaquer. D’un regard, Draco comprit qu’il ne devait pas bouger et attendre les ordres.

- Puisqu’il ne bouge pas, on va attaquer, Mysdibule, Câlinerie !

Le Pokémon glissa sur la neige pour de rapprocher rapidement de son adversaire. Mais au dernier moment, elle annonça calmement :

- Attaque Gros’Yeux.

Le Trompeur fut trompé… Alors qu’il s’était rapproché avec son corps jaune, Draco le regarda. Il le regarda avec une profonde haine sur le visage, ses yeux s’étaient agrandis et ses iris avaient un peu changé de couleur. Une aura de rage meurtrière s’échappait de son corps. Le Mysdibule prit peur et stoppa son attaque. Il ne bougeait plus, effrayé par le Dragon. Les personnes proches le ressentaient aussi jusqu’au plus profond de leur être.

C’est à ce moment-là que Draco se retourna avec une vitesse fulgurante et frappa son adversaire. De la même manière qu’un marteau cognant l’enclume, sa Queue de Fer le percuta avec une très grande violence. Le Mysdibule cria de douleur, alors que son front saignait abondamment. La perle du Dragon devint à nouveau orangée avant qu’il ne l’achevât d’une Déflagration.

Le combat était terminé. Mais le public ne savait pas s’il devait applaudir et féliciter leur nouvelle Championne. La fin du combat avait été d’une violence inouïe à laquelle personne ne s’était attendu. Quelqu’un tapa timidement dans ses mains et finalement toute le monde l’imita. Clara s’approcha de David et approcha timidement sa main. Il n’hésita pas une seconde et la lui serra franchement.

Il avait rappelé son Pokémon. Il était blessé, mais la blessure n’était pas trop grave. Mais il devrait passer la nuit au Centre Pokémon pour plus de sécurité. David était impressionné par la prestation de son adversaire et n’en tarissait pas d’éloges :

- En fait, vous aviez prévu tout ce qui allait se passer, pas vrai ?
- Euh… non. Je vous arrête tout de suite, le Crocs Feu de votre Pokémon m’a surprise. Vous m’avez attirée dans un piège et je suis bêtement tombée dedans.
- Mais vous vous en êtes sortie à merveille. Votre Draco est d’une souplesse et d’une force incroyable ! Je ne regrette absolument pas mon vote d’il y a sept ans, merci de m’avoir montré un aussi beau combat.

Clara rougit, on ne lui faisait pas souvent des compliments pareils. Ce type était au courant des spécificités des forces et faiblesses d’une attaque et en avait profité pour lui tendre un piège. C’était très bien joué de sa part, mais il n’avait pas les armes pour stopper Draco. Elle salua une dernière fois son adversaire et s’en alla. Draco volait à ses côtés.

- Bien joué Draco. Tu t’es bien battu. Mais la prochaine fois, évite d’être aussi violent à un combat d’exhibition, ça nous fait pas que des copains.

Le Dragon roucoula d’approbation. Il regarda derrière lui. Il aperçut quelque chose bouger au coin d’une rue, il s’apprêtait à aller voir, quand Clara posa une main sur son dos.

- C’est pas le moment, il se fait tard.

Il bougea la tête de haut en bas et de bas en haut pour approuver et regarda sa queue. Ses perles étaient tachées de sang. Il s’apprêtait à faire sa toilette quand son Dresseur posa un mouchoir dessus et frotta pour l’enlever. Une fois fait, elle l’enveloppa dans un deuxième, puis un troisième et mit le tout dans la poche de son manteau.

Elle sourit à son Draco qui la remercia d’un sifflement joyeux avant qu’elle ne le rentrât dans sa Poké Ball. Elle rentra finalement à pieds à l’arène, abandonnant l’idée du bus…

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Edward Smith était un vieil homme de plus de cent ans. Mais il n’en paraissait que soixante. Comment était-ce possible ? L’Armure d’Or, sans le rendre immortel, avait prolongé sa vie de plusieurs dizaines d’années. Avant il était le Chef de la Partie de Thé, un groupe de voleurs renommés. Désormais, il n’était plus que le Directeur de la Faculté de Rivamar. Il s’était coupé les cheveux et rasé la moustache pour se rendre méconnaissable et échapper ainsi à la police.

Quelques minutes auparavant, il avait dû reprendre la jeune Clara Galano. Il ne la détestait pas, ni elle, ni son Draco d’ailleurs. En réalité, ils lui rappelaient Éthelle et Sully. Son Pokémon avait malheureusement la fâcheuse habitude de s’amuser avec son précieux tapis et il détestait ça. Ils étaient bien mignons tous les deux, dommage qu’il eût dû la rappeler à l’ordre quant à son examen du jour précédent.

Son collègue, Michel Throshiamp… euh Throshamp – oui, il n’y a pas que les étudiants qui l’appellent comme ça – lui avait demandé s’il pouvait utiliser son ordinateur pour une vérification sur son compte. Il était sorti en même temps que Clara et en avait alors profité pour aller boire un café. Il avait laissé la clé à l’intérieur – clé ne possédant pas de copie – en se disant que son collègue pourrait lui ouvrir.

Une fois sa tasse terminée, ce qui lui prit approximativement 5 minutes, il retourna à son bureau. La porte était fermée, bien évidemment. Il toqua à la porte et dit :

- Michel, c’est moi Edward, laissez-moi entrer.

Aucune réponse. Serait-il sorti sans lui rapporter la clé ? Ce n’était pas son genre. Michel lui avait déjà demandé à quelques occasions s’il pouvait se servir de son PC, mais il lui avait systématiquement rapporté la clé…

- Sophie, avez-vous vu Michel sortir ?
- Non, Monsieur Smith, lui répondit sa Secrétaire.

Celle-ci était grande, la trentaine. Des cheveux noirs s’arrêtaient sur sa nuque, des lunettes plutôt discrètes et des yeux noisette. Elle était habillée d’un tailleur noir et portait des talons de la même couleur. Elle avait remarqué à plusieurs reprises la jeune Clara, mais étrangement, celle-ci ne la calculait jamais, alors qu’elles s’étaient rencontrées cinq ans auparavant.

Elle prit une boîte de médicaments contre les problèmes cardiaques dans un tiroir de son bureau. Elle était au courant de la maladie de Monsieur Throshamp et gardait toujours de la réserve au cas où. Elle s’approcha de son patron qui était inquiet.

- Que faisons-nous ?
- Écartez-vous. Je m’en occupe !

Il s’éloigna de la porte et hurla :

- ELIMINATION… DE… LA… CIBLE !

Et il se précipita sur la porte et la défonça d’un grand coup d’épaule. Edward était peut-être vieux, mais son corps était resté robuste. L’Armure d’Or l’y avait aidé.




Mais l’heure n’était plus à la rigolade, désormais. Michel Throshamp, qui aurait dû être assis sur son siège devant l’ordinateur, était couché sur le bureau, face à la fenêtre. Ses pieds pendaient dans le vide et ses bras étaient écartés du corps. Sa tête était tournée et sa joue touchait le bois de la table. De la bave sortait de sa bouche.

Edward se rapprocha de lui et prit son pouls. Il était mort, il n’y avait pas de doute. Mais comment était-ce possible ? S’il avait eu une crise cardiaque, ses mains auraient dû être proches de sa poitrine et non écartées du corps. Il aurait même dû appeler au secours, la porte n’étant pas insonorisée.

De plus, la fenêtre était fermée – en raison du froid évidemment – et la porte était fermée à clé, clé qui se trouvait toujours sur le bureau et dont aucun double n’existait. De plus, Sophie aurait pu voir n’importe qui entrer ou sortir de la pièce…

C’était un meurtre… Un meurtre en chambre close.

À SUIVRE