Chapitre 02 : Roucarnage
Elle se trouvait à la Faculté de Rivamar, plus exactement dans l’amphithéâtre où elle avait suivi la majeure partie de ses cours. Il faisait chaud dans la pièce. Quelqu’un avait dû oublier d’éteindre le chauffage… Ou était-ce tout simplement à cause de l’été ?
Elle regarda autour d’elle. Sa mère et son père étaient à sa droite. Son grand-frère à gauche. Elle eut du mal à les reconnaître… Elle savait pourtant que c’était eux, mais leur visage était étrangement flou. Ils regardaient tous devant eux. Elle reporta son attention sur la scène surplombant les sièges de cours. On avait ajouté un pupitre sur lequel un grand texte qu’elle ne pouvait lire était inscrit.
Des dizaines d’étudiants se tenaient là, habillés pour une remise de diplômes. Sa petite sœur était parmi eux, souriant à pleine dents. Heureuse de bientôt obtenir le sien.
Un homme s’avança sur le devant de la scène. Elle ne vit pas son visage, mais pensa qu’il devait être le Directeur. Il parla, mais elle ne comprit pas ce qu’il disait. Ses mots n’avaient aucun sens.
« Clara… » entendit-elle faiblement.
Soudainement, les rideaux derrière les élèves prirent feu. Les murs autour de la salle s’enflammèrent également. La chaleur dégagée se ressentait jusqu’à son siège.
« Clara ! » entendit-elle plus fort.
Le directeur continuait son discours, semblant ne rien remarquer. Les élèves l’écoutaient, comme hypnotisés. Ses parents faisaient de même, elle tenta désespérément de capter leur attention, mais ils ne réagissaient pas. Un feu s’alluma sur les sièges proches d’eux. Elle secoua ses parents en les appelant, mais ils ne bougèrent toujours pas. Son frère, toujours en train de regarder l’estrade, commença alors à la secouer et à l’appeler :
« Clara, Clara ! »
- Clara ! Mais réveille-toi putain.
Elle finit par émerger. Sa sœur la secouait comme un prunier pour qu’elle se réveillât enfin. La chambre était éclairée, mais il faisait nuit dehors. Elle porta sa main droite à son visage et réfléchit. Son rêve – ou un cauchemar ? – était très étrange. On aurait dit un flash du futur. Après tout, il s’agissait de la remise de diplômes de sa sœur, mais pourquoi un incendie s’était-il déclaré ?
Elle reçut alors une violente claque au visage qui la sortit complètement de ses pensées sombres et la réveilla définitivement. Ahurie, elle regarda sa sœur, elle était habillée de son pyjama Pikachu. Pokémon qu’elle détestait en raison de sa popularité qu’elle jugeait imméritée.
- Bouge-toi ! La forêt est en train de brûler !
En se précipitant à la fenêtre grande ouverte, elle appela ses Pokémon. Évoli dormait toujours à poing fermé, malgré tout le vacarme. Xatu était réveillé et était à côté de sa sœur. Ses deux autres Pokémon avaient disparu.
- Où sont Démolosse et Draco ? demanda-t-elle.
- Aucune idée, ils étaient pas là à mon réveil.
- Merde. Ils sont sûrement en train de se battre, jura-t-elle.
- On fait quoi ?
Elle ne répondit pas. Elle claqua des mains et Xatu vola vers elle. Il utilisa Téléport, laissant Élodie en plan. Oubliant ses Pokémon, elle récupéra juste sa Pokémontre avant de se précipiter vers l’ascenseur.
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Draco et lui s'échangeaient un regard. Les yeux de son partenaire lui semblaient indifférents, comme s'ils n'exprimaient aucune colère à son encontre. Il ignorait pourquoi, mais il l’avait attaqué avec Queue de Fer. Bien que, étant de type Feu, il fût résistant à son attaque, il n’y était pas allé de main morte et l’avait projeté lourdement contre un arbre. Le Dragon voulait se battre ? Parfait.
Il lança un autre Lance-Flammes. Son adversaire n’esquiva pas, mais se contenta de répliquer par un puissant Pistolet à O. Au contact, les deux attaques s’annulèrent, ne créant qu’un simple nuage de vapeur. Démolosse mit fin à son attaque. Il était inutile d’utiliser des attaques Feu aussi faibles, Draco pouvait les contrer aisément. Il utilisa alors Vibrobscur, mais Draco le para avec un Dracosouffle. L’onde obscure et le souffle vert se percutèrent, mais ne donnèrent pas plus de résultat.
Draco ne cherchait pas à l’attaquer, préférant juste bloquer ses coups avec les siens. Démolosse chargea alors un Ultralaser. Il fit de même. Ils étaient prêts, ils allaient…
- Démolosse, abruti de chien ! hurla une voix qu’il connaissait.
Entendant la voix de sa maîtresse, il stoppa immédiatement son Ultralaser. Il la vit arriver et baissa les yeux. Il avait mis le feu à la forêt par inadvertance… il savait qu’il était en faute. Sa maîtresse lui parlait parfois comme ça quand il faisait quelque chose de mal.
Clara était apparue au milieu de la clairière avec Xatu. Sa Pokémontre indiquait plus de quatre heures du matin et elle était en chemise de nuit, aux couleurs de Démolosse, en plein hiver, bien que l’incendie eût tôt fait de la réchauffer.
- Démolosse, il est 4 heures du matin putain. Je t’ai dit que je m’occuperais de ton entraînement demain. T’étais obligé de te battre avec Draco et créer un énorme incendie ?
Il s’assit et baissa la tête tout triste. S’il avait des oreilles, elles se seraient penchées en arrière. Il s’approcha d’elle et lui lécha la main pour se faire pardonner. Clara lui caressa le cou puis reprit :
- Bon… il est temps de retourner se coucher. Xatu, si tu veux bien…
Xatu ferma les yeux et se concentra un instant. Quelques secondes passèrent sans que rien ne se passe… Puis, sans signe avant-coureur, toutes les flammes disparurent d’un seul coup. En l’espace d’un instant, plus aucun arbre n’était en train de brûler, bien qu’ils restassent noirs aux endroits où leu les avait atteints.
Clara frissonna et posa une main sur la tête de son Pokémon pour le remercier. Xatu inclina la tête, comme pour dire que ce n’était rien. Elle se retourna pour partir à pied et elle le vit… Elle le vit enfin ! Ce pourquoi ses deux Pokémon s’étaient battus. Son corps commençait à bouillir de plus en plus, sa tête brûlait. Son corps virait au rouge vif…
Tel le tonnerre qui gronde, telle la foudre qui frappe le sol, tel un barrage qui s’effondre sous le poids de l’eau, tel un tsunami qui frappe les côtes et engloutit tout sur son passage, la colère de Clara devint incontrôlable. Elle devait sortir. Elle devait s’échapper de ce corps pour frapper quiconque d’assez fou se tenant à proximité. Un mot, terrible, puissant, empreint d’une force et d’une colère que nul ne pouvait connaître sans l’avoir affrontée, sortit de sa bouche :
- DRACO !
Démolosse s’enfuit ventre à terre derrière un arbre. Il avait une peur incommensurable de la colère de sa maîtresse. Elle n’était pas dirigée contre lui cette fois-ci, mais son corps tremblait fortement et son cœur battait à tout rompre à chaque fois qu’il la voyait dans cet état. Xatu s’éclipsa lui aussi. Mais Draco ne bougea pas.
- JE T’AI ORDONNÉ DE NE PLUS JAMAIS T’EN SERVIR. PLUS JAMAIS ! hurla-t-elle en accentuant fortement les jamais. ET SUR UN POKÉMON SAUVAGE, EN PLUS ?!
C’est à ce moment-là qu’Élodie arriva en courant. Elle ne s’attendait pas à la voir aussi furieuse. Elle pensait qu’elle réprimanderait juste son Démolosse pour avoir créé un incendie à une heure aussi tardive. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’elle devait se relever au milieu de la nuit pour arranger les bêtises de son Pokémon. Elle vit alors le pauvre Roucarnage étendu dans un piteux état. Elle eut un haut-le-cœur et dut se pencher pour vomir.
Elle se rapprocha du Pokémon. Sa sœur était dans une énorme colère et était incapable de prendre la moindre décision rationnelle. Elle comprenait la raison de sa colère, son Draco avait envoyé son Démolosse à l’hôpital pour plusieurs semaines à l’époque.
- Clara ! Il est toujours vivant !
Elle ne réagit pas. Elle était toujours en train d'engueuler son Pokémon et dans sa fureur, il était tout simplement impossible d’interagir avec elle. Désespérée, elle appela Xatu pour qu’il lui vienne en aide. En se téléportant, il pourrait l’amener au Centre Pokémon de Rivamar… Il s’exécuta immédiatement, mais sa téléportation échoua. Il revint exactement au même endroit.
- Bordel, qu’est-ce qui se passe ?! C’est pas le moment putain ! jura-t-elle.
En désespoir de cause, elle appela l’Infirmière Joëlle avec sa Pokémontre.
- BonsoirjaiunPokémontrèsgravementblessédépêchezvousparpitié, dit-elle d’une seule traite.
- Bonsoir, je n’ai pas compris, mais au son de votre voix, ça me paraît urgent. Où êtes-vous ? Je me téléporte immédiatement.
Élodie respira. Elle était stressée, mais devait expliquer la situation.
- À l’Arène Ultime. Mais la téléportation ne marche pas, j’ai déjà essayé.
- C’est vrai vous avez raison. La Ligue m’a prévenue. Pas le temps de vous expliquer, mais il faut que deux Pokémon lancent la téléportation à l’endroit de départ et d’arrivée en même temps pour que ça marche. Attendez, je prends ce qu’il me faut…
Quelques minutes s’écoulèrent qui semblèrent être des heures. Élodie murmura des « Vite, vite ! Dépêchez-vous s’il vous plaît ». Finalement, elle revint au téléphone et dit :
- Lancez l’attaque Téléport à trois ! Un… Deux… Trois ! Hypnomade Téléport !
- Xatu, Téléport !
Il se concentra et lança l’attaque. L’Infirmière Joëlle apparut subitement avec une très légère détonation au milieu de la clairière avec sa trousse de soin et du matériel d’auscultation. Elle avisa Clara toujours en train de s'en prendre vocalement à son Pokémon ainsi que l'oiseau gisant aux pieds d’Élodie puis demanda :
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Aucune idée. On s'est réveillées alors que la forêt était en train de brûler. Clara s’est téléportée sur les lieux sans moi. Quand je suis arrivée, la forêt ne brûlait plus, mais ma sœur était déjà dans cette colère noire.
- Est-ce qu’elle peut… ?
- Non, impossible de la raisonner quand elle est dans cet état.
- Bien… Laissez-moi l’ausculter, je verrai ce que j’peux faire…
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Ayant laissé l’Infirmière Joëlle s’occuper du Roucarnage, Élodie était venue s’assoir près de Démolosse, toujours caché derrière un arbre. Elle s’était assise de manière à pouvoir voir ce que faisait l’infirmière et avait commencé à jouer avec des brindilles pour passer le temps.
Elle bâilla. Cela faisait plus d’une heure maintenant qu’elle était assise. Démolosse avait fini par la rejoindre et s’était couché à sa droite et avait posé sa gueule sur ses genoux, tout tremblant (la réchauffant au passage). Elle avait une main posée sur le ventre du chien et le câlinait de temps à autre. Tous les deux s’entendaient à merveille, bien qu’il ne lui appartînt pas. Chaque fois que sa sœur piquait ses crises de colère, il venait la rejoindre pour trouver du réconfort. En parlant d’elle, Clara avait heureusement fini par se calmer. Elle avait décidé de retourner se coucher, en lui laissant ses Pokémon.
Xatu s’était téléporté sur la branche où il était maintenant perché et observait ce qui se passait. Difficile de savoir à quoi il pensait ; il restait toujours impassible et peu réactif aux évènements. C’était un Pokémon obéissant, mais très solitaire. Il lui arrivait de partir seul plusieurs jours, mais sa sœur pouvait toujours compter sur lui.
Quant à Draco… Il était couché à sa gauche et dormait… ou du moins faisait semblant. Difficile à dire, il était de dos. Après son violent sermon qui avait duré près d’une demi-heure, il était venu la rejoindre avec un profond regard de tristesse dans le regard. Élodie le comprenait. Elle avait déjà subi la colère de sa grande sœur et clairement, il valait mieux fuir que de tenter de l’affronter. Même son Démolosse avait peur d’elle, alors qu’ils se connaissaient depuis la naissance.
Mais le plus important pour le moment était que le Roucarnage fût remis sur pied. Malheureusement, la tentative infructueuse de téléportation effectuée plus tôt l’avait encore plus affaibli et empêchait désormais tout déplacement au Centre Pokémon par ce moyen. Elle ne connaissait pas l’attaque de Draco qui l’avait aussi cruellement blessé. Sa sœur, en revanche, semblait savoir de quoi il s'agissait. Elle lui demanderait plus tard des explications…
Des craquements de branches dans un arbre voisin se firent entendre. Elle leva les yeux. Les ayant également entendus, Démolosse l'imita
avant de reposer sa tête voyant qu’il n’y avait pas de danger. Deux yeux les fixèrent un instant avant de se refermer pour se rendormir. Draco s’agita à côté d’elle et détourna son attention de la chose dans l’arbre. Elle posa son autre main sur le corps du Dragon et le caressa. Il se détendit un peu et roucoula de contentement en remerciement.
Un peu plus tard, l’Infirmière vint la voir. Ses vêtements étaient tachés de sang et elle était épuisée. Dérangeant Démolosse au passage, Élodie se releva pour lui parler :
- Qu’est-ce qui se passe ? Le Roucarnage va bien ?
- Il est mort…
Draco poussa un soupir. Il s’éleva dans les airs et s’éloigna. Démolosse partit à sa suite. D’où il était, on entendait un bruit étrange comme des pleurs. La femme et l’adolescente les regardèrent, puis l’infirmière l’informa :
- J’ai essayé, mais il était impossible de le soigner avec les moyens du bord, malheureusement. Outre ses blessures très graves, Roucarnage avait inhalé d’importantes quantités de fumée, ce qui peut être dangereux pour les Pokémon tout comme pour les humains. Son cœur s’est arrêté de battre il y a quelques instants.
- Je vois… Je vous remercie d’avoir tout tenté pour le sauver.
Elle se tut. Elle ne s’attendait pas à ça. Elle n’avait jamais vu un Pokémon mourir. Des larmes coulèrent sur ses joues, mais elle se ressaisit.
- Toutes mes condoléances pour votre Pokémon, dit l’Infirmière compatissante.
- Ce n’était… ce n’était pas mon Pokémon… murmura-t-elle. Il était sauvage.
Elle se prit la tête avec les mains, comme si elle souffrait, se secoua la tête puis reprit :
- Je vais devoir faire un rapport à la police, l’informa-t-elle.
- Attendez, s’il vous plaît Infirmière Joëlle. Est-ce que je peux d’abord en parler avec ma sœur ? Elle doit savoir quelque chose…
- Non désolée, l’interrompit-elle. Ça ne sera pas possible. Un Pokémon appartenant à un Dresseur s’en est pris à un Pokémon sauvage et l’a mortellement blessé. Je suis obligée d’en faire part à la police.
- Mais...
- Il n’y a pas de « mais ». Votre sœur est peut-être la Grande Championne, mais elle doit prendre ses responsabilités quant aux actions de ses Pokémon ! s’exclama-t-elle avec une pointe de colère dans la voix.
Elle se releva, s’éloigna, prit son téléphone et appela la police.
- Mais quelle mouche l’a piquée ? s’interrogea Élodie. Elle a complètement changé d’attitude en l’espace d’une seconde.
Soudain elle entendit un nouveau craquement dans le même arbre que tout à l’heure. Une légère détonation caractéristique se fit entendre. Cette fois-ci, elle regarda attentivement pour espérer repérer cette créature au comportement étrange. Malheureusement, elle avait disparu.
« C’était quoi ça ? C’était quoi cette chose qui nous regardait ? Y aurait un lien avec l’attitude bizarre de Clara dans la grotte d’hier ? »
Plus elle y réfléchissait, moins elle y comprenait. Tout cela n’avait aucun sens pour elle. Constatant que l’infirmière était toujours en train de discuter avec la police, elle s’éclipsa discrètement pour retourner se coucher et la laisser s’occuper du reste. Le réveil à quatre heures fut brutal et elle avait besoin de se reposer suite à ses examens.
Elle appela les Pokémon de sa sœur et retourna se coucher… à pied. L’air frais lui faisait du bien et elle avait envie de marcher.
*_*_*_*_*_*_*_*_*
À 8 h 30, une puissante sonnerie les réveilla en sursaut. Elles se regardèrent, se sourirent et finirent par éclater de rire.
- J’suis désolée pour cette nuit. T’as dû gérer ça toute seule, c’était pas très sympa de ma part, Élo.
- Pas de problème, mais il va falloir qu’on en rediscute. Tu vas avoir des problèmes…
- Je vois…
Clara s’étira pour mieux se réveiller et regarda autour d’elle. Tous ses Pokémon semblaient émerger doucement de leur nuit, comme elles, ils ont été dérangés par…
DIIIIIIIIIIIINNNNNGGGGG DOOOOOONNNNNNGGGGG
- Bordel de merde, ils étaient obligés de mettre une sonnette aussi puissante ? geignit Élodie.
- Et comment voudrais-tu qu’on l’entende autrement ? répliqua-t-elle.
Mais qui ça pouvait bien être ? Il était 8 h 30 à son réveil, normalement cette Annie devrait déjà être là et aurait déjà dû ouvrir. Elle grommela :
- Super… Après m’avoir m’engueulée pour mon retard, elle est pas fichue d’être là pour faire son travail, c’est super génial…
- Va voir ce qu’il y a, je vais préparer le p’tit déj…
Toujours en chemise de nuit, Clara se dirigea vers l’ascenseur. Démolosse la suivit, intrigué par tout ce raffut. Évoli, qui avait envie de se dégourdir les pattes, fit de même. Lorsqu’elle y entra, la sonnerie se fit entendre une nouvelle fois.
- Oui oui, voilà j’arrive ! grogna-t-elle énervée.
Décidément, elle n’était pas d’humeur ce matin. Après avoir passé un énorme savon, dont elle ne se souvenait plus de la moitié, à son Pokémon, elle avait passé une heure à se retourner dans son lit à se remémorer les événements de la nuit. Finalement, sa sœur était arrivée avant qu’elle ne se fût endormie. Le remarquant, Élodie avait décidé de se recoucher dans le même lit. Elles aimaient bien dormir ensemble de temps à autre.
La porte de l’ascenseur s’ouvrit, Évoli en sauta et se précipita vers l’entrée. Clara y alla plus tranquillement, son Démolosse sur les talons. Lorsqu’elle ouvrit, une jeune femme à peine plus âgée qu’elle se présenta :
- Pardon, pardon, je suis terriblement en retard, veuillez m’excuser, Madame. Et j’ai oublié ma clé chez moi…
Elle était habillée d’un tailleur bleu et de talons noirs, tenue typique d’une secrétaire. Ses cheveux roux étaient attachés en queue de cheval. Mais ce qui intriguait le plus Clara, c’est qu’elle enchaînait les courbettes pour s’excuser et parlait précipitamment.
- Qui êtes-vous ?
Surprise de la question, la jeune femme releva la tête. Elle avait les yeux bruns et quelques taches de rousseur sur le visage. Elle était tendue par le stress. Elle répondit :
- Julie Rouillon, je suis votre secrétaire.
Clara sursauta à son tour, à cette annonce. La femme d’hier aurait-elle déjà démissionné ? Mais non, se répondit-elle immédiatement, impossible d'engager quelqu’un en une nuit. En repensant à la sienne, elle songea que beaucoup pouvait se faire en une nuit. Mais engager quelqu’un ? Non pas possible.
- Je croyais que c’était une certaine Annie Mourne ma secrétaire ?!
- Quoi !? On m’aurait virée avant de faire votre connaissance ? J’ai commis des erreurs ? Lesquelles ?
Elle lui tint les bras de ses mains avec une force surprenante. Cette fille était décidément une stressée de la vie, pensa Clara. Bah au moins, elle n’aurait pas cette mégère sur le dos. Mais une autre question se posait : qui était-ce et que faisait-elle là ? Bah, ces questions pouvaient bien attendre. Elle écarta gentiment les mains de cette Julie et la rassura :
- Non, non ! Tu n’es pas virée. La Ligue a dû m’envoyer le mauvais dossier, ahah.
En réalité, on ne lui avait envoyé aucun dossier. On lui avait juste demandé d’être là la veille au soir à 18 h 30. Elle avait pensé que la secrétaire de l’époque, Sophie Dourm, fût restée en poste ; elle s’était visiblement trompée. Cette soi-disant cousine lui ressemblait d'ailleurs énormément.
« Qui était cette femme bordel ? » se demandait-elle.
- Ooouuuufff… J’ai cru que vous m’en teniez rigueur pour avoir une heure de retard sur notre rendez-vous… Attendez… vous avez dormi ici ?
- Rigueur ? J’ai dix-sept ans, j’vais pas virer quelqu’un parce qu’il est en retard. Et euh… oui, j’ai dormi ici.
- La Ligue vous a remis la clé avant ?
- Oui oui, c’est ça ! mentit-elle.
Comment pouvait-elle lui dire qu’une femme l’avait trompée, elle la Grande Championne, et s’était faite passer pour sa secrétaire ? Trop honteux pour le dire. Soudain, sa secrétaire l’interrompit dans ses pensées :
- Votre Démolosse… il est ÉNORME !
Surprise de son exclamation, Clara jeta un œil à son Pokémon. Elle n’y prêtait pas vraiment attention, mais elle avait raison. Son Démolosse était beaucoup plus musclé, notamment au niveau de la queue, que ses congénères ; il était également plus grand et plus gros, quoique cela ne fût pas dû à une hygiène de vie malsaine ou à des produits dopants.
- Vous avez tout à fait raison. Il n’y en a pas beaucoup qui le remarquent, je l’avais moi-même oublié. Vous connaissiez déjà ce Pokémon ?
- Ma mère a adopté une femelle quand j’étais petite.
- Ils sont très affectueux, hein ? déclara-t-elle.
- Oh oui ! Je suis parfaitement d’accord avec vous.
- Arrêtons avec le vouvoiement, on a pratiquement le même âge. C’est ridicule là. Au fait, je suis Clara, la Grande Championne.
- Vous… tu as raison. Enchantée de faire vot… ta connaissance.
Cette fille lui plaisait bien. Une fois passé le choc de la rencontre et de ses manières un peu étranges, elles avaient pu partager l’espace d’un instant leur passion pour les Démolosse. Entendant le ventre de Julie grogner, elle proposa :
- Bien. Et si nous allions prendre le petit-déjeuner ?
- Ça ne vous… te dérange pas ?
- Bien sûr que non, voyons. Je vais pouvoir te présenter ma sœur et mes autres Pokémon. Évoli, on remonte !
Son Pokémon, qui était sorti, revint en courant et sauta dans ses bras et lui lécha la joue. Elle sourit, son Pokémon était tout aussi affectueux que son Démolosse. Elle lui caressa la tête et Julie fit de même avec sa collerette blanche. Le chaton ronronna de plaisir.
- Tu t’es bien remis de ton combat d’hier, c’est bien. Pour l’instant, tu…
- Vous avez déjà fait des matches dans l’arène ? s’exclama Julie.
- Non, pas encore ! répondit-elle un peu sèchement.
Elle soupira. Décidément, il fallait qu’elle se calmât. Elle prit une profonde inspiration et reprit :
- Désolée, j’ai très mal dormi cette nuit. Ce n’est pas contre toi.
- C’est moi, je n’aurais pas dû vous interrompre quand vous… tu parlais à ton Pokémon.
- Peu importe, montons…
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Lorsque Clara remonta avec sa secrétaire par l’ascenseur donnant sur la cuisine, Élodie avait déjà terminé de préparer le petit-déjeuner. Ses Pokémon (un Lippoutou, un Cornèbre et un Gardevoir) ainsi que les siens restés en haut étaient déjà en train de manger. Xatu faisait léviter ses croquettes avec ses pouvoirs Psychiques, les autres mangeaient normalement.
- Élodie, rajoute une assiette, s’il te plaît. Nous serons trois.
La jeune fille, toujours dans son pyjama Pikachu, jeta un œil à la nouvelle arrivante et sourit en signe de bienvenue. Elle alla chercher une assiette et des services supplémentaires. Quelques yaourts étaient disposés sur la table, avec du jus d’orange, du lait ainsi que des Corn Flakes. Des œufs étaient en train de cuire dans une poêle. Mais il n’y avait pas de pain.
Évoli et Démolosse allèrent rejoindre les autres. Si le petit chat se jeta sur sa gamelle et commença à manger avidement, le chien ténébreux se contenta de s’asseoir et ferma les yeux sans baisser la tête. On aurait dit qu’il s’était rendormi. Clara prit également le temps de montrer à sa secrétaire ses autres Pokémon. Une fois les présentations faites, la jeune secrétaire se présenta à Élodie qui revenait de la cuisine avec des couverts :
- Bonjour Madame, je suis Julie Rouillon, la secrétaire de la Grande Championne.
Clara éclata de rire au son du « Madame ». Décidément, sa secrétaire était trop polie. Ça lui faisait un peu bizarre : en dehors de sa famille, personne ne lui avait jamais parlé avec autant de bienveillance et de politesse. Elle fit part à Julie de l’âge de son interlocutrice – quinze ans – et laissa sa sœur se présenter.
- Moi c’est Élodie, enchantée… La secrétaire ? Ce n’était pas… ?
D’un signe de tête, Clara l’informa que ce n’était pas elle. Élodie secoua la tête et n’insista pas, encore un point à éclaircir plus tard… Elle se leva donc pour aller chercher les œufs. Il y en avait deux pour elle-même et un pour sa sœur, mais donna l’un des siens à Julie. Elle mit la poêle dans le lavabo et revint manger avec les deux autres.
- Dis-moi, Clara, comment vont se passer tes matches ? demanda Élodie en se rasseyant.
Julie releva la tête de son assiette, elle sortit de son chemisier un petit carnet et un stylo qu’elle posa sur la table et écouta. Ce genre d’informations était important pour renseigner les futurs adversaires de sa patronne. Clara prit le temps de finir sa bouchée et de reposer sa fourchette avant de répondre :
- Mon adversaire pourra choisir entre trois possibilités : match simple ou match double avec deux Pokémon chacun ou encore match total à 6 Pokémon. Je me plierai à sa décision.
- Mais vous n’avez que quatre Pokémon ? fit Julie incrédule, alors qu’elle prenait des notes.
Élodie faillit s’étouffer avec son verre de jus d’orange. Cette fille ne connaissait pas sa sœur. Elle déglutit et répondit :
- Ce n’est pas un problème, affirma-t-elle. Si son adversaire vainc ses quatre Pokémon, il sera désigné vainqueur.
- Mais… comment ? Ce n’est pas possible ! Êtes-vous sûre de vous à ce point de gagner que vous laisseriez votre adversaire avoir plus de Pokémon que vous ?
Les deux sœurs se regardèrent en souriant et éclatèrent de rire. Julie les observa ahurie. Les Pokémon, sauf Démolosse, se détournèrent de leur repas un instant, le temps de les regarder rire, avant de continuer à manger tout sourire. Clara finit par reprendre :
- Je vais utiliser principalement Draco et Démolosse dans mes combats. Xatu restera en retrait.
- Et Évoli ? demanda sa sœur.
- On verra. Je préfère attendre qu’il évolue.
- Pourquoi ne pas faire évoluer Draco ? demanda Julie.
Élodie détourna les yeux, embarrassée. Clara soupira et s’affala sur sa chaise.
- Impossible. Il n’y a rien à faire, il ne veut pas évoluer. J’ignore pourquoi…
- Ne vous inquiétez pas pour ça, Julie, il est super fort ! Si vous voyiez le dernier Pokémon qu’il…
- Élodie ! s’écria sa grande sœur.
Elle se renfonça dans sa chaise. Elle avait failli commettre une gaffe, alors qu’elle n’avait toujours pas parlé avec sa sœur du Roucarnage mort et de l’appel à la police. Ce n’était pas vraiment le moment de parler de ça, surtout avec une inconnue à table. Comprenant qu’il n’y avait rien à attendre de plus, Julie décida de ranger son carnet et de se préoccuper de son assiette.
Une petite demi-heure plus tard, les trois jeunes femmes avaient terminé de manger. Clara et Élodie discutaient ensemble depuis quelques minutes et Julie, laissée seule, observait Démolosse. Il n’avait toujours pas touché à sa gamelle et était resté dans la même position depuis le début du repas.
- Qu’arrive-t-il arrive à votre Démolosse ? Il médite ou il dort ? Il n’a pas bougé depuis le début du repas.
Élodie pouffa en entendant sa remarque. Clara sourit et sortit une balle pour chien de sa poche de pyjama – oui, elle avait joué avec lui avant de dormir – et la tendit sous la table à Julie. Elle pointa son Pokémon du doigt en faisant « Chhht ! » de son autre main. Julie haussa des épaules, ne comprenant pas vraiment, et la lança avec force directement sur le chien.
La balle vola vers sa tête. Il ne bougeait pas et restait toujours les yeux fermés. Au moment où elle allait le frapper, sans rouvrir les yeux, sa queue virevolta pour la frapper. Il la renvoya plus fort encore vers l’expéditeur. Julie fut surprise de sa réaction et ferma les yeux lorsqu’elle vit la balle lui revenir dessus.
Mais le choc n’arriva jamais. Lorsqu’elle les rouvrit, elle vit que Clara s’était penchée en avant pour la rattraper au vol. Julie applaudit pour la remercier. La jeune championne lui expliqua :
- Ce n’est pas de la méditation. En fait, il s’entraîne. Est-ce que tu connais l’attaque Machination ?
- Euh oui, c’est une attaque qui augmente la puissance des attaques spéciales du Pokémon, je me trompe ? répondit Julie.
- C’est bien ça. Mais c’est une attaque extrêmement difficile à maîtriser et elle possède un secret peu connu : un Pokémon qui maîtrise parfaitement son attaque Machination peut ouvrir son esprit et apprendre à faire de toutes nouvelles choses qu’il n’était pas capable de faire auparavant. Par exemple, renvoyer une balle les yeux fermés alors qu’on la lui a envoyée discrètement. Plénitude ou Yoga peuvent aussi être utilisés de cette manière, expliqua-t-elle.
- Impressionnant ! Ça n’a pas dû être évident de lui apprendre ça.
- Peu de Pokémon en sont capables et je ne sais pas comment le mien s’y est pris pour y arriver. En plus de cela, ça demande un entraînement quotidien et continu, comme tu peux le voir.
Clara regarda son Démolosse pensive :
« Tu fais tout pour prendre ta revanche sur Draco, pas vrai ? Tu m’impressionnes. Peu de Pokémon seraient allés aussi loin que toi. »
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Voilaroc… Grande ville parmi les grandes villes du monde Pokémon. Mais c’était une ville très dangereuse. Depuis la disparition de la Team Galaxie une quinzaine d’années plus tôt, de nombreux gangs et plusieurs mafias s’étaient regroupés à cet endroit.
Une jeune fille âgée de douze ans sortit du Centre Pokémon de la ville. Un Démolosse la suivait. Elle ne marchait pas vite, pour que son Pokémon arrivât à la suivre. Mais malgré cette lenteur calculée, il avait bien du mal. Une grande partie de son corps était bandé, notamment son ventre dont aucun espace de peau n’était visible. Malgré tout, il la suivait. Il voulait lui montrer que, même blessé, il était capable d’être digne et d’être un bon Pokémon.
Ils se promenaient dans le quartier, allant de-ci de-là. La jeune adolescente n’avait pas peur de l’inconnu. Son père s’appelait Xavier Galano et était surtout le maire de la ville depuis dix ans. En tant que tel, il était respecté et personne n’oserait s’en prendre à sa petite fille chérie. Du moins, c’est ce qu’elle pensait.
- Démolosse. Si tu veux pouvoir le vaincre en combat et prendre ta revanche sur la Grande Championne… j't’entraînerai comme jamais personne n’a entraîné son Pokémon. Es-tu d’accord ?
Le chien fit un aboiement d’approbation. Il voulait prendre sa revanche sur ces deux Pokémon qui l’avaient humilié et pire envoyé à l’hôpital, quoiqu’il en coûtât.
- Tu te dois de faire un effort avec lui également. Je veux pas devoir vous séparer à chaque incartade, compris ? reprit-elle en accentuant fortement le « compris ».
Le chien détourna la tête en signe de négation. Il n’était clairement pas ravi de faire équipe avec le Dragon… Soudain ils se stoppèrent net ; sans s’en rendre compte, leur pérégrination les avait menés dans un cul-de-sac.
- Toi, là ! Tes Pokémon et ton argent, fais pas d’histoire !
Elle se retourna lentement. Six hommes encagoulés se tenaient devant elle. Ils possédaient tous des Démolosse très agressifs. Elle sourit. Ils faisaient une énorme erreur en s’en prenant à elle. Même blessé, son Pokémon était parfaitement capable de la défendre, se disait-elle.
- Vous pensez me menacer avec des Démolosse ? Je suis une experte en ce Pokémon. Démolosse, Bomb’Beurk !
Malgré ses blessures, le Pokémon inspira et cracha plusieurs boules de liquide nauséabond de sa gueule. Chacun des chiens s’en reçut à la figure, sans plus d’effet que cela. Les loubards se rirent de sa tentative infructueuse. Ils ordonnèrent qu’ils lançassent tous un Lance-Flamme. Ils avaient ouvert la gueule pour s’exécuter, quand elle leur déclara :
- Je ne ferais pas ça si j’étais vous. Le mien a la capacité spéciale Torche. Et je serai la seule à rire, si vous le faites.
Les Pokémon se ravisèrent, comprenant que ça ne servirait à rien. Ils attendirent les ordres de leurs maîtres, mais le chef décida de passer à une autre tactique :
- Et contre ça, tu vas faire quoi, gamine ?
D’un mouvement de bras, ils sortirent tous en même temps de leur poche un pistolet qu’ils pointèrent sur elle.
- Ton fric et tes Pokémon, tu as 5 secondes ! 5 !
- Attendez, je suis sûre qu’on peut s’arranger !
- 4 !
- Mon père est le Maire de Voilaroc, il pourra vous donner tout l’argent que vous voudrez !
- Raconte pas de conneries ! 3 !
- Wesh Mick, arrête avec ton compte à rebours débile, t’vois bien qu’elle donnera rien !
- T’as raison ! Feu ! hurla le prénommé Mick.
Ils tirèrent en même temps. Clara se plaça devant son Pokémon pour le protéger. Le Démolosse ne voulut pas qu’elle se sacrifiât pour lui et tenta de se précipiter pour prendre les balles à sa place, mais ses blessures l’en empêchèrent. Refusant de voir la mort de sa Maîtresse, il ferma les yeux… Elle fit de même…
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- Clara, Clara ?!
Elle sursauta. Sa sœur venait de l’interrompre dans ses souvenirs. Elle soupira et demanda d’un ton ennuyé :
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Julie te demandait ce que tu allais faire aujourd’hui ? Si je me souviens bien tes matches ne commenceront que demain…
Elle regarda sa montre, il était presque 9 heures et demie. Elle résuma :
- Un coup de fil urgent à passer, chercher mes affaires à l’école, voir comment est l’arène et, si j’ai un peu de temps, préparer l’entraînement de Démolosse.
Cela faisait un bon mois qu’elle avait passé une commande à Pokémontre SA pour une demande très particulière, ne sachant pas vraiment à qui s’adresser d’autre. La Ligue Pokémon lui avait fourni toutes les accréditations nécessaires, mais cela commençait sérieusement à traîner.
- Tu veux que je m’occupe de l’entraînement de Démolosse ? demanda sa sœur.
- Il faut que je voie l’arène pour m’assurer qu’elle soit comme dans mes souvenirs, d’abord. Mais par principe ça ne me dérange pas. Tu sais ce que tu dois faire ?
Elle acquiesça. Ça n’était pas très compliqué, mais prenait juste un peu de temps.
- Comment comptez-vous… pardon, comptes-tu aller à l’école ? interrogea Julie.
- Par Téléportation. J’irai avec Xatu, ce sera beaucoup plus simple et plus rapide.
- Impossible, l’informa-t-elle.
- Comment ça « impossible » ? répliqua-t-elle. Je me suis téléportée d’ici la nuit passée.
- Pour des raisons de sécurité, la Ligue a installé un système qui empêche toute Téléportation volontaire vers l’extérieur ou vers l’intérieur.
Clara jura. Même si elle comprenait le principe, ça lui compliquait sérieusement la tâche. À chaque fois qu’elle voudrait se rendre à Rivamar ou ailleurs, elle serait obligée de repasser par la Grotte. Et le pire était qu’elle aurait à déplacer toutes ses affaires de cette manière.
- T’étais au courant toi ? demanda-t-elle à sa sœur.
- Oui… répondit-elle, penaude. Cette nuit j’ai essayé de me téléporter, ça n’a pas marché. Xatu est revenu à son point de départ. Mais si deux Pokémon utilisent Téléport au même moment, ils pourront téléporter quelqu’un ou quelque chose, selon ce que m’a expliqué l’Infirmière Joëlle.
Clara poussa un ouf soulagement. Au moins, il y avait une méthode. Elle n’était pas obligée de repartir à pied à chaque fois. En plus, vu qu’elle avait pu se téléporter cette nuit, cela signifiait que les Pokémon pouvaient utiliser cette attaque pour les combats d’arène.
- Quelle autre connerie ont-ils bien pu inventer ? soupira-t-elle.
- À ce propos…
Surprise, elle se retourna vers Julie et lui intima de continuer.
- Il y a un bouton d’urgence dans toutes les pièces en cas de problème. Si vous l’activez, l’arène se fermera automatiquement grâce à un grillage métallique renforcé et il ne sera plus possible d’entrer ou de sortir. Et il ne sera pas possible de vous téléporter à l’intérieur ou à l’extérieur du bâtiment.
Bien évidemment, ça expliquait les poteaux métalliques aux quatre coins du toit du bâtiment. Au moins, niveau sécurité, la Ligue ne s’était pas foutue d’elle. Ils avaient bien pris les choses en main. Il ne restait plus qu’à régler un dernier détail et sa sécurité serait parfaite.
Ayant avisé que ses Pokémon avaient tous terminé de manger, y compris Démolosse, elle les rappela dans leur Poké Ball. Elle prit congé des deux autres et partit s’habiller.
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Après l’avoir repoussé le plus longtemps possible, elle se rendit finalement à l’arène par l’ascenseur de son appartement. Elle n’avait pas envie d’y entrer ; elle lui rappelait les évènements d’il y a cinq ans, lorsqu’elle avait perdu contre la Championne.
- L’ex-Championne, se força-t-elle à dire. C’est toi la Championne maintenant. Tu dois assurer, tu n’as pas le choix. C’est ton rôle désormais, tu l’as accepté.
L’arène était immense, remplissant aisément les deux ailes. Que ce fût en hauteur, en largeur ou en longueur, les Pokémon auraient largement de quoi se mouvoir, y compris en combat Double, voire en combat Triple (style de combat qu’elle n'avait jamais pratiqué). En regardant attentivement le toit, elle se rendit compte que celui-ci avait un mécanisme d’ouverture permettant à son Draco de s’élever dans les airs comme il l’entendait.
Des gradins pouvant accueillir deux cents personnes étaient visibles à sa gauche, bien qu’elle sût que jamais autant de personnes ne viendraient la voir combattre. De l’autre côté de la pièce, surplombant l’entrée, une petite plateforme rattachée au mur était visible. En levant la tête, elle put voir en voir une autre au-dessus d’elle, à la même hauteur.
Elle sortit Démolosse et Draco de leur Pokéball et leur parla :
- Draco, voici l’arène où nous combattrons à partir de demain. Chaque match sera peut-être dur et éprouvant… Mais je sais que, tous les deux, vous êtes capables de vous en sortir quelle que soit la situation, vous me l’avez prouvé et démontré ces quatre dernières années.
Démolosse appuya ses propos d’un aboiement affirmatif. Draco eut un roucoulement joyeux. Clara sourit, puis reprit :
- Démolosse, je sais que ta défaite de l’époque t’avait traumatisé. Mais dis-toi que tu es aujourd’hui quinze fois, peut-être cent fois plus fort. Aujourd’hui, tu es le Pokémon du Champion ! Aujourd’hui, tu n’es plus le Pokémon du Challenger ! Aujourd’hui, ce sont les autres qui trembleront devant toi et pas l’inverse !
Elle exagérait volontairement, mais ses propos ne concernaient pas que lui, ils la concernaient surtout elle. Elle parlait ainsi pour se donner du courage face à l’adversité. Certes elle était très forte, bien plus forte qu’à l’époque, même, mais ses souvenirs et le fait qu’elle n’avait jamais pu prendre sa revanche la hantaient toujours.
D’un signe du doigt, elle pointa la plateforme à son Pokémon. Démolosse sauta. Sans effort, sans élan, sans attaque, il prit pied sur la plate-forme, pourtant haute d’une dizaine de mètres. C’était parfait. Son entraînement portait ses fruits.
- Attaque Lance-Flamme ! dit-elle.
Son Pokémon, comprenant ce qu’elle voulait, s’exécuta. Il ne visait rien de particulier, il envoyait juste son attaque devant lui. Clara sourit, puis reprit :
- Déflagration.
Sans stopper la précédente, il fit partir une Déflagration dont le centre était le Lance-Flammes. Draco siffla d’admiration son partenaire. La puissance de l’attaque et sa parfaite maîtrise l’impressionnaient. Il le savait, en ce qui concernaient les attaques de Type Feu, c’était clairement lui le meilleur des deux.
- Impressionnant ! s’exclama la voix de sa sœur derrière son dos. Il a pas changé. Toujours le même depuis cinq ans.
Elle ne se retourna pas, préférant se concentrer sur l'entraînement. Elle continuait de regarder son Pokémon. Celui-ci n’attendit pas la fin de sa première Déflagration pour en lancer un deuxième à sa suite.
- Quoi de plus normal, p’tite sœur. C’est avec cette technique, malheureusement pas au point à l’époque, qu’il posa d’énormes problèmes à la Championne.
Élodie comprenait sa grande sœur. Sa défaite l’avait traumatisée toutes ces années, même si elle ne le montrait pas. Elle se doutait qu’elle se l’était déjà répété plusieurs fois ces derniers jours et peut-être même avant qu’elle n’arrivât. Mais elle devait lui redire cette vérité encore une fois :
- L’ex-Championne. C’est toi la Championne, maintenant.
Clara eut les larmes aux yeux. Sa sœur la prit dans ses bras pour la réconforter. Elle les essuya avant de lui répondre :
- J’aurais tellement aimé la réaffronter à nouveau… Je ne voulais pas devenir la Championne, je voulais juste la revoir encore une fois… lui parler… l’affronter… Tu sais pas à quel point.
- Je sais. Je t’aime grande sœur !
- Moi aussi, je t’aime. Merci d’être là dans ce moment important de ma vie.
Après une bise sur la joue, Élodie se sépara de sa sœur. Démolosse avait mis un terme à son attaque et était redescendu d’un bond. Les deux Pokémon s’en allèrent un peu plus loin, sentant que les deux sœurs avaient besoin de parler seule à seule.
Après un temps suffisamment long à son goût pour changer de sujet en douceur, Élodie demanda calmement à sa sœur :
- Il s’est passé quoi hier soir ?
Clara haussa les épaules. Elle savait qu’elle voulait lui parler de ça.
- Élodie… je sais pas ce que tu penses de Draco, mais j’y ai beaucoup réfléchi cette nuit après m’être calmée et…
- Ne me dis pas que tu vas t’en séparer ? s’exclama-t-elle. Ce qu’il a fait était peut-être très grave, mais…
- Qu’est-ce que tu racontes ? l’interrompit sa sœur.
Soufflée, Élodie se tut et la laissa s’exprimer. C’est bien ce que Clara pensait : sa sœur avait eu un jugement hâtif, tout comme elle. Mais il y avait quelque chose qui clochait dans cette histoire, elle se devait de le lui dire. Elle respira profondément, la regarda droit dans les yeux et reprit le plus calmement possible et avec le plus de conviction dans la voix :
- Élodie… Draco n’est pas responsable de l’attaque contre le Roucarnage.
- QUOI ? hurla-t-elle, surprise.
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Son visage se rembrunit, elle avait baissé la tête. Sa frange aux cheveux bruns cacha son visage, on ne voyait plus son expression. Peut-être pleurait-elle ? Peut-être était-elle en colère ? Impossible de le savoir. Son Draco était étendu dans la poussière à quelques mètres d’elle, définitivement K.O., peut-être pire encore. Son ventre était barré d’une blessure d’où du sang suintait, une autre était également visible juste en-dessous de sa perle au cou, elle était très caractéristique… comme un serpent qui se mordait la queue.
Elle ne voyait que son Pokémon étendu au sol, comme éclairé par un spot lumineux au-dessus de lui. Ses blessures étaient graves, elle le savait. Elle ne pouvait pas relever les yeux vers son adversaire. Il l’avait mise en échec : elle avait subi sa pire défaite depuis très longtemps. Elle s’était faite littéralement humilier. Mais ce cuisant échec devait être encore pire pour son Draco…
Elle avait commis une très grave erreur. Et son Pokémon ne le lui pardonnerait sans doute jamais.
À SUIVRE