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Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 18/11/2018 à 10:44
» Dernière mise à jour le 18/11/2018 à 11:38

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

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Chapitre 45 : L'éveil du Phénix
Diplôtom


Les combats qui se déroulaient en ville m’avaient permis de pénétrer dans l’Atlas de la Connaissance et d’y mener mes recherches comme si de rien n’était. Tous les Pokemon érudits de l’Atlas conversaient entre eux, inquiets, au sujet de ce qui se passait dehors, et ressassaient les rumeurs les plus folles ; les G-Man étaient venus avec une armée de cent-mille Paxen, Sacha Ketchum était de retour d’entre les morts pour faire tomber l’Empire, ou d’autres bêtises du même genre. Aucun d’entre eux n’avait donc fait attention à moi, un ancien apprenti recherché par l’Empire.

J’étais parti précipitamment de la planque d’Immotist quand les combats avaient commencé dans la ville basse. Malgré les évènements, j’avais toujours l’esprit occupé par mes recherches sur Sacha Ketchum. J’étais sûr d’avoir lu autre chose sur lui, il y a un temps. Je ne me rappelais plus quoi, mais ça m’était resté, car celui qui avait consigné ces informations n’était autre que mon ancêtre, Venorlume, l’un des plus grands historiens de l’Empire. Il avait écrit une série de livres qui avaient raconté l’Histoire d’avant la Guerre de Renaissance et qui avaient rétabli un certains nombres de vérités altérés par l’Empire.

Évidement, pour cela, il s’était vite attiré les foudres du pouvoir. Il avait été tué par l’Empire pour crime d’hérésie, et la majorité de ses ouvrages avaient été brûlés. Mais certains avaient survécu. Lord Rohban affirmait avoir en sa possession Récit de Vérité, le dernier ouvrage que Venorlume avait écrit. Mais ce n’était pas celui-ci que je cherchais. Il y en avait un que l’on conservait librement dans nos rayons de l’Atlas, car il retraçait la naissance de l’Empire, et rien dans son récit n’allait à l’encontre de la version officielle des autorités. Je l’avais lu, ce livre, de ça je m’en souvenais. Plus pour son auteur que pour son contenu, car pas grand-chose de ce qu’il recelait m’était alors inconnu.

Pourquoi je cherchais ce bouquin alors qu’une partie de la capitale était à feu et à sang ? Mon instinct. J’étais sûr qu’il y avait une ou plusieurs informations sur les G-Man en général, ou Sacha Ketchum en particulier, qui pourraient nous être utiles dans la situation qui était la nôtre. Peut-être était-ce ce fameux pouvoir mystérieux des G-Man, l’Embrasement de l’Aura ? Peut-être était-ce cette vie après la mort à laquelle certains G-Man illustres pouvaient prétendre ? Ou peut-être était-ce simplement la vérité ? La vérité sur Sacha, sur sa trahison envers les humains, sur l’héritage qu’il a légué aux Irlesquo ? Alors que je lévitai parmi les innombrables rayons à la recherche de ce livre, un Pokemon m’interpella.

- Ça alors… Mais ne serait-ce pas le jeune Polichombr ?

La voix me fit lever la tête de mes index de titres. Il n’y avait qu’un seul Pokemon ici qui pouvait m’appeler par un nom incorrect avec une telle certitude.

- Professeur Gouroutan !

- Je ne t’ai plus vu depuis un moment, Spectrum, fit mon vieux professeur de thèse. Il parait que tu t’es enfui avec l’esclave humain qu’Immotist t’a fait parvenir pour étude, mais qu’il s’agissait en fait d’un bâtard G-Man ! Quelle chance tu as, mon jeune Méios ! J’espère que tu as appris beaucoup de choses en sa compagnie !

Alors que d’autres auraient été horrifiés par ce que j’avais fait et m’auraient immédiatement vendu à l’Empire, Gouroutan, lui, semblait juste jaloux de mon occasion d’apprendre des choses au plus près d’une personne qu’aucun Pokemon de l’Atlas n’a pu étudier. Et je le comprenais. Lui comme moi, nous étions de vrais chercheurs, des amoureux du savoir, sans nous soucier de la loi ou de la politique.

- J’ai appris nombre de choses, effectivement professeur, acquiesçai-je. Je me ferai une joie de vous les relater. Mais pour l’instant, je dois à tout prix retrouver un livre.

Je ne lui dis pas pourquoi, et le professeur ne me le demanda pas. En revanche, il me demanda le titre de l’ouvrage. Ce vieux singe devait connaître la disposition de tous les livres de l’Atlas.

- Je ne me rappelle plus son titre, justement, soupirai-je. Mais je sais qu’il s’agit de l’un des ouvrages de l’historien Venorlume.

- Oh, ça ne devrait pas être difficile à trouver, ricana Gouroutan. Il n’en reste plus beaucoup.

- C’est celui que l’on conserve librement à la disposition de chacun. Vous savez, celui qui traite de la Guerre de Renaissance ?

- Le destin des deux races, fit immédiatement le professeur. Écrit de l’an -2 de l’Empire, soit l’an 2046 de l’ancien calendrier, jusqu’à l’an 11. C’est plus un traité sur la guerre que sur l’Histoire en elle-même. Venorlume était présent à nombre de batailles de l’époque, qu’il a longuement relatées.

Oui, c’était ça. Ce livre ne m’avait pas réellement passionné, car il était plus ou moins centré sur les descriptions des affrontements entre le tout jeune Empire Pokemonis et la résistance humaine. Mais maintenant que j’y repensais, j’avais l’impression d’être passé à côté de quelque chose d’important. Gouroutan bondit d’étagères en étagères, de lustres en lustres, pour revenir finalement avec le livre en question. Je le pris précautionneusement, car il était très vieux et fragile. Et je l’ouvris avec une certaine forme de respect, car c’était mon ancêtre qui l’avait rédigé.

- Je vais me cacher quelque part et le relire au plus vite, dis-je à mon ancien professeur.

- Le livre entier ? Maintenant ? S’étonna le sage.

- Je lis très vite, fis-je en souriant.

En effet, les Pokemon de ma famille avaient une méthode bien à eux pour lire les écrits sur papiers. C’était notre Talent Spécial : Assimilettre. Nous pouvons en quelque sortes copiés les lettres écrites dans notre cerveau même. Nous n’avons donc pas besoin de lire : le résumé de ce qui était écrit s’imprimait dans notre esprit. À mon commandement, le livre s’ouvrit et les pages s’enchaînèrent rapidement, tandis que les lettres, qui s’étaient mise à briller d’une lueur violette, semblèrent sortir des pages pour tournoyer autour de moi.

Même si ce pouvoir était pratique pour un érudit, je m’en servais rarement. Je préférai largement lire de façon normale. C’était bien plus satisfaisant pour moi. Mais là, je n’avais pas vraiment le temps de traîner. Assimilettre me fit donc emmagasiner, en quelque minutes, l’ensemble des informations de cet ouvrage. À ma déception, il ne contenait pas de révélations notables sur les G-Man ou leurs pouvoirs, mais un passage vers la fin attisa ma curiosité. Il était assez sibyllin, et je dus le « relire » trois fois avant d’en saisir les implications. Quand ce fut fait, j’en restai un moment déboussolé. C’était une information peut-être pas déterminante, mais qui avait son importance. Et je devais la transmettre à qui de droit.

Alors que j’allais remettre l’ouvrage à sa place, je sentis soudainement quelque chose de bizarre. C’était une sensation infime, mais à en juger par les conversations qui s’arrêtaient un peu partout dans l’Atlas, je n’étais pas le seul à l’avoir sentie. Mon corps spectral frissonna. Je me sentais comme si quelque chose était en train de quitter mon corps très lentement, comme un filet d’eau qui s’écoulait. Ma vision du monde spectral devint elle aussi différente, comme brouillée. Clairement, quelque chose venait de se passer, et mon intuition me disait que ça ne présageait rien de bon.


***

Scalpuraï



Tout en ruminant mes sombres pensées et ma frustration de ne pas être dehors combattre les G-Man, je faisais mon devoir de garde impérial devant la salle du trône, attendant avec fébrilité qu’un de mes deux collègues de la Trigarde vienne me remplacer. Mais à un moment, je ressentis un trouble dans l’atmosphère, une sensation indéfinissable mais pourtant bien présente. Alors que je cherchais ce que ça pouvait être, j’entendis la voix de l’Empereur qui m’appelait de derrière la porte. Et, chose très rare, il y avait dans sa voix quelque chose de pressant. J’ouvris la lourde porte et courut me prosterner au pied du trône.

- Majesté ?

- Je te relève exceptionnellement de ta garde, Scalpuraï, me dit Daecheron. Prends tous les Pokemon que tu jugeras utiles, et rends-toi sur le champ dans le Quartier G-Man, pour y éliminer Kashmel et tous ceux qui le soutiennent !

J’étais pour ainsi dire ébahi. Ça ne ressemblait pas à l’Empereur de changer d’avis aussi vite, lui qui m’avait bien fait comprendre tout à l’heure qu’il souhaitait observer les agissements de Kashmel sans intervenir pour le moment.

- Ce serait-il passé quelque chose, mon empereur ? Demandai-je en relevant la tête. Cela aurait quelque chose à voir avec ce que j’ai senti il y a quelques instants ?

- Oh, alors même toi tu l’as senti ? Étonnant. Ce phénomène doit être relativement puissant, pour qu’un Pokemon sans aucune maîtrise de l’Aura le remarque.

- L’Aura ?

- Oui, serviteur, l’Aura. Quelque chose est apparu, et est en train de ponctionner l’Aura environnante à une vitesse folle. Pour moi qui peux m’en servir et la ressentir, je vois clairement. C’est comme si le paysage était absorbé dans un typhon ; un typhon qui trouve justement sa source en dessus du Quartier G-Man.

- Ponctionner l’Aura ? Répétai-je, perplexe. Pardonnez mon ignorance en la matière, mais une telle chose était-elle seulement possible ?

- Théoriquement non. L’Aura est par nature ordonnée et stable. Elle entoure tout à équivalence égale. Quelque chose qui arrive à la bouleverser à ce point jusqu’à pouvoir l’aspirer n’est certainement pas une chose naturelle.

- Y’a-t-il danger, Majesté ?

- Même moi, je ne saurai le dire, avoua Daecheron. Mais l’Aura influe sur tout ce qui l’entoure. Même toi, qui ne t’en sers pas, tu as bien ressenti ce trouble. Si toute l’Aura disparaissait, les Pokemon qui s’en servent naturellement, comme Lucario, finiront aveugle, voir carrément morts. Il va de soi que ce serait également mortel pour les G-Man.

- Quel intérêt pour Kashmel d’anéantir les siens, si ce phénomène vient bien de lui ?

- L’Aura aspirée ira bien quelque part. Peut-être a-t-il trouvé un mécanisme ou un sort pour pouvoir l’assimiler à volonté.

- Vous voulez dire… que Kashmel pourrait aspirer en lui autant d’Aura qu’il le souhaite ?

- C’est une possibilité, admit l’Empereur, l’air sombre. Et si cela advenait, qu’un seul G-Man puisse contrôler une quantité quasi-illimité d’Aura… alors il deviendrait l’être le plus puissant du monde, l’équivalent d’un dieu. D’où mon ordre, Scalpuraï. Vas à sa rencontre et arrête-le tant qu’il en est encore temps !

- J’entends et j’obéis, Majesté.

En quittant la salle du trône, j’étais à la fois excité et euphorique. Béni soit Kashmel d’avoir trouvé de quoi inquiéter suffisamment l’Empereur pour qu’il m’envoie au combat ! J’étais même très tenté de laisser à Kashmel un peu de temps pour qu’il aspire suffisamment d’Aura. Je n’avais jamais affronté un dieu, et ça me tentait bien.


***

Mizulia



Il ne restait plus que cinq G-Man qui gardaient l’accès à la Citadelle, empêchant les Nettoyeurs de rejoindre le Quartier G-Man. Nous autres Nettoyeurs étions plus nombreux, et des renforts de l’armée impériale ou de la police nous rejoignaient au fil des minutes. Les G-Man n’avaient pas fui pour autant. Ils tenaient leurs positions, et semblaient être prêts à nous retarder au prix de leur vie. Je pus lire dans leurs yeux tout le fanatisme que Kashmel avait dû leur instiller, leur confiance absolue en sa cause. Ce genre d’attitude désintéressée me répugnait au plus haut point, mais j’étais tellement épuisée et couverte de blessure que je ne pouvais plus participer au combat. Ma rencontre avec Meika Irlesquo n’avait pas arrangé les choses, et je devais me contenter de rester derrière et d’observer mes collègues Scalproie et autres se battre, tandis que le Pokemon soigneur de l’unité s’occupait de moi.

Au bout d’un moment, alors qu’un autre G-Man venait de tomber, les quatre restants se figèrent, les yeux écarquillés, comme s’ils avaient entendu quelque chose d’horrible. D’un même mouvement, et sans plus se soucier des Pokemon qu’ils affrontaient, ils tournèrent leurs têtes vers la Citadelle. Je ne comprenais pas ce qu’ils fichaient - peut-être Kashmel était-il en train de les contacter via l’Aura ou un truc du genre - mais je m’attendais à ce que les Nettoyeurs en profitent pour les achever. Sauf qu’eux aussi, ils étaient troublés par quelque chose. Eux aussi, ils regardaient vers la Citadelle. Soudain, l’un des G-Man s’exclama :

- N-non… Ils… Ils ne nous ont pas attendu ! Ils… ils l’ont activé !

Il n’en fallut pas plus pour que les G-Man survivants tentent de s’échapper en courant, et pas vers la Citadelle, mais bien vers les niveaux inférieurs de la cité. Délaissant mon traitement, je me relevai pour en intercepter un d’un coup de pied au visage, puis je m’accroupis sur lui. Il se débattit comme un forcené, sans même essayer d’utiliser ses pouvoirs.

- Non ! NON ! Laissez-moi partir ! LAISSEZ-MOI !

- Dis-moi ce qui se passe, ducon ! Criai-je.

- Il nous a trahis ! Lord Kashmel nous a trahi ! Le Phénix est en train de… Par pitié, laissez-moi partir ou tuez-moi sur le champ !

Les autres G-Man survivants, ceux qui avaient tenté de fuir comme ceux qui étaient grièvement blessés suite aux combats, étaient tous aussi devenus dinguos que celui-là. Ceux qui ne parvenaient plus à se relever tentèrent de ramper, comme s’ils voulaient à tout prix échapper à un monstre terrifiant, alors qu’ils avaient bravé la mort quelques instants plus tôt face aux troupes d’élite du Seigneur Scalpuraï. Certains même, en proie à une douleur insoutenable, s’étaient carrément suicidés avec leurs Lamétrice. Ceux qui tentaient de lutter semblaient eux s’affaiblir très vite.

- Qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? Murmurai-je.

Le Scalproie Numéro 1, comme Six l’avait nommé, secoua la tête pour dire qu’il n’en savait rien. Et quelque minutes plus tard, nous avions un début de réponse. Les G-Man que nous avions capturé commencèrent à vieillir à vitesse grand V. Leurs peaux se ridèrent et se flétrirent. Leurs cheveux virèrent au blanc. Leurs muscles s’atrophièrent. Et au final, sous nos yeux ébahis, ils finirent par mourir d’eux-mêmes, réduits à l’état de quasi-squelettes. Plusieurs Pokemon firent par réflexe un signe censé bannir les mauvais esprits. Moi, j’en avais vu assez pour être terrifiée - ce qui m’arrivait rarement - et pour ordonner d’un ton pressant, malgré mes blessures :

- On monte immédiatement au Quartier G-Man ! Et je veux tous les renforts disponibles au plus vite. Qu’on prévienne également le Palais Impérial de ce qui se passe !

- Dis-moi ce que tu sais, humaine ! M’ordonna un Crocrodil.

Celui-là, il ne faisait clairement pas partie des Nettoyeurs, ou il n’aurait jamais osé me parler de la sorte. Mais je n’avais pas le temps de le remettre à sa place.

- Kashmel Irlesquo a visiblement activé ou réveillé quelque chose de mortel. Ça ne semble agir que sur les G-Man pour le moment, mais je ne tiens pas à ce qu’il s’amuse avec plus longtemps.

En grimpant les marches de la Citadelle, je me demandai aussi si ma rebelle de fille était encore en vie et avait un lien avec tout ce merdier. Après tout, si Meika l’avait capturée en vie, il devait y avoir une raison.


***

Six



Même si je n’avais aucun lien avec eux, je pouvais largement ressentir la mort horrible des G-Man que Kashmel avait sacrifié. Se faire voler son Aura était pour un G-Man la pire des torture, et je serrai les dents en sentant leur agonie et leur terreur. Meika aussi, à côté de son père, semblait troublée et désolée. Furaïjin, vu qu’il était né à nouveau grâce à l’Aura, devait lui aussi sentir quelque chose, car il baissa la tête d’un air contrit. Mais Kashmel, lui, affichait un masque d’indifférence totale, et Gilthis avait même un sourire sur le visage.

- Merveilleux ! Clama-t-il, tout excité comme un enfant en regardant le Phénix grossir petit à petit. Vous ne nous avez pas menti, Lord Kashmel ! Je peux voir les flux de l’Aura que le Phénix est en train d’absorber ! C’est si beau !

- Vous êtes fous, tous autant que vous êtes, fis-je à travers mes dents serrés. Cette chose est une abomination !

Ça me dépassait. C’était vraiment Sacha Ketchum qui avait conçu cette horreur ? Même si nous étions dans une zone sûre à côté du Phénix, et que notre Aura ne pouvait pas se faire aspirer, la vision même de cet oiseau immatériel de feu qui pompait l’Aura à la chaîne manqua de me faire vomir. Ce n’était pas naturel. Ça ne devait pas exister.

- C’est une abomination nécessaire, rectifia Kashmel. Et elle n’a qu’un seul et unique usage. Quand le Phénix aura aspiré l’ensemble de l’Aura et que je pourrai m’en emparer, il cessera d’exister à jamais. C’est une remise à zéro.

Kashmel tendis le bras, et le Phénix alla se poser docilement dessus. Il avait à présent la taille d’un Roucoups.

- Sois rassurée, gamine. Je ne compte pas t’aspirer ton Aura. Comme tu viens de le sentir, ce serait assez désagréable. Tu mourras par l’épée d’un G-Man, proprement et dignement. Pour l’aide que tu m’as apportée, je te dois bien cela.

- Que d’honneurs…

J’ironisai, mais j’étais secrètement soulagée. Ayant senti toute la souffrance dépassant l’entendement qu’avais subi les victimes du Phénix, je ne tenais pas à l’expérimenter moi-même.

- Gilthis, tu te charges de cela, ordonna Kashmel.

Il s’apprêtait à sortir avec Meika, quand, étonnée, je lui criai :

- Vous n’avez même pas le courage de me tuer vous-même ?!

- Il serait fâcheux que les descendants de Sacha s’entretuent, se contenta de répondre Kashmel. Notre ancêtre en serait mécontent. Je te dis adieu, Sixtine Irlesquo. Tu as été une bonne apprentie, et tu aurais pu être une bonne nièce. Je suis désolé.

Mais il n’y avait aucune sincérité dans ses yeux froid quand il me jeta un dernier regard avant de sortir, Meika à ses côtés. Cette dernière me fit un petit au revoir ironique de la main. Seul Furaïjin semblait réellement désolé et triste quand la porte se referma derrière lui, me lançant seule avec mon bourreau.

- Ahhhhh ah, soupira Gilthis. Et c’est moi qui écope du sale boulot dont personne ne veux, comme toujours…

- Faite le sans parler, s’il vous plait, fis-je. J’aime autant que mes derniers instants se déroulent dans le silence, et non gâchés par vos apitoiements tout sauf sincères.

Gilthis ricana.

- Quelle froideur ! Je ne veux pourtant pas te tuer, chère enfant. Tu es bien trop rigolote.

Il s’approcha et me prit le menton entre ses doigts froids, m’examinant le visage de très prêt. Gilthis avait beau être un très bel homme, le voir d’aussi prêt me révulsa. Il y avait quelque chose, dans ses yeux roses pâles, de pourri et de malsain.

- Ce regard… frissonna-t-il. Si sauvage, si acéré… Le même que celui de ta mère, sans aucun doute.

Il me lâcha le visage et recula.

- J’étais amoureux de Mizulia, le sais-tu ? Avoua-t-il. Sans doute le suis-je encore, d’ailleurs. Je sais que ce n’est pas conforme qu’un G-Man en pince pour un humain, mais que veux-tu ? L’amour ne se contrôle pas. La première fois que je l’ai vue, déguisée en domestique dans le manoir de Bradavan, elle m’avait déjà sauté aux yeux. Je comptais alors seulement l’acheter au Grand Maître pour profiter de sa compagnie dans mon lit une nuit durant. Mais j’ai commencé à lui parler, à faire connaissance. J’ai très vite compris qu’elle était bien plus qu’elle ne voulait le faire paraître. Les esclaves humaines n’ont pas cet air constant de défi et de dégoût dans le regard quand elles vous parlent. J’ai fini par apprendre pour qui elle travaillait, et quelle était sa mission. Son courage et son culot m’ont tant captivé que je l’ai aidée. Je l’ai couverte quand j’ai pu, et le jour où elle a fui le manoir, avec toi dans son ventre, je l’ai faite sortir du Quartier G-Man.

- Et qu’est-ce que ça vous a rapporté ? Je doute que ma mère vous ai envoyé une carte pour vous remercier.

- Je voulais seulement qu’elle vive, sur le coup, répondit Gilthis en haussant les épaules. Et même si Scalpuraï et moi n’avions pas les même objectifs concernant l’Ordre, Bradavan était notre ennemi commun. Ça ne me dérangeait pas qu’il se casse la gueule à cause d’un G-Man illégal qu’il aurait engendré. Je m’étais dis que Mizulia parlerait de moi à son maître, et qu’il m’épargne pour services rendus à l’Empire une fois qu’il aura détruit l’Ordre. Mais évidement, ça ne s’est pas passé comme ça. Mizulia ne t’a pas remise à Scalpuraï, et a fui son maître pour te sauver la vie. Mais je n’avais pas renoncé à elle pour autant. Donc du coup, je me suis mis à enquêter sur elle. Sur son passé, sur son travail dans les Nettoyeurs, tout ça. Je voulais tout savoir d’elle, pour ensuite la retrouver et la faire mienne. Et c’est au cour de ces recherches dans les profondeurs de l’administration impériale que j’ai rencontré mon maître.

- Qu’est-ce que Kashmel avait à voir avec l’Empire ? Demandai-je, étonnée.

Gilthis me fit un sourire mystérieux, et dit :

- Je ne parlais pas de Lord Kashmel. Oh, c’est un personnage fascinant oui. Mais mon véritable maître l’est encore plus, tout comme le sont ses projets. Si je fais mine de servir Lance et la cause de Kashmel, c’est sous ses ordres.

Je me demandai si Gilthis se payait ma tête, mais ça l’avançait à quoi de me mentir alors qu’il allait me tuer ?

- Vous me dites ça maintenant histoire que je ne puisse le répéter à personne ?

- Tu ne mourras pas de main, petite Six. Je n’ai plus aucune raison d’obéir à Kashmel, maintenant que le Phénix est libéré. Je vais retourner auprès de mon maître. C’est lui qui a tant œuvré depuis le début, dans l’ombre, pour provoquer tout ces évènements au sein de l’Ordre. Toi aussi, tu fais partie de ses plans sans le vouloir.

Gilthis utilisa deux petites Aurasphère pour faire exploser la roche qui me retenait les membres. Ébahie, je le regardai. Il ne semblait pas plaisanter. Il me laissait vraiment partir.

- Votre maître mystérieux, il a un nom ? Demandai-je.

- Certainement, et bien des titres. Pourquoi tu ne le rencontrerai pas ? Après tout, il vit pas très loin de ton lieu de travail.

- Comment ça ?

Gilthis se pencha vers mon oreille comme pour me murmurer un secret, et je contins difficilement mon envie de me jeter sur lui.

- Il y a un passage secret dans la base des Nettoyeurs, qui donne au plus profond du Palais Impérial. Il est dans le bureau de Scalpuraï lui-même. Il y a une espèce d’épée en argent pure accrochée au mur, entre les autres décorations. Tourne là trois fois dans les sens d’une aiguille d’une montre.

Puis il recula et sortit de la salle, l’air totalement décontracté.

- Je vais encore un peu observer Kashmel et Meika de loin. Si tu comptes les arrêter, ne met pas trop longtemps hein ? Si le Phénix grossit trop, il n’y aura plus aucun endroit pour nous cacher, et on se fera inévitablement aspiré notre Aura.

Il dit cela d’un air guilleret, comme si ce n’était qu’une méchante averse qu’ils risquaient, puis disparu, me laissant seule et l’esprit plein d’interrogations.