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Jutsu ! de Deadlier



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» Auteur : Deadlier - Voir le profil
» Créé le 31/10/2018 à 23:18
» Dernière mise à jour le 31/10/2018 à 23:18

» Mots-clés :   Action   Aventure   Kanto   Romance

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Chapitre 8 : Jeannine
C’était donc à moi d’y aller. Le temps qu’il m’avait fallu pour rejoindre l’arène m’avait paru une éternité. Au minimum. J’avais les jambes flasques et le front en sueur. Mon stressomètre atteignait son paroxysme. Ma gorge se nouait. Tout reposait dorénavant sur mes épaules. Mais pourquoi sur les miennes ?

- Oh, je crois que je comprends, fils, commenta Giovanni. Tu as vu qu’elle handicapait tes amis dans le sauvetage. Donc tu la remplaces et tu espères qu’elle gagnera du temps pour toi. Subtil.

Est-ce que c’était ça ? Je regardai Silver, dans l’espoir d’une réponse. Mais rien ne vint. Il se contenta de marcher vers le gouffre. Me mordillant la lèvre, je pris le temps de réfléchir à l’éventualité. Après tout, pourquoi pas ? Je n’avais pas mon pareil pour assurer le show et gagner du temps. J’étais la meilleure pour ça, même. Et j’étais très peu utile dans le sauvetage jusqu’à présent. Oui, au fond, c’était presque logique, ça faisait même sens. Je n’avais pas besoin de gagner, juste de l’occuper le temps que mon père et Silver règlent mes problèmes.

Tout d’un coup je me sentais comme libérée d’un poids. Sachant ce qu’il me restait à faire, je pris une grande inspiration et une Poké Ball, avant de la brandir face à Giovanni et sa Nidoqueen.

- Prend garde, vil suppôt du mal ! Tu vas succomber face à la fureur de mes imparables techniques ninjas ! déclamai-je de façon très théâtrale.

- Oh non, c’est pire. Tu veux que je meurs de ridicule face à ça, soupira l’homme en costume.

- Faites le malin tant que vous le pouvez. Nostie, vient nous inonder de tout ton talent !

Ma fidèle Nostenfer sortit de sa Poké Ball avec joie, venant faire face à la grosse femelle bleue. C’était un bon choix. De toute façon je ne comptais pas sur les attaques poison, et lui non plus face à moi. Et mon type Vol me permettrait de tenir longtemps contre ses types Sol. Oui ça pouvait le faire. Et ça allait le faire !

- Voyons un peu ce que vaut ce Pokémon. Laser Glace, ordonna calmement Giovanni.

- Queooooooa ? m’étonnai-je de façon beaucoup moins calme. Nostie esquive, vite, VITE !

J’écarquillai les yeux en voyant partir le rayon givré. Comment ce gros machin pouvait-il apprendre une technique pareille ? Voilà qui défiait les lois du bon sens ! Heureusement, Nostie su mettre sa vitesse à profit pour voler loin du rayon qui se perdit dans les tréfonds de la grotte. Bon, il allait falloir être un peu plus prudent que ça.

- Laser Glace. Deuxième salve, poursuivit Giovanni.

- Mais laissez-moi attaquer, bon sang ! m’étonnai-je.

- C’est un combat, pas une exhibition, répondit-il.

- Pfff… Nostie, Acrobatie ma belle !

Partant dans une rondade parfaite, Nostie se projeta en tournant autour de l’attaque de Glace, le remontant jusqu’à se rapprocher rapidement de la Nidoqueen, qu’elle frappa en plein dans la mâchoire, lui faisant fermer sa vilaine bouche.

- Et paf, en plein dans le buffet ! m’exclamai-je de satisfaction.

Satisfaction qui fut de courte durée. A ma propre surprise, la Nidoqueen n’avait aucun dommage significatif suite à mon attaque. Quelle résistance. Je ne pouvais pas en dire autant de Nostie. Sa manœuvre n’avait pas été aussi parfaite que je le croyais, et les extrêmités de deux de ses ailes étaient dorénavant gelées, à mon propre étonnement.

- L’Ecremeuh, précise la Nidoqueen, soufflai-je, bluffée.

- Et puissante aussi, compléta Giovanni. Fatal-Foudre.

Cette fois-ci mes yeux manquèrent de sortir de mes orbites face à la surprise qui me frappait de nouveau. Un machin pareil qui pouvait générer de la foudre en plus de la glace ? Mais par quelles lois de la physique c’était possible ? Je n’eus même pas le temps de me poser la question que Nostie, ralentie par la glace, fut frappée de plein fouets. Elle retomba noircie, à mes pieds, incapable de poursuivre.

- Quelle faiblesse. Rappelle-le, il me fait honte, cracha Giovanni avec dédain.

- Euh, je… Ce n’était qu’un échauffement, avertis-je, un peu moins sûre de moi.

Je rappelai Nostie avant de sortir une seconde Poké Ball et d’envoyer Mimite au combat. Celle-ci battit des ailes joyeusement, venant faire face au Pokémon Perceur qui semblait toujours aussi frais qu’au début du combat.

- J’ose espérer que tu vas cesser de me faire perdre mon temps, petite.

- Vous allez voir ce que vous allez voir. Rafale Psy !

La seule attaque psychique de mon arsenal. Parce qu’elle l’avait apprise toute seule. Moi j’aurai été incapable de le lui enseigner, ne comprenant rien à ces choses-là Le rayon multicolore partit en direction de Nidoqueen qui bondit sur le côté pour l’esquiver. Aha, s’il prenait la peine d’éviter c’est qu’il en craignait les dommages, contrairement à mon Acrobatie. Maintenant, je devais juste me trouver une fenêtre de tir. Et j’avais ma petite idée.

- Lance-Flamme, ordonna-t-il, pas inquiet pour autant.

- Sérieusement ? me plaignis-je presque.

C’était quoi ce Pokémon abusé qui pouvait apprendre des attaques de tous les types de la terre ? C’était d’un frustrant ! Mais hors de question de me laisser faire ce coup-ci.

- Allons-y avec Poudre Dodo et Bourdon !

Les ailes de Nostie se mirent à luire de vert, avant que le Bourdon ne commence à élever la poudre pour l’ériger comme un bouclier. Contrairement à la Poudre Toxik, je ne pouvais pas la fluidifier en influant sur la nature et le taux de poison. Mais je pouvais garder le même principe d’attaque pour quand même manipuler un minimum vital la poudre à mon bon vouloir.
L’effet escompté eut lieu et le barrage de poudre encaissa les flammes, permettant à Mimite de voleter par-dessus pour se rapprocher dangereusement de la Nidoqueen. Même Giovanni haussa un sourcil, surpris par mon mouvement.

- Technique ninja d’attaque surprise ! Psykoud’boul !

- Je m’attendais à plus de jugeote… Plaquage !

Je retins un sourire. Il tombait dans mon piège cet imbécile ! Mimite fonça tête la première vers la Nidoqueen. Cette dernière ne se fit pas prier pour saisir mon Aéromite par les ailes, avant de violemment la plaquer au sol de tout son poids, dans un grand fracas.

- Quelle faiblesse. Presque aussi pitoyable que sa dresseuse. Aller, debout Nidoqueen.

Mais Nidoqueen ne se releva pas. Il fallut quelques secondes à Giovanni pour réaliser que son Pokémon était totalement endormi.

- Les ailes des Aéromite sont couvertes de poudres, en choisissant la facilité du contact, vous avez condamné vous-même votre Pokémon ! expliquai-je, fière de moi. Et maintenant, Rafale Psy !

La Nidoqueen fut projetée en l’air, libérant ma Mimite qui était mal en point suite au plaquage mais toujours d’attaque. Arborant un grand sourire de satisfaction suite à mon mouvement, je me décidai à ne pas perdre de temps et vite achever mon adversaire. Qui à mon propre étonnement restait calme malgré tout.

- Achève-la avec une autre Rafale Psy, ordonnai-je avec entrain.

- Blabla Dodo, fit-il simplement.

Sa Nidoqueen, sans se réveiller, cracha un rayon de glace qui transperça mon rayon psychique, venant proprement défonce ma pauvre Aéromite déjà bien affaiblie. Alors que Nidoqueen retombait lourdement par terre, sans souffrir, Mimite, elle, atterrit à mes pieds, gelée et définitivement vaincue. Je déchantai de minutes en minutes, le moral sévèrement touché après cette nouvelle défaite.

- Fils, je crains que le temps gagné par ton amie pour toi soit à son image : insignifiant, indiqua-t-il à l’attention de Silver.

- Ne fanfaronnez pas, ce que vous avez vu avec la poudre d’Aéromite n’est qu’un aperçu de mes capacités ! assurai-je.

- Oh, vraiment ? Alors dans ce cas tu as maintenant réussi à capter une part de mon attention. Montre-m’en plus et peut-être que tu arriveras à me satisfaire !

Nouveau haussage de sourcil. Est-ce qu’il se moquait de moi ? Étrangement, non. Il avait vraiment l’air intéressé par ce que je venais de produire, à mon propre étonnement. Aucune idée de pourquoi mais au moins j’avais donc une chance de réussir à gagner du temps pour Silver et pour mon père. Un peu rassurée, je pris sur moi et saisit une nouvelle Poké Ball, faisant appel à Miggie. À peine apparue, la Migalos fit claquer ses mandibules, heureuse d’être choisie.

- Cette fois-ci, je ne me retiendrai pas. Nidoqueen, accueille notre nouvel invité avec Lame de Roc !

- Miggie, esquive avec Toile !

Les pierres tranchantes jaillirent du sol droit vers Migalos. Cette dernière cracha rapidement une toile par son abdomen vers le plafond de la caverne, se tractant pour se surélever, et ainsi esquiver l’attaque.

- Esquive intéressante, mais qui en fait une cible facile. Lance-flamme.

- Contre avec une Bomb-beurk !

La déjection de poison vint s’exploser dans le rayon de feu, dégageant une épaisse fumée noire. Miggie en profita pour se balancer de sa toile, se rattrapant avec une autre pour se retrouver juste au-dessus de Nidoqueen.

- Vas-y, Toile Gluante à fond !

Par la bouche, Miggie cracha une toile bien plus visqueuse que la précédente, venant empêtrer Nidoqueen dedans. Mais cette dernière restait immobile à fixer Miggie, guère perturbée par les manœuvres.

- C’est tout ? Décevant. Nidoqueen, Tunnelier.

En plus d’écarquiller les yeux, j’ouvris grand la bouche à m’en briser la mâchoire. Dans un improbable mouvement, la Nidoqueen se mit à rapidement tourner sur elle-même, formant un gigantesque foret bleu qui se libéra des toiles avec facilité. Mais pas seulement. Il prit de l’élan et s’éleva pour venir percuter ma pauvre Miggie qui était aussi surprise que moi. Cette dernière retomba lourdement au sol.

- Au lieu de faire l’idiote, tu devrais apprendre de vraies attaques à tes Pokémon. Achève-moi cet insecte avec Poing de Feu !

Stoppant sa toupie folle, le Pokémon Perceuse se laissa retomber le poing en avant, laissant ce dernier s’enflammer. Malheureusement, au sol Miggie était affreusement lente et moi j’étais littéralement sidérée par ce que je voyais. Je n’avais jamais vu une Nidoqueen connaissait autant d’attaques variées et efficace. Mon incapacité à m’adapter et à réagir valu à Miggie de se faire mettre hors combat à son tour, se retrouvant quelque peu dans le sol. Dépitée, je la rappelai dans ma Poké Ball avant de me prendre des remontrances. Par mon propre adversaire.

- Mais qu’est-ce que ça veut dire ? s’énerva-t-il. Tu me montres des choses prometteuses avec ton Aéromite et maintenant tu fais n’importe quoi avec cette Migalos ! Si tu te concentrais au lieu de te croire dans un stupide concours, tu serais bien meilleure ! Tu n’es qu’un immense gâchis !

- Ce n’est pas ça, c’est juste que, mes techniques… Elles sont dangereuses, tentai-je pour me justifier.

- Bien, alors ça fait de toi un gâchis doublé d’une lâche, et après ?

Je baissai les yeux. Il avait raison. Je pouvais largement mieux faire. Mais je ne voulais pas. J’avais trop peur des conséquences éventuelles. C’était un simple combat Pokémon après tout et j’étais juste là pour faire diversion. Je n’avais aucune raison de dépasser les limites. D’utiliser mes poisons d’une façon qui me faisait les détester.

- Je… Je suis désolée, bégayai-je.

- Ca suffit. Envoi ton Pokémon suivant. J’espérai un potentiel bon combat, au lieu de ça je vais t’écraser vite fait bien fait. Fini de jouer, asséna-t-il d’un ton glaçant.

Je fus prise d’un frisson. Maintenant il n’était plus curieux. Juste acerbe. Pressé de se débarasser d’une chose gênante comme moi. Je croyais vraiment pouvoir donner le change avec mes trucs de ninja ? J’étais vraiment ridicule en fin de compte. J’en vins à espérer que mon père et Silver ne regardaient pas la scène. Par dépit, je pris la Poké Ball de Kwoa que j’appelai sur le terrain. Ce dernier me regarda, inquiet, ressentant visiblement que je n’allais pas bien.

- Nidoqueen, Telluriforce.

Le sol se mit de nouveau à exploser. Et Kwoa me regardait. Attendant mes consignes. Attendant un ordre. Un ordre qui ne vint jamais. J’étais paralysée. Je ne savais plus quoi faire. Et je restai là, comme une pauvre greluche à voir mon Pokémon se débrouiller comme il pouvait, subissant une bonne moitié des explosions.

- Tu abandonnes ton Pokémon à son sort ? Mais quel genre de dresseuse es-tu ? pesta Giovanni.

- Je… je…

Mais les mots ne vinrent pas. La seule chose qui se montra fut une larme. Puis plusieurs, qui commencèrent à perler au coin de mes yeux, avant de ruisseler plus franchement. Je tombai sur les genoux, comme pour implorer la pitié de Coatox qui me regarda, prêt à en découdre, attendant un ordre. Juste un seul de ma part. Il savait qu’au fond de lui il pouvait gagner. Je le savais aussi. Mais je n’osais pas.

- Oh pitié et en plus elle pleure maintenant. C’est vraiment le comble de l’embarras, dit-il en secouant la tête.

Alors que je commençai à prendre ma Poké Ball pour rappeler Kwoa et abandonner le combat, je fus stoppée dans mon mouvement par un cri.

- NJ, m’interpella calmement Silver. Grandis un peu.

Je tournai la tête vers lui, dans l’espoir de trouver du réconfort. Mais son regard était dur. Froid. Presque… Déçu ? Que voulait-il dire par « grandis » ? Allait-il encore me traiter d’enfant ?

- Tu te comportes comme si tu étais la seule à souffrir. Mais je peux t’assurer que tout le monde ici souffre en corps et en cœur avec ses Pokémon. Même ta tante Aya, pourtant inutile au demeurant, donne son maximum en ce moment.

- Merci de le remarquer, geignit Aya qui fuyait un Kadabra avec son Mimitoss.

- Et avant que tu commences à te plaindre ton père encore, et encore, prends un instant pour considérer que MON père est un enfoiré de première. Un salop qui préfère la puissance à son enfant, et qui a tout mis en œuvre pour tuer son petit-fils à naitre juste dans l’optique d’avoir un match contre son fils.

Je tiquai à cette évocation, regardant vers Giovanni avant de revenir à Silver. Je n’avais donc pas fait une simple fausse couche du fait de Giovanni, et il le savait… ? J’avais pourtant longtemps cru que…

- Ça m’arrache la bouche de l’admettre, mais mon père a raison. Tu es une lâche. Tu passes ton temps à te vanter d’être la plus grande des ninjas, mais regardes à quoi tu en es réduit : Avoir peur de ce que tu passes ta journée à évoquer. Alors continue. Ne change rien. Et tandis que cette raclure l’emportera en nous nous massacrant nous et tes certitudes, ta seule victoire personnelle sera de n’avoir blessé personne de ta main. Tu seras restée lâche, jusqu’au bout. Alors NJ, je t’en conjure. Au nom de tout ce qui te tient à cœur : Cesse de te retenir et utilises tes poisons.

Comme un écho, à ces derniers mots, je vis tante Aya trébucher et encaisser directement une frappe à l’estomac du Machopeur. Son Mimitoss intervint trop tard pour le repousser, avec grande difficulté. Il avait raison. Je continuai à me plaindre alors qu’ils étaient tous là à se battre à fond et risquer leurs vies. À se donner. Et moi je continuai à geindre juste parce que j’avais peur que mes techniques touchent la personne la plus proche de moi, à savoir Giovanni ? Le responsable de tout ça ? De tous mes malheurs récents ? Non. Hors de question. Plus jamais ça. Silver avait raison. Je ne me retiendrai pas pour un type qui avait détruit ma ville, mon couple et tué mon enfant à venir. Plus jamais ça. J’étais Jeannine. Je devais le redevenir.
Prise d’une nouvelle détermination, je me redressai en séchant mes larmes, sous l’œil intrigué de Giovanni. Je pris une baie Tamato dans ma besace que je lançai à mon Coatox affaibli. Celui-ci la goba d’un seul coup.

- Éructation, dis-je avec froideur.

Kwoa sembla dans un premier temps dérangé par ce qu’il avalait, comme si ça avait du mal à passer. La baie Tamato était très épicée et donnait souvent aux Pokémon des maux d’estomac. Mais Coatox n’aurait pas le temps de l’avaler. Son abdomen gonfla immensément tout d’un coup, accumulant du gaz, puis il recracha le tout dans un puissant rôt sonore.
L’onde de choc fut telle que la Nidoqueen fut soulevée et expédiée contre un mur, mise K-O sur le coup. Giovanni en tomba à la renverse, et tout le monde cessa de se battre pour me regarder. Même les Pokémon sauvages.

- Que le combat commence, assurai-je, livide.

***
Septembre deux mille dix-sept, maison de Jeannine. Jeannine, trente et un ans.

Assise sur le canapé, Jeannine caressait affectueusement son ventre désormais bien arrondi. Voilà près de sept mois qu’elle avait entamé sa grossesse. Involontaire dans un premier temps, la jeune femme avait paniqué. Mais elle fut rassurée quand Silver, le futur papa, s’engagea pleinement à ses côtés en l’apprenant. Bien qu’un peu surpris et gêné lui aussi au début, il en fut finalement ravi. Et pour Jeannine, ce n’était qu’un décompte désormais. Celui des jours qui passait jusqu’à la naissance de son tout premier enfant.

- Oooh, que j’ai hâte que tu sois parmi nous, toi, dis Jeannine avec tendresse.

- Tu parles encore toute seule, NJ ?

Elle leva la tête. Silver était penché derrière le canapé, observant sa compagne de haut, avec un fin sourire aux lèvres. Il passa sa main dans les cheveux mauves en fouillis.

- Il faut bien que je fasse la discussion avec Silver junior, vu que monsieur s’y refuse !

Le prénom n’avait pas encore été décidé. Et ils ignoraient le sexe. Ils n’avaient pas voulu le savoir. La surprise ne rendrait le moment que plus beau.

- Chouette Pyjama en tout cas, on dirait une Wailmer en perdition sur la plage.

Jeannine se regarda. Elle ne rentrait plus dans son gi, alors elle portait à la maison d’amples vêtements qui ressemblaient vaguement à un pyjama. En fait, elle négligeait pas mal son apparence.

- C’est ta faute, tu as souillé mon corps avec ton engeance démoniaque ! rigola Jeannine, avant de donner une petite tape sur la tête du jeune homme.

Ce dernier l’embrassa en guise de réponse. Mais Jeannine interrompit le baiser d’en seul coup en criant, se tenant le ventre des deux mains.

- Ça ne va pas ? s’inquiéta Silver.

- C’est ton chiard qui est aussi pénible que toi !

Silver rigola, avant d’entendre un bruit venant de la porte d’entrée. Il prit soin d’y aller, ne voulant pas éviter d’efforts inutiles à Jeannine. Il y vit que le courrier venait d’être livré dans la boite aux lettres. Pas grand-chose, un seul pli à vrai dire. Il revint dans le salon en lisant la missive, fronçant les sourcils. Il la chiffonna aussi sec avant de la jeter à Smog qui flottait non loin. Ce dernier, sans chercher à comprendre, avala le bout de papier.

- Heey, lui donne pas n’importe quoi à manger ! se plaignit Jeannine.

- C’est bon, c’était juste de la publicité, rassura Silver.

- Il digère mal les offres promotionnelles !

Silver roula des yeux tandis que Smog lâcha un petit rôt sous forme de gaz après son « repas ». Ce que Jeannine pointa du doigt avec un air qui indiquait « tu vois, j’avais raison ».

- Bon, d’accord, je vais lui donner son vrai repas, concéda-t-il en allant dans la cuisine.

Arrivant sur place, il se saisit d’un paquet de baies. Jeannine avait des exigences précises sur la nutrition de ses Pokémon, mais il la trouvait un peu dure. Smog raffolait des baies Kiwan, mais Jeannine refusait qu’il en mange. Ce qui faisait de la peine au jeune homme. Il se dit que comme il lui avait donné du papier, il pouvait bien s’excuser en lui offrant exceptionnellement ces baies à manger. Ce qu’il fitdiscrètement, sans se faire voir par la ninja. Après quoi, sa bonne action accomplie, il revint vers sa compagne.

- Je dois y aller, on se revoit ce soir. Je passerai prendre à manger chez le traiteur Kalosien !

- Tu veux vraiment me transformer en Ronflex !

Sur cette dernière boutade, Silver quitta le domicile conjugal. Sans savoir qu’il n’y remettrait jamais les pieds. Car plus tard dans la journée, Jeannine allait être retrouvée inconsciente par sa tante Aya qui venait lui rendre visite. Elle l’emmena d’urgence à l'hôpital où il fut diagnostiqué qu’elle avait été empoisonné au gaz. Mais ce n’était pas tout. Le poison avait été fulgurant. Si Aya n’était pas intervenue, la jeune femme aurait succombé. Alors certes, elle avait survécu, mais son bébé, lui n’eut pas cette chance.

Quand Silver apprit la nouvelle, il était au travail. C’est un coup de fil d’Aya qui lui expliqua le tout. Il s’effondra sur sa chaise, mortifié par ce qu’il avait fait quelques heures plus tôt. D’une façon ou d’une autre, il avait une part de responsabilité dans ce que venait de subir la femme qu’il aimait. Dans la perte de leur enfant. Que ce soit par les baies ou par le contenu de la lettre. Pour la sécurité de Jeannine, il devait disparaitre de sa vie. C’était mieux ainsi. Les larmes aux yeux, il apprit en fin de soirée que leur enfant aurait été un garçon. « Adieu petit bonhomme, et à jamais. Dans ma famille, être père c’est être voué à l’échec ».

Jeannine, elle, vécut le trauma de devoir expulser le corps mort de son enfant de son ventre. La fausse couche fut une expérience encore plus douloureuse que l’empoisonnement. Et qui s’aggrava quand Silver coupa tout contact avec elle. Car sur le coup, elle n’avait pas du tout redirigé sa colère sur lui. Pour elle ce n’était qu’un accident dû à sa propre bêtise, aux poisons trop dangereux secrétés par son propre Pokémon. Un doute qui ne devait jamais la quitter. Une fois de plus. Smog fut pardonné, Silver fut détesté. Papa avait encore raison à son sujet. Comme toujours. Mais plus jamais, après ça, Jeannine n’aurait plus jamais recours aux attaques poisons, sauf nécessité absolue. Elle se le jura solennellement.

***


Giovanni rappelait sa Nidoqueen, avec l’air de plus en plus intéressé, un sourire carnassier sur le visage. Qu’il en profite, ça n’allait pas durer. J’étais bien décidée à en finir avec lui au plus vite. Il prit une Poké Ball à sa ceinture quand Kwoa tomba au sol d’épuisement. Je ne lui en voulais pas. La violence de L'Éructation combinée à ses blessures, c’était trop. Et c’était ma faute. Je le rappelai moi aussi et pris une Poké Ball à mon tour, appelant mon Pokémon en même temps que Giovanni.

Il m’en restait deux, et lui trois. Dont son Pokémon dans sa mystérieuse Ball mauve. Peu importe. J’avais choisi Scorex. Son usage du poison et son potentiel dévastateur était l’un des meilleurs de mon équipe. Giovanni, lui, fit appel à un Corboss.

- Je veux en voir plus, beaucoup plus ! Corboss, Canicule ! cria un Giovanni extatique.

- Abri, ordonnai-je simplement.

Drascore croisa les pinces pour se protéger, se recouvrant d’une aura verte. Il ignora ainsi le vent chaud qui brûla légèrement mon Gi. Je sortis une baie Micle, que je lançai à mon Drascore. Il la dévora goulument. Je pouvais comprendre, ça faisait un paquet de temps que je ne lui en avais pas donné.

- Maintenant, Acupoison.

Avec ses pinces, il vint successivement se piquer en plusieurs zones de son corps, sous l’œil intrigué de Giovanni. Je devais attendre quelques minutes que Scorex soit finisse ses préparatifs. Un savant dérivé de l'attaque Acupression

- Tu crois que je vais te laisser te booster ? Grave erreur. Allons-y avec Rapace !

Corboss prit son envol, puis, entouré d’une aura bleue, il piqua droit vers mon Drascore à une vitesse folle. Si ça l’amusait. Ces quelques Acupressions devraient amplement suffire à gérer son Pokémon. Lorsque l’impact eu lieu, un large nuage de poussière se souleva dans un bruit sourd. Et lorsque notre vision se rétablit, tout le monde pu constater que Scorex retenait Corboss à bout de pinces sans la moindre difficulté.

- Que… ? Mais comment ? s’étonna Giovanni.

- Direct Toxik.

Il n’avait pas besoin de savoir. Quatre boosts en attaque et quatre en défense. Il m’avait laissé le temps de pratiquer quatre Acupressions parfaites. Grâce à la baie Micle, la précision de Scorex s’affutait et il pouvait utiliser Acupression d’une façon bien particulière. Non content de stimuler ses muscles comme tout le monde, il s’injectait lui-même un poison qui venait irriter et décupler sa masse musculaire. C’était dangereux et douloureux pour lui, mais terriblement efficace. Un corps capable de résister aux poisons était absolument nécessaire pour endurer ce genre de dopage. Et ça lui permettait surtout de parfaitement contrôler l’effet de cette attaque habituellement hasardeuse. Une variante que j’avais nommée Acupoison.
D’un mouvement de pince empoisonnée, Scorex enfonça violemment l’oiseau de Ténèbres dans le sol. Ce dernier se releva avec grande difficulté, souffrant du poison inoculé par mon Pokémon.

- Bon sang, j’en veux plus, j’en veux plus ! Ailes d’acier !

Utiliser l’acier pour s’immuniser au poison. Pas idiot. Mais prévisible. Comme si une experte en poison n’avait jamais envisagé cette éventualité.

- Poison-Croix, et Crochet Venin.

Scorex dirigea ses pinces vers le bas avant de les écarter violemment sous la forme d’un X. Ce faisant, il agrippa les ailes recouvertes d’acier en les écartant dans le même mouvement, révélant le Corboss non protégé qui ne put éviter les crocs empoisonnés de mon Pokémon. Cette fois-ci, la dose de poison fut bien trop forte pour le Pokémon de Giovanni, qui s’effondra terrassé par mes assauts.

- C’est tout bonnement incroyable. Quelle transformation, s’exclama-t-il. Voilà un vrai combat, la prochaine manche sera intense !

Il fit appel à son Persian qui vint prendre la place de Corboss. Un petit Pokémon de type Normal. Ce sera vite réglé. Il n’avait absolument pas les moyens de rivaliser avec Scorex. La seule question était de savoir combien de temps il arriverait à tenir avec un tel dopage musculaire. Suffisamment, je l’espérais. En tout cas pour l’instant il ne semblait pas souffrir. Ou ne le montrait pas.

- Bon sang, mais qu’est-ce qu’il t’arrive Jeannine ? Tu ne vois pas que ce genre d’usage est bien trop dangereux ?

- Oh, alors que devrais-je faire, père ? dis-je à son adresse Je sais. Peut-être que je devrais lancer des gaz toxiques dans une zone où se trouvent des civils. Non, attend, je sais, je devrais peut-être remettre en cause toutes tes décisions en te rabaissant plus bas que terre.

- Ce n’est pas ce que je voulais dire, balbutia-t-il.

- Alors boucle-là, et éloigne-toi pour profiter du spectacle. Tu es dans la zone de danger toxique.

Je n’avais vraiment pas besoin qu’on me dérange maintenant. Pas même mon père. Je n’étais dédiée qu’à une seule chose : exterminer tous les Pokémon de Giovanni de la façon la plus humiliante qui soit.

- Oh, règlement de compte familial, voilà qui va rajouter de l’intensité à cet affrontement entre nos meilleurs Pokémon, déclama Giovanni, excité. Aller, reconcentre-toi et offre-moi cet affrontement épique qui se dessine, cette joute ultime pour la survie de tes amis, et pour l’honneur de ta réputation !

À peine eut-il fini qu’un puissant choc retentit. Il baissa les yeux et vit Scorex qui venait de frapper violemment son Persian avec un Direct Toxik, l’écrasant au sol sous ses pinces.

- Attention au blabla, Giovanni. Ton côté Jeannine ressort, lui dis-je simplement.

- Ce n’est pas totalement faux, remarqua-t-il en serrant les dents. Cependant… Persian, Boost et Tranche !

Les yeux du félin s’illuminèrent, et soudain, habité par une nouvelle force, il parvint à repousser Scorex qui n’apprécia que peu l’attaque Tranche, pliant les pattes et lâchant un râle de douleur. C’est ce que je craignais. L’Acupoison devenait trop intense à tenir pour lui. Il fallait vite en finir. Ce qui ne poserait pas problème vu l’erreur stupide de mon adversaire ignorant.

- Nous voici désormais à forces égales, commenta-t-il.

- Pas vraiment. L’Acupoison ne se prête pas aux Pokémon qui ne sont pas de type Poison, expliquai-je.

Persian commença à se tordre de douleur, subissant le violent contrecoup empoisonné de l’Acupoison qu’il avait imité. Il se tordait de douleur, au sol, sous l’air maintenant effrayé de son dresseur.

- Mais comment est-ce possible ? Même l’attaque Toxik n’est pas aussi virulente !

- Toxik a été créée par ma famille. J’ai juste perfectionné le tout. Le poison n’a absolument aucun secret pour moi.

- Alors pourquoi ne pas s’en être servi avant ? questionna-t-il.

- Parce que c’est une arme terriblement dangereuse. Tant pour les Pokémon que pour les hommes. Une flamme brûle. Mais le poison lui peut paralyser, torturer, rendre amorphe. Le poison a une palette de possibilités bien trop grande pour un simple combat Pokémon. Il pourrait même...

- Tuer… ? compléta Giovanni. J’ai déjà tué. Mais je n’ai jamais réellement voulu aller jusque-là. Alors je doute que tu en sois capable, gamine.

- C’est vous qui le dites. Pas moi. Choc Venin.

Scorex cracha une fumerolle violette qui entoura rapidement Persian, lui faisant souffrir immédiatement un immense martyr. Ses cris de douleurs vinrent habiter toute la grotte. Giovanni passait désormais de l’apeuré au dégouté. Peu m’importait. Moi j’étais heureuse. Il souffrait comme jamais. Il allait payer. Au bout de minutes qui parurent interminables, Persian cessa de se débattre, restant immobile et raide au sol, ne donnant plus signe de vie. Etait-il mort ? Je m’en fichais. Pas Giovanni qui vint rappeler son Pokémon, profondément choqué par la scène.
De mon côté, je fis de même avec Scorex, au bord de l’effondrement par son propre dopage.

- Des techniques qui tuent des Pokémon ? Mais tu es complètement folle ! hurla-t-il de rage.

- Tu ne comprends pas. Notre combat. Ces techniques. Je déteste ça. Je déteste m’en servir. J’ai failli tuer des humains et des Pokémon à cause de ça. J’ai causé la perte de mon propre bébé. Je hais la puissance de mes propres poisons. Mais à l’heure actuelle, il y a une chose que je hais encore plus que ça. Et cette chose-là c’est toi.

Il fut comme transpercé par mon regard de haine. Cet homme qui brisait la vie des autres tentait de me faire la morale sur ce que je lui faisais subir. Quelle hypocrisie. Quelle ironie. Quelle ordure. Hors de question de prendre des gants avec lui.
Pris comme d’une crise panique, il saisit sa Ball mauve et rouge qu’il lança avec rage sur l’arène.

- Très bien, je ne voulais pas en arriver là mais au diable ce combat ! Au diable mon fils, et surtout au diable tes saloperies de techniques ! Mewtwo, montre-toi !

J’eus un mouvement de recul en voyant le Pokémon Génétique apparaitre. Il l’avait vraiment capturé ? Non, forcé. Je comprenais mieux. C’était une Master Ball. Tout s’expliquait. Voilà pourquoi et comment ils avaient pu s’installer ici. Ils contrôlaient le maitre des lieux. Pouvais-je vaincre un monstre d’une telle puissance, qui plus est de type Psy ? C’était le moment ou jamais de le savoir.
Je fis appel à mon fidèle Smog qui apparut devant Mewtwo, tandis que Giovanni sorti une chevalière ornée d’une drôle de pierre arc-en-ciel. Il l’enfila à son doigt puis fit luire la pierre, Mewtwo réagissant en conséquence. Il fut entouré dans un genre de gros cocon lumineux, qui explosa avant de le révéler dans une autre forme. Plus petit, avec une grande excroissance mauve à l’arrière de la tête et plus de queue. Il avait méga-évolué. Je frémis face à sa puissance potentielle.

Et je n’étais pas la seule. Tous les Pokémon de la grotte devaient eux aussi le ressentir, et le craindre. Tous quittèrent les lieux sans demander leur reste, libérant de leurs tâches mon père, Silver et tante Aya.

- Ce n’est pas ça qui me fera reculer, dis-je en lançant une baie Riwan à Smog qui la goba. Allons-y, Sfumato !

Par tous ses orifices, Smog expulsa une épaisse fumée mauve qui vint recouvrir tout le terrain. Un dérivé de l’attaque Puredpois, renforcé par l’ardeur et la puissance de la baie Riwan. Le poison vint jusqu’à moi. Il me pénétrait. Je pouvais le sentir. Il devait probablement atteindre Giovanni aussi. J’espérai juste que ma famille saurait se mettre à l’abri.

- Mewtwo, réduit ses efforts à néant avec Psyko !

À ma propre surprise, la fumée se mit à disparaitre, rejetée vers le haut de la grotte par le Pokémon Psy qui la manipulait sans la moindre difficulté. Un frisson me parcouru l’échine à cette vision. Voilà qui allait bien me compliquer la tâche.

- Bomb-beurk, profites-en !

Smog cracha le puissant projectile empoisonné. Mais il ne porta pas, le Mewtwo écarta d’un simple mouvement de doigt. Bon sang, je devais récupérer cette fumée, j’en avais vraiment un besoin vital. Parce qu’au moindre impact…

- Pulvérise-la avec Psyko, encore une fois !

- Vite, Éructation !

Les deux bouches de Smog lachèrent un surpuissant rôt sonore qui déconcentra Mewtwo, sans l’atteindre plus que ça. L’attaque de Smog étant bien moins puissante que celle de Kwoa. Ils n’avaient pas la même capacité thoracique en même temps. Profitant de la distraction, j’envoyai mon Smogogo s’envoler le plus vite possible vers son gaz.

- Non, ça n’arrivera pas. Choc Psy ! déclama Giovanni.

- Stockage !

Smog absorba en lui tout le gaz qu’il avait expulsé avec son Sfumato. Ce qui le fit tripler de volume au bas mot. Mais au-delà de l’effet visuel, cela permettait surtout de décupler les bonus défensifs de l’attaque Stockage. Ainsi, il put encaisser les multiples chocs psychiques qui vinrent le frapper.

- Le voilà obèse, et après ? Qu’est-ce que ça change ? se moqua Giovanni.

Pas grand-chose, effectivement. Pour le coup je ne voyais pas trop comment l’attaquer. Ses pouvoirs psychiques étaient vraiment trop puissants, ils repousseraient tous mes projectiles. À moins que… Non, je ne pouvais quand même pas faire ça.

- Continue ,Stockage !

- Psyko, encore et encore !

Smog continuait à gonfler, et à souffrir. Je serrais les dents, je ne pouvais pas continuer comme ça. Il ne tiendrait pas. Mais je ne voyais pas de solution. Pas sans conséquence funeste. C’était tout bonnement impossible. Bon sang, j’allais perdre, on allait tous mourir tués par un Giovanni rendu fou furieux par ma faute et personne ne venait me prêter main forte !

- Jeannine ! me héla mon père.

Je tournai la tête, surprise qu’il m’adresse de nouveau la parole après notre dernier échange.

- Papa, je n’y arriverai pas. Il est trop puissant pour moi ! lui dis-je.

- Jeannine, répéta-t-il avec plus d’autorité. Tes poisons, tu les utilises avec une telle virtuosité. J’ignorai que tu étais capable de faire tout ça. Je suis bluffé. Vraiment. Tu caches tellement de choses. À nous. Mais pas seulement. À toi aussi. Laisse-moi te dire une bonne chose : je serai incapable de faire ce que tu fais. Tu es plus que ma fille. Tu es Jeannine, maitresse des poisons !

Je sentais l’émotion me gagner. C’était une belle déclaration. Jamais il ne m’avait dit pareille chose avant. Et ça me touchait vraiment qu’il me dise ça maintenant, alors qu’on ne pourrait sans doute plus se dire grand-chose après.

- Tu es meilleure que moi ! Tu es meilleure que lui !, poursuivit-il. Alors prends bien tes appuis, sert les dents… ET DEFONCE MOI CE TAUROS !

Comme alimentée par la rage de sa déclaration, je trouvai en moi la force de surmonter ma peur. Mon appréhension. Il avait raison, ce n’était pas un petit Pokémon légendaire de rien du tout qui allait me freiner. J’allais le pulvériser ce Tauros, quitte à tout emporter avec moi !

- SMOG ! EXPLOSION !

La détonation fut aussi soudaine que violente. Chargé au gaz toxique, il dut ravager toute l’arène. J’eus à peine le temps de voir mon père déployer tous ses Pokémon pour absorber le gaz que ma vision s’obstruait. Il protègerait les autres, mais moi j’étais bien trop proche pour ça. Je me retournai vers l’arène. Mewtwo se débattait comme il voulait, mais il y avait bien trop de gaz. Il était bien trop rapide, bien trop puissant. Il fut submergé. Je savais qu’il ne s’en relèverait pas. Au milieu de tout ça résonna le cri de rage de Giovanni. Tout juste puis-je l’apercevoir dans la brume mauve, disparaitre aux côtés de Nikolaï. Puis plus rien. Je n’avais plus les forces. Je me laissais aller. Que le poison m’emporte.

***

Une lumière. Le Paradis ? Avais-je atteint ce lieu promis aux ninjas d’exceptions ? Mes paupières étaient lourdes. J’avais énormément de mal à les ouvrir. Quelle horrible sensation. En tout cas, je me sentais légère. Presque comme en apesanteur. Mon corps ne me retenait plus.
Davantage de lumière. Trop agressive. Je refermai les yeux. Avant de les rouvrir. Plus doucement. Progressivement. Une salle blanche. Une fenêtre. Il y avait des fenêtres au paradis ? Un lit aussi. Et des machines étranges. Je ne m’imaginais vraiment pas le paradis comme cela.

- Elle revient à elle ! s’exclama une voix que je ne parvenais pas à reconnaitre.

Quelle gueule de bois. Tout fourmillait dans ma tête. Il me fallut un temps indescriptible pour parvenir enfin à bien comprendre où j’étais. Dans une chambre. La chambre d’un hôpital. Donc je n’étais pas morte. Pourtant, je me sentais si légère. Comme c’était étrange. Presque agréable finalement.
Au fond de la pièce, assis sur une chaise, un jeune homme aux cheveux rouges me regardait, soucieux. Silver. Deuxième fois que je me réveillai à l'hôpital, mais cette fois, il était bien là.

- Doucement NJ, tu as été gravement empoisonnée.

Empoisonnée ? Oui, je me souvenais. L’explosion de Smog. En même temps, avec une dose pareille, je savais à quoi m’attendre. J’espérai juste que l’autre ordure y était passé aussi.

- Silver, je ne sens plus mon corps, dis-je d’une voix très affaiblie.

- Oui, je sais, dit-il, gêné. Les médecins ont dit que le poison avait endommagé ton système nerveux. Tu t’en remettras probablement mais… Ce sera long. Et tu auras des séquelles à vie. Tu ne pourras plus être ninja. Je suis désolé.

Voilà pourquoi je ne voulais pas exploiter le poison. Beaucoup trop puissant. Beaucoup trop dangereux. Je pouvais deviner sur son visage le remord qui le rongeait. Il m’avait envoyé me battre à sa place et voilà le résultat. Mais étrangement, je n’avais pas la force de lui en vouloir. J’étais juste heureuse que tout soit finit, et qu’il soit là, avec moi.

- Tout le monde s’en est bien tiré, nous avons pu ramener tous les gens enlevés par mon père, affirma-t-il.

- Et Giovanni ? questionnai-je.

- Je m’en moque. Il a disparu. Qu’il crève dans son coin. Tout ce qui m’importe, c’est toi. Je ne te quitterai plus. Plus jamais. Promis.

J’essayai de lui faire un sourire pour le rassurer, incapable de savoir si j’y arrivai. Assez de la charge de championne, assez d’être la fille du grand Koga. Dorénavant, je voulais juste être moi. Et être avec Silver. Que nous soyons nous. Sans charge ni pression familiale.

- Pourquoi… Pourquoi tu n’as pas combattu ton père ?

Pour seule réponse, il sortit un étui de sa veste. Celui où il rangeait ses badges. Il l’ouvrit et me montra le contenu. J’étais sidérée. Il n’y avait qu’un seul badge : le mien. Moi qui avais toujours cru qu’il avait pourtant vaincu toutes les arènes de Johto et de Kanto.

- Parce que tu es tellement plus forte que moi. Je déteste le combat, au début je voulais juste vaincre mon père, par pure colère. Mais j’ai vite compris que c’était de la bêtise. Alors que toi, inventive, créative et passionnée… Il te manquait juste la confiance. Le badge Âme, c’est surtout un symbole. C’est ce qui nous a réunis, pas vrai ?

Oui. Je n’avais jamais oublié. C’est comme si c’était hier. Après ma défaite face à lui, je m’étais entrainée comme une folle. Et il était venu m’aider. Me canaliser. Me soutenir de toute sa tendresse. De toute sa gentillesse. De tout son amour. Si je n’avais pas perdu ce jour-là les choses auraient peut-être été bien différentes. Mais dans le fond, je n’avais aucun regret.
Je hochai la tête en approbation.

- Partons loin d’ici, découvrons des terres inconnues, loin de tout ça, demandai-je à Silver.

- Toi et moi jusqu’au bout du monde ? questionna-t-il en souriant.

- Et même au-delà répondis-je avec entrain.