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Les douze tableaux de Jaune de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 31/10/2018 à 21:06
» Dernière mise à jour le 07/12/2018 à 22:38

» Mots-clés :   Aventure   Kanto   Mythologie   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de personnages du manga

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Touche finale – Les pommes d’or du jardin de Jade
Allongée sur le dos, Jaune fixait sa main droite, recouverte d’un bandage blanc. C’était aujourd’hui qu’elle avait obtenu l’autorisation officielle de son médecin : elle pouvait enfin l’enlever, après un mois d’application rigoureuse de puissantes pommades pour enrayer la douleur. La brûlure était superficielle, car le Lance-Flammes l’avait à peine frôlée, et pourtant… Elle aurait des séquelles à vie. Comme l’indiquait le Pokédex, la douleur liée au souffle de feu d’un Démolosse ne s’en allait jamais complètement. Elle comprenait mieux ce que Rouge avait dû endurer, désormais.

Sa main la ferait souffrir toute sa vie. Sa main droite. Celle avec laquelle elle peignait. Oh, elle pouvait toujours peindre, mais la douleur allait désormais accompagner chacune de ses œuvres.

Elle prenait cette blessure comme une punition. Un châtiment qui lui serait infligé car elle avait failli à protéger ses Pokémon, quand bien même ils lui faisaient pleinement confiance. En effet, Amonichou aussi garderait des séquelles à vie de l’attaque Fatal-Foudre de Chuchu. Car, avec son pouvoir, l’attaque électrique, déjà très puissante, avait atteint ce jour-là une puissance sans égale, presque équivalente au Tonnerre dévastateur qu’elle avait lancé contre Peter il y a vingt ans.

Ce combat contre Katz avait tout bouleversé dans sa vie. Rien ne serait plus jamais pareil entre ses Pokémon et elle. Ce que son pouvoir avait provoqué, son pouvoir ne pouvait le réparer. Après sa fuite, Jaune s’était immédiatement rendue chez elle, à Jadielle, où elle avait essayé en vain d’utiliser son don de guérison sur son Amonistar… Sans succès. Le personnel du Centre Pokémon avait été bien plus efficace qu’elle.

La jeune femme étendit les bras sur son lit. Elle n’avait pas envie de se lever. Pas envie d’enlever ce bandage qui lui rappelait tout ce qu’elle avait envie d’oublier. Peut-être même pas envie de peindre. Elle ferma les yeux : était-ce réellement le cas ? Avait-elle vraiment vécu toutes ces aventures qui l’avaient tant inspirée simplement pour renoncer à cause de la peur ? Non, bien sûr.

Jaune se leva et alla ouvrir ses volets pour contempler sa ville natale, et soupira à la vue du paysage. Elle avait espéré si fort qu’en rouvrant les yeux elle retrouverait sa bonne vieille Jadielle, verdoyante et champêtre. Mais non. La ville était telle que Bleu la lui avait décrite un mois auparavant : coulée dans le béton. Les petites maisons cédaient sous la terreur des grands et imposants buildings gris ; la nature se tassait de plus en plus face au ciment.

La Forêt de Jade résistait toujours, mais pour combien de temps encore… Jadielle, tout comme Parmanie avait perdu son rose parme, avait perdu son vert de jade. Jaune releva soudainement la tête et se précipita vers son sac à dos. Elle n’y avait pas touché depuis ce fameux jour où elle rentrée en catastrophe chez elle. Elle examina à nouveau ses crayonnés ; les décors étaient toujours flous, et les personnages toujours aussi nets.

Mais désormais, elle savait pourquoi.

Jaune se débarrassa alors précipitamment de son bandage et s’assit à son chevalet.

*
La jeune femme passa des semaines entières cloîtrée dans son atelier, à peindre ses tableaux comme si sa vie en dépendait. Elle ne pouvait plus s’arrêter, comme si l’inspiration artistique avait pris possession de son corps. Elle fit également le crayonné de ce funeste jour au Parc des Amis qu’elle divisa en trois dessins. Son pinceau dansait sur la toile, coincé entre main brûlée et esprit brûlant. Les couleurs explosaient sur les toiles de l’artiste, qui ne cessait d’agrandir un peu plus sa palette de nuances.

Hormis sur le fond des tableaux, qui restait uniformément blanc.

Lorsque la dernière goutte de peinture acheva de sécher, la jeune femme s’effondra sur sa chaise, soupirant d’aise. Elle les avait enfin terminés.

Et maintenant quoi ? Allait-elle poursuivre son rêve d’organiser une exposition de ses tableaux, dans une pièce poussiéreuse ? Non. Pas après ce qu’elle avait enfin réalisé. Regarder une énième fois par la fenêtre de sa chambre lui avait ouvert les yeux à la réalité.

Kanto n’est pas une région à la beauté et aux couleurs exceptionnelles. Peut-être ne l’avait-elle jamais vraiment été. Peut-être que cette vision idyllique de Kanto avait entièrement été créée par l’esprit idéaliste d’une âme un peu trop sensible.

Mais son art, lui, ne mentait pas. Si la région de Kanto n’avait rien de spectaculaire… Les personnes qui la faisaient vivre l’étaient assurément. Elle avait quasiment rencontré plus de personnages incroyables en quelques jours dans sa région que pendant son voyage de vingt ans à travers le monde. Et cela l’emplissait de joie. La force de Kanto ne résidait pas dans son apparence, mais son âme.

L’âme de ses habitants.

Ce fut à ce moment que Jaune comprit ce qu’elle devait faire pour rendre hommage à sa région. Ce qu’elle devait faire de ses tableaux. Il fallait qu’elle les confie à ceux qui les lui avaient inspirés, pour qu’ils sachent à quel point leur contribution à la région de Kanto était précieuse.

La jeune artiste dans l’âme entreprit alors un autre voyage, où elle fit cadeau de ses tableaux à tous ceux qu’elle avait croisés sur son chemin. Elle revit Malva, à qui elle offrit le tableau d’elle et de Némée. Elle décora les murs déjà chargés de la pension d’Éry par un portrait du Cochignon.

La famille Chen reçut trois de ses tableaux comme présents. Le professeur se vit offrir la toile appelée Céry du Bois aux Chen et une autre, celle du Bourg Palette assiégé par les Roucool, tandis que Bleu se vit offrir le tableau représentant Taurounet. Auguste reçut avec émotion les deux représentations de son départ à la retraite : Les juments de feu et Les écuries d’Auguste.

Jaune se déplaça même en personne jusqu’à Unys pour faire don du tableau de Lydre à Iris. Quant aux trois derniers… Jaune fit don de La ceinture volée au Parc des Amis et offrit Les bœufs de Jerry Yon au vieil homme éponyme. La toile dépeignant les Démolosse de Katz fut la seule qu’elle conserva pour elle-même, afin de ne jamais oublier ce jour qui avait fait basculer sa vie.

Une fois sa quête terminée, Jaune ressentit un profond sentiment de vide. Elle avait accompli ce qu’elle souhaitait et pourtant… Elle doutait toujours. Elle venait de sacrifier son désir de devenir une artiste reconnue. Était-ce vraiment ce qu’elle souhaitait ? Elle avait beau se triturer les méninges, elle avait l’impression qu’il manquait le point final de son histoire.

Ou plutôt, la touche finale.

Durant les jours qui suivirent, Jaune s’efforça d’oublier cette sensation et reprit le cours de sa vie. Elle revit ses amis, notamment Verte et Bleu, à qui elle raconta tout ce qu’elle avait accompli durant ces dernières semaines. Elle passa d’agréables journées, mais ne ressentit à aucun moment quelque inspiration que ce soit. Elle ne toucha ni à ses crayons ni à ses pinceaux, comme si toute son âme d’artiste avait commencé à brûler avec sa main, et avait achevé de se consumer avec la réalisation de ses onze tableaux.

Les semaines passèrent jusqu’à ce qu’un jour, en une chaude après-midi d’été, on frappa à sa porte. Curieuse, Jaune alla ouvrir et eut l’agréable surprise de voir son ami Bleu se tenir sur le pas de sa maison.

— Salut Jaune ! Quoi de neuf ? fit-il joyeusement.

— Oh, hum, eh bien… Pas grand-chose, balbutia-t-elle, un peu honteuse d’admettre qu’elle n’avait rien fait de vraiment productif ces derniers jours.

— Ah, donc tu n’as rien de prévu, là ?

— Euh… Non, pourquoi ? demanda Jaune, intriguée.

— Parfait ! Alors viens avec moi ! s’enquit-il en la saisissant par le bras.

— Hein ? Mais où ? …Hé, attends ! Laisse-moi au moins verrouiller ma porte ! protesta-t-elle.

À la seconde même où Jaune acheva de faire tourner la clé dans la serrure de sa maison, Bleu l’entraîna à toute vitesse à travers Jadielle, faisant mine de ne pas entendre les questions qu’elle lui hurlait dans les oreilles. Peu à peu cependant, Jaune cessa de harceler son ami : elle avait reconnu le chemin qu’il empruntait : c’était celui de la Forêt de Jade. Elle n’avait pas osé s’y aventurer depuis son retour. Sa forêt qu’elle aimait tant… Pourtant, elle avait entendu dire que l’Alliance Pokémon avait commencé à sécuriser la zone.

Quelque chose attira son regard : sur le chemin, à intervalles réguliers, Jaune apercevait des petits symboles en forme de pomme, peints en doré sur le sol. Elle voulut questionner Bleu à leur propos, mais bien sûr celui-ci faisait toujours la sourde oreille. Son cœur battait à tout rompre à force de courir, et il ne fit qu’accélérer à mesure que son ami et elle s’enfonçaient dans les profondeurs de la Forêt de Jade.

Soudain, à l’orée d’une clairière Bleu s’arrêta net, tant et si bien que Jaune faillit lui rentrer dedans. Mais il ne s’en formalisa pas, il arborait au contraire un grand sourire. Jaune l’avait rarement vu aussi jovial :

— Après toi, Jaune ! lui dit-il en tendant son bras vers la clairière.

La jeune femme pénétra dans la trouée verdoyante, le cœur battant… Et ce qu’elle vit manqua de le faire cesser de battre. Là, autour d’un immense platane centenaire, étaient réunis tous ceux qu’elle avait rencontrés durant son extraordinaire voyage. Des tables faisant office de buffets avaient été dressées au cœur même de la forêt, et tous les invités à la fête levaient leur verre en son honneur.

Mais un seul d’entre eux retint réellement son attention. Il lui parut encore plus grand et impressionnant que dans son souvenir. Encore plus beau, aussi… De sa main gantée, il caressa le Pikachu qui se reposait sur son épaule. Puis il remit sa sempiternelle casquette en place sur son crâne et prononça ces quelques mots suffisants qui suffisaient à la ravir, un grand sourire sur le visage :

— Ça faisait longtemps, Jaune !

La concernée sentit son visage tourner au cramoisi. Elle bégaya :

— R-rouge ? Mais… Que… Qu’est-ce qui se passe ?

— Ce qui se passe ? Ah, je vois que Bleu a pris à malin plaisir à ne rien t’expliquer, juste pour pouvoir se payer ta tête le moment venu, je parie ! rigola Rouge.

— C’est à peu près ça, confirma malicieusement Bleu, bras croisés, nonchalamment adossé contre un arbre.

— Et… Et donc ? demanda Jaune, qui essayait tant bien que mal de reprendre un peu de contenance, sans grand succès.

À cet instant, Rouge, Bleu et Verte – qui avait émergé du groupe – échangèrent un regard complice.

— Nous célébrons aujourd’hui, au cœur de la Forêt de Jade… commença Bleu.

— L’avènement de la plus grande artiste de Kanto… continua Verte.

— Jaune de la Forêt de Jade ! acheva solennellement Rouge, approuvé par toute la foule derrière lui.

Jaune en perdit ses mots. Ses amis, y compris Rouge, qu’elle n’avait pas vu depuis une éternité, organisaient une fête en son honneur, dans sa forêt ? Elle devait être en train de rêver.

— Non, tu ne rêves pas, Jaune ! s’exclama Verte, hilare à la vue de son amie qui s’apprêtait à se pincer.

— Mais… Mais… protesta vainement la jeune femme.

— C’était une idée de Rouge, la coupa brusquement Bleu en poussant son ami vers Jaune.

— Hein ? s’écria Jaune, la voix coupée par l’émotion et surtout, la surprise.

Rouge avait organisé tout ça pour elle ? Alors qu’il ne l’avait pas vue depuis si longtemps ? Alors… elle lui avait manqué ? Il tenait vraiment à elle ? Jaune était aux anges. Elle fixa Rouge, la mine radieuse, peinant à y croire :

— C’est vrai, Jaune, approuva-t-il en hochant la tête. Lorsque Verte et Bleu m’ont raconté comment tu avais sacrifié ton rêve pour faire le bien autour de toi, j’ai vraiment été très impressionné. Je ne pense pas que j’en aurais été capable… Tu es une personne incroyablement bienveillante. Et tu mérites plus que quiconque de réaliser ton rêve. Les épreuves que tu as traversées le prouvent, affirma Rouge en prenant délicatement la main blessée de Jaune entre les siennes.

— Comment ça ? demanda Jaune, qui n’y comprenait pas grand-chose, mais qui sentait son visage s’empourprer davantage en sentant les mains de Rouge envelopper la sienne.

— Tu te souviens des symboles de pomme d’or qu’on a vus sur le chemin ? lui demanda Bleu.

— Oui, mais, quel est le rapp…

— Ces symboles sont le chemin de la première exposition à ciel ouvert au monde : la tienne, expliqua Verte.

— Toute personne qui suit les pommes d’or pourra retracer ton épopée extraordinaire à travers Kanto et admirer tes œuvres, comme un pèlerinage artistique, acheva Rouge.

Submergée par l’émotion, Jaune éclata en sanglots de joie : ses amis avaient organisé pour elle le vernissage de la plus incroyable exposition de tableaux au monde. Elle était l’auteur d’un pèlerinage artistique ! Rien que ça ! Touchée et émue, elle remercia mille fois ses amis et le reste des invités, plongée dans une immense béatitude. Verte, Bleu et Rouge enlacèrent alors très fort leur amie Jaune, jeune femme candide et naïve qui avait bien mûri, et était finalement devenue Jaune, la première artiste kantoïte reconnue.

La fête commença alors, célébrant une Jaune qui se sentait au comble du bonheur. Elle dansait et riait avec ses amis, comme s’ils avaient tous retrouvé leurs douze ans, dans un Kanto vieilli de vingt ans. Au milieu de l’agitation, Verte dit soudain à sa meilleure amie :

— Au fait, Jaune !

— Oui ?

— Pour le nom de l’exposition, on pensait à quelque chose comme Les dix tableaux de Jaune… ça te conviendrait ?

Jaune réfléchit un instant et répondit :

— Le problème, c’est que j’en ai peint onze… Il en reste un chez moi qu’il faudrait rajouter !

— Ah donc, Les onze tableaux de Jaune ?

Jaune plongea à nouveau dans ses pensées et regarda autour d’elle. Elle était dans la forêt qu’elle avait toujours aimée, entourée des personnes qui lui étaient les plus chères, en train de célébrer l’avènement de son âme d’artiste. Il lui semblait inconcevable de ne pas dépeindre la merveille de cette scène, pour s’en rappeler à tout jamais.

— Je ne sais pas… J'ai le sentiment que mon plus grand chef-d’œuvre est encore à venir.

Verte hocha la tête, le sourire aux lèvres. Elle avait compris :

— Parfait ! Alors va pour…

« Les douze tableaux de Jaune… » murmura doucement Jaune.