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Shades of Blue de Yûn



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» Auteur : Yûn - Voir le profil
» Créé le 30/10/2018 à 23:39
» Dernière mise à jour le 30/10/2018 à 23:39

» Mots-clés :   Drame   Famille   Kanto   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life

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VII - Blue Code Of Silence
Le temps que les Rangers parviennent jusqu’au hangar souterrain, les hurlements de Red résonnaient toujours.

Blue avait été obligé de lui maintenir les poignets pour l’empêcher de se lacérer le crâne de ses ongles. Sa tortue de combat avait appliqué une légère couche de gel sur son front et ses tempes, dans un effort d’atténuer le mal qui le ravageait. Son crapaud végétal, revenu vers eux en compagnie de l’ours glouton dès que son maître avait commencé à s’époumoner, avait dispersé une suave senteur tout autour d’eux, pour tenter d’apaiser son esprit déchiré. Sa dragonne enflammée, désemparée de voir son humain adoré dans un tel état, n’avait pas trouvé mieux que de poser son museau contre son ventre, ses écailles ocres et son souffle angoissé diffusant une douce chaleur dans le corps à vif du Maître.
En vain. Malgré tous leurs efforts pour amoindrir sa peine, Red continuait de s’égosiller.

Il fut rapatrié d’urgence sur le continent pour être admis à l’hôpital de Safrania. Mais même là, aucun des traitements employés par le personnel ne parvinrent à contenir le supplice de son âme mutilée. Il fallut l’intervention combinée de Sabrina et Will pour qu’enfin, le silence se fasse dans la chambre du Maître. Il ferma les yeux, trouva le repos qui lui faisait défaut après trois jours de souffrances ininterrompues.
Et pendant ce temps, Blue n’avait eu d’autre choix que de ramener l’équipe meurtrie de son meilleur ennemi chez lui. Il aurait préféré qu’ils l’accompagnent, mais les trois formes évoluées et le Ronflex étaient bien trop imposantes pour pouvoir tenir dans une chambre d’hôpital. Seul Flash avait eu l’autorisation de rester au chevet de son humain, et il passait l’essentiel de son temps roulé en boule sur son ventre, en une sentinelle galvanisée prête à tout pour empêcher quiconque de profiter de sa vulnérabilité actuelle.

Tout ce beau monde qui s’accumulait dans son jardin avait au moins eu pour seul avantage d’obliger la petite géante à s’habituer à d’autres présences que celle de son soigneur.
La Lokhlass était d’abord restée prostrée dans un coin de son bassin, soufflant nerveusement à l’encontre de tous ces étrangers plus gros qu’elle. Mais, au fil des jours, des semaines, à force de voir Blue s’occuper de ces autres créatures avec la même attention qu’il lui vouait, elle baissa progressivement sa garde. A force de le voir essuyer les pleurs de cette grosse dragonne terrifiante, elle se dit qu’elle n’avait pas l’air si méchante que ça. A force de voir cette tortue renforcée barboter misérablement en surface dans un recoin de sa piscine, elle trouva qu’elle lui ressemblait quand même beaucoup, même si elle avait une drôle de carapace et pas de cou du tout. A force de voir cet étrange crapaud chercher à tromper son angoisse en faisant pousser diverses plantes odorantes, elle pensa qu’il avait presque l’air gentil. A force de voir l’ours glouton fondre comme neige au soleil comme il se contentait d’à peine une pleine brouette de baies, son monsieur carotte devant même le convaincre de manger davantage, elle comprit qu’elle n’avait rien à craindre d’eux. Qu’ils étaient tous blessés, même si aucune de leurs plaies n’étaient visibles. Elle sentait la peine et l’inquiétude qui les rongeaient tous. Un mal qu’elle-même connaissait. Qu’elle partageait, même si pour des raisons différentes.
Si bien qu’un matin, Blue fut réveillé par des notes lentes, mélancoliques. Une mélopée qu’il n’avait plus entendue depuis que le Sanctuaire était devenu un tombeau glacé.

Sapphire chantait. Elle chantait pour tous ses nouveaux compagnons, qui l’écoutaient en silence assis autour de son bassin, la tête basse. Elle chantait, faisant enfin le deuil de sa horde. Elle chantait, pour rendre hommage à tous ces êtres aimés, emportés trop tôt par le Grand Vautour. Tous ceux à qui ils n’avaient pu dire au revoir.
Depuis lors, la petite géante chercha à se rapprocher de ces drôles de créatures, s’inspirant des gestes que son soigneur avait faits pour elle. Chaque fois que Tiki gémissait, elle fredonnait doucement et laissait la Dracaufeu lui étreindre la tête pour sangloter. Chaque fois que Palouf restait amorphe dans le bassin, elle venait le chercher pour convaincre le Tortank de jouer avec elle dans l’eau. Chaque fois que Froppy semait de nouveaux plants dans un soupir las, elle s’empressait d’arroser les jeunes pousses pour qu’elles fleurissent plus vite et donnent un peu de joie de vivre au Florizarre. Chaque fois que Boréas se détournait de son assiette, elle se précipitait pour offrir une partie de son propre repas au Ronflex.
Une telle dévotion d’aider les autres ne manqua pas de faire sourire Blue. Il était soulagé, heureux de voir que la petite rescapée avait trouvé un moyen d’affronter son traumatisme.

Surtout que, maintenant, il pouvait enfin partir de chez lui sans avoir à craindre que la Lokhlass ne rameute la moitié de la ville.
Aussi, un peu plus de deux mois après l’assaut de la Rainbow S.A.R.L., le chercheur roux et son goupil survolté remontèrent quelques rues de Bourg Palette. Ils empruntèrent un chemin qu’ils n’avaient plus foulé depuis presque quatorze ans, maintenant… Leurs pas s’arrêtèrent devant une modeste maison, à la porte de laquelle le Kantonais sonna.

« … Blue…? » Murmura la femme aux traits tirés qui lui ouvrit. Ses yeux s’étaient légèrement écarquillés en le reconnaissant, mais retrouvèrent très vite leur bienveillance naturelle. « Ca fait si longtemps que je ne t’avais pas vu. Tu as bien changé, dis-moi.
- Bonjour, Mme Ketchum.
- Voyons, je t’en prie ! Tu sais bien que tu peux m’appeler Delia. Mais ne restez pas dehors, tous les deux. »

Il sourit légèrement en hochant la tête, et entra dans la demeure.
Avant qu’il ait pu dire quoi que ce soit, il se retrouva assis à la table du salon avec une tasse de café noir entre les mains, et Impulse avec un biscuit entre les crocs. Il aurait préféré que ce dernier soit privé de friandise, mais il ne se sentait pas de refuser quoi que ce soit à la maîtresse des lieux.

« Encore merci de t’occuper de son équipe pendant sa convalescence, dit Delia en le resservant. Je n’aurais pas eu le courage de le faire moi-même…
- C’est tout naturel. Il valait mieux que ce soit moi qui les prenne en charge plutôt que de les laisser aux Rangers. »

Surtout qu’il se sentait un peu coupable pour ce qui était arrivé…
Blue but une nouvelle gorgée du breuvage amer -et vit sa tasse être remplie à ras bord à peine l’eut-il posée sur la table-, leva les yeux vers le plafond.

« … Comment va-t-il…?
- Un peu mieux, je dirais… Il a retrouvé toutes ses facultés mentales, et il peut à nouveau marcher et faire des gestes plus complexes seul, expliqua la femme d’une voix qui se voulait enjouée mais où pointait le chagrin. En revanche… Il a parfois du mal à se remémorer les choses, et il se fatigue rapidement… Mais les docteurs m’ont dit que c’était normal. Et je crois qu’être à Bourg Palette lui fait aussi du bien. »

Un silence oppressant s’installa dans le salon, seulement perturbé par le balancier de l’horloge murale et les grignotages du Voltali qui entamait son troisième biscuit.

« Je… Je peux aller le voir ? Enfin, sauf si c’est trop demander...
- Non, bien sûr ! Je suis sûre que ta visite lui fera plaisir. »

Le chercheur roux bafouilla un remerciement, avant de monter l’escalier, obligeant son évolition de tonnerre à le suivre par la même occasion -non sans que ce dernier ait d’abord englouti son gâteau. Il frappa à la porte blanche, où trois lettres de bois écarlate indiquaient à qui elle appartenait.

« Red…? C’est Blue. Je peux entrer ? »

Un gémissement feint lui répondit. Pas vraiment certain qu’il lui soit adressé, il tourna néanmoins la poignée.

La pénombre avait pris possession des lieux. Seuls quelques fins rayons du soleil d’après-midi perçaient les ténèbres à travers les rares fentes du volet tiré, permettant de discerner plus ou moins distinctement la disposition de la pièce.
Malgré les années passées, celle-ci était presque identique à la chambre qu’il gardait dans ses souvenirs, du temps où il venait souvent jouer avec son ennemi d’enfance après les cours. L’odeur des petits paquets fleuris parfumant les placards, bien qu’allégée par les années d’absence, était restée la même qui lui évoquait toujours cette impression de cocon douillet. Il reconnaissait sans peine les posters accrochés aux murs, et aurait été capable d’en donner les plus petits détails malgré l’obscurité cachant leurs motifs. Il avait toujours sa vieille console de jeux branchée à une télé qui ressemblait davantage à une antiquité désormais, même si le revêtement poussiéreux qui l’habillait indiquait qu’elle n’avait plus servi depuis longtemps. Combien de fois s’étaient-ils affrontés dessus, avaient-ils passé des heures à jouer ensemble pour vaincre le boss final, s’étaient-ils disputés comme ils s’accusaient mutuellement de triche parce que, franchement, c’est pas juste que t’aies obtenu une Nanana pile à cet endroit-là, t’as forcément utilisé un code ! Le coffre à jouets en forme de Pokéball débordait comme d’habitude des dizaines de peluches avec lesquelles ils avaient joué en prétendant être des Dresseurs, quand ils n’avaient pas encore obtenu leur premier Pokémon. Il y avait même toujours leur puzzle de mille pièces inachevé sur le tapis, qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de terminer parce que…

Parce que quoi, déjà ?

Parce que ça avait dérapé.
Parce qu’ils s’étaient vraiment battus. Et pas juste une bagarre de récré. Il lui avait tordu le poignet, lui avait écopé d’un nez cassé. Toriel l’avait traîné jusque dans le salon des Ketchum, s’était confondue en excuses, l’avait forcé à faire de même. Mais il n’avait pas voulu. Pourquoi il aurait dû le faire. C’était sa faute. C’était lui qui avait commencé. Qui lui avait pris son grand-père.
Depuis, ils s’étaient entendus comme Mangriff et Séviper. Ils s’étaient évités comme le Renégat. Et les rares fois où on les avait forcés à se mettre ensemble, dans des travaux de groupe par exemple, ça n’avait pas été sans que les noms d’oiseaux volent et que les adultes soient finalement obligés de les séparer.

Blue poussa un profond soupir. Dire que tout ça avait été causé par un simple malentendu... Un problème de communication de leur part à tous. Qui sait, les choses auraient peut-être été différentes s’ils ne s’étaient pas tous conduits comme des idiots. Peut-être que Red ne se serait pas retrouvé dans un tel état.
Mais cela ne servait à rien de ressasser le passé. Ce qui était fait était fait. Maintenant… Tout ce qu’il pouvait faire pour se racheter, c’était de lui apporter son soutien.

Le Maître meurtri était assis sur son lit, le dos appuyé contre un épais oreiller. C’était étrange de le voir ainsi, sans sa cape et sa casquette fétiche. Il caressait d’un geste nonchalant le dos de sa souris électrique. Il tourna la tête dans sa direction, le dévisagea d’yeux qui semblaient à peine se rendre compte de sa présence. S’il n’avait plus de cernes, jamais ses joues n’avaient été aussi creusées, et Blue ne doutait pas un seul instant qu’avec davantage de lumière, il aurait pu voir un teint cireux, livide recouvrir sa peau.

« Comment tu te sens ? » S’enquit son meilleur ennemi en s’asseyant sur le pouf Ronflex installé à côté du lit.

Il ne répondit pas de suite. Ses doigts libres se levèrent lentement jusqu’à sa tête, la tâtèrent comme s’ils cherchaient à estimer son état.

« … Je sais… Pas trop… J’ai plus vraiment mal, mais… J’ai l’impression d’avoir… Du vide. Comme si on m’avait… Arraché une partie de mon esprit… »

Le chercheur roux se mordit la lèvre. Il se souvenait de ce qu’il avait ressenti, le jour où il avait relâché son équipe. De cette impression que quelque chose s’était brisé en lui, quand ses Pokémon psychiques avaient rompu leur lien mental. Ses tempes n’avaient cessé de le lancer violemment pendant plusieurs jours, et même les cachets n’avaient rien fait pour atténuer son mal. Il n’osait même pas imaginer ce que son ancien rival avait dû subir…

« J’ai cru… J’ai cru que c’était moi qu’on tuait…
- Mais tu es toujours là, non ?
- … Peut-être… J’en suis même plus sûr… »

Il allait vraiment devoir lui changer les idées.

« En tout cas, je peux te dire que tu manques énormément à ton équipe ! J’ai préféré ne pas leur dire que tu étais revenu chez toi, pour que tu puisses te reposer. Parce que je sens que si Tiki l’apprend, elle ne va plus te lâcher.
- Ti… Ki…? »

Red le regarda plusieurs secondes sans comprendre. Cligna des yeux.

« Ah… Oui… Sembla-t-il se rappeler.
- Ils sont chez moi pour le moment. Tu peux passer les voir quand tu veux.
- … D’accord… »

Le silence se fit, alors qu’Impulse essayait lui aussi de remonter le moral du Pikachu.

« Au fait… Je sais pas si on t’a mis au courant de l’affaire, mais… La Rainbow S.A.R.L. a cessé toutes ses activités ! Les Rangers ont pu reconduire tous les Pokémon dans leurs habitats ou auprès de leurs propriétaires, et ils ont même mis Ariana sous les barreaux ! » Il préféra omettre le fait que les Lokhlass de la horde étaient toujours introuvables. Il n’avait pas besoin d’apprendre ce genre de détails pour le moment. « Archer est toujours en cavale, mais il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’on mette la main dessus !
- Ah… Tant mieux…
- Et sinon… Pour le moment, c’est Lance qui assure l’intérim, mais tout le monde a hâte que tu reviennes ! Alors dépêche-toi de…!
- NON ! »

Son cri fut si brusque, si vif comparé à sa léthargie de jusqu’alors qu’il fit sursauter le chercheur roux.
Sous ses yeux abasourdis, son meilleur ennemi se plia en deux. Ses doigts s’enfoncèrent dans ses épis noirs, comme autant de crochets distordus. Aussitôt, Flash se redressa pour tenter de le calmer, l’air soucieux.

« Je veux plus de tout ça ! J’en ai assez ! »

Sa voix chevrotait, se perdait parfois. Pour un peu, on aurait pu croire que c’était un enfant et non un adulte de 34 ans qui se tenait dans ce lit.

« Je… Comprends que ce soit dur, Blue chercha-t-il à relativiser. Mais si tu prends le temps de bien guérir, ça ira mi…
- Non ! Le coupa-t-il. Je peux pas ! Je peux plus… J’en ai assez de tout foirer à chaque fois...
- Red…
- Elle m’avait prévenue…
- … Qui ça ? »

Malgré la pénombre, son ancien rival pouvait voir les tremblements qui secouaient son corps exténué.

« Sur l’île… Dans l’entreprise… Elle m’avait prévenu… Elle m’avait dit qu’elle avait un mauvais pressentiment… »

… Non, il ne parlait pas de…

« Mais je l’ai pas écoutée… Je pensais pouvoir m’en sortir… Comme l’autre fois… Comme avant… Mais non. C’est moi qui l’ai tuée !
- Red… » Tenta-t-il à nouveau.

Soudain, il tourna son visage déformé par un sourire infâme. Ses pupilles brillaient, mais l’éclat qu’il les animait ne faisaient que refléter la culpabilité qui le possédait.

« C’est toi qui avais raison depuis le début ! J’ai beau faire le fier, à être au sommet de la hiérarchie de l’Union, au fond, je reste ce que j’ai toujours été ! Un minable ! »

Un rire sinistre, disloqué quitta sa gorge… Avant de se muer en sanglots.

« Un minable, tout juste bon à envoyer ses Pokémon à l’abattoir !
- Red, calme-toi ! » S’écria son meilleur ennemi en se relevant d’un bond pour tenter de le faire se rasseoir correctement.

La porte s’ouvrit alors en grand, pour laisser passer la mère du convalescent. Blue s’écarta aussitôt, pour la laisser s’occuper de son fils en crise.

« Ca va aller, mon chéri. Tout va bien… » Murmura-t-elle d’une voix douce, le prenant dans ses bras pour le bercer comme un enfant.

La femme aux traits tirés se tourna vers le chercheur roux.

« Je crois que tu ferais mieux d’y aller, Blue…
- Je… Oui… Désolé…
- Ce n’est pas ta faute, ne t’en fais pas. »

Il déglutit, mal à l’aise. Voulut ajouter quelque chose. Se ravisa. Tourna les talons pour descendre les escaliers. L’écho de la folie blessée de son ennemi d’enfance comme seul sillage.

***
Plusieurs semaines passèrent après sa visite infortunée.

Malgré la façon dont celle-ci s’était achevée, Blue n’avait pas renoncé. Il était revenu chez les Ketchum au moins deux fois par semaine, pour ne serait-ce que donner des nouvelles de son équipe. Il prit également soin de ne pas remettre le sujet de Maître sur le tapis. Il ne souhaitait plus le revoir dans l’état de détresse dans lequel il l’avait malencontreusement plongé… Bien lui en prit, car plus aucune crise de l’ampleur de celle à laquelle il avait assisté la première fois ne saisit son ancien rival.

Et finalement… Après encore un bon mois et demi, Red parvint à sortir seul de chez lui.

Le chercheur roux serait bien allé l’accueillir, mais il avait préféré rester en compagnie de son équipe impatiente, en particulier pour contenir les ardeurs de Tiki. La Dracaufeu était devenue de plus en plus suspicieuse de voir leur soigneur temporaire revenir avec l’odeur de son maître sur lui, et il avait été difficile de l’empêcher de s’envoler pour vérifier par elle-même.
En revanche… Dès lors qu’elle l’aperçut au bout de l’allée menant chez Blue, elle ignora toutes ses directives pour filer rejoindre son humain. Rarement avait-on vu créature plus heureuse que la dragonne ocre à l’instant où elle put enfin enfouir son museau contre son torse, au moment où elle sentit ses doigts caresser tendrement ses écailles chaleureuses.

« Tiki, doucement… Soupira le chercheur roux en s’approchant pour saluer le nouveau venu.
- Ca va, je ne suis pas en sucre, non plus, » s’amusa le Maître, alors que la langue râpeuse de sa Pokémon vint lui chatouiller la gorge et les joues.

Malgré cela, il ne refusa pas l’appui offert par la reptile infernale pour arriver jusqu’au jardin… Où tous les autres membres de son équipe lui firent une fête phénoménale.

« Heureusement que tu prétendais ne plus être Dresseur, quand on voit combien tu les as bien traités, se moqua gentiment Red quand les créatures imposantes acceptèrent enfin de le laisser respirer sur le banc, pour aller jouer avec Impulse et le Pikachu qu’ils n’avaient plus revu non plus depuis des mois.
- Les premiers temps n’ont pas été simples, répliqua-t-il en lui tendant l’une des limonades bien fraîches que Toriel était allée leur chercher. Mais… J’ai eu une très bonne assistante. »

Il montra la jeune Lokhlass dans le bassin. Celle-ci paraissait ravie de voir ses compagnons pleins de vie, et poussait des notes enjouées.

« En plus… Je sais que c’est un peu bizarre de dire ça, mais ça l’a beaucoup aidée, elle aussi. Ca lui a permis de guérir un peu.
- Je vois… »

Red considéra la petite géante un instant.

« … Tu permets que je m’approche ?
- De ? Saf’ ? Euh… Oui, si tu veux, mais je suis pas certain qu’elle se laisse faire…
- Je peux toujours essayer. »

Il se leva, pour avancer d’un pas un peu boitillant jusqu’à la piscine. La poupon des mers ne manqua pas de le remarquer, souffla nerveusement en baissant légèrement la tête… Mais ne fit aucun mouvement de recul.

« Tu es Sapphire, n’est-ce pas ? Dit le Maître d’une voix paisible. Blue m’a beaucoup parlé de toi. »

Les yeux de la jeune créature se posèrent sur son monsieur carotte en entendant son nom, avant de revenir fixer avec un mélange d’appréhension et de curiosité cet étranger qui venait. Elle ne savait trop quoi penser… Lui aussi avait l’air d’avoir été blessé, comme ses compagnons du jardin ces derniers mois. Sauf que lui, il commençait à peine à cicatriser, et son esprit était encore à vif.
Une note plaintive à son encontre coula de sa gorge, alors que Red écartait les bras pour montrer qu’il ne lui voulait aucun mal.

« Il m’a dit combien tu l’avais aidé à remonter le moral de mon équipe. Je ne sais pas comment je pourrai assez te remercier pour ça. »

Sapphire cligna des yeux, le considérant encore comme il s’était arrêté au rebord de son bassin. Souffla d’un air perplexe, partagé…
Pour glisser gracieusement jusqu’à lui. S’arrêter à un bon mètre, encore hésitante… Avant de finalement étirer son long cou et, lentement, poser sa tête contre son torse. Un doux sourire aux lèvres, le Maître caressa précautionneusement les écailles céruléennes entre ses deux oreilles en spirale, sous les yeux ébahis du chercheur roux.

« Wow, lâcha-t-il en venant à sa hauteur.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Non, c’est juste que… C’est la première fois qu’elle se laisse toucher aussi facilement et d’elle-même avec un humain autre que moi.
- Peut-être que c’est parce qu’elle sent que je suis encore tellement faible que je ne risque pas de lui faire mal même si je le voulais, » plaisanta Red avec une pointe de tristesse.

Ou peut-être qu’elle compatit parce que vous êtes dans le même cas tous les deux, songea son meilleur ennemi.

« … Elle risque d’être triste de voir ses amis partir, une fois que tu seras complètement rétabli, dit-il une fois la petite rescapée repartie pour joindre le autres Pokémon dans leur jeu.
- … A ce sujet, Blue… Je suis désolé que tu m’aies vu dans un aussi piètre état…
- … Hein ? Je crois que t’es mal placé pour dire ça ! Je te rappelle que tu as dû me chercher au poste, je pense que niveau situations embarrassantes, on est plus que quittes.
- Peut-être, mais… »

Le Dresseur meurtri s’interrompit, comme si les mots se coinçaient dans sa gorge nouée. Il inspira profondément.

« … Je pensais sincèrement ce que j’ai dit. Je ne veux plus de mon titre de Maître. »

Sur le coup, son ennemi d’enfance ne sut quoi répondre. Il ignorait s’il devait le laisser vider son sac, ou au contraire prendre la parole maintenant.

« Ca fait déjà plusieurs années que je me voilais la face, poursuivit Red. A mesure que je m’enfonçais dans les mauvaises gestions de crise, dans le mécontentement de la population, dans les engueulades avec Lance. Je sais que Maître, c’était mon objectif ultime…! Mais je ne m’attendais pas à ça. Surtout, je ne pensais pas que j’aurais à affronter ça seul, sans ton aide…
- Je sais, tu m’as déjà bien engueulé à ce sujet… Soupira le chercheur roux en se passant une main derrière la nuque.
- Oui, sauf que pendant trop longtemps, j’utilisais ça comme excuse pour minimiser ce que je faisais. Je me disais que, si je merdais autant, c’était parce que tu n’étais pas là. Je préférais te rejeter la faute dessus, plutôt que de voir la vérité en face. Pour le coup… » Son poing se serra, alors qu’il déglutit difficilement. « … C’est Solstice qui me rappelait toujours à l’ordre. Qui prenait ta défense. »

Il s’étira, avant de croiser ses mains derrière sa nuque. Ses yeux sombres se perdirent dans la voûte de l’après-midi.

« … En fait, ça faisait déjà plusieurs années que je songeais que, finalement, raccrocher en refilant mon titre à quelqu’un me soulagerait plus qu’autre chose. Je veux dire… Toi, ça t’a bien réussi, non ?
- Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu… Je sais que c’est pas très fair-play ce que je vais dire, mais pourquoi tu ne laissais pas ton challenger l’emporter ? »

Un éclat de rire triste agita brièvement son corps.

« C’est bien ça le pire ! En quatorze ans à la tête de l’Union Tohjienne, devine combien de fois j’ai été défié ?
- Euh… Hésita Blue, pris de court. Je sais pas, dix ? Quinze, peut-être ? »

Ses tentatives décrochèrent un fin sourire amusé, alors que le Maître secouait lentement la tête avant de lever sa main.

« Zéro.
- … Comment ça se fait ?
- C’est bien simple : personne n’a jamais réussi à passer ce cher Lance.
- … T’es sérieux ?
- Complètement. Je crois qu’avoir perdu face à nous deux l’a vraiment blessé dans son orgueil, parce que toutes les fois où il n’était pas à bosser pour le Conseil, il passait le plus clair de son temps à s’entraîner. Et pourtant, ce n’était pas comme si je n’avais pas repéré des Dresseurs très prometteurs ! Rien que ton ami alolien, Kukui. Quand j’ai su que c’était toi qui lui avais conseillé de faire sa Quête des Badges, qu’il avait failli être Capitaine chez lui et qu’en plus, il pouvait utiliser ces drôles d’attaques, là, je me suis dit qu’il ferait un adversaire redoutable ! J’avais hâte de me frotter à lui, et tant pis si ça voulait dire céder mon titre à quelqu’un qui n’avait pas la nationalité tohjienne ! Mais je n’ai même pas eu ce plaisir… Même avec une Feunard d’Alola, Lance l’a complètement écrasé… »

… Effectivement, Blue se souvenait que son ami des îles lointaines lui avait rapporté combien il s’était pris une grosse leçon de la part de l’expert dragonnier, avant de rentrer tout penaud sur Alola.

« Il y avait aussi Leaf, ton ancienne assistante. Je suis persuadé qu’elle avait ses chances de l’emporter face à lui, face à moi ! Sauf que…
- … Sauf que son combat contre Bruno s’est soldé par un match nul, parce qu’au jeu du “si ça passe pas, essaie plus fort”, les deux n’ont pas réussi à se départager, compléta Blue en hochant la tête. Ce qui m’étonne pas vraiment d’elle, elle a plusieurs fois réussi à me flanquer une sacrée frousse. Mais, et du côté de Johto ou des Sevii ? Personne ? »

A nouveau, son meilleur ennemi secoua tristement la tête.

« Lance a pris en grippe un certain Silver pendant l’histoire du Lac Colère, et lui a foutu une belle raclée. Alors certes, le gamin avait l’air un peu paumé dans ce qu’il faisait -il a carrément dérobé un des Pokémon de Professeur Elm, pour te dire. Mais pour avoir étudié un peu son cas, c’est pas un si mauvais bougre en fin de compte. Mais avec la dérouillée qu’il s’est prise, je doute qu’il souhaite se frotter au Conseil et à Lance de si tôt. Et même si c’était le cas… Je n’ai aucune garantie qu’il arrive à le passer. »

Un soupir las s’échappa de ses lèvres, lesquelles s’étirèrent en un fin sourire.

« Si ça se trouve, je vais rester coincé dans cette situation pendant encore dix ans. Et je doute d’avoir la force de continuer comme ça… »

Ses derniers mots demeurèrent gravés dans l’esprit de son ancien rival, même plusieurs heures après qu’il soit retourné chez lui.

Allongé entre les draps le soir, les bras croisés sur son oreiller, Blue ressassait tant ses propos qu’il ne parvenait à trouver le sommeil. Il ne voulait pas se montrer pessimiste, mais la façon dont le Dresseur meurtri les avait prononcés... D’accord, il était encore fragile psychologiquement, mais ça n’avait pas du tout eu l’air d’être des paroles en l’air. Même, le simple fait qu’il ait envisagé cela, même en voulant plaisanter, avait suffi pour lui implanter cette idée. Laquelle ne manquerait certainement pas de croître une fois revenu à sa routine et à mesure que les difficultés s’accumuleraient.
Il tourna dans son lit, cherchant à chasser ces pensées noires. Mais elles revenaient instantanément, faisant fuir le sommeil pour continuer de le hanter. Et les ronflements repus du renard safrané sur son coussin n’aidaient pas vraiment à le faire s’endormir…

Une note cristalline parvint alors à ses oreilles. Un faible vibrato frémissant de trouble, à des lieux des pleurs terrifiés qui avaient réduit ses nuits en charpie les mois précédents. Mais cela restait suffisamment préoccupant pour le pousser à descendre jusqu’au jardin. Il était déjà réveillé de toutes façons, autant que ça serve à quelque chose.

Une brise légère rafraichissait la nuit paisible, uniquement perturbée par le chant nocturne des insectes… Et la mélopée solitaire de la jeune Lokhlass.

« Alors Saf’, murmura son monsieur carotte comme elle venait enfouir sa tête dans ses bras. Qu’est-ce qui va pas, ma belle ? »

Un gémissement plaintif s’éleva doucement dans les airs. Malgré le peu de luminosité, son soigneur vit sans mal ses yeux d’onyx scruter tristement les alentours. A la recherche de quelque chose. De quelqu’un. De ses compagnons de jardin que Red avait repris avec lui, comprit-il. Forcément, les géants des mers étaient des créatures grégaires. Son instinct entravé par son traumatisme avait resurgi en compagnie de cette troupe colorée, avec qui elle avait partagé sa vie ces derniers temps. Ce n’était peut-être pas sa horde, mais elle s’était sentie membre d’un groupe. Chose que Blue n’était pas en mesure de lui offrir pour le moment.

« … Ils te manquent à ce point ? Mais tu sais… Tes copains appartiennent à un Dresseur, expliqua-t-il en lui faisant lever la tête à hauteur de la sienne. Ils ne sont pas sauvages comme toi. Ils ne sont pas vraiment libres, ils doivent obéir et combattre quand il le leur demande. »

Un souffle dépité lui répondit. Elle n’était visiblement pas convaincue par ses dires…

Pendant les quelques jours qui suivirent, le moral de la petite géante ne s’améliora guère. Elle restait la tête basse, poussant parfois des chants d’appel qui demeuraient sans réponse. Et à chaque fois qu’ils résonnaient, le chercheur roux ne pouvait s’empêcher de se remémorer l’écho funeste de ses pleurs inconsolables, quand ils l’avaient retrouvée dans la grotte sous-marine après le massacre de sa horde.
Si bien qu’il finit par se faire une raison en soupirant. On lui avait déjà pris sa première famille. Quel protecteur serait-il, s’il refusait de la laisser en rejoindre une nouvelle ? Surtout que… Plus il y songeait, plus il se disait que c’était peut-être ça, la solution aux deux problèmes qui le tourmentaient.

Aussi, à peine deux semaines après que Red avait récupéré son équipe, il se présenta chez lui.

« Blue ? S’étonna-t-il en le laissant entrer. Je m’attendais pas à te voir.
- Ta mère est là ?
- Non, elle est sortie faire des courses.
- Tant mieux. Je préfère qu’elle n’entende pas. »

De plus en plus intrigué, le Maître prit le temps de leur apporter chacun un café avant de s’installer dans le salon.

« Dis-moi, commença le chercheur roux en ignorant la frimousse boudeuse d’Impulse, déçu d’être privé de biscuit cette fois-ci. Quand est-ce que tu es supposé reprendre ton poste ?
- A la Ligue ? Eh bien… Le docteur m’a prescrit encore un mois de repos, pour s’assurer que mon esprit a retrouvé une bonne stabilité.
- Et si tu n’as pas changé d’avis depuis la dernière fois, je suppose que tu préfèrerais ne pas du tout y revenir. Je me trompe.
- Si c’était aussi simple…
- Je pense que ça l’est. »

Red suspendit sa tasse, manquant de se renverser du café dessus sans l’intervention de sa souris électrique, et cligna des yeux d’incompréhension.

« Je… Ne suis pas certain de te suivre, Blue. Ce n’est pas comme si je pouvais disparaître comme ça…
- Au contraire. C’est exactement ce que je te suggère de faire.
- … Je crois que tu sous-estimes fortement les compétences du Conseil pour retrouver les gens dont ils ont besoin. En particulier d’autres membres du Conseil.
- Mais imagine qu’ils n’essaient pas de te chercher. Que tu avais la possibilité de t’en aller pour te rendre où tu veux, comme ça, d’un claquement de doigts. Est-ce que tu le ferais ?
- … Je peux quand même pas abandonner mon titre comme ça.
- Pourquoi pas ? Ce serait Lance qui le récupèrerait. Comme c’est actuellement le cas. Comme c’était le cas avant qu’on… Avant que tu ne le battes, » rectifia-t-il.

Le Dresseur meurtri prit le temps de boire une nouvelle gorgée de café. Il semblait réfléchir à des arguments pouvant contrer son raisonnement, mais à la lueur d’espoir dans ses yeux, son meilleur ennemi sut que c’était avant tout pour essayer de se donner bonne figure.

« … Mais même… Je te parle pas du scandale que ça créerait parmi la population…
- Tu es sûr ? Moi, je pense que c’est justement le meilleur moment pour t’éclipser.
- Comment ça ?
- Même si les détails n’ont pas été rendus publics, les habitants savent que le Maître est actuellement en train de récupérer d’une blessure grave, liée à une attaque contre une organisation criminelle qui a donné lieu au démantèlement d’un réseau de trafic de Pokémon. Vu la façon dont les choses ont été présentées par Lance et le reste du Conseil, si tu venais à… Disons… Devoir t’absenter plus longtemps pour raisons thérapeutiques, personne n’y trouverait à redire.
- Mais ce serait pas très correct…
- Oh, je t’en prie Red ! S’exclama son ancien rival dans une tentative de le réveiller. C’est toi-même qui m’as dit que la population n’arrêtait pas de te cracher dessus quoi que tu fasses ! Tu ne leur dois rien !
- Peut-être, mais… Ca n’enlève rien au fait que Lance aurait vite fait de me tomber dessus, et vu son niveau actuel, je pense pas pouvoir lui tenir tête. Et puis, où est-ce que j’irais…?
- Lance, j’en fais mon affaire. Toi, occupe-toi plutôt de ne pas perdre la tête. Littéralement. Et pour la destination… Il doit bien y avoir des endroits de l’Union que tu n’as pas encore entièrement explorés, ou qui sont suffisamment difficiles d’accès pour que tu sois tranquille un moment, non ? »

Il posa sa tasse sur la table, croisa les bras pour prendre le temps de peser le pour et le contre d’une telle proposition. Mais les avantages semblaient largement compenser les inconvénients.

« … Tu me promets que personne n’essaiera de me retrouver ? »

Le Magicarpe était ferré !

« Que Reshiram me brûle sur place si je manque à ma parole, jura-t-il. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher Lance ou les autres de se lancer à tes trousses. Mais… A une condition. »

Red fronça les sourcils.

« Quoi donc ?
- Ne me regarde pas comme ça ! C’est pas comme si je te demandais une rançon, au contraire.
- Arrête de tourner autour du pot, et accouche !
- Quand tu seras décidé à partir… Prends Sapphire avec toi. »

L’expression renfrognée du Maître se changea aussitôt en stupeur.

« Ta… Ta Lokhlass ? Mais, je croyais qu’elle était…
- Elle s’est liée plus que ce que je pensais à ton équipe, expliqua le chercheur roux. Tu dois peut-être l’entendre le soir, mais elle n’arrête pas de se morfondre d’être seule à présent. Et vu la façon dont elle a réagi quand elle t’a vu, vu que vous souffrez tous les deux d’une perte colossale… Je pense que vous vous soutiendrez l’un l’autre jusqu’à ce que vous guérissiez complètement. »

Red cligna des yeux, toujours stupéfait d’une telle offre.

« Tu es sûr…?
- Certain. Je ne te cache pas que ça va me faire de la peine de ne plus la voir… Mais je préfère la voir heureuse avec toi plutôt qu’en train de dépérir lentement dans mon jardin parce que j’ai voulu la garder auprès de moi. C’est la meilleure chose à faire pour elle… Non, pour vous deux, » insista-t-il.

Son meilleur ennemi croisa les mains devant lui, les coudes posés sur ses genoux, en proie à une intense réflexion.

« … J’y réfléchirai. »

Ses élucubrations ne durèrent pas bien longtemps.

A peine trois jours après sa visite, Blue se réveilla en pleine nuit. Pour entendre une mélodie limpide, vibrante de reconnaissance pour son monsieur carotte, qui s’éleva de sa fenêtre pour s’écouler tel un ruisseau harmonieux dans le creux de ses oreilles. Il ne chercha pas à voir ce qu’il se passait au-dehors.

« Bonne chance… » Murmura-t-il en essuyant les larmes qui perlaient à ses yeux gris, ému par cet au revoir envoûtant.

Quand il se leva le lendemain matin, le bassin était vide.

***
« Est-ce que tu as la moindre idée de ce que tu as fait ! »

Blue n’avait jamais pensé revenir au Plateau Indigo, encore moins dans de telles circonstances.

La nouvelle de la disparition du Maître n’avait pas tardé à parvenir aux oreilles du Conseil, qui s’était alors empressé d’intervenir pour empêcher la presse d’en avoir vent. Ils souhaitaient garder la main mise sur le sujet, afin de prévenir un vent de panique de souffler sur toute l’Union. En revanche, à cause notamment de la spécialité de Will, ils n’avaient pas tardé à faire le lien avec le chercheur roux. Lequel s’était aussitôt fait convoquer pour être entendu par les Conseillers.

C’est ainsi qu’il se retrouva assis dans une pièce isolée face aux quatre éminents Dresseurs de Tohjo, qui le dévisageaient tous d’un air grave. Will, dont le masque dissimulait les intentions comme pour mieux lire le visage et l’esprit de l’accusé. Koga, dont les vêtements sombres donnaient l’impression qu’il était prêt à disparaître dans l’ombre pour le frapper s’il tentait la moindre folie. Bruno, dont les bras croisés sur son large torse auraient été capables de le briser d’une seule étreinte. Et Lance, dont les yeux furieux semblaient animés du feu sacré des Dragons le plus ardent comme il le foudroyait du regard.
En cet instant précis, Blue avait vraiment l’impression de se trouver dans un tribunal. Sauf que le Conseil jouait le rôle de juge, juré et bourreau tout à la fois.

« J’ai simplement porté conseil à un ami, commença-t-il d’une voix calme. Ce que j’aurais dû faire il y a des années.
- Je doute fortement qu’on puisse qualifier de simple “conseil d’ami” le fait d’inciter quelqu’un à disparaître, répliqua Koga d’un ton mesuré.
- Qui plus est quand il s’agit du Maître ! Fulmina l’expert dragonnier.
- Dans ce cas, vous auriez préféré que je fasse quoi ? Il a clairement dit qu’il ne voulait plus assurer cette position !
- Ce n’était que l’état de choc après son accident, Lance voulut-il balayer. Il n’avait qu’à attendre qu’un challenger…
- Il ne pouvait plus attendre ! Interrompit-il sèchement. Cela faisait déjà quatorze ans qu’il portait cette charge sur ses épaules, et il a ouvertement insinué que s’il continuait comme ça, il risquait de commettre l'irréparable ! »

Un silence de quelques secondes se fit… Durant lequel Blue sentit une présence tâtonner ses pensées.

« Vous pourriez au moins me demander avant de fouiller mon esprit comme un malpropre !
- Effectivement, dit le télépathe masqué en faisant peu de cas de la remarque du prévenu. Il semblerait que nous ayons sous-estimé combien Red était affecté par tout cela…
- Cela n’enlève rien au problème, qui est que nous sommes maintenant une Union sans Maître ! Siffla Lance.
- Comme ce fut le cas ces trois derniers mois, rétorqua le chercheur roux. Pourtant, je crois pas que le pays soit à feu et à sang. Et il me semble que ça t’a plutôt bien plu de retrouver le pouvoir…
- Je n’ai fait qu’assurer l’intérim ! Il est hors de question que j’usurpe ce titre plus longtemps ! Nous devons immédiatement lancer des recherches pour le retrouv…
- Non. »

Le mot avait fusé de sa bouche tel un fouet, coupant net l’éminent dracologue dans son élan. Lequel le dévisagea, clignant des yeux d'assourdissement.

« Non ? Répéta-t-il, comme s’il n’osait croire que quelqu’un l’ait repris, lui, la plus haute autorité tohjienne à l’heure actuelle.
- J’ai donné ma parole à Red. Que personne, et surtout pas l’un de vous quatre, n’essaiera de le retrouver.
- C’est absurde ! Bien sûr que nous…
- Est-ce que vous m’avez écouté, au moins ?! S’écria Blue, bien que ses mots soient davantage destinés à l’homme obstiné face à lui. Je vous ai dit qu’il envisageait sérieusement de mettre fin à ses jours s’il continuait sur cette voie ! Qu’est-ce que j’aurais dû faire, ne rien dire et attendre en croisant les doigts pour qu’il ne passe pas à l’acte ?! Il a besoin de temps pour lui ! Loin des médias. Loin de la Ligue. Et surtout, loin de vous !
- Tu n’as pas l’air de te rendre compte que tu n’es pas vraiment en position de nous imposer quoi que ce soit ! Rugit Lance. Red s’est déjà montré beaucoup trop tendre avec toi, à détourner les yeux de tes crimes ! Ne crois pas que la quelconque immunité dont tu bénéficiais avec lui te permettra d’éviter la prison cette fois-ci, si tu continues comme ça !
- … Je crois que nous nous éloignons du sujet, lâcha la Muraille Silencieuse, sans bouger davantage que ses lèvres.
- Je suis d’accord, approuva Koga en posant son menton sur ses mains croisées. Si Red se sentait aussi mal, il aurait pu venir nous en parler pour que nous trouvions une solution qui aurait allégé sa conscience. »

Will s’éclaircit la gorge, replaçant correctement son masque.

« A vrai dire… Il m’en avait déjà fait part à plusieurs occasions, avoua le télépathe. Mais je mettais ça sur le compte du stress...
- Et après, c’est moi qui suis coupable, ironisa Blue d’un petit air narquois.
- Peu importe ! Dis-nous immédiatement où il se trouve, et j’envisagerai de te laisser repartir sans noircir davantage ton casier judiciaire. »

Un rictus railleur s’échappa de ses lèvres.

« Ca risque d’être difficile, vu que je n’ai absolument aucune idée de l’endroit où il pourrait bien être.
- Ne nous mens pas !
- … Il dit la vérité, Lance, confirma l’expert psychique. Je n’ai trouvé aucune trace d’une telle information.
- Est-ce que c’est trop demander de garder mes pensées pour moi ? » Il se félicita cependant de ne pas avoir cherché à en apprendre davantage sur le plan de son meilleur ennemi.

« Blue, fit Koga d’une voix calme avant que son collègue dragonnier n’explose à nouveau. Je comprends que tu sois inquiet pour Red. Nous le sommes aussi, et même si je dois avouer que ta méthode pour l’éloigner de tout ça est assez peu conventionnelle, j’admets que cela vaut mieux que de se retrouver un matin avec son corps sans vie.
- Koga…! Lance chercha-t-il à reprendre la parole.
- De plus, ajouta le colosse taciturne, nous pouvons toujours trouver une explication à son absence sur la scène publique.
- En effet, et je dois dire que ton idée de prétexter des raisons thérapeutiques pour justifier à un tel changement pourrait effectivement fonctionner, enchérit Will.
- Content de voir que trifouiller ma tête peut servir… Marmonna le chercheur roux.
- Cela n’enlève rien au problème principal ! L’Union ne peut pas se retrouver sans Maître !
- Dans ce cas, pourquoi ne pas continuer comme nous le faisons actuellement ? Suggéra le toxicologue en se tournant vers le dragonnier. Comme l’a fait justement remarquer Blue, tu as assuré l’intérim jusqu’à présent. Et tu étais le précédent Maître, je doute que les gens s’inquiètent de voir ton rôle prolongé. A moins que… »

Il désigna le prévenu du doigt.

« Je ne suis pas familier de tous les challengers qui ont affronté la Ligue avant que je n’arrive, mais si je ne me trompe pas, Blue avait lui aussi réussi à te vaincre, n’est-ce pas ?
- C’est vrai, acquiesça Bruno. Un adversaire valeureux, bien qu’un peu arrogant.
- J’ai changé depuis…
- Techniquement, est-ce que cela ne signifie pas qu’il est le prochain sur la liste en cas de désistement de Red ? Après tout, ils ont dû s’affronter pour se départager. Le titre de Maître ne devrait-il pas lui revenir ? »

Une telle proposition fit progressivement virer le visage pâle du Conseiller draconique au rouge, sa peau devenant presque aussi écarlate que sa chevelure.

« C’est hors de question ! Siffla-t-il. Blue n’a pas été intronisé, de ce fait, le titre ne peut pas lui revenir ! »

Sa réaction provoqua un soupir chez le maître espion, qui se pinça l’arête du nez, visiblement pas étonné pour un sou qu’il se montre aussi à Galopa sur l’étiquette pour ce sujet…

« Cependant, objecta Will, si tu conserves le titre, cela signifie que nous allons devoir trouver un nouveau Conseiller…
- … Et pour le moment, parmi tous les Champions actuels, je ne vois que Whitney ou Karen pour remplir ce rôle, enchaîna son collègue titanesque.
- Mais cela ne fait que repousser le problème, puisque nous allons nous retrouver avec un Champion en moins, » conclut Koga.

Ils demeurèrent silencieux… Mais au vu des mimiques qui apparaissaient sur leurs visages, ils étaient en train de se concerter télépathiquement. Ce qui, même pour le Conseil des Quatre, semblait assez malpoli aux yeux de Blue…

« Soit… » Lâcha finalement Lance dans un grognement blasé.

Ses yeux redoutables fusillèrent l’homme face à lui. Visiblement, si ses collègues avaient réussi à le convaincre de quelque chose, ça n’avait pas été de gaieté de coeur qu’il avait accepté.

« Nous ne chercherons pas à retrouver Red. »

S’il demeura impassible de prime abord, le chercheur roux n’en soupira pas moins de soulagement en son for intérieur -chose que le Conseiller télépathe n’aurait pas manqué de sentir.

« En revanche, poursuivit le dracologue, comme tu restes à l’origine de cette situation, tu vas devoir écoper d’une punition qui nous permettra aussi de te garder à l’oeil.
- Une… Punition…? Répéta-t-il en fronçant les sourcils.
- Même si tu as interrompu ta carrière de Dresseur, tu n’en restes pas moins un lauréat de la Ligue, expliqua Koga. Aussi, nous te donnons trois mois pour que tu te constitues une équipe digne d’un Champion, afin que tu prennes la relève du nouveau Conseiller. »

Blue cligna des yeux, abasourdi. Ils… Ils n’étaient pas sérieux ?

« Désolé de vous décevoir, mais j’ai renoncé aux combats il y a des années. Et j’ai déjà énormément à faire avec mes recherches, alors…
- Tu n’as pas l’air de comprendre, coupa brusquement Lance. Ce n’est pas une proposition, mais un ordre.
- Ou plutôt, vois ça comme un moyen de compenser la perte du Maître, atténua le toxicologue. Une sorte de garantie pour nous tous que nous tiendrons parole, toi y compris. Pour te faciliter la tâche, nous ne t’imposons pas de type précis à utiliser.
- Mais si ça ne te convient pas, je peux toujours rouvrir le cas du vol du Casino pour que tu passes les prochaines années en cabane. Personnellement, cela ne me dérangerait absolument pas, » siffla l’expert draconique.

Inutile d’être un télépathe comme Will pour comprendre qu’il était sérieux.

Blue s’appuya contre le dossier de sa chaise, les bras croisés comme il réfléchissait à ce consensus. Ils ne lui laissaient pas vraiment le choix… Ca allait mettre un énorme frein dans ses recherches. Sans compter qu’il allait devoir mettre pratiquement tout en pause rien que pour rassembler et entraîner au moins six créatures…

Mais c’était la moindre des choses pour tenir sa promesse.

« Très bien. J’accepte. »

***
Fort heureusement, malgré son abandon de carrière, son grand-père avait conservé la plupart des Pokémon qui avaient été en sa possession. Et, à son grand étonnement, beaucoup étaient soulagés ou simplement heureux de le revoir.

Ca avait été le cas pour Kallian. Dès que le seigneur des cieux anciens avait entendu son maître l’appeler, il avait aussitôt décollé pour fondre sur lui, l’écrasant au sol de son corps rocheux… Pour lui faire une fête fabuleuse, trop heureux de retrouver son papa qui l’avait ramené à la vie. Blue n’était parvenu à se dégager de son étreinte qu’avec difficultés, et uniquement parce qu’Impulse avait réussi à détourner l’attention du reptile antique en lui proposant de jouer. Visiblement, malgré les années passées, son Ptéra considérait qu’il avait toujours la même taille que lorsqu’il avait éclos en sa présence.
Newt et Mòrag n’avaient pas été en reste. La première réaction de la colosse aux quatre bras fut de gonfler ses biceps, pour lui montrer qu’elle n’avait absolument pas perdu en muscle après tout ce temps, bien au contraire, et qu’elle était plus que prête pour un peu d’action ! Quant à la chienne tigrée, sa loyauté sans borne n’avait été aucunement érodée par le temps, et elle lui avait fait comprendre d’un aboiement bref qu’elle était absolument ravie d’être de nouveau à ses côtés.

En revanche, les retrouvailles avec Ophion avaient été une toute autre paire de manches. Le redoutable dragon des ondes avait passé tant de temps dans le lac s’étendant sur le terrain du Professeur Oak qu’il en était devenu le roi incontesté… Et agissait comme tel.
Quand Blue s’était présenté devant lui, le Léviator avait surgi des flots pour le toiser de toute sa hauteur, ses pupilles fendues furibondes fixées sur cet avorton minuscule qui se prétendait être son maître. De seigneur, il n’avait point ! Aucun être ne commanderait sa personne, et certainement pas ce lâche qui avait fui quand les premières difficultés s’étaient montrées ! S’il avait auparavant accepté de le suivre, ça n’avait pas été pour se faire trahir par son esprit faible ! Son rugissement phénoménal s’était répercuté à travers tout le domaine et jusqu’à l’autre bout de Bourg Palette, faisant se précipiter chaque créature environnante dans l’abri le plus proche pour échapper à cette ire inouïe. Et pourtant…

Pourtant, malgré son courroux retentissant, ce misérable humain n’avait pas bronché.
Alors que le simple frémissement de ses fines nageoires et de ses barbillons azurés faisait se recroqueviller ses sujets, lui avait ignoré son corps vibrant de fureur. Alors qu’un simple regard suffisait à mater les êtres les plus redoutables, lui n’avait pas détourné les yeux, le fixant jusqu’au plus profond de ses iris. Alors que tous tremblaient de peur en entendant le simple écho de ses grondements, lui n’avait pas ne serait-ce que tressailli en se prenant la vocifération de plein fouet.
Le monarque du lac aurait dû se sentir outré d’un tel affront. Pourtant, cela ne fit que le calmer. Cette façon de le regarder. De lui tenir tête ainsi. Elle était identique à la fois où, suite à son évolution, ce Dresseur avait réussi à le gagner à sa cause. Son Dresseur.
Dans un grondement d’acceptation, le Léviator avait baissé la tête pour laisser Blue déposer délicatement sa main sur son fier trident, scellant de nouveau leur pacte. Et ignorant le goupil évanoui au sol.

Voilà qui lui avait mâché une bonne partie du travail, même s’il avait encore dû trouver deux autres Pokémon. Il avait vite écarté l’idée d’utiliser son renard safrané comme combattant. Le petit être avait déjà assez donné comme ça, et il n’avait pas envie de courir le risque qu’il se fasse mal à nouveau. Sans compter que cela aurait pris bien plus de trois mois pour qu’il retrouve sa ligne, sans parler de son agilité empâtée par les années de confort et de friandises. C’est que, contrairement à sa nouvelle équipe, lui n’avait pas évolué dans un environnement lui permettant de se dépenser à sa guise. Non pas qu’il se plaignait d’être devenu un vrai Voltali domestique. Il troquait bien volontiers le plaisir du combat contre ses pulls adorés.

Finalement, ce fut au cours d’un séjour sur Johto et aux Sevii qu’il trouva de quoi compléter son groupe.
Alors que Blue s’était rendu à Doublonville pour participer à une émission en compagnie de son grand-père, sa Mackogneur, avisant un gros scarabée bleu qui sirotait tranquillement la sève d’un arbre dans le Parc Naturel, s’était lancée dans une compétition de gonflette… Qui s’était éternisée jusqu’à la nuit, et durait encore lorsque le chercheur roux était revenu la chercher. Comme ni l’une ni l’autre ne semblait décidé à lâcher l’affaire, il s’était fait une raison et avait décidé de capturer le Scarhino. Ne serait-ce que pour que Newt ait un partenaire d’entraînement aussi lésé qu’elle, et qu’elle laisse un peu en paix ses autres Pokémon.
La dernière créature avait plus été un moyen d’aider les Rangers qu’autre chose. En effet, la base locale de l’Île Sept s’était retrouvée bien embêtée, comme un jeune Tyranocif tout juste évolué avait décidé de faire du Canyon Sesor son terrain de jeu. Malgré de nombreuses interventions de leur part pour tenter de le conduire dans des zones moins à risques, le titan céladon n’avait eu de cesse de revenir, effrayant la faune locale et mettant en danger les nombreux sites de fouilles archéologiques. Ayant été mis au courant de la situation de Blue -lequel soupçonnait que ce n’était qu’un moyen supplémentaire pour Lance de garder un oeil sur lui-, ils lui avaient suggéré de faire d’une pierre deux coups en capturant la créature impérieuse. Il s’était exécuté, se voyant mal refuser quelque chose qui pourrait aider les Rangers… Mais s’en mordait les doigts depuis. En effet, Ophion sentait son autorité constamment remise en cause par ce misérable rampant qui clamait haut et fort qu’il était le plus puissant de tous. Pah ! Il n’avait qu’à bouger sa nageoire caudale pour le balayer de sa vue, et ça se prenait pour le maître du monde !

Quoi qu’il en soit, avec la capture d’Eghil et Skell, le chercheur roux avait rempli sa part du marché. Cela en avait presque valu la peine, rien que pour voir la grimace déçue du nouveau Maître draconique comme celui-ci l’avait proclamé nouveau Champion de Jadielle. Assurément, il avait espéré le voir échouer pour pouvoir lui faire payer l’affront de sa victoire contre l… Enfin, le fait qu’il avait poussé Red à disparaître dans la nature !

Depuis ce jour… Jamais Blue n’eut d’emploi du temps aussi chargé. Et pourtant, les travaux de groupe à la pelle qui s’accumulaient et finissaient par être bâclés à l’arrache pour pouvoir les rendre dans les temps, il en avait connu pendant toute sa période universitaire ! Mais il en venait presque à regretter cette période.
Si son nouveau titre de Champion n’était pas sans privilèges, il apportait surtout avec lui son lot de contraintes et devoirs. Déjà, il avait été obligé de quitter la maison familiale -non sans briser le coeur de Toriel, qui se retrouvait toute seule dans une demeure vidée de ses occupants humains- pour un logement de fonctions sur Jadielle. La métropole n’était peut-être qu’à une petite heure de route de Bourg Palette, mais c’était bien plus pratique d’être sur place. A cela s’ajoutait le gros travail administratif et de gestion de la bourgade. Ah, dire qu’il s’était permis de juger Red auparavant, alors que lui-même n’en menait pas large, à devoir composer avec un comité miné par les jalousies et les combines politiques ; avec des promesses effectuées par sa prédécesseuse mais dont il n’avait aucune foutre idée de comment les mettre en oeuvre, et surtout avec quels moyens ; avec une population qui exigeait noir quand on leur proposait blanc pour ensuite s’outrer quand on avait pris en compte leur avis parce que, non mais franchement, vous voyez bien que ça ne marchera jamais ! Sans compter les critiques qui lui reprochaient de ne pas avoir de Pokémon pour des Dresseurs d’un niveau plus faible ou pour offrir aux débutants -oui parce qu’avec tout ça, il avait complètement le temps de chercher et entraîner d’autres créatures que celles dans son équipe actuelle. Les combats n’étaient finalement qu’une rareté bienvenue, qui lui permettait un peu de s’échapper des éternels débats sur savoir s’il fallait utiliser un éclairage public plutôt blanc cassé ou blanc lumineux.
Avec tout ça, c’était à peine s’il avait quelques minutes, encore moins quelques heures, à consacrer au suivi des rapports et évolutions de ses recherches… Pire, quand il eut le malheur de sourire au cours d’une réunion en découvrant le message de Lorelei lui annonçant que trois nouvelles hordes s’étaient formées cette année, il put sentir tous les regards désobligeants de l’assemblée se concentrer sur sa personne.

Blue s’effondra sur son lit, l’esprit complètement siphonné par une énième journée de discussions stériles pour finalement arriver à un accord qui aurait pu être atteint en cinq minutes, si les deux parties avaient décidé de s’écouter parler… Et ça ne faisait même pas un an qu’il avait obtenu le poste ! Pas étonnant que son meilleur ennemi affichait une telle tête de déterré, et qu’il ait fini par craquer après quatorze ans d’une responsabilité qu’il ne voulait plus. Et encore, lui n’avait qu’une ville à gérer, Red avait eu trois régions entières à administrer !
Impulse sauta sur le matelas, pour essayer de lui apporter un peu de réconfort en lui léchant tendrement la joue, les épines de sa crinière lui griffant légèrement la peau par la même occasion. Il sourit et, d’une main lasse, vint caresser sa fourrure hérissée.

« T’inquiète bonhomme, ça va aller… Je vais juste me coucher un peu plus tôt, je serai en forme demain. En plus, on devrait avoir un challenger, ça me fera une petite pause… »

Il eut à peine le temps de finir sa phrase que ses yeux se fermèrent tout seuls…

… Pour se rouvrir aux notes stridentes de son PokéMatos. En revanche, ce n’était pas son alarme habituelle. Non, elle ne retentirait pas avant une heure. C’était un appel.
Grommelant dans son demi-réveil, jurant d’étriper le génie qui avait décidé que les sonneries devaient être aussi bruyantes s’il mettait la main dessus, il tâtonna sa table de chevet. Fit tomber son appareil à terre, l’obligeant à faire encore plus d’efforts pour le récupérer. Manqua de s’aveugler avec la lumière crue de l’écran. Et poussa un soupir d’exaspération en lisant le nom qui s’y affichait.

« Daisy… Maugréa-t-il en décrochant enfin. Ca t’amuse de m’appeler à une heure par…
- Blue, surtout garde ton calme, » le pressa sa soeur d’une voix qui se forçait de rester sereine.

Il se redressa en position assise, se frotta les yeux pour rassembler ses idées. Qu’est-ce qui lui prenait…? Il l’entendit inspirer, à l’autre bout du fil, alors qu’il percevait divers bruits en fond.

« C’est papy… Lâcha-t-elle enfin. Il… Il a fait un malaise.
- QUOI ?! »

Il se leva d’un bond, les yeux écarquillés, réveillant en sursaut le Voltali qui dormait encore à ses pieds. Non. Il ne pouvait pas…

« Est-ce… Est-ce qu’il…
- Rassure-toi, ses assistants l’ont trouvé à temps, on a échappé au pire. Il a été transporté à l’hôpital, et ils le gardent en observation pour le moment. Je suis venue dès que j’ai su, mais j’ai préféré attendre d’en savoir plus avant de te prév…
- Quel hôpital ?!
- Blue, je t’assure que…
- LEQUEL ! »

Daisy soupira. Elle ne se sentait pas de se disputer avec lui au téléphone en de telles circonstances.

« Céladopole, au cas où c’était…
- J’arrive tout de suite ! »

Il raccrocha aussitôt. Enfila les premiers vêtements qui lui passaient sous la main. Et tant pis si c’était les mêmes que ceux de la veille. Courut jusqu’à l’arène accolée à son logement de fonctions, Impulse sur les talons.
Tous les membres de son équipe officielle levèrent une tête endormie et confuse en le voyant franchir les portes. Ce n’était pourtant pas l’heure…? Mais, en le voyant saisir sa selle, Kallian s’approcha immédiatement sans se poser de questions.

« Je dois m’absenter pour une urgence, expliqua-t-il brièvement à ses Pokémon pendant qu’il harnachait le Ptéra. Si on vient me chercher… Expliquez-leur gentiment que je ne suis pas là. Gentiment, j’ai dit ! » Insista-t-il en voyant Ophion, Skell et Newt afficher un rictus narquois.

Leur enthousiasme retomba aussitôt, et ils préférèrent retourner se coucher.
Se juchant sur la selle, son renard safrané coincé entre ses genoux et l’aileron dorsal du seigneur des cieux anciens, Blue intima à la créature antique de s’avancer. Kallian s’exécuta, rampant jusqu’à se retrouver à l’extérieur. De là, il déploya ses ailes et, brassant une tornade, fila droit vers le firmament.

***
Il savait les Ptéra véloces, mais le sien avait dû ressentir son angoisse car jamais il n’avait rejoint Céladopole aussi vite.
En moins de temps qu’il n’en avait fallu pour le dire, le prédateur antique atterrit brutalement sur la chaussée en face de l’hôpital, ses serres entamant le bitume comme s’il s’était agi d’argile. Ignorant les regards effarés des passants, le Champion de Jadielle mit pied à terre et, prenant tout juste le temps de faire rentrer son Pokémon dans sa capsule avant que celui-ci ne décide de dévaliser le stand de pâtisseries à proximité, fonça jusqu’à la réception.

« Je… Je viens voir le Professeur Samuel… Oak…! Déclara-t-il à l’hôtesse.
- Vous êtes…?
- Blue Oak, son petit-fils ! Ma soeur est déjà avec lui ! »

Par précaution, il tendit sa Carte Dresseur pour qu’elle puisse vérifier son identité. Il fit bien, car les traits de la femme d’accueil se détendirent.

« Service cardiologie au troisième étage, chambre 308. »

Il bredouilla tout juste un merci et se précipita jusqu’aux ascenseurs. Mais, tandis qu’il patientait dans la cabine, l’appréhension qui l’habitait augmenta encore d’un cran. Cardiologie...? Daisy lui avait-elle caché des choses…?

Celle-ci était assise sur une chaise dans le couloir. Elle se leva dès qu’il entra dans son champ de vision.

« Comment va-t-il ?
- Il se repose, voulut-elle le rassurer. La docteur est en train de l’examiner, mais il n’y a normalement plus de danger.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? Il était en pleine forme quand je l’ai vu y’a pas une semaine !
- Il était allé préparer un café pour son équipe… Quand ils ont entendu un bruit de vaisselle dans la cuisine. Ils l’ont retrouvé effondré au sol… Mais heureusement que c’était là et pas quand il était dans l’escalier ! »

La porte de la chambre s’ouvrit, laissant passer une femme en blouse blanche.

« Docteur… S’approcha aussitôt le chercheur roux pour s’enquérir de l’état de son grand-père.
- C’est mon petit frère, expliqua Daisy en voyant l’air suspicieux de la médecin. Il vient juste d’arriver.
- Je vois.
- Qu’est-ce qui lui est arrivé ?
- Comme je l’ai expliqué à votre soeur, il a fait un infarctus. Je sais que ça peut paraître impressionnant, mais à 80 ans, c’est malheureusement quelque chose d’assez courant. C’est même étonnant que ça soit la première fois que ça lui arrive, vu son activité encore très soutenue pour un homme de son âge.
- Il va s’en sortir…?
- Oui… Mais s’il ne se ménage pas, il risque d’en connaître d’autres.
- … C’est-à-dire, se ménager ? Répéta Blue en fronçant les sourcils.
- C’est bien simple : nous le gardons en observation encore toute la journée pour finir quelques analyses, mais il pourra rentrer chez lui dès ce soir. En revanche, à compter d’aujourd’hui, je lui prescris un arrêt de travail à durée indéterminée. »

A ces mots le Champion de Jadielle écarquilla les yeux, bouche bée.

« Vous… Vous ne pouvez pas lui faire ça ! Son Laboratoire, ses recherches, c’est toute sa vie !
- Et celle-ci risque de se finir beaucoup plus rapidement s’il continue comme il le faisait jusqu’à présent, rétorqua la docteur. Je n’ignore pas qui il est. Je sais quel grand esprit il est pour toute la communauté scientifique, et pas seulement de Tohjo. Mais je suis avant tout un médecin de l’Ordre de Xerneas. Mon devoir est de m’assurer de la santé de mes patients, de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour les sauver. Ma décision est irrévocable. »

Sous le regard abattu du chercheur roux, elle consulta sa montre.

« Je dois m’occuper d’autres patients, déclara-t-elle. Vous pouvez aller le voir, mais veillez à ne pas trop le fatiguer. Il a besoin de repos. »

A peine fut-elle partie que frère et soeur s’engouffrèrent dans la chambre.

Quelle vision étrange, que de voir leur grand-père qu’ils avaient toujours connu si actif, si plein d’énergie être alité ainsi, une perfusion dans le bras. Pourtant, il tourna vers eux son habituel sourire chaleureux, qui allégea ses traits fatigués.

« Tu n’avais vraiment pas à te déplacer, Blue ! Je sais combien tu es occupé en ce moment…
- Tu plaisantes ? Hors de question que je reste planqué à Jadielle pendant que tu risques ta vie !
- Tu exagères, ce n’était rien d’autre qu’un petit accident, » tenta-t-il de minimiser.

Mais le regard foudroyant que lui adressèrent ses petits-enfants le dissuada de jouer davantage cette carte. Heureusement, il fut sauvé de leurs remontrances par l’arrivée du Voltali. Ce dernier sauta sur le lit en prenant soin de ne pas poser ses pattes pleines de terre sur le corps affaibli du vieil érudit, et déposa la grosse fleur qu’il avait cueillie on ne sait où sur sa poitrine.

« C’est pour moi ? C’est très gentil, Impulse, » le remercia-t-il en lui gratouillant le menton.

Il prit le temps de sentir son cadeau… Mais il était clair que c’était simplement un moyen de gagner du temps.

« … Je suppose que vous avez discuté avec la docteur… »

Ils hochèrent la tête. Le vieil homme caressa doucement les épines du renard safrané, avant de continuer :

« Pour être franc… Je m’attendais à ce que ce jour arrive. J’y pensais depuis que Rowan a décidé de se retirer de la recherche. Mais je me disais que ça pouvait attendre que je finisse tel projet. Puis tel autre. Je repoussais à chaque fois l’échéance… » Il sourit tristement. « Finalement, la réalité m’a rattrapé. Je peux au moins m’estimer heureux qu’Yveltal ait choisi de m’avertir de la sorte, plutôt que de m’emporter immédiatement.
- … Alors tu vas vraiment arrêter…? Murmura son petit-fils.
- Je n’ai pas vraiment le choix, se força-t-il à rire. Surtout que je suis sûr que notre chère Daisy ne manquera pas de me clouer littéralement au lit si elle me revoit m’approcher de près ou de loin d’une éprouvette ou d’un ordinateur.
- Je suis pas si horrible que ça… Rétorqua-t-elle d’un ton boudeur.
- Je le sais, ma chérie. Et puis, je pense que Toriel sera contente d’avoir à nouveau quelqu’un à la maison. Elle est toute déprimée que vous soyez partis tous les deux.
- Mais… Et le labo ? Qu’est-ce que tu vas en faire ?
- A ce sujet… »

Le vieux professeur s’interrompit pour tousser légèrement… Mais cela suffit pour alerter ses petits-enfants, qui se dressèrent aussitôt.

« Du calme, j’ai bien encore le droit de tousser ! Je ne vais pas me volatiliser comme ça. Où j’en étais… Ah, oui, mon labo. Eh bien… Je me disais que tu pourrais le reprendre. Passer enfin du statut de Docteur à celui de Professeur. Tu as largement l’expérience et le profil pour. Et puis, ça te ferait enfin une vraie base pour tes travaux.
- … Je… »

Blue demeura bouche bée. Il ne savait pas quoi dire. Etait-il vraiment en train de lui proposer de lui succéder ? De devenir le nouveau Professeur Oak ?!
Mais son enthousiasme retomba bien vite.

« … Je peux pas accepter…
- Qu’est-ce que tu racontes, bougre d’imbécile ! S’exclama sa soeur en le frappant du poing sur la tête.
- Je… J’adorerais prendre ta suite, vraiment ! Mais… Je dois déjà assurer le rôle de Champion de Jadielle ! Je suis déjà débordé, je trouve même plus le temps de me consacrer à mes propres recherches ! Si en plus je dois assurer le fonctionnement du labo et tout ce qui va avec, je vais pas m’en sortir !
- Dans ce cas, pourquoi tu ne quittes pas ta fonction de Champion ? Suggéra Daisy en fronçant les sourcils. C’est vrai quoi, j’ai jamais compris pourquoi t’avais décidé de revenir sur ta carrière de Dresseur après tout ce temps, surtout pour un truc pareil ! »

Il serra les dents, ferma le poing. Ce n’était pas non plus comme s’il l’avait voulu… Mais il n’avait pas le choix. Il avait fait une promesse à Red, et c’était le seul moyen pour lui de la tenir !

« Tu n’as pas à prendre ta décision tout de suite, tu sais, le rassura son grand-père. Même si le labo est en pause pendant un temps, mes assistants s’assureront d’accomplir leurs tâches habituelles. Et puis, je compte bien rester encore un moment !
- Y’a intérêt ! » Gronda Daisy en posant les poings sur les hanches d’un air autoritaire.

Alors qu’ils se chamaillaient gentiment, Blue, lui, demeurait silencieux. Mille voix débattaient dans sa tête quant à la marche à suivre. Quant à ce qu’il voulait. Ce qu’il pouvait faire. Ce qu’il avait promis. Ce qui s’offrait à lui.
Rah ! Il n’arrivait pas à mettre ses idées au clair ! Il fallait qu’il en parle à quelqu’un, n’importe qui ! Mais si sa situation venait à s’ébruiter, cela le mettrait lui et la Ligue dans une position caduque… Si seulement il pouvait se confi…

La solution lui traversa l’esprit. Bien sûr ! A lui il pouvait en parler, sans courir le risque de mettre toute l’Union au courant !

« Je reviens ! »

Il quitta la chambre, sortit de l’hôpital pour s’aventurer dans le jardin paisible où se promenaient des patients. Il trouva un coin tranquille avec peu de passage, saisit son PokéMatos et ouvrit ses contacts. Sélectionna un nom. Alors que la sonnerie résonnait dans son oreille, il espérait juste qu’il ne s’était pas trompé dans le décalage horaire et qu’il était toujours debout…

« Alola Blue ! L’accueillit la voix chaleureuse qui décrocha.
- Salut, Kukui, soupira-t-il de soulagement. Je suis content de t’entendre.
- Ton appel m’a un peu surpris, c’est rare que tu me téléphones à cette heure-ci.
- Oui, je sais, désolé de te déranger. Mais j’ai vraiment besoin d’avoir ton avis.
- Hum…? Quelque chose ne va pas ?
- Eh bien… »

Pendant les minutes qui suivirent, il lui raconta tout. Lui refit le récit de ses mésaventures, en n’omettant aucun détail cette fois-ci, surtout pour celles qu’il avait tues. La naissance de Sapphire. L’attaque du Sanctuaire. Son effraction au Casino. Son altercation avec Red. Le fiasco de l’assaut de la Rainbow S.A.R.L. La disparition du Maître. La promesse qu’il lui avait faite. Le compromis trouvé avec le Conseil des Quatre. Son poste de Champion. Et, à présent, l’offre inestimable qui se présentait à lui.

« Hum… Fit le Professeur une fois que son ami eut fini. C’est un peu ironique quand on y pense, vu que c’est précisément pour ça que j’avais refusé le poste de Capitaine à l’époque…
- … Pourtant, tu arrives bien à trouver le temps pour jouer les Masked Royal malgré tout ton taff…
- Shhhhhhh ! L’enjoignit-il immédiatement. Burnet pourrait t’entendre !
- … Quoi, tu lui as toujours pas dit ?
- C’est que… Tu comprends, elle est fan de Masked Royal, alors je ne voudrais pas la décevoir… Et puis, imagine que Mad Magma l’apprenne, il pourrait s’en servir pour la prendre en otage pendant un match ! »

… C’était pousser le délire un peu loin, là, quand même… Surtout, c’était à se demander comment sa femme ne s’était toujours rendue compte de rien, entre sa carrure, sa voix et Stitch… L’amour rend aveugle, mais à ce point, c’était presque préoccupant.

« Bref, revenons à nos Wattouat, dit Kukui. Si tu devais choisir entre les deux, qu’est-ce que tu prendrais ?
- … C’est bien ça, mon problème ! J’ai vraiment envie de pouvoir succéder à mon grand-père à la tête de son labo ! Mais je peux pas me désister de mon poste de Champion. Je peux pas rompre ma promesse. Je me le pardonnerais pas.
- … Je crois que tu prends le problème de travers.
- Comment ça ?
- En fait… La solution est simple. Tu n’as qu’à renoncer au poste de Champion.
- … Kukui, est-ce que tu as écouté ce que je te dis depuis tout à l’heure ? Je peux p…
- Au contraire ! La condition pour qu’ils tiennent parole, c’était que tu deviennes Champion, n’est-ce pas ?
- Ben, oui, » acquiesça Blue en fronçant les sourcils. Où voulait-il en venir ?
- Donc, à l’heure actuelle, tu bénéficies de tous les droits d’un Champion.
- … Et donc…?
- Je ne suis pas trop familier avec votre mode de fonctionnement, mais c’était bien toi qui m’avais dit que cette Janine que j’avais affronté avait succédé à son père ?
- Oui, mais c’était un cas exceptionnel ! Les Champions ne cèdent leur poste que s’ils décident de prendre leur retraite -mais vu mon âge, ça ne passera jamais-, s’ils sont reconnus coupables de faute grave ou d’un crime -et même si c’est mon cas, ça m’avancerait pas à grand-chose si je finis en prison-, ou s’ils se voient proposer un poste de l’ordre de celui de Conseiller -mais toutes les places sont prises à l’heure actuelle, et de toutes façons, non seulement ça n’arrangerait pas mes affaires, mais en plus je doute qu’ils m’acceptent…
- Exactement ! L’interrompit son ami.
- Pardon ?
- Ce que ton grand-père te propose, c’est de devenir le Professeur principal de Kanto et des Sevii, n’est-ce pas ? Est-ce que ça ne te qualifie pas pour le troisième cas de figure ? »

Blue cligna des yeux. Il… N’avait jamais vu ça comme ça ! Effectivement, maintenant qu’il le disait…

« … Mais même en admettant que ce soit le cas, je peux pas me présenter devant le Conseil -et encore moins devant Lance- comme ça, sans remplaçant à leur soumettre. »

Un rire sonore répondit à sa remarque.

« Et tu es certain que tu ne connais aucune Dresseuse tohjienne ayant le niveau pour devenir la nouvelle Championne de Jadielle ? »

Le chercheur roux demeura interdit pendant une bonne minute.

« … Kukui, tu es un génie !
- Oui, je sais, merci ~ »