- Bon, bon, bon. Pour un premier mois, c’est concluant. J’pensais pas qu’on tiendrait deux semaines, faut croire que j’avais tort…
Roland plissa les yeux. Léopold agita la tête. Malcolm, sur son ordinateur, se contenta d’inspirer un peu fort. En face de lui, Claire sourit.
- C’est comme vous disiez, il fallait attendre que les choses se mettent en place !
Charlie acquiesça. Matt regardait un papier. Rachel était sur son téléphone. Megan regardait Vincent.
- On a jusqu’à quand ? Pour vous rendre les demandes de concours ?
- Boh, la semaine. Ça doit être remis au Doyen la semaine prochaine.
Matt prit la feuille et la lança presque vers Vincent qui l’attrapa mollement. Il la regarda, pas surpris.
- Clancy, vous refusez…
- Yup.
- Une fois de plus.
- Yup-yup.
- Vous ne ferez donc, une fois de plus, que des heures de cours, pas de travaux dirigés, de cours à l’extérieur…
- Yuuup.
- C’est comme vous voulez.
Matt se rassit tranquillement à sa place. Roland le regarda.
- Réponse totalement opposée en préparation !
- Faites gaffe, Smirnoff, si vous prenez tous les concours, ça vous fera plus d’heures et de responsabilités au sein de l’établissement, c’est votre toute première année, ne vous encombrez pas trop… marmonna Vincent.
- Mais ça m’intéresse !
- J’avais bien compris, vu que vous avez passé la semaine dernière à me demander quand je distribuerais les formulaires d’inscription, mais soyez pas trop gourmand.
- C’est la faute à Megan, elle m’a survendu le truc ! souffla Roland.
- Tu m’étonnes… soupira Matt.
Megan regarda son collègue, affligée.
- Excuse-nous, tout le monde ne peut pas être aussi blasé et désintéressé que toi…
- Et tout le monde ne peut pas avoir les dents qui rayent le parquet comme toi… admit Matt.
- Matt… grommela Charlie.
- Mais tu adores quand je me chicane avec les autres !
Claire sourit et passa son formulaire à Vincent qui hocha la tête.
- Comme l’an passé, Perry.
- Hm.
- Bon. J’espère que vous réussirez cette fois.
Roland regarda Claire, curieux.
- Je veux pouvoir faire des démonstrations avec les élèves dans mon cours, ça demande une formation spécifique… qu’ici seuls Rachel et Charlie ont faite.
- Oh ! Oui, faut que je la fasse !
- Smirnoff… grommela Vincent.
- Vous pouvez pas me punir de vouloir travailler ! geignit le jeune homme en remplissant les pages.
Léopold sourit en rendant le formulaire à son tour.
- Moi ce sera le minimum syndical.
- La remise à niveau, Finsbury, d’accord. J’pense pas que vous en ayez besoin mais bon.
- C’est plus un challenge personnel !
Malcolm n’avait pas pris de formulaire. Rachel le regarda.
- Tu fais rien, frangin ?
- Non, ça ira. Avec les activités de l’intersyndicale, j’ai pas trop le temps de me diversifier… j’ai déjà les travaux dirigés, c’est déjà prenant… je préfère en rester là pour le moment.
- Ok.
Charlie donna son formulaire à Vincent qui rehaussa ses lunettes et afficha un fier sourire.
- Ah ! Bah enfin.
Charlie sourit. Tout le monde le regarda, intrigué.
- Winchester s’oriente enfin vers la formation des collègues !
- Eh oui… sourit le jeune homme.
- Ça fait des lustres qu’il s’y prépare… souffla Matt, blasé.
- Ah ça y est, tu penses pouvoir assumer de péter plus haut que tes fesses ? sourit Rachel.
- Hey, c’est ma réplique… marmonna Matt en souriant.
- Disons pouvoir assumer que j’ai un niveau qui me le permet.
- C’est génial, Charlie ! sourit Roland.
- Smirnoff, j’ai moins hâte de voir votre formulaire…
- Mais je sais pas quoi choisir, tout est bien !
- On dirait un gamin le jour de Noël… ricana Megan.
- Et encore, à Noël généralement il sait tellement exactement ce qu’il veut qu’il n’est jamais spécialement excité… soupira Rachel.
Roland agita la tête et regarda Rachel.
- Tu exagères !
- La dernière fois que vous avez passé Noël avec nous, tu as ouvert tes cadeaux mécaniquement, comme ça, et tu cochais un tableau que tu avais fait sur une feuille si mon souvenir est bon… marmonna Léopold.
- J’avais quinze ans ! grommela Roland.
- Ca… n’explique pas ce comportement super chelou !! admit Matt en grimaçant.
- Grave ! sourit Megan.
- Laissez-moi me concentreeer !
Claire sourit.
« Ah, enfin. Enfin, tout est normal, calme et paisible. La Quatrième Cinq a eu son emploi du temps modifié, ils ne pestent plus, l’ambiance au travail est bien meilleure, même monsieur Heine est devenu beaucoup plus tolérable… »- Tu veux bien cesser de faire ta diva, un peu…
Roland regarda Malcolm qui inspira et reformula.
- Prends ce qui t’intéresse le plus. Prendre trop de concours, c’est préjudiciable en termes de préparation. Prends ceux qui t’apporteraient le plus en termes de qualité de ton enseignement et prépare-toi bien pour ces concours-là. Si Claire a raté le sien l’an passé, c’est parce qu’elle a pris trop de concours d’un coup. Ne fais pas la même erreur.
Gros silence.
« Enfin, plus tolérable d’un certain point de vue… »- Le tact, la délicatesse… Malcolm Heine ! souffla Megan.
- Mac, enfin… souffla Rachel.
Claire inspira.
« Depuis ce jour où il s’est énervé contre Vincent, il est complètement lunatique, on ne sait plus sur quel pied danser avec lui, parfois il est sec et acerbe et d’autres fois, c’est comme si il se forçait à mettre de l’eau dans son vin… »Malcolm regarda Roland qui agita la tête.
- T’as peut-être pas tort.
- Hey !! grommela Claire.
- Concernant le fait de s’en tenir à un ou deux concours ! signala Roland.
- Oui bah quand même ! J’étais jeune, inexpérimentée, et surtout MONSIEUR HEINE ne m’avait rien dit, à moi.
- Vous avez toujours été hostile à mon égard, je n’ai pas jugé bon de…
- Merci l’impartialité qui incombe aux délégués syndicaux… souffla Claire.
Matt se releva.
- On s’amusait, tranquilles, à remplir des formulaires de concours, pourquoi vous aviez besoin de partir en vrille ?!
- Cette impartialité concerne les conflits, je ne suis pas une nounou…
- Ah bah encore heureux.
- Hhhh… ça ne sert à rien d’essayer de discuter avec vous…
- Ah ça, non.
Malcolm se recentra sur son ordinateur. Claire secoua la tête.
« Mais quel ronchon. A son âge quand même ! D’après Rachel, c’était typiquement le sportif de service à la fac, ça ne m’étonne pas du tout. Comment un type pareil peut avoir la bosse des maths ? »- Clancy a raison… souffla Vincent.
- Enfin ! geignit Matt en serrant les poings et regardant le ciel.
- Inutile de vous disputer pour des broutilles, on passe une petite matinée tranquille, tout va bien. Smirnoff, vous me rendez votre copie tout de suite avant de souscrire à une convention obsèques sans faire exprès...
- Ok, ok…
Roland rendit le formulaire en le faisant passer par Léopold. Vincent observa.
- Démonstrations et travaux dirigés. Bon. Vous vous êtes plus ou moins modéré, je pense.
- J’ai hésité à prendre Recherche…
- C’est trop exigeant ! souffla Léopold.
- Tu prendras Recherche au bout de trois ans d’ancienneté, là tu pourras voir venir ! assura Charlie.
- Trop ambitieux, comme ton père ! souffla Rachel.
- Hey, on avait dit pas la famille ! sourit Roland.
- Ah ça, non, sinon on n’est pas sortis de l’auberge ! ricana Rachel.
- Tu m’étonnes… sourit Roland en rangeant sa paperasse.
Megan lança un regard entendu à Claire.
« Oui, j’ai vu aussi… ça crève les yeux qu’il y a quelque chose entre eux… mais ils ne veulent pas officialiser à cause de… »Malcolm semblait excessivement concentré sur son ordinateur. Vincent tria les formulaires.
- Bon, bah je vais porter ça à la direction qui avisera. Merci à tous, vous pouvez vaquer.
Roland se leva tout comme Rachel et Charlie. Matt suivit le mouvement. Claire haussa les épaules et se dirigea également vers sa salle. Malcolm resta à sa place. Léopold semblait toujours à sa préparation. Megan ne bougea pas également.
Dehors, Roland se pressa aux côtés de Charlie.
- Tu penses que j’ai eu tort de prendre deux concours ?
- Tu peux toujours rectifier ta demande auprès de Vincent jusqu’à ce soir, il ne voit la direction que demain, mais effectivement, tu t’es enthousiasmé un peu vite, il faut planifier ses concours d’année en année.
- Ah… je pensais que ça se recouperait plus ou moins… Rachel m’a dit que les démonstrations c’était juste des tests psychotechniques…
- Y’a un peu de théorie, qui t’es aussi nécessaire pour mener les travaux dirigés. Ça demande un suivi qui n’est pas à la portée de tout le monde… marmonna Charlie.
- Tu me sous-estimes ?!
- Non, je dis juste que tu devrais avancer progressivement, pas te précipiter.
Roland hocha la tête.
- Bah je prendrais qu’un seul des deux alors… les démos ?
- Comme tu le sens, mais les concours c’est tous les semestres, organise-toi.
- Ok, ok. C’est cool que tu t’attèles à la formation !
- On m’y pousse depuis deux ans, fallait bien que je m’y mette… J’y vais, à toute !
- Ouais.
Matt arriva au niveau de Roland.
- C’est que des conneries, tu vas tout péter, pote de beuverie !
- Matt, on n’est sortis prendre des verres que deux fois ! sourit Roland.
- Mais j’ai enfin quelqu’un avec qui aller boire sans qu’on me fasse culpabiliser ! T’es un peu comme mon mec de rechange !
- N’importe quoi ! ricana Roland. Va à ta salle, Matt, chaque minute que je passe avec toi, j’me reconnais plus !
- Mais t’aime ça, petit coquin !
Matt s’échappa. Roland secoua la tête. Rachel arriva à ses côtés, faussement étonnée.
- Roland, toi et Matt, j’en étais sûre !
- Tout ce qu’on a fait c’est boire des Piña Colada !
- Mamie avait raison, j’étais promise à vivre dans le péché… sourit Rachel. Resto ce soir ?
- C’est notre soir resto donc oui. Comment ça va avec ton frère ?
- Toujours aussi bizarre, avant il m’embêtait quand je sortais mais maintenant c’est tout juste s’il ne me tient pas la porte… L’autre jour il m’a dit que si je voulais inviter des gens, je pouvais…
- Ouuuh qu’est-ce qu’il nous fait… s’étonna Roland.
- Ouais, c’est louche. J’espère que le Proviseur Adjoint ne le cyber-harcèle pas.
- Ce serait… drôle… horrible !... mais drôle !
- Mouais. Tu es sûr que tu veux sortir avec les concours qui arrivent ?
- Oui, oui, t’inquiète, ça me fera du bien. T’as rien pris, toi au fait…
- Tout ce que je voulais c’était les travaux dirigés et j’ai réussi le concours l’an passé donc j’ai pas besoin de plus.
Roland plissa les yeux. Rachel leva les yeux au ciel.
- Le manque d’ambition c’est un truc familial, tu n’y peux rien.
- C’est la base de notre couple, nan ? Tu es avec moi parce que c’est simple, on est d’accord ? sourit Roland.
Rachel sourit et poussa gentiment Roland d’une main sur l’épaule.
- Va donner tes cours, petit-ami sans prétention !
- A vos ordres, petite amie sans ambition !
Roland alla à sa salle, tout sourire.
« Décidément, c’est vraiment un don qu’elle a de me transporter à des années lumières de mes soucis… »Claire inspira et se dirigea vers sa salle. Elle fut interceptée par Malcolm.
- Claire…
- … Monsieur Heine ?
« Il m’appelle par mon prénom ?! »- J’aurais besoin que vous m’accompagniez pour la réunion intersyndicale en début d’après-midi.
Claire pencha la tête.
« Moi ?!! »- Moi ?!!
- Oui, vous. J’ai besoin d’un œil innocent sur la situation actuelle.
- … Innocent ? Je suis la première à vous contredire et à m’écharper avec vous !
- Précisément, vous n’avez pas de biais, vous serez objective. Et vous pourrez dire vos quatre vérités aux délégués syndicaux des cinq autres équipes pédagogiques et devant le Proviseur, le Directeur et le Doyen.
- … Vincent sera là ?
- Evidemment, c’est lui qui vous a recommandée. J’ai cru bon de faire le sale boulot à sa place en vous le disant moi-même.
Claire plissa les yeux.
« C’est… étonnamment gentil de sa part…?! »- C’est normal que ça me mette mal à l’aise ?!
- Oui. C’est intimidant, j’en conviens. Mais je vous promets qu’il n’y a pas de piège.
- C’est effectivement ce qu’impliquait ma question.
- Treize heures, devant la salle des profs générale. Détendez-vous c’est une simple réunion de routine trimestrielle.
- Et vous ne demandez pas à Charlie ou à votre sœur parce que…
- J’ai demandé à Charlie l’an passé et il a passé la réunion à pester sur l’absence d’un stand de dépistage du VIH dans le hall de l’académie. C’était très embarrassant, vous ne pourrez pas descendre aussi bas, même en vous donnant du mal.
Claire inspira.
- D’accord. J’espère vraiment que ce n’est pas un traquenard.
- Absolument pas. Promis.
Claire plissa les yeux, méfiante, et alla donner son cours.
Elle sortit son Raichu. Le Pokémon surfa sur sa queue, tout joyeux. Sa maîtresse lui donna son téléphone.
- Merci, Smurf. Tu es adorable, ma belle !
Le Raichu d’Alola couina de joie. Claire entra dans sa salle. Les première année la saluèrent. Claire les salua en retour.
- Bonjour les enfants…
Un Excelangue sortit de la réserve avec une liasse de papiers. Claire alla la chercher.
- Merci, Lingo…
Le pataud Pokémon donna la paperasse à sa maîtresse et ressortit sa longue langue, émettant des sons gutturaux.
- Va t’asseoir, allons.
Raichu survolait la salle, observant les élèves. Sur le bureau, Kokiyas somnolait. Claire tapota la coquille du Pokémon Bivalve.
- Bien, asseyez-vous…
Claire inspira.
« Une réunion de l’intersyndicale, mais pourquoi il pense que ça va m’intéresser moi alors que je le méprise depuis au moins l’an passé ? Entre sa rigueur à la limite du fascisme et son comportement plus que discutable avec les femmes… »Les élèves s’étaient installés. Claire commença donc son cours, observée par ses Pokémon.
- Bien, on repart sur le chapitre 2. Dans le chapitre 1, on a vu ce qu’était la physique des attaques, à savoir l’application des interactions entre les types lors d’un échange de coups. Si mon adversaire envoie le plus puissant des Eboulements, je peux contrer les rochers avec un simple Pistolet à O parce que les interactions entre les types s’appliquent entre les attaques. Quand on dit « La physique des attaques s’applique », on souligne le fait que même si deux Pokémon de type opposés se font face, par exemple un Racaillou et un Carapuce, si le Racaillou utilise Poing-Eclair quand le Carapuce utilise Pistolet à O, le Racaillou, bien que très désavantagé sur le plan des types, va contrer l’attaque et même la surpasser si le niveau et la technique le permettent. La physique des attaques, c’est la conscience des interactions de types jusque dans le combat en lui-même. Notre matière prend en compte les forces et les faiblesses du Pokémon et de ce qu’il émet, de ce qu’il donne à interagir. Nous allons attaquer le chapitre 2 : Expression de la physique des attaques en combat double.
Les élèves commencèrent à noter. Claire inspira, repensant à ce qui l’attendrait cet après-midi.
***
- L’accompagner à la réunion ?! s’étonna Megan.
- Mais oui, j’ai pas compris non plus ! geignit Claire.
- Il veut peut-être te donner l’occasion de dire tout ce que tu as à dire.
- Oui ou alors il veut me museler, me mettre devant toute une assemblée, moi évidemment ne sachant pas m’exprimer devant des gens importants, je me tais, et du coup quand je la ramènerais après, il me dira :
« Mais enfin Claire, je vous ai amené à cette réunion intersyndicale, pourquoi vous n’avez rien dit là-bas ? »- Exactement. Moi je dis que tu devrais ne pas y aller.
- Ce serait pire, il me dirait que je ne suis qu’une grande gueule…
- Pas faux.
Les deux femmes arrivèrent à la salle des profs. Vincent les regarda avec méfiance. Il les laissa s’asseoir. Malcolm arriva avec sa sœur.
- Je comprends que tu ne veuilles pas de responsabilités en plus, mais c’est ta carrière…
- Je sais, Mac, j’y penserais le moment venu, là, je ne me sens pas.
- Ok, j’insiste pas.
Malcolm alla se mettre à sa place. Vincent inspira.
- Heine, vous avez pris Perry pour la réunion intersyndicale de tout à l’heure…
- Oui.
- Pourquoi ?!
- J’en ai décidé ainsi.
Claire s’étonna.
« Je pensais que c’était la décision de Vincent… il m’a menti ?! »- J’avais dit Finsbury.
- C’est un choix mollasson. Avec Claire au moins, ils sauront exactement où on en est.
- Mais elle va dire n’importe quoi !
- Accessoirement je suis là… souffla Claire.
- C’est pas contre vous, Perry, mais vous êtes trop…
- Honnête ? demanda Megan.
- Féminine ? demanda Rachel.
- Vous avez compris ce que je voulais dire ! grommela Vincent.
- Non ! répondirent Megan et Rachel.
Malcolm inspira.
- C’est justement parce qu’elle va dire les choses sans fard que je la prends avec nous.
- Devant le Proviseur…
- Qui va bien devoir entendre que certaines choses ne vont pas. Même si des choses se sont arrangées, d’autres problèmes subsistent.
- L’an passé avec Winchester, ça vous a pas servi de leçon ?!
- Charlie est clairement monomaniaque, mais Finsbury va se contenter de dire que tout va bien et que la vie est belle, Claire fera honneur au travail syndical en disant clairement qu’il y a des choses à améliorer.
Vincent sembla embarrassé. Claire un peu circonspecte.
- Vous voulez vous servir de moi comme d’une sorte de poudre à canon ou je rêve ?
Roland arriva en compagnie de Charlie.
- Même si ça semble tentant, on n’a pas le droit.
- D’accord.
- C’est un principe ancré dans les statuts des deux collectifs : L’inter-LGBT des professeurs et celle des élèves n’ont pas le droit d’interagir, même pour du simple collage d’affiche.
- Ah d’accord. Je voulais juste les encourager…
- Evite.
Vincent les regarda.
- Qu’est-ce qui s’est passé encore ?
- L’inter-LGBT étudiante organise un groupe de parole non-officiel après les cours et Roland discutait avec eux, j’ai préféré le prévenir.
- Mais je comprends tout à fait… enfin ça me semble un peu radical mais je comprends.
- C’est un peu hypocrite en fait, je suis en contact régulier avec Loïc, le Président de l’Inter-LGBT étudiante, pour qu’on s’accorde sur certaines réunions, mais je n’ai pas le droit de lui apporter mon aide.
- Je vois le genre.
Matt arriva en soupirant.
- Si vous avez une énième discussion chiante sur les droits des gays, je démissionne.
- Au revoir, Matt… souffla Rachel.
- Si jeune et déjà au chômage ! geignit Megan.
Matt secoua la tête en s’asseyant. Roland s’assit également en regardant Matt.
- C’est triste que tu sois pas plus militant !
- C’est d’un gavant. Faut se faire une raison, ça ira jamais mieux pour nous.
- Quel optimisme ! souffla Megan.
- Pourquoi tu milites pas, toi ?
- Parce que Charlie le fait mieux que moi.
- Et qu’elle est déjà membre du collectif féministe de l’académie… souffla Charlie.
Matt leva les yeux au ciel en levant les mains.
- N’en jetez plus.
Claire inspira.
- Vous ne voulez pas prendre Megan plutôt ? Elle est plus franche du collier…
- On en revient à ce que j’ai dit à propos de Winchester, trop impliquée à titre personnel, vous êtes la mieux placée, je le répète.
Charlie regarda Claire.
- C’est toi qui va à l’intersyndicale cette année ?
- Oui…
- Ahon. L’an passé ils m’ont à peine écouté…
- Je pense qu’au moment où vous avez parlé de distributeurs de préservatifs, vous avez perdu toute crédibilité… souffla Vincent.
- Bah je suis bien content de pas y retourner du coup ! grommela Charlie, vexé.
- T’en fais pas mon amour, on aura un distributeur de capotes chez nous un de ces jours ! assura Matt en lui tapotant le dos.
- Eeeet une fois de plus j’arrive au bon moment… geignit Léopold en arrivant dans la salle des professeurs.
Vincent souffla en regardant Malcolm.
- Vous auriez pu prendre Finsbury, je persiste.
- Pour ? s’étonna Léopold.
- L’intersyndicale, c’est moi qui m’y colle… souffla Claire.
- OH ARCEUS ! Ma pauvre ! Tu vas tellement te faire chier ! soupira Léopold.
- C’est pas chiant, c’est juste inutile ! marmonna Charlie.
Malcolm inspira.
- Je reste sur ma décision.
- Eh bah vous l’assumerez tout seul, je dirais que c’est votre idée.
- Soit.
Claire sembla clairement méfiante.
***
- Je me permets de vous redemander…
Malcolm leva les yeux au ciel en se retournant vers Claire qui l’avait rejoint dans le couloir après la sonnerie.
- Vous pensez quoi, que je vous prends pour une proie facile, que je vous jette aux Grahyena ?!
- Un peu, et vous n’avez pas répondu à ma question, vous voulez que je parle à votre place, que je sois la poudre à canon, que j’explose en plein vol pour que vous ayez votre heure de gloire !
- Non.
- Et ma carrière, vous y pensez ? Si je dis effectivement ce que je pense du système… Pourquoi vous n’avez pas pris Roland ? Il est encore plus radical que moi !
- Trop, en fait. Et votre année d’expérience joue pour vous.
- Pourtant vous auriez une bonne raison de vous débarrasser de Roland, vu comme il…
Claire chercha sa formulation.
« Ils te sont sympathique, tu ne peux pas parler d’eux en mal quand même… » Malcolm sembla prêt à encaisser le coup.
- … tourne autour de votre sœur !
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
- Evidemment, vous êtes complètement bigleux, mon pauvre ! Vous êtes tellement occupé à sécuriser votre position et à prendre des précautions que vous ne voyez pas ce qui est évident !
Malcolm ferma les yeux, inspira et la montra du doigt.
- Voyez, c’est pour ça que je vous veux avec nous à treize heures. Vous n’hésitez pas à me dire mes quatre vérités en permanence. Devant ce conseil de vieux coincés, vous saurez vous démarquer.
Malcolm s’éloigna. Claire inspira, pas plus avancée. Vincent passa à côté d’elle.
- Vous mangerez en face de moi, Perry.
Claire regarda le gros professeur clopiner jusqu’à sa classe.
« Ils jouent à quoi, eux deux ?! »***
Repas de midi, donc. Alors que Megan et Rachel semblaient clairement intriguées par la disposition, Matt, Roland et Charlie semblaient en plein débat sur les distributeurs de préservatifs dans les ascenseurs de chantier.
- Perry, tout à l’heure, vous vous contentez de dire que vous n’avez rien à dire, vous filez doux.
- Pourquoi ?
- Parce que cette réunion est une simple formalité et qu’on n’a aucun intérêt à alerter inutilement l’attention du Proviseur.
- … pourtant j’ai des choses à dire, je suis toujours opposée à cette disposition de tables dans la salle des professeurs !
- C’est complètement secondaire.
- Perry, vous me faites confiance ?
- Oui.
- Alors ne dites rien.
- Je verrais sur place. Vous êtes trop bizarres tous les deux.
Léopold et Malcolm observaient d’un œil. Vincent inspira.
- Perry, vous me connaissez, vous savez que je n’aime pas parler boulot au repas.
- En effet, c’est assez étonnant que vous vouliez me parler d’ailleurs…
- Eh bah que ça vous serve d’avertissement. Si je suis prêt à vous parler sur ma pause déjeuner c’est pour une bonne raison.
Claire inspira.
« C’est n’importe quoi… Ils me font marcher ou quoi ?! L’un dit blanc, l’autre noir… J’ai besoin de l’avis d’une personne neutre. »- Rachel !
- Hm ?
- On échange de place !
Rachel plissa les yeux et regarda Megan qui haussa les épaules. Rachel se leva avec son plateau. Claire se déplaça sous le regard étonné de Vincent. Rachel prit sa place.
- Coucou, c’est moi la meuf encore moins marrante que Claire !
Claire se plaça entre Léopold, Roland et Megan. Elle se tourna vers sa gauche.
- Roland, vous en pensez quoi ?
- Hm ?
- De l’invitation de monsieur Heine à parler devant l’intersyndicale ?
Roland haussa les épaules.
- Saisissez l’occasion pour dire ce que vous avez sur le cœur… En vous modérant évidemment, mais parlez en toute franchise. C’est ce que je ferais à votre place. Enfin non, j’aurais préparé quelque chose par écrit, j’aurais été un peu sociopathe comme à mon habitude. Mais j’aurais dit le fond de ma pensée, ce que vous devriez faire.
- Mais oui, Claire, saisis l’occasion. Malcolm et Vincent veulent t’utiliser ? Utilise-les !
Matt termina sa pomme de terre.
- J’sais que tu me prends pour le mec qui s’en fout de tout…
- Non, je t’apprécie à ta juste valeur, Matt…
- Précisément, bah… j’trouve aussi que tu devrais y aller franco et pas hésiter à pointer du doigt. C’était mon intervention inutile du jour. J’ai un quota à faire.
Claire souffla.
- Merci, Roland… Vous avez quelqu’un dans votre vie ?
Matt, Megan et Léopold se regardèrent. Roland haussa les sourcils, embarrassé.
- Euh… n-non, Claire, je… non.
- Oh. Eh bien le jour où ça arrivera, cette personne aura de la chance d’avoir quelqu’un d’aussi avisé que vous dans sa vie.
Roland acquiesça en retournant vers son plateau, rougissant. Matt haussa un sourcil. Claire s’en retourna vers son plateau, consciente d’avoir jeté un froid.
« C’est peut-être bien vrai… Dès que je m’exprime, je jette un froid… C’est peut-être l’effet qu’ils recherchent… »***
Arrivée à la fameuse salle des professeurs générale. La table est grande, ronde, divisée en sept sections de trois chaises avec les numéros des équipes pédagogiques. Claire, Malcolm et Vincent s’installèrent. Les autres équipes pédagogiques firent de même.
Proviseur : Harold Burton
Directeur : Brice Tramer
Doyen : Justin Truce
Equipe pédagogique 1
Professeur Principal : Jules Chamfort (Stratégie)
Membre syndiqué : Cécilia Saccarone (Elevage)
Professeur accompagnant : Ahmed Belkacem (Combat Direct)
Equipe pédagogique 2
Professeur Principal : Vincent Hadley (Histoire)
Membre syndiqué : Malcolm Heine (Mathématiques)
Professeur accompagnant : Claire Perry (Physique)
Equipe pédagogique 3
Professeur principal : Nathalie Landon (Histoire)
Membre syndiqué : Yves Drumond (Technique)
Professeur accompagnant : Suseline Marx (Physique)
Equipe pédagogique 4
Professeur principal : Jim Patterson (Combat Direct)
Membre syndiqué : Terrence Artus (Stratégie)
Professeur accompagnant : Honda Han (Mathématiques)
Equipe pédagogique 5
Professeur principal : Lola Prutt (Fondamentaux)
Membre syndiqué : Philibert Prutt (Histoire)
Professeur accompagnant : Camilla Thompson (Elevage)
Equipe pédagogique 6
Professeur principal : Irina Verdansky (Professionnalisation)
Membre syndiqué : Henry Wilson (Combat Direct)
Professeur accompagnant : Roberto Sanchez (Technique)
Claire observa la tablée.
« Je connais certains de ces professeurs… »- Bien, asseyons-nous et essayons d’être aussi brefs que possible… sourit le proviseur, ce gros bonhomme chauve à lunettes en costume jaune crème, l’air bienveillant.
- J’adore ce genre de réunion, c’est le seul moment où on peut être tous ensemble !! sourit Jules Chamfort, quarantenaire aux cheveux roux, portant des lunettes mais totalement maigre.
- Je suis d’accord pour ce qui est d’être bref… marmonna Vincent Hadley, trentenaire aux cheveux roux, portant des lunettes mais totalement gras.
- On n’a même pas commencé que ça me fait déjà chier… grommela Nathalie Landon, une femme d’âge mûr à lunettes, tout de noir vêtue, les cheveux courts et frisés.
- Eh bah, heureusement que ça se prépare, ce genre de réunion, sinon j’aurais l’impression d’être à un rassemblement de grandes gueules doublé d’un dîner de cons… souffla Jim Patterson, jeune professeur blond et plutôt beau gosse.
- Oh comme ils sont mignons de se mettre en colère, on dirait des petits Férosinge ! sourit Lola Prutt, une petite femme également assez âgée, les cheveux blonds-gris.
- J’ai des choses à faire. Je pense sérieusement renoncer à ce type de réunions, en tant qu’ex-femme soldat, j’estime également avoir mieux à faire… gronda Irina Verdansky, femme en veste verte, longs cheveux noirs, l’air jeune et jolie.
Le doyen des professeurs se plaça à son micro.
- La tradition veut que chacun d’entre vous sorte un Pokémon pour l’accompagner…
Vincent balança la Pokéball d’Archéodong derrière lui. Le Pokémon salua. Jim acquiesça et envoya un Charmina qui se posa respectueusement derrière lui, les bras croisés. Jules Chamfort sourit et lâcha Kaimorse derrière lui en souriant. Le Pokémon poussa un grand cri et se posa derrière lui avec une pose régale. Lola Prutt s’accompagna tout naturellement d’un Roucarnage qui se posa sur ses épaules. Nathalie Landon jeta une Pokéball en l’air et un Solaroc la surplomba, légèrement penché. Irina inspira et envoya Tortank qui se plaça derrière elle, les pattes avant sur le sommet du dossier de sa chaise, prêt à défendre sa maîtresse.
Claire grimaça.
« C’est… impressionnant. Enfin, sauf de notre côté… »- Bien, la réunion peut être ouverte… souffla Justin.
- L’intersyndicale permet un bilan des actions syndicales depuis le début de l’année. Nous avons enregistré un début d’année plutôt calme, j’ignore si vous pouvez confirmer…
Agitations de tête de part et d’autre. Brice Tramer s’étonna.
- Euh… qu’en pensent les syndiqués ?
- C’était calme même si les collègues ont tendance à contester l’intrusion de l’administration dans les affaires périscolaires… marmonna Cécilia de l’équipe 1.
Le proviseur se pencha immédiatement pour répondre.
- L’Administration s’ingère où elle le souhaite dans le bien de l’intérêt commun.
Claire grimaça. Irina leva les yeux au ciel. Nathalie agita une main, comme si tout était déjà plié. Jim souffla et regarda le jeune homme noir à lunettes à ses côtés. Le dénommé Terrence Artus se leva, du moins tenta de se lever.
- On reste assis, monsieur ! tonna le proviseur.
Terrence s’assit et se pencha à son micro.
- Disons qu’on ressent une certaine pression qui…
- Là encore : Tout est dans l’intérêt commun. Le but est de former des élèves, pas de se faire une réputation dans je ne sais quel domaine.
Terrence grimaça et regarda Jim qui agita la main. Claire regarda Vincent et Malcolm, au comble de la tension. Vincent regarda Claire en secouant la tête avec de gros yeux. Claire sembla comprendre.
« C’est lui qui a raison, le mieux que j’aie à faire, c’est de m’écraser… »- Les autres ? demanda Burton. Une revendication sérieuse ?
- Tout va bien, résuma Yves Drumond de l’équipe 3.
- « Vaut mieux vivre à genoux que mourir debout »… lâcha Philibert Prutt, un vieux professeur visiblement strict, intelligent et excentrique avec sa chemise à carreaux écossais qui rehaussa ses lunettes.
Lola, à ses côtés, ne put retenir un sourire.
- Je passe… souffla Malcolm.
- Moi aussi… geignit Henry Wilson, jeune professeur aux cheveux frisés noirs portant des lunettes, l’air apeuré.
Le directeur et le doyen se regardèrent. Le proviseur inspira et regarda l’assemblée.
- Eh bien, eh bien, vous êtes bien peu bavards.
« C’est une blague ??? » songea Claire, effarée.
- On passe aux professeurs accompagnants, monsieur Belkacem ?
Le professeur d’une trentaine d’années, petite moustache, chauve, secoua la tête.
- Tout va bien pour moi, je n’ai rien à dire.
- Bon. Monsieur Sanchez ?
Un vieux professeur décati, grisonnant au teint bronzé secoua la tête.
- Ça ira.
- Bon. Monsieur Han ?
Le grand asiatique tout maigrichon à la coiffure stricte secoua la tête.
- Je passe.
- Certes. Mademoiselle Marx ?
La jeune femme noire aux longs cheveux tressés secoua la tête en silence. Burton acquiesça.
- Très bien. On va peut-être sortir tôt, cette année !
Si c’était censé faire rire, c’était raté.
- Mademoiselle Perry… ?
Claire regarda Malcolm et Vincent. Vincent écarquilla les yeux pour lui faire un signe de se taire. Malcolm la regarda, neutre. Claire inspira et se leva.
- Hm-mm ! gronda le proviseur.
Claire resta debout.
« Cette sensation d’aller envers et contre tout… »- Je crois avoir dit qu’il fallait rester assis… somma le proviseur.
- Eh bien…
Claire en tremblait, mais c’est une sensation qu’elle accueillit en elle.
« Ça me rappelle quand je suis partie de chez moi… ma mère, mon père, mon demi-frère… »Claire regarda le proviseur.
« Des comme vous, j’en ai mangé des plus gros. »- Eh bien, en ce qui me concerne, je suis complètement gavée par l’intrusion sans gêne et complètement abusive de l’administration dans nos affaires.
Ahanement général. Claire regarda ses collègues. Lola déglutit bruyamment. Jim sembla impressionné. Nathalie grimaça. Irina se releva, intéressée. Vincent écrasa son visage dans sa main. Malcolm afficha un sourire satisfait.
- Moi et mes collègues faisons du bon travail. Nous nous efforçons de faire au mieux. Pourtant, au début de l’année, mon professeur principal et mon délégué syndical n’ont pas arrêté de se FAIRE DESSUS…
Brice fit de gros yeux. Justin souriait ostensiblement. Harold Burton massacrait Claire du regard.
- … par peur des réactions de l’administration si jamais on OSAIT demander une surveillance à cause du cas Jérôme Phelps. Le cas Jérôme Phelps, mesdames et messieurs, c’est des élèves qui perturbent des cours parce qu’ils veulent un meilleur emploi du temps. Et ils menacent de faire « grève ». Et quand je demande de l’aide à mon professeur principal parce qu’ils ont essayé de quitter mon cours ? Quand un collègue se fait traiter de « fiotte » ? Quand une collègue se fait traiter de « serrée du cul » ? Eh bien ça se plaint que ça ne peut rien faire, que ça doit garder la face devant l’administration, que c’est trop tôt pour se plaindre, qu’il faut faire attention, et après ça se prend pour des HOMMES ???
Petit silence et applaudissements des femmes de l’assemblée. Certains hommes les rejoignirent ensuite, sonnés par l’aplomb de la jeune femme. Claire resta debout et continua, ce qui fit cesser les applaudissements.
- Dire que vous exercez une pression est un EUPHEMISME, monsieur Burton. Vous congestionnez complètement notre marge de manœuvre, notre marge d’action, vous instaurez un climat de peur qui s’inscrit dans une logique conservatrice ABSURDE parce que nous sommes dans une école, que ces enfants grandissent et que nous devons évoluer au fil des situations, au cas par cas, et non pas suivre aveuglément une méthodologie d’immobilisme constant. Le problème de cette école, monsieur Burton, c’est votre administration.
Nouvelle salve d’applaudissements. Jim Patterson semblait presque séduit. Irina Verdansky hocha la tête, pas mécontente d’être venue. Nathalie et Lola se regardèrent, intriguées. Harold Burton inspira et se leva alors que Claire s’était rassise.
Le proviseur sortit deux Pokéballs. Vincent sursauta et fit signe à son Archéodong. Claire s’étonna.
« Quoi, il compte me… »- Monsieur le proviseur…
Harold Burton se tourna vers Malcolm qui avait levé la main.
- Il me semble que je vous avais parlé d’un élément perturbateur dans mon équipe…
Claire grimaça. Harold haussa un sourcil. Malcolm montra Claire. La rousse fit de gros yeux. Vincent grimaça, visiblement dégoûté, ses yeux se fermant lourdement, de résignation.
- Voilà. En fait le vrai problème, ce sont ces professeurs qui se plaignent pour rien…
- Non mais…
Le micro de Claire était coupé. Elle remarqua le doigt de Malcolm sur le bouton.
« Le salaud !! »- … et qui entravent notre action de contrôle. Nous autres, professeurs principaux et syndiqués, nous efforçons de maintenir une bonne cohésion d’équipe, mais c’est difficile avec des éléments qui se croient à même de juger des situations trop complexes. Je pense qu’il serait bon de faire des rappels au règlement et de maintenir le mur entre administration et professeurs. Merci, donc, de ne pas tenir compte de l’intervention de ma collègue.
Claire regarda Malcolm, stupéfaite. Le jeune homme ne lui adressa pas un regard et maintenait son doigt sur le bouton d’arrêt du micro avec fermeté. Vincent semblait désolé. Harold hocha la tête et se rassit en rangeant ses Pokéballs.
- Je me disais bien aussi, qu’est-ce que c’est que cette hystérique... A bon entendeur, l’expression de ce genre d’idées contestataires ne saurait être admise ou prise au sérieux. L’administration Pringle a fait ses preuves. Contentez-vous d’enseigner. Bien, à qui le tour... Mademoiselle Thompson ?
Camilla Thompson, grosse dame aux épais cheveux blonds, très maquillée, visiblement enthousiaste, se leva, toute enjouée.
- Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le proviseur, c’est très bien de s’exprimer !
Claire sourit.
« Voilà, j’aurais au moins soulevé l’élan d’une personne ! »Harold inspira.
- Eh bien, essayez donc…
- Voilà ce que j’ai à dire. Il faut autoriser les ventes de produits de beauté dans le hall de l’école ! Nos jeunes filles ont le droit d’avoir accès à du nécessaire de maquillage, et en plus ça ferait rentrer de l’argent dans les caisses de l’établissement !
Claire sembla médusée. Camilla se tourna vers elle.
- Merci d’avoir dit toutes ces bêtises, je me sens moins idiote maintenant !
Philibert Prutt en resserra sa cravate tandis que Claire était achevée.
***
- Espèce de SALAUD !
Claire poursuivait Malcolm dans le couloir. Lui et Vincent se retournèrent.
- Vous m’avez piégée !!
- J’ai été clair avec vous, Vincent aussi, il vous a dit de ne pas vous exprimer…
- VOUS vouliez que je…
- Je voulais que vous fassiez un esclandre, pour ensuite pouvoir vous faire passer pour non fiable afin de nous couvrir pour le reste de l’année.
- Vous êtes un immonde salopard ! Votre sœur va entendre parler de ça !
- C’est juste ma sœur, pas ma mère.
- J’ai une de ces envies de vous gifler !!
- N’hésitez pas.
Claire grommela et regarda Vincent qui semblait vouloir temporiser.
- Votre intervention a été entendue, ne serait-ce que par les autres équipes, vous avez dit ce que vous aviez à dire…
- Vous auriez pu me prévenir de son plan, vous saviez, n’est-ce pas !
Vincent serra les dents. Claire secoua la tête.
- Quand je pense que c’est vous qui m’avez pris sous votre aile la première année !
- Je…
- Je vous faisais confiance, Vincent !
Le gros rouquin baissa la tête, vaincu. Malcolm restait stoïque. Claire secoua la tête et s’éloigna, fulminante.
« Il va voir, il va voir, il va voir !! »Malcolm et Vincent regardèrent Claire partir.
- Je désapprouve totalement.
- Je sais. Il fallait que je la remette à sa place, elle prenait trop de libertés avec moi. Et que je donne à Burton la sensation qu’il ne fallait pas trop nous prendre au sérieux.
- C’était injuste. Pourquoi ne pas avoir pris Smirnoff ?
- Premièrement parce que c’est un gauchiste, certes, mais un gauchiste intelligent, qui sait articuler son propos, et c’est un homme, donc tout le monde l’aurait écouté et pris au sérieux, y compris probablement Burton. Deuxièmement, avec son nom de famille, plutôt que de passer pour un hystérique sans fiabilité, il nous aurait attiré des tas de problèmes avec son discours mieux articulé et son grand nom. Là, avec la banale Claire Perry, on va juste passer pour une équipe difficile à gérer, donc ça va grandement nous simplifier la tâche.
Vincent agita la tête.
- J’ai un très mauvais pressentiment.
- Rassurez-vous, c’est ma faute, pas la vôtre, je suis prêt à assumer les conséquences.
- Tout se passait bien et j’ai le sentiment que ça va refoutre la merde en fait.
- Pour un temps, et après tout s’arrangera... Allons en cours.
- Hm… Heine, je répète, je désapprouve…
- J’avais bien compris.
- … et quelque chose me dit que vous allez le payer.
Malcolm haussa les épaules.
- Je suis prêt à en subir les conséquences. En tant que syndicaliste, je suis prêt à tout pour assurer ma mission, à savoir : Protéger mes collègues contre la mainmise de l’administration. Fondamentalement, je suis d’accord avec tout ce qu’elle a dit. Et précisément, il fallait que je noie le poisson juste ensuite, pour que ça ait été dit sans avoir été dit.
- J’avais compris. Bah tant mieux si vous vous trouvez malin, écoutez…
Vincent s’éloigna. Malcolm haussa les épaules à nouveau.
« Il essayait de me faire culpabiliser ou quoi ?! »- Heine, mon petit Heine…
- Monsieur Burton ! sourit Malcolm.
Le proviseur tapota l’épaule du jeune homme.
- Quelle équipe de dingues vous avez l’air d’avoir !
- Je ne vous le fais pas dire, monsieur le proviseur…
- Je pensais que Vinner exagérait mais en fait, je pense que quelques ajustements humains seront à envisager, au moins l’année prochaine…
Malcolm agita la tête en inspirant.
- Je pense plutôt que vous devriez les laisser ensemble, pas éparpiller les mauvaises graines dans les autres équipes !
- Certes, certes, vous avez raison, parfois il faut savoir garder séparés le bon grain de l’ivraie. En tout cas c’est agréable de savoir que vous êtes de notre côté, pas comme certains de vos confrères qui s’y croient…
- Je sais où est ma place, monsieur !
- Et c’est parfait, ne changez rien, restez un bon Caninos bien dressé !
Burton éloigna sa grosse carcasse en se dandinant sur ses pieds. Malcolm inspira.
« Ça, c’est ce que je veux que tu croies… mais le jour venu… »***
Les cours de l’après-midi passèrent donc dans le calme, et Malcolm retourna à la salle des professeurs ensuite, son ordinateur sous le bras.
Première surprise, les tables ont été déplacées.
- Oh.
Une petite table a été mise contre un mur, et le reste s’était reformé avec quatre places de chaque côté de la table. Malcolm inspira et regarda Léopold, Claire, Megan et Rachel qui étaient déjà là.
- C’est ta place, désigna Rachel d’un doigt colérique.
- J’avais compris, merci. Mais Vincent ne va pas apprécier.
- Vincent est au courant, expliqua Rachel.
- Et on a bloqué les tables avec la Clause Pierre, impossible de les déplacer manuellement, résuma Léopold, clinique.
Malcolm inspira.
- Tant mieux, depuis le temps que je voulais mon bureau personnel.
- Je serais toi je ne ferais pas le malin ! gronda Rachel.
Malcolm agita la tête et se tut. Matt arriva et vit la nouvelle disposition. Il ne dit rien. Les quatre autres avaient laissé quatre places libres, il se plaça du même côté qu’habituellement en laissant une place pour Charlie. Il regarda Malcolm qui était seul contre son mur.
- Bah on se marrait plus ce matin… admit le jeune homme aux cheveux bouclés.
Roland et Charlie arrivèrent en pleine discussion et se turent en voyant Malcolm isolé et la table reclassée en huit. Roland hocha la tête, ne dit rien également et tapota l’épaule de Claire avant de se rasseoir à l’avant-dernière chaise du côté droit. Charlie s’assit avec Matt en bout de table. Vincent arriva et leva les yeux au ciel.
- Evidemment…
Malcolm le regarda en lui faisant signe de déplacer les tables. Vincent inspira, secoua la tête et alla se placer à côté de Roland.
- Bien, euh… je pense qu’il est inutile de faire un bilan de la réunion intersyndicale…
Claire secoua la tête. Megan lui tapota le dos tandis que Rachel et Léopold lui lâchèrent la main. Roland inspira, mal à l’aise. Charlie lançait un regard vipérin à Malcolm. Matt semblait conscient qu’il devait faire profil bas.
- Comment se sont passées vos heures ?
- Nickel… marmonna Léopold.
- Ouais ça a été… admit Matt.
- J’ai eu les cinquième quatre, Jérôme continue de se tenir à carreaux… marmonna Roland.
- Tout baigne, monsieur Hadley… souffla Rachel.
- Perry, tout s’est bien passé ?
Claire inspira et détourna le regard. Vincent inspira et leva les mains en signe d’apaisement.
- Bah vous pouvez disposer…
Gros silence à table. On n’entendait que des soupirs résignés et la dactylo de Malcolm sur son clavier.
Générique de fin :
Céline Dion – Je sais pas« Je savais le silence depuis longtemps,
J’en sais la violence, son goût de sang.
Rouges colères, sombres douleurs
Je sais ces guerres, j'en ai pas peur
Je sais me défendre, j'ai bien appris
On n’est pas des tendres par ici »