- Donc, Charlie Winchester et Mathieu Clancy… vous me confirmez bien que vous êtes toujours professeurs ici…
- Hm.
- Oui.
- Monsieur Winchester professeur de professionnalisation…
- Je déteste toujours autant comment ça sonne…
- Et monsieur Clancy toujours professeur de fondamentaux…
Matt hocha la tête. Le directeur acquiesça avec un sourire amusé.
- Bon, bon, bon. Et vous êtes toujours en concubinage pour la troisième année consécutive, c’est bien ça ?
Charlie hocha la tête. Matt acquiesça.
- Bon, bon, bon… c’est noté messieurs, l’administration centrale est bien informée que vous êtes en couple. Tout est en règle…
Il attrapa un papier sorti de l’imprimante.
- Si vous voulez bien parapher ici et ici…
Charlie regarda Matt, exaspéré. Matt lui prit la main.
- Oui, je le veux !
Charlie pouffa de rire, se releva et se pencha vers le document tandis que le directeur semblait ulcéré par cette prise de main.
- Je me permets de vous rappeler que les effusions sont interdites devant les élèves…
- On sait, c’est marqué sur le document qu’on est en train de signer… marmonna Charlie.
- Et vous n’êtes pas un élève, que je sache… marmonna Matt en fixant le rugueux directeur.
L’homme se saisit les mains et toussota.
- Bonne journée messieurs…
- Attendez, j’ai pas signé ! sourit Matt en prenant le stylo des mains de son petit ami. C’est quoi ma signature, déjà, chaton ?
- J’en sais rien, chaton, essaie de mettre une croix…
- Ah bah oui, t’es pas bête, toi. Mais attends, j’peux mettre mon nom !
- Tu peux mettre ton nom, chaton, oui, aussi !
- Ou alors je peux mettre « Chaton de Charlie » !
- Tu m’appelais pas Chaton hier dans le local à poubelles…
- Chhhhht, pas devant le petit !
Matt désigna le directeur, outré. Charlie hocha la tête en levant les mains alors que Matt signait rapidement.
- Bon, on se casse, ça pue les bourses inutilisées, dans cette piaule… souffla Matt en se levant.
- Ah bah ça si on vide pas, ça monte au cerveau à force… admit Charlie.
Le couple sortit du bureau du directeur. Matt était souriant. Charlie se mordillait les lèvres.
- C’que t’es con !
- Et toi alors ! « Hier dans le local » non mais…
- Bah quoi ? Il m’horripile avec ses airs de sainte-nitouche !
- Tu m’étonnes… rhalala… sourit Matt.
- C’est la soirée d’hier qui te met dans cet état ? T’étais pas sérieux pour ce truc de plan à trois quand même ?
- Mais non, ça va pas la tête… il est mignon ton pote, mais quelque chose me dit que ça milite plus que ça ne baise…
- Ecoute, j’ai pas été vérifier… sourit Charlie.
- Mouais. Encore qu’hier, la sœur du petzouille est restée après…
- Oh, Matt, non, pas Rachel, ils sont amis depuis l’école, non !
- Baaaah…
- Shhht sht sht Roland, heeeey comment ça se passe ?
Roland hocha la tête en s’avançant vers eux.
- Bien bien bien, je reviens de chez le doyen Truce…
- Justin, oui… on n’a jamais très bien su par quel bout le prendre ! admit Charlie.
Matt pouffa de rire. Roland inspira.
- Je dois aller chez le directeur pour faire valider des trucs…
- Vas-y, on l’a mis de bonne humeur en plus ! assura Charlie.
- Grave ! sourit Matt.
Roland acquiesça. Matt et Charlie partirent.
« Je comprends pas trop David. Au contraire, j’ai l’impression que Charlie est plus lui-même avec Matt qu’il ne l’était avec Léopold… et pareil, je sens que Matt est une personne différente avec Charlie. Un peu comme moi avec Rachel… mais est-ce que je suis plus moi-même ou est-ce que je suis juste différent ? »Il envoya un texto. [La voie est libre]
Rachel sortit des toilettes de l’administration.
- Bah j’peux te dire que tout le monde se lave pas les mains… geignit la brune. Prêt ?
- Oui. Ma rigueur administrative se réjouit de ce moment, ma sensibilité personnelle s’y oppose catégoriquement…
- Et quelque chose me dit qu’on se tire une balle dans le pied, nous qui de base, souhaitions rester cachés…
- Certes, mais il faut qu’on le fasse.
- Prenons ça comme un pacte d’union civile ! rationalisa Rachel.
Roland sourit.
« Nan, c’est autre chose. Je me sens complet avec elle. Achevé, accompli. C’est plus qu’une question de liberté ou d’acclimatation, je me sens juste moi dans ma totalité.Ils entrèrent dans le bureau du directeur et se signalèrent à la secrétaire.
- Bonjour, c’est pour un signalement de relation !
« Maintenant, est-ce que j’aime celui que je suis quand je suis seul avec elle… Oui. Je me sens tellement bien, tellement à mon aise, je peux tout lui dire. »- Le directeur va vous recevoir.
- Merci !
« Mais est-ce que pour autant, c’est le vrai moi… ou juste un idéal que j’atteins seulement en étant à ses côtés… Il n’y a bien que moi pour chercher à rationaliser l’amour… »Rachel regarda Roland.
- Ça va ?
- …
- Roland ?
- Hein… J’étais perdu dans mes pensées !
- Je me doute, avec tout ce qui va changer pour toi aujourd’hui…
- Ouais… ouais, ça me préoccupe beaucoup.
- Tu commences par quoi ?
- J’ai des première…
- Hein ?!
- … je commence avec des première année.
- … une remise de Pokémon académique dès le premier jour ?!
- Je suis au fait des procédures, tout va bien se passer.
- Quand même, c’est coton, et si t’as une situation particulière…
- Je peux gérer, Rachel, t’inquiète.
La loupiote du bureau du directeur passa du rouge au vert.
- Vous pouvez entrer, signala la secrétaire.
Roland et Rachel entrèrent dans le bureau du directeur.
- Mademoiselle Heine, tiens donc…
- Directeur Tramer…
L’homme en costard gris et aux cheveux noirs – teints, ses sourcils étant clairement blonds – observa avec une forme de convoitise le couple.
- Vous êtes monsieur…
- Smirnoff, Roland.
- Le fils de…
- Etienne Smirnoff, le professeur et chercheur.
L’homme acquiesça.
- Directeur Brice Tramer, c’est moi qui me charge des relations entre le secrétariat, la doyenneté, le proviseur, le proviseur adjoint, le CPE et l’int…
- Je sais à quoi sert un directeur, merci.
Le directeur aiguisa son regard. Rachel regarda Roland, surprise de la sortie. Roland serra les dents.
« Maudites soient mes poussées d’audace… »- Nous venons faire un signalement de relation… ajusta Rachel.
- Ah ! Un an seulement après votre arrivée, mademoiselle Heine, voilà que vous vous casez déjà, c’est merveilleux.
- Alors tu vois, en plus de se charger des relations entre le secrétariat, la doyenneté, le proviseur, le proviseur adjoint, le CPE et l’intendance, notre cher directeur se charge du courrier du cœur de l’académie.
Brice Tramer regarda Rachel, stupéfait.
- P… Pardon, mais non, c’est une part mon métier !
- Vous n’êtes pas obligé de commenter ma situation amoureuse, elle ne vous regarde en rien, pas plus que la sienne. Vous enregistrez dans l’ordinateur, on signe le formulaire, point.
Brice grimaça et ouvrit le dossier.
- Bon, quelle est la nature de la relation… ?
- Nous sommes amants.
Brice regarda à nouveau les deux professeurs. Rachel inspira lourdement. Roland grimaça.
- C’est une nécessité, ou…
- Mais je fais mon travail comme je l’entends, enfin !! Vous devez confirmer, monsieur.
- Je confirme, nous avons une relation amoureuse.
- Vous devez utiliser le même terme.
Roland fronça les sourcils en regardant l’homme.
- Je vais utiliser un autre terme si vous ne faites pas votre travail avec tout le sérieux administratif qui vous incombe.
- … ah oui et quel terme, je vous prie ?!
Roland se leva et approcha de l’homme pour lui chuchoter :
- Procès !
Rachel toussota.
- Vous vous oubliez, très cher, quelle vulgarité.
- Pardonnez-moi, ma mie, souffla Roland.
- Si on ne peut plus plaisanter…
- Ah non, pas ce numéro de victimisation en plus, sinon je balance votre imprimante par la fenêtre ! grommela Rachel.
Brice rentra sa tête dans ses épaules et imprima les formulaires.
- Vous signez ici et ici !
Roland prit le sien et le lut alors que Rachel signa le sien sans broncher.
- Pas d’effusions devant les élèves, mais c’est tellement…
- Roland, signe, si tu t’attardes dessus…
- Je sais, mais pardon, c’est tellement ridicule…
- C’est la loi ! assura Brice.
Roland et Rachel regardèrent Brice qui inspira en levant les mains pour se couvrir.
***
- Mais quelle tête de con ! soupira Rachel.
- Il fallait qu’on le fasse, en comparaison des problèmes que ça pourrait nous causer, les avantages sont plus profitables.
- Surtout de ton côté en fait mais c’est juste une question d’ancienneté, et aussi ça peut nous aider en cas de conflit ultérieur. Même si très honnêtement je préfère qu’il ne se passe rien et qu’on reste cachés.
Roland hocha la tête.
- Ne serait-ce que par rapport à ton frère…
- Pourquoi a-t-il fallu que vous ne puissiez pas vous voir en peinture…
- Il ne peut pas me voir en peinture, moi je m’en fiche de lui… Réunion, ce matin, donc.
- Oui, pour présenter tout le monde et rappeler les objectifs, en théorie… mon frère et le prof principal aiment à transformer ça en « démonstration de force »
- … ce qui est très pertinent…
- Evite d’exprimer un avis aussi tôt, s’il te plait. Je le redis, j’adore ton côté militant, mais tu vas vite voir que Hadley, c’est pas le genre à se laisser… « emmerder par un petit con », selon ses propres termes.
- Ok…
- Et pour cette histoire de premières années, je vais en parler à Charlie, c’est pas normal.
- Mais non, pourquoi…
Arrivée dans la salle de réunion 2. Charlie, Matt, Léopold et Malcolm étaient déjà assis.
- Salut…
- Coucou…
Matt et Charlie se lancèrent un regard sans équivoque en voyant les deux arriver ensemble. Charlie leva les yeux au ciel, dissipant l’insinuation d’un geste.
- Prêts pour la réunion ? demanda Malcolm en direction de sa sœur.
- Absolument pas, je comptais tout plaquer et devenir serveuse.
Léopold sourit. Charlie osa carrément pouffer. Roland se contenta d’un demi-sourire discret. Malcolm secoua la tête, exaspéré.
Une jeune femme rousse aux cheveux courts arriva.
- Bonjour à tous…
- Salut Claire ! sourit Charlie.
- Hey Claire… sourit Matt.
- Salut ma belle ! sourit Léopold.
Claire sourit et serra Léopold dans ses bras.
- Tu as passé de bonnes vacances ?
- Ouiii et toi ?
- Parfaites, parfaites. Rachel, Monsieur Heine…
Roland haussa un sourcil et regarda Malcolm, un peu éberlué.
- Mademoiselle Perry, bonjour. Euh, je vous présente Roland Smirnoff, le nouveau titulaire au poste de Technicien.
Claire hocha la tête. Roland se leva et tendit la main.
- Madame Perry, enchanté…
- Oh appelez-moi Claire !
- Ah, dans ce cas, appelez-moi Roland !
Elle sourit et s’assit.
- Technique, donc… Moi Physique des attaques, on se complète en quelque sorte !
- C’est l’alliance des deux aspects qui constitue la poésie des combats de Pokémon ! assura Roland dans un sourire.
- Oh Arceus, quelqu’un qui s’exprime joliment ! J’en avais assez de ces trois Tadmorv !
- Elle vous a pas ratés ! sourit Rachel.
Léopold, Charlie et Matt regardèrent Claire. Roland grimaça, amusé.
- Tadmorv, non mais ho ! souffla Léopold.
- Ah quand elle a besoin d’une ramette de papier bizarrement, on n’est plus des Tadmorv, hein ! grommela faussement Charlie.
- J’porte plainte, c’est homophobe ! souffla Matt.
Claire pouffa de rire.
- C’est bien que vous n’ayez pas changé les garçons ! Ça va, Rachel ?
- Ouiii et toi ? T’as bonne mine, c’est cool !
- Ouais, Alola ça m’a fait TELLEMENT de bien…
- Tu m’étonnes. Moi j’ai fait Papeloa, c’était tellement ressourçant !
- Han Papeloa, les masseurs !
- Ah j’me suis pas privée ! assura Rachel.
Malcolm inspira en regardant sa sœur. Rachel leva les yeux au ciel. Une femme brune, lunettes et chignon strict arriva à son tour.
- Bonjour tout le monde…
- Salut Megan…
- Coucou…
- Salut…
Elle se dirigea vers Rachel et lui fit la bise.
- Tu vas bien ?
- Oui et toi ?
- Tranquille, merci.
Elle s’assit au bout de la table, entre Rachel et Matt.
- Megan Doppler, voici Roland Smirnoff, le nouveau titulaire en Technique. Roland, mademoiselle Doppler est la titulaire en stratégie.
- Madame…
- Bonjour monsieur, enchantée. Je ne vous ferais pas l’affront de dire que je connais votre père…
- C’est bien aimable.
- … tout comme je vous sais gré de ne pas avoir utilisé de civilité faisant état de mon statut marital, avéré ou non.
Roland sourit.
« J’aime beaucoup les femmes de cette équipe pédagogique ! »Malcolm grimaça.
- … Pardon, c’est de moi que vous parlez ?!
- Inutile de demander pardon, vos excuses n’ont aucune valeur à mes yeux.
Léopold, Charlie et Matt restaient muets, sachant à quoi s’en tenir. Claire avait un demi-sourire. Rachel regarda Malcolm.
- Tu la connais, tu sais que tu ne dois pas répondre…
- … hmph…
Un homme entra, coupant court aux bisbilles, aux homosexuels avachis et aux petits sourires en coin. Plutôt massif, il avança d’un pas lourd jusqu’au bout de table qui était le sien. Cheveux roux, taches de rousseur. Gras.
- Bon, bon, bon… bonjour à tous… Une nouvelle année qui commence… Je fais l’appel. On a donc Clancy, Mathieu.
- Présent.
- Doppler, Megan.
- Présente.
- Finsbury, Léopold.
- Présent.
- Moi, Vincent Hadley, je suis présent. Heine, Malcolm.
- Présent.
- Heine, Rachel.
- Présente.
- Perry, Claire.
- Présente.
- Smirnoff, Roland.
Roland était complètement abasourdi. Il regardait l’homme, ses amis, l’homme, ses collègues, l’homme…
- Smirnoff, Roland ?
- C… c’est une blague, c’est un truc de bizutage…
Rachel inspira et tendit une main vers lui.
- Contente-toi de dire présent !
- On n’est pas en faculté, vous n’êtes pas maître d’études, vous êtes au même niveau que nous, vous n’avez aucune supériorité hiérarchique qui vous autorise à…
- Quelqu’un lui explique ? marmonna « Hadley ».
Malcolm toussota.
- Ce que monsieur Hadley essaie de te dire, monsieur « Je-sais-tout-j’ai-été-à-la-fac », c’est que nous sommes à Kalos, et que tout comme à Unova, les lois royales s’appliquent, à la vie comme à l’éducation. La pratique de professeur principal équivaut à celle de maître d’études en académie. Certes, monsieur Hadley n’a pas de position hiérarchique supérieure à la nôtre, c’est un simple professeur d’Histoire, mais il dirige effectivement l’équipe pédagogique ET doit s’assurer de la bonne présence de tout le monde, comme un maître d’études en faculté. Donc, non, ce n’est pas un bizutage, ça n’est pas une blague, bienvenu dans le monde réel.
Roland grimaça, passablement humilié. Vincent Hadley prit une grande inspiration.
- Smirnoff, Roland.
Roland resta stoïque et refusa de prononcer le moindre mot. Claire garda la bouche ouverte. Megan rehaussa ses lunettes d’un geste aussi raide que la tension de la pièce. Matt serra les dents, horrifié. Rachel ferma les yeux.
« Cela dit, il t’a écoutée, il ne dit rien ! »Vincent regarda Roland une bonne trentaine de secondes, souffla et prit son stylo.
- … Absent.
- Non, non, non ! geignit Léopold.
- Vincent ! cria Rachel.
- Roland, je t’en supplie… geignit Charlie.
- Inutile de… souffla Matt.
- Attendez… geignit Claire.
- SILENCE !
Calme plat dans la salle...
- Mais où est le souci, allez-y, notez-moi absent !
… ou pas.
Rachel hésitait entre lui sauter dessus ou lui sauter dessus, mais pas vraiment pour les mêmes raisons. Claire grimaça. Malcolm poussa un nouveau soupir et regarda Hadley qui lui fit signe de procéder.
- Et comme en faculté, toute absence entraîne un non-versement de tes indemnités de professeur. Bienvenu dans le monde réel, assieds-toi bien, c’est une sacrée promenade.
Roland ferma les yeux, vaincu.
- Présent.
- Booon. Vous êtes nouveau, je ne ferais donc pas de rapport, ça équivaudrait à envoyer un Muplodocus pour zigouiller un Sapereau, mais si vous pouviez… par exemple, lire le règlement avant d’ouvrir votre gueule, nous gagnerions tous un temps précieux. Winchester, Charlie.
- Présent.
- Voilà qui est fait.
Roland gardait la tête basse, défait. Frissonnant d’adrénaline, l’envie de bondir mais l’impossibilité absolue de le faire. La pire des situations. Claire le regardait avec inquiétude.
- Bon, c’est une nouvelle rentrée, chacun sait ce qu’il a à faire, cet établissement vise l’excellence, je ne tolèrerai donc aucun couac et aucun mot plus haut que l’autre, n’est-ce pas, monsieur le trublion…
Silence. Roland releva la tête en soupirant très ostensiblement.
- C’est bien compris.
- Booon. Ce matin, nous avons donc… Ah, vous faites une remise de Pokémon académique, ce matin, Smirnoff…
- En effet.
- … eh bah ça va être beau…
- Monsieur Hadley, je…
Vincent regarda Rachel qui serra les dents.
- Euh… confier ça à un débutant comme Roland…
Roland la regarda, furieux.
« C’est juste PAS LA PEINE D’EN RAJOUTER… »- Oui, eh bien quoi ?
- C’est peut-être un peu rude comme commencement, on peut peut-être échanger ou faire assister Roland par le doyen…
- Ça s’est fait, se permit de rappeler Charlie.
- Il me semble que c’est vous deux qui avez insisté pour qu’il intègre l’équipe…
Malcolm sourit, vipérin.
« Et toc. »- … si c’était juste pour donner un poste à un copain pas doué avec un nom vaguement important, vous auriez pu vous abstenir. L’application d’un tutorat ne peut être demandée que par le professeur lui-même au préalable lors de son inscription ou réinscription, pas discuté en réunion sauf cas particulier. Monsieur le fils d’Etienne Smirnoff est-il un cas particulier ?
Roland inspira, rassemblant ses dernières forces vives.
- Je suis au fait des procédures, je sais comment assurer ce genre de cours, à moins qu’il y ait une procédure spécifique à Kalos dont je n’aurais pas été informé…
Roland balaya du regard la salle. Léopold, Charlie, Matt et Rachel ne savaient plus où se mettre. Charlie secoua la tête pour rassurer Roland.
- Nooon, c’est comme pour pisser, on fait ça partout pareil. Enfin, sauf vous, je suppose que vous vous asseyez.
Matt ferma lourdement les yeux. Rachel serra les dents. Roland allait réagir mais on lui donna un coup de pied sous la table. Claire. Il la regarda. Elle ferma les yeux et lui fit signe de laisser couler. Roland se renfrogna.
- Bien. Autre chose ?
- Euh, au sujet de… demanda Charlie.
- Non ? Très bien, vous pouvez vous diriger vers vos salles de cours, bonne chance à tous, on se retrouve à l’interclasse. Rompez.
Tout le monde se leva. Roland sortit en trombe, prêt à exploser. Rachel serra les dents et prit sa suite, tant bien que mal. Léopold regarda Charlie.
- On a oublié de le briefer là-dessus !
- J’avais zappé le coup de l’appel, je pensais qu’il savait, il l’aurait mal pris si je lui avais dit… souffla Charlie.
- En attendant il va nous en vouloir, on devrait aller s’excuser maintenant… marmonna Matt.
- Hm ! admit Léopold.
Malcolm passa, mais Charlie l’arrêta.
- Et toi, bon sang, tu te prends pour qui ?!
- … pardon ?!
- Et la solidarité entre collègues, nan ? Il est où le grand syndicaliste avec ses grands discours sur les droits des profs et l’injustice du système ?
- Faut bien le remettre à sa place de temps en temps, on en est tous passés par là, je vois pas pourquoi monsieur aurait un traitement de faveur. Vous êtes restés passer la soirée chez lui hier, la prochaine fois vous le prévenez avant !
Malcolm partit sans ménagement. Charlie s’écarta et inspira.
« Tête de con ! »Dehors…
- Roland, excuse-moi j’aurais dû te prévenir ! Sois pas fâché !
Roland se retourna vers Rachel. Les couloirs étaient remplis d’élèves.
- Je suis pas fâché, je… je m’attendais juste pas à tout ça, avant même de commencer les cours…
- Je sais que tu es stressé, et je suis désolé d’avoir demandé pour la remise des académiques, mais…
Roland inspira.
« Même pas besoin de lui dire, elle sait ce pourquoi je pourrais lui en vouloir… c’est bien une autre partie de moi-même… »- … je sais à quel point tu es sensible, je prétends pas te connaître mieux que toi-même, mais je sais comment tu peux être…
- Désolé, j’ai pas pu fermer ma gueule, j’ai…
- Je sais, je comprends…
Elle allait lui saisir la main, mais le trio arriva derrière elle.
- Roland, on est désolés ! souffla Léopold.
- On aurait dû te prévenir pour l’appel, c’était pas cool de notre part… soupira Charlie.
- Désolé… geignit Matt.
Roland secoua la tête.
- Allons en cours et… faisons de notre mieux. Tout va bien, merci.
Roland s’éclipsa.
« Ils sont gentils. TROP gentils, c’est étouffant. J’aime pas qu’on se fasse du souci pour moi. Ils sont peinés parce qu’ils ne m’ont pas assez couvé, je ne supporte pas d’être couvé, je sais bien qu’ils ont de bonnes intentions… »Roland ferma les yeux, en chemin vers sa salle.
« Montre-leur bien qui tu es. Un Smirnoff. »Roland grimaça et commença à pleurer. Une main le retint. Il se retourna, affolé. Claire Perry, la petite rousse.
- Excus… oh, pardon…
- C… ce n’est rien, pardonnez-moi, je… Tout va bien, c’est gentil de vous inquiéter !
Il avait dit ça en s’essuyant les yeux. Aucune crédibilité.
- Vous… euh… Je serais dans la salle en face de la vôtre, n’hésitez surtout pas si vous avez besoin…
- Ça ira, je suis au fait des procédures, je vous assure.
- D’accord… Monsieur Hadley apparaît plus compréhensif à mesure que le temps passe, je vous assure que ce n’est pas un mauvais bougre, il subit beaucoup de pression…
Roland agita la tête, pas certain, cependant il ne put s’empêcher de questionner la jeune femme.
- Vous appelez Malcolm « Monsieur Heine », c’est normal, ça ?
- Oui, ça s’appelle du mépris. Je ne l’apprécie pas du tout.
Roland ne put qu’acquiescer.
- C’est… le frère de ma meilleure amie, Rachel, je dois vous avouer qu’entre lui et moi c’est tendu…
- … parce que vous lui accaparez sa sœur ?
- Y’a un peu de ça, je pense… le fait que nos pères soient amis joue aussi, je crois qu’il… souffre de la reconnaissance dont je bénéficie à son détriment.
- Oh. Il faut y aller, on se revoit au déjeuner.
- Volontiers, oui, ce sera très plaisant de discuter avec vous… avec toi, Claire.
- A tout à l’heure, Roland. Oh, autant que je vous prévienne, les neuf membres de l’équipe pédagogique déjeunent ensemble.
- … obligatoirement, je présume…
Claire hocha la tête.
- … et cela inclut Malcolm et Hadley…
Claire hocha lourdement la tête. Roland leva les yeux au ciel.
- Papa avait raison, j’aurais dû tenter de postuler dans quelques facs…
- A tout à l’heure, Roland.
Claire s’éclipsa. Roland soupira.
« Bon, au moins il y a des gens sympathiques… »Roland accéda à sa salle et pria pour ne pas avoir une classe clichée de film qui foute un bordel monstre dès le départ, mais non, les élèves étaient bien assis, discutaient sans trop de bruit, mais n’étaient pas spécialement dissipés. Roland alla s’asseoir. Quand la porte coupe-feu se referma, tout le monde le remarqua et le calme se fit peu à peu.
« Merci à toi, Arceus… » songea le jeune professeur.
Roland prit le micro et fit signe aux élèves.
- Bonjour, je suis Roland Smirnoff. Je serais votre professeur d’apprentissage technique des attaques. Avant de commencer à la présentation de mon cours, et comme à chaque première année dans chaque établissement scolaire, nous allons procéder à la remise de votre Pokémon Académique. Je suis tenu de vous rappeler que la remise est totalement aléatoire. Tout ce que vous aurez entendu quant à une sélection préalable, au faciès, à la tête du client, est complètement faux. Ensuite, certains Pokémon sont exclus du fait de leur rareté, de leur trop grande force, de leur statut de légendaire et d’autres critères. Les détenteurs d’un Pokémon aquatique incapable de se tenir sur terre devront venir le déposer…
Roland appuya sur un bouton de son bureau pour ouvrir le bassin du terrain de l’amphithéâtre.
- … ici, afin de garantir la bonne santé du Pokémon. Vous recevez des Pokémon provenant d’élevages partenaires de la région, ils sont tous au niveau 1 et leurs performances sont, là encore, totalement aléatoire, personne n’est favorisé ou défavorisé. Je vais procéder à l’ouverture des coffres situés sur vos tables, avant cela, je vous rappelle que si votre Pokémon Académique vous déplait, vous avez la possibilité d’effectuer un recours pour en changer. C’est une procédure tout à fait normale, vous n’avez pas à en avoir honte, il est souvent préférable de se séparer d’un Pokémon qui nous déplait que de garder un Pokémon à contrecœur et de potentiellement le maltraiter. Le Pokémon que vous enverrez sera reversé à un orphelinat ou à un foyer socio-éducatif où il pourra être donné à un enfant qui n’entre pas dans le cursus classique, vous faites donc une bonne action. Après avoir eu votre Pokémon, vous viendrez signer les documents du registre, décharge d’acquisition et autres formalités administratives. Etant donné que vous êtes…
Roland regarda son ordinateur.
- … 122 dans la salle, je ne pense pas avoir besoin d’un surveillant, vous ferez la queue dans le calme et sous la supervision de mes Pokémon. Bien, prêts ?
Les élèves hochèrent la tête ou dirent clairement « Oui ! » avec impatience. Roland sourit.
« Au moins quelque chose qui se passe bien aujourd’hui… »***
Interclasse. Roland sembla satisfait de son cours et de sa remise de Pokémon académique.
« Quel sentiment génial, celui du travail bien fait ! »Il resta à son bureau un moment histoire de bien ranger les documents des élèves dans le caisson prévu à cet effet. Il avait enregistré tout son cours sur dictaphone numérique, une pratique que son père lui avait enseignée. Il réécouterait le tout ce soir afin de se tenir à jour.
« J’ai hâte de remplir toutes mes boîtes d’archives avec ma progression de cours !! »- Roland ?
Il sursauta et en lâcha presque la liasse de feuilles.
- … Claire ! Hey…
- Tout s’est bien passé ?
- Oui… Oui, oui à la perfection, c’est gentil de t’en soucier.
- Bon… Tu as qui ensuite ?
- Euuuuh j’ai des troisième années, il me semble.
- Les troisième années quatre, une bonne bande ! assura Claire.
- Hm. Là, ça va, les première année étaient plutôt calmes, je n’ai pas eu d’incident particulier… et je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit qui soit susceptible de me retomber dessus !
Claire hocha la tête.
- Tu n’as pas beaucoup confiance en toi, je me trompe ?
Roland se figea.
- Euh… je… viens à peine de commencer ! Et autant te dire que la réunion de ce matin m’a tout sauf mis en confiance, alors…
- C’est compréhensible mais tu vas t’intégrer rapidement !
- Hm, j’espère bien. En tout cas ce début était encourageant. Plus que la réunion.
- C’est sûr. Tu viens en salle des professeurs ?
- … c’est obligatoire ?!
Claire serra les dents.
***
Roland s’était assis très, très loin de Hadley cette fois-ci. Il préparait son cours suivant.
« Troisième année, chapitre premier… L’introduction aux techniques de combat aérien… je leur fais un exemple avec Robin, ça sera parfait… »- Tout s’est bien passé ?
Roland releva la tête vers Rachel. Il acquiesça. Elle hocha la tête et ne le dérangea pas plus, le sachant en intense préparation. Malcolm tapait ce qui s’apparentait à un tract syndical. Hadley mangeait un gâteau. Claire, Léopold et Megan étaient dans une conversation endiablée sur leurs élèves, nouveaux ou anciens. Roland sembla rassuré.
« Je préfère ce genre d’ambiance quand même… »On entra. Le doyen. Roland l’observa du coin de l’œil.
- Ne vous occupez pas de moi, je ne fais que passer… Hadley, j’ai besoin de l’almanach des années 2010-2020, vous l’avez, il me semblait que c’est vous qui l’avez utilisé le dernier ?
- Probablement que oui. Vérifiez dans la bibliothèque.
- Merci…
Justin se dirigea vers le fond de la pièce un Okéoké au bras. Le Pokémon souriait béatement à tout le monde et marmonnait des « Oké » à tout le monde. Cela fit sourire Roland. Justin regarda dans la bibliothèque de la salle des professeurs.
- Il n’y est pas à première vue… c’est embêtant…
Hadley leva les yeux au ciel, visiblement indisposé par la présence de Justin dans son secteur. Malcolm lui-même semblait tendu.
« Il n’est pas conventionnel, ça leur déplait… C’est bien ma veine d’être tombé sur des rétrogrades pareils… »Tournant la tête, Roland aperçut le livre dans une étagère derrière Rachel, près du sol.
- Excusez-moi, monsieur le doyen…
Justin se tourna vers Roland qui montrait du doigt.
- Dans l’étagère du bas derrière ma collègue, euh…
Roland grimaça.
« Mais pourquoi je lui montre, moi en fait ! »Le jeune homme se leva avec précipitation, sortant de la préparation de ses cours, pour prendre l’imposant fascicule.
- Voilà, c’est ça !
- En effet ! Merci jeune homme, grand sens de l’observation !
Roland sourit, voyant à quel point le doyen était ravi. Justin prit son livre et partit avec la même désinvolture qu’en arrivant. Roland se rassit. Malcolm siffla par les narines, visiblement content que l’autre soit parti. Hadley reprit la consommation de son gâteau.
- « Excusez-moi, monsieur le doyen » ! sourit Rachel.
- Quoi ? J’essaie d’être serviable !
- Moui… à d’autres…
Roland plissa les yeux.
- Tu es jalouse de lui mais pas de Claire qui est venue dans ma salle me parler après mon cours ?
- Claire est amicale et tu n’es absolument pas son genre. Le doyen, d’un autre côté…
- Rachel, enfin ! soupira Roland, plus amusé qu’autre chose.
- Ah moi j’ai rien insinué, j’ai juste vu ! sourit Rachel.
Roland regarda Rachel en souriant.
- Ça me plait que les choses soient déjà normales, comme du temps où on était à la fac.
- Hm. Qu’on se soit retrouvés en quelque sorte.
- Voilà. Ce soir… ?
Roland plissa les yeux.
- Hmmm j’aimerais bien rôder mon organisation de travail !
- Oui, je comprends.
- Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas de temps pour un dîner dans un des restaurants de ma rue !
- Ah non, pas ta rue, elle est pas bien ta rue ! On prendra un truc au pif, ça te fera du bien de visiter un peu la ville aussi.
- Hm, ok.
Roland jeta un coup d’œil vers Malcolm qui était près de l’imprimante. Roland sembla rassuré.
« Il a pas entendu, heureusement… » - Il va être l’heure, regagnons nos pénates… marmonna Hadley en rangeant ses couverts.
***
- Le combat aérien est une notion cruciale. On distingue plusieurs types de situation que je vais reconstituer avec mes propres Pokémon. Situation numéro 1 : Robin contre Bertha.
Le Crabagarre de Roland s’avança sur le terrain, face à Passerouge. Les élèves notaient ou faisaient des schémas ou prenaient en photo avec leurs téléphones reliés à leurs ordinateurs.
- J’ai un Pokémon terrestre face à un Pokémon aérien. Storm…
Morphéo s’avança aux côtés de Passerouge.
- Voilà pourquoi je dis « aérien » et pas « Pokémon Vol » ou « Pokémon avec Lévitation ». On considère « Aérien » tout Pokémon avec une capacité de déplacement en trois dimensions… oui ?
- On peut parler de manœuvre tridimensionnelle ?
Roland sourit, ayant compris la référence.
« Merci le cousin qui regarde des animés japonais… »- Si vous comptez affronter des titans, pourquoi pas, mais il me paraît peu probable que l’un de vous, ou même moi, se retrouve un jour face à un Regigigas !
Rires dans la salle. Roland lui-même était étonnamment détendu.
- Situation numéro 2, c’est l’inverse, j’ai un Pokémon aérien face à un Pokémon terrestre. Vous comprendrez la subtilité de la chose dans la suite du cours, vous pouvez déjà entrevoir quelles variables entrent en compte, mais on s’achemine vers de la stratégie et ce n’est pas vraiment mon territoire...
Roland agita les mains alors que ses Pokémon l’observaient tout comme les élèves.
- Situation numéro 3 : Storm face à Robin.
Crabagarre se retira, marchant en tanguant et en agitant les pinces pour rouler des mécaniques.
- Deux Pokémon aériens face à face. Maintenant que nous avons différencié les trois types de situation, on passe au petit deux : Variantes techniques de la situation 1.
***
Roland était au paradis. Quelques élèves bien sérieux étaient même venus lui poser des questions à la fin.
- Je fais le choix de vous donner le plan de cours dès le départ pour que vous ayez une ligne directrice, si ça ne vous convient pas, ne le notez pas…
- Non, c’est juste que le prof de l’an passé ne faisait pas ça…
- Faites comme vous voulez, je n’impose absolument rien, tant que vous arrivez à suivre. Ne changez pas votre organisation pour vous adapter à mes méthodes, si vous suivez avec votre méthodologie habituelle, restez-y !
- D’accord, merci monsieur !
- De rien. Jeune fille ?
- Vous avez une bibliographie pour le cours d’aujourd’hui ?
- J’en donnerai une à la fin du chapitre, mais vous pouvez vous tourner vers « Contes de la Volière »…
La jeune élève s’étonna.
- Je pensais à un livre de cours, monsieur…
- Et moi je vous oriente vers un recueil de nouvelles accessible avec de très belles descriptions de combats aériens dont je me suis servi pour élaborer ce cours. Vous devez apprendre de tout ce qui est à votre disposition. Même une bande dessinée est instructive.
- Ah d’accord. « Contes de la Volière » c’est ça ?
- Voilà. Et puis l’auteur est très inventif dans ses mises en situation, ça devrait vous éclairer un peu plus.
- Super, merci !
- Mais de rien.
Roland releva la tête vers Charlie qui applaudit faussement.
- Bravo, super prof, woooow !
- Tu es sorti de ta salle directement pour aller me voir ?!
- J’avais cours avec les sixième année deux, une classe que je suis depuis mon arrivée ici, c’est bon, ils peuvent se passer de moi…
- Je te vois mal faire cours en chaise longue !
- Hahaha ! Je venais m’excuser encore pour le malentendu de ce matin…
- Oh, je passe une excellente matinée à part ça, tout va bien, je suis dans mon élément !
- Cool. Le doyen a l’air de t’apprécier…
- Il est… intéressant, disons.
Charlie plissa les yeux. Roland leva les siens.
- Rachel m’a dit la même chose ! Claire me tournait autour ce matin, vous savez !
- Claire est juste une gentille fille, elle ne te draguait pas !
- … Rachel, je ne pensais pas que les transitons de genre se faisaient aussi vite, la médecine a fait de ces progrès !
Charlie éclata de rire.
- T’es bête !
- Et toi, trop commère. C’était ton ex, la commère, tu te souviens ?
- Hm… Il a retrouvé sa Claire, ça y est, il est tout content…
- Ils sont proches ?
- Un peu trop, il a failli l’inviter pour ton déménagement mais elle n’était pas dispo, et puis même, je lui ai dit que c’était vraiment nul comme façon de présenter quelqu’un…
- Ouais…
- Mais elle est cool la Claire, ce serait bien effectivement de l’inviter à une prochaine soirée !
- Hm, oui, j’approuve.
- Ouais. Je suis aussi venu pour t’emmener manger.
- On m’a dit pour la table à neuf.
- Ouais. On a prévu de t’éloigner de Hadley et Malcolm en formant un cordon de sécurité humain. Avec Matt et Léo on se coltinera les Lords et toi, tu seras avec Rachel et Claire en bout de table.
- Déjà discriminé parce que je suis dans la minorité mâle blanche ! geignit Roland exagérément.
- Allez, viens.
Roland sourit et suivit Charlie.
- Au fait, avec Matt, tout se passe bien ?
- Oh, oui, hier, en partant de chez toi, on a niqué dans ton local à poubelles !
Roland fit de gros yeux. Charlie sourit.
- Je savais que tu ferais cette tête !
- … mon local à poubeeelles !
- On a respecté le tri des déchets, on a fait ça près de la benne pour les plastiques et caoutchoucs !
- Mais je veux pas savoir ! geignit Roland.
- Smirnoff…
Charlie et Roland s’arrêtèrent devant Hadley qui les avait interceptés.
- … oui monsieur Hadley ?
- Appelez-moi Vincent, on n’est pas politiciens ni vous ni moi. Vous mangez avec moi et Malcolm Heine, j’ai quelque chose à discuter avec vous.
- Euh… oui… euh… quelque chose s’est mal passé ?!
- C’est ce qu’on doit vérifier.
Roland regarda Charlie qui haussa les épaules. Hadley tourna les talons.
- … c’est de l’acharnement, ma matinée a été super géniale !
- Si Malcolm t’a cassé du sucre sur le dos, je jure devant Arceus…
***
- A titre de délégué syndical, Malcolm m’a rapporté…
Charlie fit craquer ses poings sous la table. Matt mangeait le nez dans son assiette. Léopold, Rachel et Claire observaient la joute, inquiets. Megan était bien contente d’être loin de tout ça, mais elle observait quand même, l’air de rien.
- … que la plupart des première année que vous avez eu en cours ce matin, et qui ont eu Malcolm juste après, lui ont demandé si c’était, je cite : « Une bonne action de faire remplacer son Pokémon académique et si ils devaient tous le faire »
Roland mangeait plutôt sereinement, il ne voyait pas encore trop ce qu’on lui reprochait au juste et s’efforçait de rester neutre.
- Je me rappelle effectivement leur avoir dit que c’était une bonne action, mais uniquement pour leur laisser la pleine et entière liberté de choix.
- Tu les as poussés à l’abandon, j’ai dû calmer une bonne partie d’entre eux, on allait se retrouver avec un convoi massif vers le service d’intendance.
Roland regarda Malcolm, stupéfait par son argumentaire. Hadley agita la tête.
- Mouais, faut pas abuser non plus, Heine. Toujours est-il, monsieur Smirnoff, que vous avez apparemment un peu trop insisté sur la procédure en question. Normalement on est juste censé dire aux gamins que c’est possible.
- Je pense qu’il a voulu faire l’étalage de ses convictions politiques.
Roland inspira et se fit violence pour ne pas répondre à Malcolm.
- C’est là où je veux en venir. Vous avez une obligation de neutralité…
- Ah monsieur Hadley, je vous assure que je n’avais aucunement l’intention de…
- Je sais. C’est un détail à la con. Je vous préviens juste pour qu’à l’avenir vous fassiez attention. Là, c’était juste que vous vouliez les mettre en confiance, mais l’étalage de vos opinions, politiques, religieuses ou même sexuelles…
Roland fit une grimace atterrée.
- … n’a rien à faire dans un cours, surtout un cours donné à des premières années. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui monsieur.
- Voilà, c’est tout.
- Je me permets cependant d’ajouter, monsieur…
Malcolm haussa un sourcil. Rachel grimaça.
« Naaan, tu te tais… » Charlie s’apprêtait à bondir. Léopold grimaça. Claire secoua la tête.
- … qu’à l’avenir, venez me consulter directement et personnellement en cas de litige vis-à-vis de mes méthodes au lieu de vous en tenir à des propos rapportés, je me permets de vous rappeler qu’il vaut mieux écouter le premier intéressé d’abord avant de s’en tenir à une version tronquée et/ou subjective…
- … euh, oui, oui…
- Par ailleurs, je vous fais remarquer que pour toute vérification sur mes propos…
Roland sortit un de ses dictaphones.
- J’enregistre absolument tous mes cours et je les réécoute ensuite pour savoir où j’en suis. La prochaine fois que vous trouverez une de mes formulations maladroites, inappropriée ou potentiellement subversive, merci de vous adresser, là encore, DIRECTEMENT A MOI…
Malcolm grimaça.
- … afin que nous puissions réécouter l’enregistrement et débattre à loisir de la teneur de mes propos dans leur véracité même. J’aurais par ailleurs quelques questions à vous poser : Je donne mon plan de cours au début de chaque chapitre, pensez-vous que c’est une bonne idée ou au contraire que ça oblige les élèves, que ça les bride dans l’application de leur propre méthodologie ? Non, parce que j’ai eu un débat très intéressant avec un élève tout à l’heure qui me disait que mon prédécesseur ne le faisait pas.
Hadley plissa les yeux.
- … Smirnoff, je mange, c’est une pause déjeuner, dans « pause déjeuner », il y a « pause »…
- Ce qui ne vous empêche pas, visiblement, de me convoquer en grandes pompes pour me passer, l’air de rien, un petit savon comme ça, pour la forme, donc je suppose qu’on peut débattre de mes états d’âme organisationnels !
Hadley grimaça et regarda Charlie.
- Winchester, vous échangez de place avec lui ? J’aimerais déjeuner tranquille…
- Avec grand plaisir, Vincent… sourit Charlie en prenant son plateau pour revenir face à Matt.
- Ne vous vexez pas, Smirnoff…
- Si je veux, rétorqua le jeune homme.
Roland se leva, non sans lancer un regard bien noir de café à Malcolm. Il se rassit devant Léopold et Claire qui lui levèrent des pouces discrets. Rachel elle-même semblait fière. Roland inspira, épuisé nerveusement.
***
Il avait mangé assez vite, et du coup sortit de la cantine rapidement. Le hall était rempli d’élèves en pause. Il voulait prendre l’air.
« C’était délirant. Je me suis lâché… J’ai cru qu’il allait me hurler dessus, me virer au premier jour, mais au final je m’en suis sorti. Quand j’assume mes propos, quand j’y vais franco, ça passe. Je ne renie rien de ce que je lui ai dit, ce devait être dit, je n’ai aucun regret, je suis resté correct… »- SMIRNOFF !
Roland se figea et se tourna vers… Malcolm. Les élèves s’étaient écartés.
- … De quel droit… Tu m’as humilié devant le professeur principal !
- … Tu veux que je te refasse la liste des humiliations auxquelles j’ai eu droit de ta part rien que ce matin ?
Malcolm s’avança, furax.
- Monsieur a droit à sa petite place dorée, à son petit siège gardé, parce qu’il est le fils d’Etienne Smirnoff, pendant que les gens comme moi, qui n’ont pas de grand nom à mettre sur la table…
- Ton père est riche, Malcolm, ne me balance pas le numéro de la victime.
- Rien à voir ! Tu sais ce que ça fait d’être en permanence comparé à un petit merdeux à lunettes, à un petit intello de merde, quand toi tu te casses le cul mais que tout ce que tu sais faire c’est des maths et que tout le monde jusqu’à ton propre père s’en tape complètement, quand même ta propre SŒUR préfère la compagnie du merdeux à lunettes à la tienne…
- Malcolm, calme-toi…
- NAN ! Tu es un bleu, ok ? Un nouveau prof, ici. Moi je suis entré ici par mes propres moyens, j’ai pas eu de passe-droits, de potes qui m’ont introduit…
- Et où tu veux en venir ? grommela Roland, gavé.
- Je veux en venir que je suis ton aîné et que tu me dois le respect, que je suis le délégué syndical et que…
- Et qu’au lieu de me défendre tu fais de la délation de bas-étage, félicitations pour cette belle ascension sociale par tes propres moyens…
Malcolm gronda. Roland tourna les talons quand il entendit le déclencheur d’une Pokéball et les cris des élèves, impressionnés.
- T’es pas au courant du règlement intérieur, du coup ça va te surprendre, mais…
Roland se retourna face au Charkos de Malcolm.
- … les duels sont totalement autorisés dans l’enceinte de l’établissement entre les membres de l’équipe professorale, notamment dans le cadre de la résolution de conflits. Par chance pour toi, selon les règles en vigueur du duel à l’ancienne, l’offensé a l’initiative.
Roland inspira et regarda Malcolm.
- Je veux pas me battre avec toi !
« Rachel m’en voudrait d’être rentré dans son jeu… »- Pas le choix, j’ai déjà sorti un Pokémon, tu peux plus reculer.
Roland grimaça. Les élèves semblaient encourager la confrontation.
- Pschhh… Allez…
Roland sortit Passerouge. Les élèves déchantèrent. Malcolm plissa les yeux.
- Tu te fous de moi ?
- Je sais pas. Devine.
Malcolm plissa les yeux. C’était probablement du bluff…
- … Blast, attaque Coup de B…
- Robin, NITROCHARGE !
Passerouge cria et fonça sur Charkos. Le premier coup retentit comme un coup de poing. Les élèves s’écartèrent. Deuxième frappe. Troisième, quatrième. Charkos est frappé de parts en parts par une comète enflammée aussi précise que rapide. Malcolm a à peine le temps de réagir.
- On ne s’est jamais battus, toi et moi, il me semble… gronda Roland.
Malcolm eut un mouvement de recul.
- … mais tu vas apprendre à me connaître…
Roland leva une main. Passerouge s’éleva au-dessus de Charkos, fumant et sonné.
- … Robin attaque AILE D’ACIER !
Passerouge retomba sèchement sur Charkos et le frappa au milieu du dos. Le Pokémon s’effondra un genou à terre. Passerouge revint prestement sur le doigt de Roland qui fixait Malcolm avec animosité.
« … ce regard de démon !!! » songea Malcolm.
- On continue, ou tu as eu ton compte ?!
Malcolm grimaça, piqué au vif. Charkos se releva.
« Il est trop gros pour soutenir la rapidité et la puissance de Passerouge… pas le choix… »- Jutsu !!
Roland haussa un sourcil. Il vit soudain Croâporal jaillir du dos de Charkos.
« J’aurais dû m’en douter… »- Vibraqua !
Croâporal prépara l’attaque entre ses pattes. Roland plissa les yeux.
« Evidemment, fripouille à la vie, fripouille au combat… »- Lys !
Petit mouvement de foule interloqué. Croâporal allait attaquer Passerouge et donc pour ainsi dire Roland qui tenait l’oisillon sur son index. Lianaja jaillit de la foule, passant entre deux élèves. Le Pokémon vrombit comme un missile chargeant sur Croâporal. L’attaque perturba le batracien dans sa préparation et enfonça la créature dans le mur de la cantine. Les élèves semblaient impressionnés. Les deux Pokémon semblaient cependant avoir été touchés.
« Le Vibraqua était trop avancé, il a explosé sur Lys, j’ai été trop long à lancer mon attaque… » gronda Roland contre lui-même.
- C’était fourbe, ça.
- Dit celui qui lance un second Pokémon comme ça dans la bataille sans préavis.
- Je veux juste que tu reconnaisses ta défaite, peu importe les moyens. Bufo !
Malcolm s’écarta et laissa passer son Cradopaud. La créature avait son Direct Toxik bien avancé et fondait vers l’adversaire, prêt à cogner. Roland grommela. Passerouge s’envola, mais le jeune homme à lunettes envoya Crabagarre.
- Bertha, attaque Uppercut !
Malcolm plissa les yeux.
« Attaque neutre, il veut me prendre à revers ? »Roland inspira.
« Je dois me méfier de lui, sa pratique des mathématiques lui donne un avantage dans le séquentiel du combat... sa capacité d’évaluation est meilleure que la mienne… »Cradopaud et Crabagarre échangèrent des coups. Cradopaud frappait mais Crabagarre le contrait avec ses Uppercut. La série de poings échangés retenait tellement l’attention que personne ne remarqua l’intruse avant le dernier moment.
- Botte Sucrette !!
D’un pied habile, le Pokémon Fruit sépara Cradopaud de Crabagarre.
« Gambette !! » songea Roland.
« Gambette, mais alors… » songea Malcolm.
- Mégafouet !!!
L’attaque créa un fouet lumineux vert qui étreignit les deux Pokémon. Sucreine tenait les fouets dans chacune de ses mains. D’un mouvement habile mais puissant, elle projeta les deux adversaires à deux extrémités opposées du hall, sous les yeux ébahis des élèves.
Rachel regarda Roland et Malcolm avec le même regard enragé. Malcolm serra les dents. Roland déglutit. Hadley, Claire, Megan, Léopold, Matt et Charlie assistaient à la confrontation, quelque peu estomaqués.
Rachel toussota et regarda sa Sucreine.
- Gambette, attaque Punition.
Sucreine hocha la tête. Elle croisa brutalement les bras. Les deux fouets revinrent l’un vers l’autre. Cradopaud et Crabagarre se rentrèrent brutalement l’un dans l’autre. Les deux Pokémon s’écroulèrent chacun d’un côté de Sucreine. Le Pokémon retourna vers sa maîtresse en faisant bien claquer ses pattes sur le sol du hall.
Rachel regarda son frère et son amant.
- Toi.
Roland serra les dents.
- Je suis déçue, je te pensais au-dessus de ça.
Roland baissa la tête, dépité.
- Toi. Tu prends tout trop à cœur. Si tu n’aimes pas Roland, contente-toi de l’ignorer ! Et arrête de lui chercher des noises comme ça. C’est mon ami, ça me blesse aussi !
Malcolm baissa la tête, coupable. Roland inspira en rappelant ses Pokémon. Rachel s’en retourna vers la cantine.
- En plus vous nous avez interrompus au dessert !
Roland s’éclipsa, quelque peu vexé. Malcolm rappela ses Pokémon, quelque peu agacé d’avoir délivré une si pitoyable performance et d’avoir été sermonné par sa sœur.
***
Roland se retrouvait à fumer sur les marches menant aux jardins remplis de topiaires et de statues.
« Trop clinquante, cette région… »On vint s’asseoir à ses côtés.
- Moi aussi j’aime bien aller dans les jardins de temps en temps. C’est reposant.
Roland regarda le doyen Truce, cette fois accompagné d’un Prismillon à motif Pokéball.
- Je laisse les petits vagabonder, je prends l’air, je fais le vide.
Roland inspira.
- J’ai déconné.
- Les duels sont autorisés. Et vous êtes sacrément impressionnant.
Roland souffla.
- Je n’ai aucun mérite. J’ai été entraîné au combat par mon père. La meilleure des écoles. Et tout ce que j’arrive à faire avec cette force, c’est… rouler des mécaniques et décevoir les gens que j’aime.
Justin regarda Roland.
- C’est des mentholées ?
- Hm.
- Je peux ?
Roland haussa un sourcil.
- … je sais pas si c’est bon pour ma réputation de fumer avec le doyen dès mon premier jour !
- Tout ce qu’on vous a dit sur moi est absolument vrai. Même la partie où, pris de folie, je mets le feu à ces jardins !
Roland éclata de rire. Il prit une cigarette et la donna au doyen.
- Merci…
Justin mit ses doigts dans sa bouche et siffla. Un Draïeul franchit la foule, regarda son maître dans les escaliers. Le jeune doyen désigna la clope dans sa bouche, et le Draïeul l’alluma d’un Lance-Flammes qui s’arrêta pour ainsi dire à quelques centimètres de son visage.
Roland haussa les sourcils, impressionné.
- J’avais un briquet, vous savez !
- Si on vous a parlé de moi, on a dû vous dire que j’étais un peu foufou !
- Je l’ai remarqué. A l’interclasse, quand vous êtes venu chercher votre almanach, Hadley et Malcolm…
Roland agita une main devant son visage. Justin inspira.
- Que voulez-vous. Nous sommes tous les incompris de quelqu’un. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas travailler ensemble, trouver des terrains d’entente, créer des synergies encore plus intéressantes qui mèneront à des résultats aussi inattendus que profitables.
Roland hocha la tête, quelque peu absorbé par le talent oratoire du doyen.
- Vous êtes un bon élément. J’ai eu de bons échos de votre matinée. Vous pouvez « déconner ». Je vous demande juste de ne pas « dérailler ». Tant que vous déconnez dans les rails, c’est bon. Si vous déconnez hors des rails, là… ça va coincer.
Roland hocha la tête.
- Je dois trouver un équilibre.
- Et vous ne le ferez pas en un jour.
Roland sourit en acquiesçant.
- Merci.
- Merci à vous pour la clope. Si vous avez besoin, mon bureau est ouvert.
- J’y penserais, merci.
Justin se leva et descendit dans les jardins, sa cigarette à la bouche, Prismillon volant à ses côtés. Roland le regarda un moment, puis il enfonça sa tête entre ses genoux, décontenancé.
***
Retour en salle des professeurs. Impossible de regarder Malcolm en face et de même pour lui. Et le moindre regard vers Rachel est tranchant comme un couteau. Elle est en pleine discussion avec Claire et Megan.
« Si ça se trouve elle parle de moi… elle est en train de raconter cette petite histoire où je suis son meilleur ami et qu’avec son frère on se chamaille souvent et qu’elle a l’habitude… »- La quatrième année cinq a fait ça ?! s’étonna Rachel.
- Des monstres. La petite bande habituelle, Jérôme et les idiots qui le suivent… Le bazar pendant tout le cours et une tentative de « grève » puérile tout ça parce que leur emploi du temps est pourri… soupira Megan.
- Et comment tu veux sévir dans ces cas-là… soupira Claire.
- Hadley me dit d’en appeler au Directeur et donc à la surveillance générale mais j’ai peur que le Proviseur n’en profite… soupira Megan.
- Clairement. Passe par Malcolm.
Claire se crispa. Megan regarda Rachel qui inspira.
- Aussi lourdingue soit mon frère, il peut faire l’intermédiaire avec la surveillance générale sans passer par le proviseur adjoint. Si tu as besoin d’un surveillant pour tes cours avec eux, vas-y, Megan. On en a déjà discuté, il n’y a aucun mal à demander de l’aide.
- Je sais bien, je sais bien… Juste que ça m’embête d’envisager ça dès le premier jour.
- Oui ça peut se comprendre… admit Claire.
- Au pire attends un peu, peut-être qu’ils vont se calmer… Qui c’est qui les a ensuite ?
- Matt, je crois.
- Fais-lui en part, comme ça vous serez deux à étayer la demande.
- T’as raison.
Roland inspira. Léopold vint s’asseoir à côté de lui.
- Ça va mieux ?
- Hm-mmm, vous me demandez tous la même chose depuis ce matin, c’est un peu lourd à la longue…
Léopold grimaça. Roland se redressa et le regarda.
- Oh pardon, Léopold, je…
- Non, ça va…
- Désolé, je sais plus trop où j’en suis, je me suis emporté…
- Non, c’est moi, je… je me mêle de ce qui ne me regarde pas !
Léopold était tout gêné, Roland aussi. Ils rirent nerveusement.
- Sale début, hein ! souffla Léopold.
- Ouais, peut mieux faire, clairement.
- Ça ira mieux demain, et pis après-demain…
- Oui bah oui…
- Je te laisse, je comprends que tu veuilles rester seul… j’ai travaux dirigés tu m’excuses…
Roland grimaça alors que Léopold sortit de la salle des professeurs pour se diriger vers la sienne.
« Mais non, ça m’aurait fait plaisir de papoter avec toi… »Il soupira.
« Habituellement ils s’inquiètent pour moi, mais vu comme j’ai explosé ce midi, ils doivent me prendre pour un Electrode en surcharge… ce que je suis peut-être… ? »- Smirnoff, vous êtes où cet après-midi ?
Roland regarda Hadley qui lui posait la question, appuyé à sa chaise. Il regarda son emploi du temps.
- Deux heures de secondes et deux heures de sixièmes.
- Booon. Gaffe avec les sixième, ils préparent l’examen final.
- J’en ai conscience.
- Renseignez-vous sur les derniers cours de votre prédécesseur pour éviter les redondances.
- C’est déjà fait.
« Charlie m’a passé les programmes des années précédentes »- On gagne du temps…
Hadley s’en retourna à sa paperasse. Roland plissa les yeux.
« J’me fais fliquer maintenant ?! » Roland haussa un sourcil alors que la sonnerie retentit. Il se leva et sortit, tout comme les autres professeurs pour se diriger vers sa salle. Megan le suivait. Il la remarqua.
- Vous avez cours dans cette aile du bâtiment aussi ?
- J’ai les quatrième un pour un cours de travaux dirigés, oui.
- La chance, pour l’instant je n’assure que des cours magistraux… souffla Roland.
- Vous pouvez passer des concours pour gagner des qualifications plus poussées, vous savez.
- Oui, je sais…
- Alors pourquoi vous plaindre, si vous savez ?
Megan dépassa Roland. Il déglutit.
« … j’arrive pas à savoir si c’était un conseil ou une remontrance… Peut-être que je devrais juste arrêter de parler aux gens pour un moment, j’ai l’impression que tout le monde est électrique avec moi… »Il soupira.
« Il faut au moins que j’arrive à reparler à Rachel avant la fin de la journée… »***
Fin de la journée. Roland avait passé quatre heures de cours épuisantes mais géniales. Il était dans son élément, il le savait. Les secondes, ces rescapés de la première année qui voulaient jouer les habitués, avaient été un véritable plaisir à prendre en cours, et Roland s’était même permis quelques démonstrations avec ses propres Pokémon, malgré le risque qu’avec l’incident de ce midi, certains élèves ne se dissipent dans son cours, en faisant remarquer que leur prof était un excité du combat ou quelque chose comme ça.
Et les sixième, ah, les sixième… Tellement studieux, tellement actifs pendant son cours, Roland avait pris un plaisir incroyable à leur faire un cours pourtant très technique sur les enchaînements logiques, une partie de la matière très avancée, vu leur attitude sérieuse et leur soif de questionnements après le cours, il avait pris du retard sans se soucier du fait qu’il devait essayer de retrouver Rachel après tellement il était pris dans son boulot. Un vrai régal de profs.
« Comment Malcolm peut-il voir cette école comme un sac de problèmes… »Il ne trouva ni Malcolm ni Rachel en salle des profs, juste Léopold plaisantant avec Claire, Hadley attelé à un gros travail de paperasserie, Megan qui semblait pressée et qui envoyait des SMS avec habileté, Charlie qui rangeait ses affaires avec Matt qui lui racontait sa journée. Roland se contenta de prendre ce dont il aurait besoin ce soir pour retravailler ses cours et quitta la pièce, pas très enjoué à l’idée de rester là plus longtemps. Il fallait qu’il trouve Rachel et qu’ils aillent dîner, qu’il puisse s’expliquer…
Dans le hall, il les trouva en train de discuter dans la foule des élèves. Elle et son frère. Visiblement c’est lui qui avait tenu à s’expliquer le premier.
« Logique, ils habitent ensemble. Comment j’ai pu être aussi bête. C’est pas comme si c’était ma petite amie. Comme elle l’a dit ce matin, on est amants, juste amants. Enfin, je connais ses sentiments, elle connait les miens, mais… on n’est pas un couple. On ne vit pas ensemble. Personne ne sait pour nous. C’était une situation qui nous convenait jusque-là… mais je crois pas qu’elle me convienne encore maintenant… »
« Montre-leur bien qui tu es… »Roland en rit nerveusement.
« Ce midi tu étais le roi du monde, tu as laissé éclater le vrai toi dans toute sa fureur et voilà où ça t’a mené… Et maintenant elle s’éloigne de toi… et c’est comme s’il te manquait quelque chose de très important que tu ne peux pas revendiquer parce que… »Ils commencèrent à partir. Roland inspira, voulant faire un mouvement, un signe, un geste, un cri…
Et y renonçant.
« Ça va la mettre dans l’embarras, elle essaie peut-être de recoller les morceaux avant qu’on puisse se fréquenter plus aisément… Se fréquenter… j’aimerais bien employer ce terme pour qualifier notre relation. ‘Moi et Rachel, on se fréquente’… c’est peut-être un peu trop fort cela dit… »- Vous avez l’air soucieux.
Roland sursauta et se tourna vers le proviseur Burton. Ce bon gros bonhomme chauve de ce matin.
- Monsieur le proviseur… oui, c’était une première journée un peu chargée…
« Il va me parler de ce midi ?! »- Certes, certes. Moi, vous savez, tant que les élèves sortent en en sachant plus qu’à l’entrée, je suis satisfait.
- Oui bah oui. C’est un peu pour ça qu’on est là…
- C’est exclusivement pour ça que vous êtes là, monsieur Smirnoff. Enseigner.
Roland acquiesça. Il regarda le proviseur qui fixait quelque chose. Roland chercha ce qu’il fixait dans le hall mais tout ce qu’il voyait, c’était Vincent Hadley traînant sa carcasse entre les amas d’élèves.
« Autant que possible, je préfèrerais l’éviter vu notre altercation et… la manière dont il me parle tout court… »- Et dans votre équipe, tout se passe bien ?
- Oui… oui, c’est comme partout, il faut que je m’intègre…
- Bon. Eh bien bonne intégration, monsieur Smirnoff. N’oubliez pas, tout ce que je vous demande c’est d’enseigner.
- Je tâcherai de faire au mieux ! sourit Roland.
- Excellent !
Le proviseur partit. Roland allait s’en aller aussi, mais il perçut autre chose, quelque chose qu’il avait senti depuis le début de sa conversation avec le proviseur.
Le regard du doyen, sur lui. Justin Truce l’observait avec une espèce d’étrange fixation. Roland capta ce regard. Il ne détourna pas les yeux, voyant le proviseur se diriger vers l’homme. Le doyen fit un rapide pas de côté pour l’esquiver.
Roland ne comprit pas ce geste. Il se contenta de saluer Justin d’une main. Justin, impassible, le salua d’une main également. Roland partit, perturbé par cette étrange scène.
***
Le soir venu, Roland s’était attelé à ses travaux, dans l’attente d’un message de Rachel qui ne vint pas. Il avait mis ses écouteurs et regardait, sans le son, une compétition datant d’il y a une dizaine d’années. Il écoutait pleinement son cours de la journée.
« C’est vrai que j’ai peut-être un peu trop insisté sur le côté ‘bonne action’ de la procédure d’échange académique… »Le téléphone sonna.
« C’est elle ! »- Allô ?
« Allô, mon poussin, tout va bien ? »
Roland plissa les yeux.
« Maman… bien sûr, suis-je bête… »- Hey, maman... tout va bien, oui…
« On se demandait tous comment ta première journée s’était passée… »
Roland agita la tête.
« Oui j’imagine bien que vous êtes tous à table sans moi… »- Oh, bah ça a été… il faut que je trouve mes marques évidemment, mais c’est en excellente voie.
« Ah, très bien alors ! Je te passe ton père, il est impatient d’entendre les détails croustillants ! »
- Ok. Bisous, maman…
« Je t’embrasse mon poussin ! »
« Allô, fiston ? »
- Hey, papa…
« Je me suis battu, papa. On m’a parlé comme à un Magicarpe, on m’a humilié, on m’a demandé de me justifier sur des nèfles, je… »« Alors fiston, cette première journée ? »
- … au top, papa, j’ai pas mal assuré avec les élèves, c’était très gratifiant.
« Pas trop d’accrochages dans ta nouvelle équipe ? »
- Oh c’est ce que je disais à maman, faut le temps de prendre ses marques… Mais l’administration est plutôt sympa !
« Haha ! J’étais pareil lors de mes jeunes années, je passais mes interclasses dans le couloir de l’administration. Faut dire que Kenny y bossait, j’avais pas le choix… »
- Oui bah oui…
Roland s’essuya les yeux en priant pour que ses parents n’entendent pas ses larmes. Il continua à faire la conversation à son père un moment, content d’entendre cette voix rassurante mais également un peu déçu de ne pas pouvoir être plus enthousiaste. Et Rachel qui ne faisait même pas double appel pour perturber ce moment aussi réconfortant que délicat pour lui…
Générique de fin :
Pink – I’m not Dead« And I was never looking for approval from anyone but you
And though this journey is over I'll go back if you ask me to
I'm not dead, just floating
Right between the ink of your tattoo
In the belly of the beast we turned into
I'm not scared, just changing
Right beyond the cigarette and the devilish smile,
You're my crack of sunlight… »